L’Arche de Noé a gravement fait naufrage caritativement
Résumé des faits : : 16 personnes ont été interpellées jeudi 25 octobre à l'aérodrome d'Abéché, principale ville de l'est tchadien, alors que l'ONG française l'Arche de Zoé s'apprêtait à faire embarquer dans un avion à destination de la France 103 enfants de cette région. 9 Français, dont 6 membres de l'association et 3 journalistes, et 7 espagnols de l'avion affrété pour l'opération sont depuis en garde à vue au commissariat central d'Abéché. Les autorités tchadiennes ont accusé verbalement les responsables de l'opération d'"enlèvement" et "trafic" d'enfants, et le président Deby a menacé de les sanctionner "sévèrement. Les seize personnes arrêtées, jeudi dernier, dans le cadre de l’enlèvement de 103 enfants tchadiens attendent l’annonce de leur chef d’inculpation. Jugés selon le code pénal tchadien, ils risquent une peine de travaux forcés pour cette affaire qui met les autorités françaises dans l’embarras.
Pour la chronologie des faits et leur déroulement du Jeudi 25 au Vendredi 26 octobre voir mon précédent article intitulé : ZOE(1ère partie)
Les articles intermédiaires concenrant cette affaire sont des flash info qui traite très rapidement des informations les plus importantes.
Samedi 27 Octobre : Monsieur Touka Ramadan, gouverneur de la région de Ouaddaï fait savoir que la garde à vue des neuf Français et sept Espagnols, arrêtés jeudi dans l'est du Tchad, été prolongée de 48 heures.
Dimanche 28 octobre : Nicolas Sarkozy condamne une opération "illégale" et "inacceptable".
Dimanche 28 octobre : Reporters sans frontières (RSF) demande la libération des deux journalistes français "venus couvrir les activités de l'association L'Arche de Zoé". Parmi les 9 Français en garde à vue, figurent trois journalistes, le reporter Marc Garmirian de l'agence Capa, le photographe Jean-Daniel Guillou de l'agence Synchro X, tous deux envoyés sur place par leurs rédactions, et Marie-Agnès Peleran, journaliste reporter d'images (JRI) à France 3 Méditerranée.
Dimanche 28 Octobre : Paul Nahon , directeur de l'information la chaîne publique de télévision France 3, a dit "pouvoir confirmer" que cette dernière n'était pas là-bas en reportage mais s'est refusé à tout autre commentaire .
Dimanche 28 Octobre : Déclaration de l’Ambassadeur de France : "C'est une opération complètement illégale", « scandaleuse » a affirmé l'ambassadeur de France au Tchad, Bruno Foucher, au sujet du projet "Children Rescue" monté par l'association française Arche de Zoé pour "évacuer" les enfants. …"Les membres de Children Rescue qui ont participé à l'ensemble de cette manipulation illégale répondront de leurs actes au Tchad", a-t-il ajouté lors d'une visite à Abéché, principale ville de l'est du pays, avant de se rendre à Biltine, plus au nord, pour rencontrer le président tchadien Idriss Deby Itno.
Dimanche 28 Octobre : Le ministre tchadien de l'Intérieur, Ahmat Mahamat Bachir déclare que la garde à vue s’achèverait Lundi 30 octobre et a ajouté « "je crois qu'ils seront probablement transférés à la maison d'arrêt".
Note : Les autorités tchadiennes ont verbalement accusé les responsables de cette opération d'enlèvement et trafic d'enfants, sans toutefois les inculper formellement jusqu'ici
Dimanche 28 Octobre :
Rappel : depuis le début de l'affaire, jeudi 25 Octobre, la plupart des organisations humanitaires internationales présentes dans l'est du Tchad pour assister quelque 236.000 réfugiés du Darfour et 173.000 déplacés tchadiens ont pris leurs distances avec l'opération très controversée de l'Arche de Zoé.
L'Unicef a assuré que les enfants étaient en "excellente santé", que la plupart étaient originaires du Tchad et que rien ne prouvait qu'ils fussent orphelins.
Lundi 29 octobre : Le procureur d'Abéché annonce avoir requis l'inculpation de seize Européens et deux Tchadiens pour "enlèvement de mineurs", "escroquerie" ou "complicité" dans l'enquête sur la tentative de transport d'enfants vers la France.
"On a qualifié les actes concernant les 16 Européens et les deux Tchadiens", a déclaré le procureur Ahmat Daoud …."Pour les neuf Français (des membres de l'association française Arche de Zoé et trois journalistes), il s'agit d'enlèvement de mineurs tendant à compromettre leur état civil, et d'escroquerie"……… « Les sept Espagnols de l'équipage de l'avion qui devait transporter jeudi 103 enfants du Tchad vers la France, ainsi que deux Tchadiens, sont soupçonnés de "complicité" de ces mêmes actes, a-t-il poursuivi.
"Je vais saisir immédiatement le juge d'instruction qui devrait les inculper ce soir", avant minuit a conclu le procureur.
Note : Selon le Parquet d'Abéché, les deux Tchadiens, dont l'implication dans cette affaire n'avait pas été révélée jusqu'ici, sont "une autorité administrative" et "un notable". Le procureur n'a pas précisé leur identité, et on ne savait pas lundi soir si ces deux personnes étaient en garde à vue.
Selon une source judiciaire tchadienne, le Conseil supérieur de la magistrature a décidé lundi matin de les transférer à N'Djamena pour la suite de la procédure.
Lundi 29 octobre : on apprend ensuite que ces deux Tchadiens sont inculpés d'"enlèvement de mineurs", d'"escroquerie" et/ou de "complicité »
Note : Le pilote belge qui a acheminé une partie des enfants depuis la frontière tchado-soudanaise vers Abéché est en garde à vue depuis dimanche à N'Djamena, mais aucune décision n'a encore été annoncée à son sujet.
Lundi 29 octobre : La France déclare vivement se désolidariser de l’opération « Arche de Zoé » assurant que ses responsables "répondront de leurs actes au Tchad".
Lundi 29 octobre : Les avocats de l'Arche de Zoé dénoncent "la dimension politique" de l'affaire, niant qu'il y ait eu enlèvement.
Mardi 30 Octobre : Réagissant pour la première fois sur ce dossier, le chef de la diplomatie Bernard Kouchner s'est désolidarisé de cette opération, estimant fermement qu'elle ne représentait pas sa vision de l'action humanitaire.
Mardi 30 octobre : Un conseiller spécial du Quai d'Orsay, Monsieur Eric Chevalier déclare sur RTL que les 103 enfants que l'ONG L'Arche de Zoé cherchait à faire venir en France sont en majorité "tchadiens avec des parents tchadiens", et non des orphelins originaires du Darfour. "Vous verrez très rapidement arriver des chiffres, dont je ne peux pas donner la teneur parce qu'ils ne sont pas confirmés définitivement. Et vous verrez que ce sera confirmé par les organisations internationales". Madame Pascale Andréani, porte parole du Ministère des affaires étrangères, a confirmé en partie cette information "selon de premières informations, il y aurait beaucoup d'enfants tchadiens et beaucoup ne seraient pas orphelins".
Requalification des charges ?
(Rappel : Un juge tchadien a affirmé que l'ensemble des accusés avaient été inculpés d'"enlèvement de mineurs", d'"escroquerie" ou de "complicité")
Cette information confirmée par le ministère des affaires étrangères français, qui indique toutefois que ces accusations pourraient être revues.
Selon la porte-parole du Quai d'Orsay, Pascale Andréani, a en effet précisé que « Le président de la cour d'appel d'Abéché a demandé le dessaisissement au profit de la cour de N'Djamena. » Si le dessaisissement est prononcé, un nouveau juge d'instruction sera désigné. « Il pourrait, s'il le souhaite, requalifier juridiquement les incriminations", a-t-elle dit.
Le Quai d’Orsay a déclaré, s'agissant des deux journalistes français, qui étaient au Tchad en mission professionnelle, "nous sommes intervenus auprès des autorités tchadiennes pour souligner leur qualité » …. « Le message a été passé au président Déby, qui nous a fait savoir qu'il avait bien reçu le message".
Une porte parole de l’Unicef déclare que depuis que les autorités tchadiennes ont remis la main sur les enfants, jeudi, ces derniers ont été interrogés "un à un" par des membres du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui cherchaient à savoir "s'ils sont ou non orphelins et d'où ils viennent" …. "Une fois les entretiens terminés et les informations vérifiées, c'est le gouvernement tchadien qui rendra publiques les informations recueillies"
Note : Les membres de l'association, qui ne sont plus à une affirmation près, affirment avoir voulu "sauver" des "orphelins", et assurent que des chefs de tribu avaient garanti que ces enfants venaient bien du Darfour.
Ndlr : les garantis des chefs de tribu ? Quels chefs ? Quelle tribu ? Ces « chefs de tribu » et leurs garanties font-elles autorité ? Sont-elles crédibles et suffisantes ? Sont-elles verbales ou écrites ? : Autant de questions qui restent à éclaircir.
Dimanche 28 Octobre :Bruno Foucher, l’ambassadeur de la France au Tchad, s’est rendu au centre d’Abéché où ont été accueillis les enfants. Interrogé par la presse tchadienne et internationale, il a repris les propos du président français Nicolas Sarkozy qui, condamnant l’opération de l’Arche de Zoé, l’a jugée « illégale et inacceptable ».
Déclaration de l’Ambassadeur de France : "C'est une opération complètement illégale", « scandaleuse » a affirmé l'ambassadeur de France au Tchad, Bruno Foucher, au sujet du projet "Children Rescue" monté par l'association française Arche de Zoé pour "évacuer" les enfants. …"Les membres de Children Rescue qui ont participé à l'ensemble de cette manipulation illégale répondront de leurs actes au Tchad", a-t-il ajouté lors d'une visite à Abéché, principale ville de l'est du pays, avant de se rendre à Biltine, plus au nord, pour rencontrer le président tchadien Idriss Deby Itno.
Les déclarations des différents intervenants français n’ont pas réussi à calmer la colère des assistantes sociale tchadiennes présentes lors de la visite de Bruno Foucher. « Le gouvernement français le savait, les militaires le savaient, ils sont tous complices », s’est exclamée l’une d’elles.
Le Dimanche 28 Octobre : le président tchadien Idriss Deby a déclaré à la presse que l’opération d’évacuation des enfants était « un enlèvement pur et simple » et a évoqué l’idée d’ « un trafic d’organes ou de pédophilie ». Il a convoqué dimanche toutes les représentations diplomatiques, pour qu’elles puissent constater la gravité de la situation.
Mardi 30 Octobre : Le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner a eu "un entretien téléphonique" avec le président Deby, "auquel il a exprimé sa solidarité avec les enfants". Il a attiré l'attention du président Deby sur la situation des personnes détenues et a exprimé sa disponibilité et celle de Mme Yade à se rendre au Tchad.
Mercredi 31 octobre et 1er Novembre – Le Président Nicolas Sarkozy et le Président Idriss Deby se concertent par téléphone
Lors d'un entretien téléphonique le mercredi soir 31 octobre, M. Sarkozy avait demandé au président tchadien "la libération dans les meilleurs délais" des trois journalistes français détenus dans cette affaire.
Note : Les journalistes arrêtés sont Marc Garmirian de l'agence Capa et Jean-Daniel Guillou, photographe de l'agence Synchro X et Marie-Agnès Peleran, de la télévision France 3 Méditerranée qui était en "congé humanitaire de solidarité" au moment de son arrestation.
Le président tchadien Idriss Deby a souhaité jeudi 1er novembre à Abéché que "les journalistes" et "les hôtesses" de l'avion espagnol incarcérés dans l'affaire de l'Arche de Zoé "soient libérés", tout en affirmant que "la justice tchadienne" devait faire "très rapidement la lumière". ……."Il est bien vrai que nous devrions faire la différence entre les journalistes qui font leur travail d'information et de communication avec les responsables de cette ONG Children Rescue (ndlr: l'Arche de Zoé au Tchad opérait sous cette appellation)", a souligné le président tchadien.
Le président français Nicolas Sarkozy a eu jeudi soir 1er Novembre un entretien téléphonique avec son homologue tchadien au lendemain d'un autre échange entre les deux dirigeants sur l'affaire de l'Arche de Zoé.
Selon le porte-parole de l'Elysée David Martinon, «le président de la République a appelé le président tchadien Idriss Deby Itno" peu avant 21H00 "et a eu avec lui un entretien qui s'est déroulé dans une atmosphère extrêmement positive.
D’après l’Elysée, "Le président Deby lui a indiqué qu'il ferait tout son possible pour les libérer"(les journalistes)
Par la suite, "Je souhaite (...) que la justice tchadienne fasse très rapidement la lumière et que les journalistes, y compris les hôtesses (4 de l'avion espagnol) soient libérés" a déclaré le président Deby. Le Pdg de l'agence Capa Hervé Chabalier a aussitôt qualifié ces propos d'"éclaircie majeure.
Note : Le président Deby était venu jeudi 25 s'entretenir avec les responsables de la sécurité et de la justice à Abéché. L'opération avait été stoppée le 25 octobre sur l'aérodrome de la ville par les autorités tchadiennes.
Le président Deby a également dégagé la responsabilité de la France dans cette tentative avortée en expliquant que "la France officielle n'y est pour rien (dans cette affaire). Et ça n'a aucune incidence sur les relations entre le Tchad et la France."
Mercredi 31 octobre : une manifestation spontanée de femmes s'est réunie devant les bureaux du gouverneur de la ville d'Abéché, où ont été arrêtés les Européens impliqués dans l'opération. Les manifestantes affirmaient protester contre "l'esclavagisme", laissant imaginer, tout en jetant des pierres aux journalistes étrangers présents, que leur colère s'appliquait aussi bien aux responsables de l'organisation humanitaire qu'à une cible plus large, englobant sans le dire les Français et leur action officielle.
Jeudi 1er novembre : Les organisations humanitaires ont, pour leur part, annoncé jeudi 1er novembre dans un communiqué que la quasi-totalité des 103 enfants disent avoir au moins un adulte "qu'ils considèrent comme un parent" et venir de villages tchadiens frontaliers du Soudan. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l'Unicef à Abéché (est du Tchad) ont affirmé que : "Les entretiens menés pendant plusieurs jours avec ces 21 filles et 82 garçons âgés de 1 à 10 ans, suggéreraient que 85 d'entre eux proviennent de villages de la région frontalière entre le Tchad et le Soudan, situés dans les zones de Adré et Tiné (localités frontalières)". …."Au cours des conversations que les travailleurs humanitaires ont eu avec eux, 91 des enfants se sont référés à un environnement familial constitué d'au moins une personne adulte qu'ils considèrent comme un parent", ajoutent les organisations dans le communiqué.
La porte-parole du HCR à Abéché Madame Annette Rehrl a précisé qu'il s'agissait de villages situés "côté Tchadien "ce qui ne signifie pas pour autant qu'ils sont forcément de nationalité tchadienne".
Bruno Foucher, l’ambassadeur de la France au Tchad, s’est rendu au centre d’Abéché où ont été accueillis les enfants. Interrogé par la presse tchadienne et internationale, il a repris les Du Du côté de l’Arche de Zoé, la défense s’organise. Me Gilbert Collard, avocat des membres de l’ONG a souligné lundi, lors d’une conférence de presse à Marseille, la « dimension politique de l’affaire ». Selon lui, le président tchadien « n’est pas favorable » à la force militaire Eufor Tchad-RCA, que doit déployer l’UE dans l’est du Tchad et dans le nord de la Centrafrique, afin de stabiliser des zones affectées par le conflit du Darfour. Cette affaire lui permettrait d’ « intervenir devant les autorités françaises pour avoir une monnaie d’échange ».
Ndlr : cette extrapolation "politique" est tout à fait « gratuite » et se trouve implicitement démentie par la déclaration du Président Tchadien qui a dégagé la responsabilité de la France dans cette tentative avortée en expliquant que "la France officielle n'y est pour rien (dans cette affaire). et a confirmé :"Et ça n'a aucune incidence sur les relations entre le Tchad et la France."
Autres déclarations : Rachel Sanchez la porte-parole du Collectif des familles pour les orphelins du Darfour, présente à la conférence de presse, a réfuté l’hypothèse de l’adoption. « En aucun cas, il n’y avait de garanties d’avoir un enfant si nous nous proposions comme famille d’accueil ». «Tout ce que nous voulions, c’était donner une chance à un enfant de vivre. Les accusations de pédophilie ou de trafic ne nous atteignent pas », a ajouté Christine Pelligat dont le mari fait partie des personnes interpellées.
Ndlr : nous ne doutons pas de la bonne foi de la porte parole du Collectif des familles, mais tout de même, sortir un enfant d’un territoire étranger ne peut se faire qu’avec l’accord officiel des autorités et en accomplissant des formalités très complètes, et les familles soit pensaient que tout se faisait légalement,(auquel cas elles auraient été trompées elles aussi par les responsables de l’Arche de Noé) soit supposaient qu’il suffisait de « se servir » par l’intermédiaire de l’Arche de Noé et d’embarquer des enfants dans un avion pour les recevoir et les accueillir sans autres conditions légales ce qui n’est pas crédible .
(à suivre)
1 commentaire:
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