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31 août 2007

LETTRE OUVERTE


LETTRE OUVERTE A TOUS NOS ENFANTS PIEDS NOIRS

AUTEUR : Lucienne Magalie PONS (année 2005) cette lettre ouverte est publiée sur internet dans deux sites amis



En juin 1962, quelques jours avant ou quelques jours après l’indépendance de l’Algérie ancien département français, vos parents et grands parents on dût se résigner à quitter cette terre et rejoindre la métropole, pour rester français et aussi pour échapper bien légitimement à de grands dangers.

Souvenez- vous de l’expression tragique d’alors « la valise ou le cercueil ».

Pour vous sauver de ce triste sort, chers enfants et petits-enfants, nous avons choisi la valise (nous n’avions droit qu’à deux valises par personne et partions en laissant tous nos biens sur place), et par avion ou par navire nous avons rejoint cette encore grande inconnue que nous portions dans nos cœurs « LA FRANCE ». Inconnue territorialement s’entend, à part pour certains qui y étaient venus pour la libérer au cours de la deuxième guerre mondiale, où vos pères et vos grands pères ont connu l’honneur de ne pas avoir déposé leurs armes en 1940 et de les avoir portées « haut et fier » jusqu’à la victoire de 1945, et pour d’autres qui avaient le plaisir d’y venir en vacances ou en voyage d’affaires. Cette France nous la connaissions à travers les récits de nos parents et grands parents et par nos études scolaires et universitaires et nous la portions dans notre cœur comme un symbole de Liberté, Egalité, Fraternité, malgré les avatars du temps.

Vous êtes arrivés enfants en France, et d’autres enfants et petits enfants sont nés depuis ici dans nos familles et parfois vous vous interrogez sur cette expression « Pieds Noirs » que les médias d’alors avaient mis à la mode péjorativement, pour nous distinguer à notre désavantage des Français de Métropole, et que l’on utilise encore de nos jours pour nous désigner, expression que nous avons aussi nous même endossée avec une certaine dérision pour la relever et que nous utilisons parfois entre nous. Vos parents et grands parents surtout ont dû garder une petite pointe de cet accent qui est le nôtre et quelques expressions qui nous caractérisent. Mais face à votre questionnement, une sorte de pudeur nous empêchent, pour ne pas vous charger de ce passé douloureux, de vous enseigner qui nous sommes vraiment. D’abord des Français, et des Français de toutes origines Européennes, tous liés par les liens de mariage de vos grands parents et parents. Nos ancêtres lors de la conquête de l’Algérie avaient quitté la France, l’Italie, l’Espagne, les Baléares, et bien d’autres pays d’Europe, pour s’établir depuis 1830 dans ce pays conquis par la France selon la volonté du Roi de France Charles X et de son Gouvernement, contre la piraterie barbaresque et la Régence Turque d’Alger qui s’étendait sur tout ce territoire. Dans ce pays, d’immenses terres en friches et en marais s’offraient à nos travaux et à nos recherches.

L’Algérie pourquoi encore la France l’a-t-elle conquise, pourquoi s’est-elle peuplée de nos ancêtres européens ? C’était l’époque ou la France ne se laissait pas intimider par des insultes et des chantages mensongers et savait relever et venger son honneur et c’était aussi l’époque ou tous les pays d’Europe étaient persuadés de devoir porter le flambeau de nos civilisations et valeurs occidentales dans des pays que l’on pourrait considérer de nos jours comme des pays hyper-sous-développés.

Et puis au fil du temps, nous nous sommes mariés entre Français-Italiens-Espagnols… et tous autres européens et c’est pourquoi ont nous appelaient bien souvent les « Européens d’Algérie ». Et c’est pour cela que nous avons dans une même famille des blonds aux yeux bleus, verts ou noirs, et des bruns aux yeux noirs, bleus ou verts !

Sur nos tables familiales se présentent tous les plats d’Europe, nous sommes gourmets : paella, risotto, pâte en sauce tomate, escargots, civets, tomate-poivron-aubergine-courgette farcies ou finement cuisinés, artichauts à la barigoule, viandes rôties ou en sauces délicates, petits pâtés de viande ou à la soubressade mahonnaise, frotmajade, beignets sucrés ou salés, cocas, pizzas à la tomate et poivrons, frita … je ne vais pas tout citer… mais je n’oublierai pas notre gourmandise pour les fruits de mer, les huîtres, les moules, les oursins, et les poissons,(nos hommes étaient aussi bien des gens de la mer que de la terre), sans oublier les gibiers. Quant aux délicieuses pâtisseries, la mouna, ah ! la mouna de Pâques au délicieux parfum d’oranger ! (au sujet de la mouna il faut savoir que cette brioche a été introduite d’abord à Oran par les Espagnols du début de la conquête, ils avaient pour habitude de se retrouver en famille et entre amis le jour de Pâques après la messe, sur une petite colline du nom de « La Mouna » tous ensemble pour un grand pique-nique, ils emportaient pour cette réjouissance pastorale différents mets qui leur rappelaient leur pays et pour le dessert entre autres, une brioche fine et légère en forme de dôme au parfum de fleur d’oranger, dorée et recouverte de minuscules morceaux de sucre blanc concassé, ; peu à peu cette brioche a pris le nom du lieu de rassemblement pascal « La Mouna » et par la suite comme les Oranais, tous les Algérois et les Constantinois ont donné à ce gâteaux le nom de « Mouna » et l’ont mis à l’honneur et au dessert pour les Fêtes de Pâques). Que dire aussi des mentécaos petits gâteaux craquelés genre meringue à la cannelle, des oreillettes ou « merveilles », du manga-blank : lait sucré épaissi avec un soupçon d’amidon que l’on laisse refroidir après l’avoir saupoudré de cannelle, des beignets sucrés au sucre à la vanille ou à la fleur d’oranger, etc.… biens d’autres encore, tous des délices qui rappelaient à chacun son pays d’origine et que tous les européens appréciaient, les mamans échangeant les recettes de l’une à l’autre. Nous aimons aussi les fruits, pastèque, melon, raisin, abricot, prune, orange, mandarine, figues, dattes, et même les redoutable figues de barbarie hérissée de poils fins et piquants, etc … fruits rafraîchis ou bien en confiture, sans oublier les fruits secs de toutes sortes, noix, noisettes, amandes, figues sèches …

Nous sommes comme on dit « de bons vivants » et nous avons « une bonne fourchette ». Ah ! J’allais oublier le fameux couscous ou le méchoui … oui ce sont aussi des plats que nous apprécions là-bas parfois à l’occasion, une ou deux fois par an, pour nous réunir et que nous avons mis au goût du jour ici en France et les « Français de France » s’y sont mis aussi.

Nous sommes de fin mangeurs et à l’occasion des repas de fêtes nous aimons offrir et prendre l’anisette et les apéritifs sans oublier la kemia, et à la fin de ces repas, après le dessert, le café et les liqueurs. Pour les jours ordinaire, nous sommes très sobres, mais toujours avec un repas bien cuisinés.

La cuisine comme la littérature et les arts fait partie de la culture, nous aimons nous réunir et recevoir nos familles, nos amis, et c’est autour d’une bonne table que les liens se renouent ou que l’on fait mieux connaissance avec nos amis « français de France » et finalement on s’aperçoit que patos(surnom que nous donnions en Algérie aux métropolitains de passage) ou pied noir c’est du pareil au même pour ce qui est de l’appréciation des mets et des bons vins. Pour l’appréciation politique c’est un peu autre chose … mais enfin en gens bien éduqués nous sommes tolérants et nous évitons les sujets à rebrousse poils, quoique nous avons le souci d’informer et de remettre poliment les pendules à l’heure quand il le faut, sans aller jusqu’au « coup du bélier » !, même si parfois l’envie nous en prend.

Enfants et petits enfants de pieds noirs vous appartenez à une race de travailleurs, vos ancêtres ont défriché de leur main (et non en exploitant les populations originaires de l’Algérie, comme des politiciens de bas étages affairistes, véreux et pas nets du collier voudraient vous le faire croire) en Algérie des terres incultes et des marais infestés où régnaient sur des eaux stagnantes et une végétation pourrie la malaria(le paludisme) et bien d’autres maladies mortelles à l’époque et dont des milliers de pionniers sont morts quelques temps après leur arrivée. Puis peu à peu ces travailleurs ont plantés des cultures et des arbres, construit des maisons, des villages, des villes, des routes, des écoles, établit des commerces et des lieux de distractions … salle de fêtes, Opéras, Théâtres … Il y avaient aussi des hommes de lois, des médecins, des pharmaciens et des travailleurs artisans ou salariés, maçons, mécaniciens, tailleurs et spécialistes de tous autres métiers qui ne ménageaient pas leur temps et leur savoir pour édifier tous ensemble l’œuvre commune : construire un pays de liberté pour tous les habitants du pays , quelle que soit leur origine, sous l’égide de la Mère Patrie : la France, tout en gagnant leur vie quotidienne dignement.

Certains villages de basse Kabylie, construits par les Alsaciens et Lorrains arrivés en Algérie en 1870 pour rester Français, ressemblaient comme deux gouttes d’eau à certains villages anciens que vous pouvez visiter en Alsace et en Lorraine. D’autres villages ou hameaux construits par les Minorquins et les Mahonnais des Iles Baléares et les Espagnols présents dès le début de la conquête, rappelaient les maisons que l’on peut voir en Espagne dans les villages anciens. Quand aux arbres que vos ancêtres avaient plantés et acclimatés ils venaient aussi de France et des pays d’Europe et peu à peu cette terre hostile, caressée par leurs mains travailleuses, était devenue notre Belle France d’Algérie.

Les habitants originaires du pays ont acceptés, pour certains d’entre eux, de travailler avec nous, d’autre pas. Nos mœurs étaient trop modernes pour ces derniers qui craignaient que leurs femmes ne s’émancipent et il y avait aussi une différence de religion, et c’est pourquoi, tout en vivant en bonne entente socialement, nous menions une vie privée parallèle, nous dans nos coutumes et traditions européennes et eux dans les leurs, ce qui rendaient tout mariage impossible entre les deux communautés ; il y a eu très peu, presque pas de mariage mixtes français-musulmans, sauf dans des cas très rares et encore entre très grandes familles évoluées de part et d’autre et tolérante. Mais, pour les affaires grandes et petites nous étions habitués à travailler ensemble en bonne entente et efficacité progressivement depuis la conquête et jusqu’au moment ou une partie de la population d’origine ne revendique par des crimes l’indépendance en 1954 et commence à commettre des attentats et des assassinats odieux contre les Européens civils et leurs enfants, en les égorgeant à l’arme blanche, incendiant ensuite leur ferme et leur maison et en les abattant par coups de feu dans les villes et les villages. Nous avons du nous défendre et des militaires venus de France ont vaillamment combattus avec les nôtres pour garder l’Algérie à la France, mais vainqueurs sur le terrain nous avons été trahis par le Gouvernement de l’Epoque qui a accordé l’indépendance aux Algériens dans des conditions désastreuses pour les Français d’Algérie en 1962, après les fameux accords d’Evian.

Avant 1962, année de notre exode principal, nos ancêtres depuis 1830 pour les plus anciennes familles , avaient vécu là bas pendant cinq ou six générations, vos grands pères et pères sont venus à deux reprises en France métropolitaine et en Europe faire la guerre de 14/18 et celle de 39/45 pour défendre la France contre ses ennemis de l’époque, et ceux qui n’y sont pas morts tués au combat sont revenus chez eux en Algérie couverts de gloire. Nous sommes fiers de leurs actions et ils vous arrivent parfois si vous fouiller dans leurs affaires, de trouver des décorations, croix de guerre et médailles militaires. A leur honneur beaucoup d’Algériens étaient à cette époque à leur côté dans l’Armée Française. Certains jeunes Français d’Algérie ont été appelés ensuite comme militaires pour défendre l’Indochine contre le Viet Minh, et ensuite au Maroc et en Tunisie. Nous étions des Français citoyens à part entière, comme ceux de toutes les colonies d’AOF, et des protectorats Français, et quand la France était en danger et en guerre nous étions tous présents sous le même drapeau tricolore. C’est ce que l’on appelle le patriotisme et c’est ce que j’appelle moi « l’honneur d’être un homme ». Certains de vous les jeunes ne seront pas d’accord, il est vrai que les valeurs militaires, celles de l’honneur et du courage ont été injustement bafouées par des politiciens de bas étages incapables de défendre leur famille et leur civilisation, ne vous laissez influencer par cette propagande commune de basse condition intellectuelle. Mais vous que feriez-vous si vos familles étaient menacées par un ennemi féroce … ? Laisseriez-vous égorger vos pères, mères, épouses et enfants … ? Laisseriez-vous envahir votre pays les bras-croisés … ? J’espère bien que non. Il ne s’agit pas d’attaquer, nous sommes pacifistes, mais de savoir se défendre.

Pour le moment ici nous sommes relativement en paix ; Alors chacun d’entre vous selon votre personnalité, vos goûts, vos tendances, choisissez un but, profitez de votre temps d’enfance, d’adolescence et de jeunes adultes, pour vous instruire, apprendre un métier ou un art, et aussi pour vous distraire sainement, en prenant conseil de vos parents, je leur fais confiance pour cela, la fête fait aussi partie de la vie, tout est utile pour votre avenir et pour le pays, le travail et les réjouissances.

Evitez les excès de verbiage pseudo-intellectuels ou politiciens, n’entrez pas dans de vaines querelles partisanes, cela fait perdre un temps précieux. Informez vous cependant pour honorer vos devoirs civiques de citoyens. Il vaut mieux utiliser vos forces pour vous livrer à des actions concrètes utiles pour vous-même et pour votre entourage et environnement. Il ne s’agit pas de faire des exploits, mais d’agir selon ses moyens dans le bon sens de la vie. Il faut comme l’on dit trouver ses repères et se situer au mieux « dans le paysage ».

Nous faisons partie d’un ensemble qui demain formera la nouvelle Europe. Notre Belle Algérie de France avec tous ses habitants français de différentes origines européennes en était le prélude, nous avons tous travaillés ensemble et il y a encore maintenant du pain sur la planche à pétrir pour les jeunes générations afin de préserver l’identité et la civilisation et les valeurs européennes. Vous avez votre mot à dire et dans tous les pays d’Europe vous êtes chez vous, légitimement par descendances, cultures et traditions. Ne vous laissez pas marcher sur vos « pieds-noirs » ; soyez fiers de vos ancêtres, même si en plus de leurs qualités ils ont pu avoir des défauts comme tout le monde, la perfection n’est pas d’ici bas comme vous le savez, mais il faut tout faire pour s’en approcher afin de vivre sa vie dignement. Ce qui compte c’est l’œuvre réalisée en commun au fil des années et du temps.

Nous les vieux Français d’Algérie dans l’ombre de notre soir qui approche, nous sommes là pour vous passez le flambeau de nos coutumes, de nos traditions, de notre courage, de notre espoir en votre avenir, avec des gestes et des mots tout simples qui peuvent paraître dépassés par la modernité du temps, mais les modes passent et l’esprit demeure. Nous sommes la génération « mémoire-relais ». Préparez-vous à prendre le relais. Vous êtes prêts ? … Oui ! Alors prenez et partez en avant toute avec courage vers votre avenir.

Bonne vie et longue route enfants et petits enfants.



MON ALGERIE A MOI


AUTEUR : Lucienne Magalie PONS (Mars 2006)


Je suis née le 1er juin 1934 dans une propriété dénommée "Le Domaine des Ruines Romaines" toute proche du célèbre Tombeau de la Chrétienne dont image ci-dessus. Je n'ai vécu que deux ans cette propriété que mes parents ont ensuite quittée pour une autre région d'Algérie. J'ai quitté l'Algérie le 27 Juin 1962 pour me rapatrier en France à Paris où je demeure toujours depuis -




Mon Algérie à Moi,

Beaucoup de Français rapatriés d’Algérie retournent en Algérie en visite retrouver les paysages, les villes et villages où ils ont vécu, leurs souvenirs d’autrefois et se recueillir à la mémoire de leurs ancêtres morts et enterrés dans ce pays. Certains Français de France et Français Rapatriés me demandent quelques fois « Vous n’êtes jamais retournée en Algérie … ou … là-bas … ? » Et je réponds invariablement « Non je n’y retournerai jamais ». Assez curieusement je dois avoir un ton définitif dans cette réponse car personne jamais n’a demandé « Pourquoi ? »

Ce « pourquoi » m’appartient, il pourrait demeurer secret, mais j’estime le moment venu d’expliquer pourquoi je n’y retournerai jamais, ne serait-ce que pour ceux qui me connaisse bien et pour lesquels je me dois d’être « transparente » selon une expression consacrée.

Tout d’abord parce que en quittant ce pays le 27 Juin 1962 j’avais décidé de tourner une page pour toujours, ensuite parce que je ne suis pas une adepte des lamentations et enfin parce que je ne regrette rien comme dans la chanson d’Edith Piaf qui avait été reprise par les paras lors de leur départ d’Algérie comme un hymne d’honneur.

Ensuite parce que l’Algérie d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier, ce n’est plus « mon Algérie à moi », ses paysages ont été modifiés, des arbres, des vignes ont été arrachés à notre départ, de nouvelles constructions se sont édifiées, des cimetières sont tombés dans l’oubli et la ruine, ma maison est certainement détruite ou habitée par des inconnus, meublée à leur goût et à leur façon, tout cet environnement ne me concerne plus. L’Algérie n’est plus Française et je suis persuadée que mes souvenirs ne sont plus inscrits sur son sol.

Mon Algérie à moi se trouve à l’abri dans ma mémoire et dans mes pensées, intacte comme un diamant dans son écrin, ses souvenirs revivent en moi toujours présents, vifs, animés et avec un peu d’imagination selon les lieux et les circonstances évoquées j’en ressens encore les sons, les bruits et les parfums, la tendresse ou le désespoir.

Mon Algérie, ses paysages, ses villes, ses villages, les personnages que j’ai connus et aimés je les porte en moi et il n’est pas question que j’aille les dénaturer sur place plus de quarante ans après mon retour en France. Mon diamant doit rester d’eau pure.

A chacun son Algérie, à moi ma belle Algérie Française dans mon cœur et mes souvenirs, à eux l’Algérie Algérienne : rendons à César ce qui appartient à César et à mon âme ce qui lui appartient indéfectiblement.

Je trouve lamentable d’aller s’attendrir sur les cendres des feux qu’ils ont allumés pour nous faire partir et même périr.

Maintenant Chers Amis Français d’Algérie ne me croyez pas intolérante : je comprends que vous recherchiez dans ces voyages un apaisement à vos souffrances, à vos interrogations, parce que vous êtes des bons, des doux, prêts à tendre la main pour la réconciliation. Vous l’a-t-on saisie ? … Peut-être … je veux bien croire que oui. Ou bien passez vous sur ce pays comme des touristes anonymes ? Ou bien encore vous obligez-vous à engager un dialogue amical ? Mais comment trouver des mots pour ne pas blesser et pour ne pas trahir nos blessures toujours ouvertes au fond de nous ? Passer l’éponge, effacer tout, sommes nous prêts de part et d’autre ? Franchement et sans rancœur ? Il faut pouvoir le faire totalement avec sincérité et ne pas se contenter des apparences … Certains le peuvent certainement, mais pour moi c’est trop dur.

Mais je n’ai aucun droit à critiquer ou à tenir rigueur à ceux qui plus bons que moi sont animés de compassion, mais pour moi voyez-vous ce n’est pas dans mon caractère, je suis trop fière et c’est mon très grand défaut et peut être ma très grande faute, et en plus je ne suis pas adepte des mea culpa qu’il s’agisse des miens ou de ceux de la partie adverses. Quand on s’est bien battu et défendu à quoi bon se lécher les babines ensuite ? … Et user sa salive ? la vie continue et je n’ai pas de temps à perdre en vains salamalecs de circonstances.

Et quand un musulman en France me dit : « Vous auriez dû rester chez nous en Algérie », je me permets de lui répondre « Monsieur quand on a été un juste maître, on ne peut risquer de devenir un esclave chez les autres, je suis Française, ma place était et est ici en France, mon Algérie existe dans mes souvenirs, elle y tient sa place, votre Algérie n’est pas la mienne c’est à vous d’y retourner si cela vous convient bien sûr »

Je sais que je vais passer pour une sale colonialiste raciste. Je ne le suis pas rassurez-vous, mais je respecte mes valeurs et celles des autres, sans éprouver le besoin d’en faire une salade, au fond personne n’est parfait en ce bas monde et c’est pourquoi je m’accommode de ne pas l’être et de rester sur mes positions.

JE PRIE AVEC LES FIDELES


une prière écrite par Lucienne Magalie Pons



Jésus je prie avec vos fidèles

Ceux qui vous rendent Grâce Jésus je me place à leurs côtés. J'écoute comme un enseignement les prières qui vous célèbrent, je prie avec eux dans le secret de mon cœur.
Je communie avec eux, je lève les yeux vers vous , je me prosterne devant vous .
Dans les limites de notre condition humaine nous vous prions de consolider notre foi. Jésus, du haut du ciel à la droite du Père, vous entendez nos prières, vous exaucez nos prières, par votre amour divin  vous sauvez le plus petit d'entre nous des eaux tumultueuses et des ténèbres de la vie terrestre pour le guider sur votre chemin de Lumière. Nous vous en remercions Jésus.

HOMMAGES AUX MILITAIRES FRANCAIS




(texte écrit le 23 Février 2006 par Lucienne Magalie Pons en mémoire de tous les soldats Français morts en Algérie au combat ou assassinés en embuscades par les rebelles FLN en Algérie de 1954 à 1962 – Les 26 jeunes militaires cités dans ce texte les représentent tous symboliquement )

Le Mercredi 3 Avril 1957, vingt six jeunes militaires français tombaient au combat dans le Djebel Driss, à Sidi Driss à une quarantaine de kilomètres de Philippeville dans le Constantinois.

----------Le 6 Avril, venant de tous les environs, une population consternée vient par petit groupe, rendre hommage à ces jeunes gens et se recueillir près des cercueils drapés de tricolore dans le grand hall d’honneur de l’hôpital militaire transformé en chapelle ardente.

----------Le lendemain Lundi 7 Avril à 7 heures du matin , à Robertville, en présence des autorités militaires et administratives de la région et du village a lieu la levée des corps, puis les cercueils, trois par trois, sont déposés à bord des véhicules militaires et conduits au cimetière où doivent avoir lieu les cérémonies religieuses et l’Adieu de l’Armée.

----------Plus d’un millier de personnes se sont réunies spontanément à l’intérieur du cimetière, assistant avec émotion aux préparatifs funèbres. Devant la Statue de la Victoire, les cercueils sont alignés par rangée de six, chacun recouvert du drapeau tricolore et d’une couronne de fleurs tricolore, en reconnaissance du 35° R.I.

----------Au-dessus des cercueils est déployé le fanion de leur section, leurs fusils sont assemblés en faisceau au pied de la statue de la Victoire.

----------On entend avec émotion des pleurs et des sanglots.

----------Puis arrivent les délégations des unités militaires de la région et de la garnison, Parachutistes, Légion Étrangère, Tringlots, Artilleurs, Marine, Aviateurs.

----------Les Présidents des Associations patriotiques, des Officiers et Sous-officiers de réserve, les Dames de la Croix-Rouge et leur Présidente, tous sont présents.

----------Une section du 35°R.I encadre les cercueils, Le Lieutenant-colonel Rocquin s’avance escorté de deux sous-officiers portant une grande couronne de fleurs tricolore ; aux pieds des cercueils sont déposés et s’amoncellent des gerbes de fleurs, hommage officiel ou anonyme d’une ville qui partage le deuil de l’Armée et des familles.

----------Le Général Labarthe, commandant les troupes du Nord Constantinois, arrive à 8 h. 30. Sont à ses côtés, le Colonel Langlois, commandant les secteurs de Philippeville, Le Colonel Le Morillon, le Sous-préfet Nicoulaud et plusieurs personnalités importantes.

----------Les autorités prennent place au premier rang de l’assistance.

----------C’est alors le moment où l’Aumônier Militaire, entouré du curé Nicolas, Chanoine honoraire, du Révérend Père Brelet et des membres du Clergé des paroisses Sainte Thérèse et Saint Cœur de Marie, célèbre la Messe et donne l’absoute, toute l’assistance recueillie prie en silence pendant toute la cérémonie religieuse et des larmes coulent lentement sur les joues.

----------Les chants liturgiques s’élèvent, puis c’est le chant émouvant de l’Au Revoir, et ensuite les prières chantées par la foule fervente.

----------Avant les Adieux Éternels, le clergé procède à la bénédiction des cercueils.

----------C’est alors le moment solennel ou l’Adieu émouvant du Chef de bataillon MAILLOT à ses soldats s’élève, prononcé d’une voix ardente :

----------"Devant ces cercueils alignés, je ne sache pas qu’il y ait pour un Chef, un devoir plus pénible, plus douloureux, que celui de dire un dernier mot, un ADIEU à ses soldats.

----------"MES GARS, LES LIMITES DE LA FRANCHE-COMTE, DE LA BOURGOGNE, DE LA BRETAGNE, DONT VOUS ÊTES ORIGINAIRES, SE SONT DILATÉES"

----------"Ce sont vos parents, c’est le 35°R.I, c’est l’Armée, c’est l’Algérie Française, c’est la France, qui ressentent ce deuil.

----------"Au moment où dans le monde on s’interroge, où en France le doute frappe les esprits, vous avez répondu à toutes les questions.

----------"Dans le monde entier des hommes récriminent, réclament principes et droits, prétendent nous donner des leçons de morale et d’humanité. Vous leur opposez une réponse muette et sublime.

----------"L’OUBLI DE SOI POUR AUTRUI : LA PLUS GRANDE HUMANITÉ"

----------"L’OUBLI DE SOI POUR UNE CAUSE : L’ABNÉGATION LA PLUS TOTALE"

----------"Votre grandeur réside dans le don de votre vie. Et je pense à tel d’entre vous qui, blessé plusieurs fois, s’est élancé sus à des fanatiques en criant "JE MEURS AVEC MES AMIS POUR LA FRANCE"

----------"Vos corps sont là, témoins de la France, grande et généreuse, de la France qui, face aux calomniateurs, au milieu des vicissitudes, des tempêtes, des circonstances difficiles, comptera toujours des héros dans les soldats qui sont ses fils.

"Seule la douleur de vos parents de vos familles peut montrer combien votre mort, votre sacrifice sont grands.

----------"A ces familles éplorées, vers lesquelles va toute mon affectueuse sympathie en ce moment, à vous tous chers amis, laissez-moi dire que l’unité de la France s’est faite dans les sacrifices, les sacrifices muets, sans témoins importants, au milieu des montagnes, dans la tempête.

----------"Vous, SOCQUET, MARLIN, HENRIOT, BOLOT, CHAUVIN, JUILLET, GUILLAUME, CHELLEY, DEBRIAZY qui avant votre service donniez le pain à la France,

----------"Vous, CORNEVAUX, FARGIER, BEAUMIER, KWILOSZ, LANNAY, de FILIPI, WAGNER, HIZYK, DRILLOT, BOISSON, BLAY, HUMBERT, PILLOT, GILLET, DIEUMEGARDE, qui à l’atelier, sur vos chantiers, dans vos tâches multiples, prépariez une France plus belle, plus forte,

----------"Vous, REY et de KERROS, qui avez œuvré pour représenter notre pays partout où vous allez,

----------"VOUS AVEZ TOUS UNANIMEMENT, DONNE LA PREUVE, au monde qui nous regarde, QUE LE SOLDAT EN TERRE FRANÇAISE D’AFRIQUE DU NORD, A CONSCIENCE DE RESTER FIDÈLE AU PRINCIPE ÉNONCÉ AU FRONTISPICE DE NOTRE PAYS.

----------"Au nom du Bataillon, je vous adresse un dernier hommage, un dernier ADIEU, et souhaite de tout mon cœur que le sacrifice de vos vies ne soit pas vain pour le destin de notre patrie"

----------Tout est dit dans cet Adieu magnifique du Chef à ses soldats : il montre bien à quel point ces jeunes militaires Français de France, avaient conscience en défendant l’Algérie Française de défendre la FRANCE. Le dernier cri d’honneur du jeune soldat s’élançant vers l’ennemi "JE MEURS AVEC MES AMIS POUR LA FRANCE" le couvre de gloire.

----------Pleurons à la mémoire de tous les jeunes soldats Français de France, qui au côté des nôtres, soldats français d’Algérie et Harkis, sont tombés au combat. Que nos mémoires les honore, prions régulièrement pour eux, pensons avec affection à leurs famille dont la souffrance est associée à la nôtre.

30 août 2007

MONTS ET MERVEILLES DU CANIGOU

Monts et Merveilles du Canigou

De nombreux poètes célèbres en leur temps, parfois hélas maintenant oubliés, ont chanté la beauté des cimes et crêtes du Canigou - Voici quelques extraits de ces magnifiques poésies :


"Força-Réal et Pena furent des îles enchanteresses
Les vaisseaux s'avançaient jusqu'aux pieds du Canigò.
Des vols de mouettes ont chanté sur ces rives
où maintenant butinent les abeilles
où jouent les agnelets"

Jacint Verdaguer : "Canigó" 1886


Albert Saisset – 1886 -

"Maître au front sourcilleux, les monts qui t'avoisinent,
s'abaissent devant toi de leurs pics qui s'inclinent.
Tu montes dans le ciel, hardi, majestueux...
Transmets à nos enfants, la consolante histoire
de ces temps valeureux marqués par la victoire
et qu'un jour comme alors, s'ils étaient envahis
ils sachent vaincre encore et sauver leur pays.


Josep Sebastìa PONS – Valmanya - 1911

"Serres del Canigó, alturess tan hermoses
dolç estatge de pau
damunt de las pinoses
en un realme blau...
De portar dins els ulls vostre imatge clavada
de portar dins el cor
La gran exaltacio de vostre serralada
Més clara n'es la dona y l'home n'es més fort"

Traduction : Crêtes du Canigou, éminences si belles - Doux étage de paix.
Au dessus des pinèdes - En sa royauté bleue - Votre image gravée dans les yeux - Et dans le cœur - la haute exaltation de vos cimes - Plus pure en est la femme et l'homme en est plus fort


Pierre CAMO - 1936 -

Le Mont est grand mais il est doux, on peut sans pic,
Cordes ni piolet, sans attirail typique
Le gravir à l'abri des chaleurs des tropiques
Même sans épouser d'un froid trop vif le pic


Joan D.I - 1972 –

"Poètes à gorge d'or chante tes mots d'orfèvre!
Monte vers Sant Marti, Balatg, les Cortalets!
Subjugue de troupeau, choisis la bonne chèvre!
Qu'un lait amaltéen caresse ton palais!"

Joan D.I 1972


Fransesc Català

Imatge d'"El vaixell tot blanc del gran Canigó
tota vela estesa, a punt de partença
Sembla espera al port que el vent sigui bo
per trancar l'amarra i assajar la dansa"

Traduction : Le vaisseau tout blanc du grand Canigou - Toute voile dehors, prêt à partir - semble attendre au port que le vent soit propice - pour couper les amarres et entrer dans la danse.


Maurice Bouchor

Ah ! Que vous êtes belles cimes du Canigou
L'or de vos fleurs nouvelles brillent comme un bijou
Roses de la montagne que votre souffle est doux.
Ah que l'ennui me gagne quand je suis loin de vous
.

Note de Lucienne Magali PONS : cette merveilleuse poésie de Maurice BOUCHOR avait été mise en musique et se chantait comme une romance vers la fin du 19me siècle et début du 20me. C’était une de celle que mon père qui avait une voix d’or se plaisait à nous chanter lorsque nous étions enfants et de toutes celles qui célèbrent le berceau lointain de mes ancêtres aragonais et catalans, c’est celle qui a la place la plus douce dans mon cœur.

28 août 2007

LES NOCES DU PAPILLON (de Maurice Bouchor)


Les noces du Papillon
Chanson écrite par Maurice Bouchor – fin du 19me Siècle sous la 3me république






Il faut te marier
Papillon couleur de neige
Il faut te marier
Par devant le vieux mûrier.
- Chers amis, me marierai-je ?
Sans me faire un peu prier ?
- Il faut te marier
Papillon couleur de neige
Il faut te marier
Par devant le vieux mûrier.

- Moi, dit le limaçon
Pour loger ta papillonne
Moi dit le limaçon
Je te cède ma maison.
- Ce qu'un brave cœur me donne
Je l'accepte sans façon
Moi, dit le limaçon
Pour loger ta papillonne
Moi dit le limaçon
Je te cède ma maison.

- J'ai là dit la fourmi
Des fragments de vertes cosses
J'ai là dit la fourmi
Quelques grains de blé parmi.
- Ah! Le beau repas de noces
Tu régales ton ami.
- J'ai là dit la fourmi
Des fragments de vertes cosses
J'ai là dit la fourmi
Quelques grains de blé parmi.

- Moi dit l'abeille d'or
Mon dessert fera merveille
Moi dit l'abeille d'or
J'ai du miel liquide encor.
- Grand merci, gentille Abeille,
Qui partage ton trésor !
- Moi dit l'abeille d'or
Mon dessert fera merveille
Moi dit l'abeille d'or
J'ai du miel liquide encor.


- Voici cher papillon

Pour le bal fifre et timbale
Voici cher papillon
La musique du sillon.
- C'est aimable à vous, Cigale
C'est aimable à toi Grillon!
- Voici cher papillon
Pour le bal fifre et timbale
Voici cher papillon
La musique du sillon.

- Pour toi je vais briller
Dit le ver luisant dans l'herbe
Pour toi je vais briller
Ne te fais donc plus prier.
- Chers amis tout est superbe
Je veux bien me marier !
- Pour toi je vais briller
Dit le ver luisant dans l'herbe
Pour toi je vais briller
Ne te fais donc plus prier.

(Fin)

FORT DE L'EAU "Les cinquante familles"(2)

LES MAHONNAIS DE FORT DE L’EAU

- (CHAPITRE 2) -

Ci-dessous reprise des textes du Père Serge DUVOLLET, extraits du tome XIV de son œuvre d’historien publiée en 24 volumes tous consacrés à l’Afrique du Nord et à ses habitants.

"Exceptionnellement quand les garçons manquaient dans les familles, on employait des indigènes, car l’exploitation d’un lot de sept hectares exigeait quatre ou cinq ouvriers toute l’année. C’est à l’élément mahonnais que l’on devait l’opulent ruban de cultures maraîchères qui s’étendait le long du littoral jusqu’à la Réghaïa, sur plus de quarante kilomètres de Fort de l’eau à Surcouf, en passant par Cap Matifou, Suffren et Aïn Taya. Ces riches villages comptaient, en dernier, près de quatre mille mahonnais, descendants des premiers pionniers."

"Village de colonisation quelque peu fermé, dont toute l’économie tournait autour de l’agriculture, ses habitants formant une communauté unie par une même activité et une même culture, Fort de l’Eau commença à s’ouvrir vers l’extérieur avec l’établissement d’une petite ligne de chemin de fer d’intérêt local, en 1871. Ce système de transport facilita les déplacements des villageois comme la circulation des marchandises. Il disparut dans les années trente, laissant la place à l’automobile, et abandonnant à l’entrée de l’agglomération, sa petite gare, seul vestige dans les dernières années de ce réseau. Timidement quelques commerces et quelques petites industries s’étaient implantés dans Fort de l’Eau dont la population croissait rapidement, lorsque vers 1890 sa destinée s’infléchit. Le directeur des Annales Africaines frappé par la beauté de la place et par la fraîcheur de la brise marine qui, grâce à l’exposition favorable du centre, souffle avec plus de force qu’à Alger et procure une température agréable pendant les heures chaudes de la journée, émit l’idée d’une station estivale. Trois personnes tentèrent de réaliser ce projet, MM. Triay, Henriot et Buisson."

Observation de Lucienne : Les projets initiaux ne permirent pas à ces Messieurs de poursuivre leur tentative.

Reprise du texte du Père Serge DUVOLLET :

" C’est alors qu’un entrepreneur de travaux publics, M. Gueirrouard, se penchant sur la question, reprit les premiers plans proposés. Après de multiples discussions avec le Conseil Municipal, un accord se fit et, en 1891, les premiers travaux commençaient. Un casino, une quarantaine de villas furent construits, le lotissement aménagé et une route ouverte en bordure de mer. A cette époque le conseil municipal réclama un Bureau de Poste à Fort de l’Eau, précisant que sa population avait presque doublé en dix ans, le centre augmentant de vingt-cinq maisons en trois ans et que la création de la station balnéaire avait déjà attiré plus de 300 familles, alors que la localité ne disposait que de peu de logements."

"Un projet de construction d’un chantier naval reçut un début de réalisation : quatre hangars furent élevés avant l’abandon de la tentative et ces locaux servirent d’ateliers et de garages à la Société des Transports Tropicaux."

"Bien que déjà enrichie de plus de 400 ha. de maraîchages, la petite cité balnéaire prit rapidement tournure, et déjà, en 1900, on pouvait découvrir le boulevard du front de mer qui longeait la place, bordé de jolies et pimpantes villas. En 1908, Fort de l’Eau fut reconnue officiellement comme station estivale et, en 1920, la municipalité envisagea de la transformer en station climatique d’été et d’hiver, projet qui ne put aboutir complètement."

"La seconde guerre mondiale devait porter un coup d’arrêt à l’ascension de Fort de l’Eau : son casino fût réquisitionné et ses plages abandonnées. Mais le coquet village acquit un regain d’activité, créant de nouvelles plages dans son prolongement maritime, celles du Lido, de Verte-Rive et des Dunes, rapidement bordées de belles villas"

Observation de Lucienne : Ces plages très fréquentées des Algérois et des habitants des villages avoisinant permettaient de s’y installer les jours de congés et les dimanches en famille sous une belle tente avec des chaises longues tout autour. Les hommes et souvent les femmes pêchait le poisson que la mer généreuse ne leur refusait pas, on le cuisinait sur place et on le dégustait sur de belles nappes dressées dans les tentes, au cours d’un repas improvisé, salades de tomates et poivrons, salades de riz, légumes frits ou farcis, courgettes, poivrons, artichauts etc. .., petits pâtés à la viande ou à la soubressade etc. ou encore paëllas, cuites sur la plage même, dans d’immenses poêles surveillées attentivement par les mamans et les grand-mères, sans oublier les fruits et les pâtisseries apportés dans un grand couffin de raphia ou de paille tressés, le tout soigneusement emballés dans des torchons. Entre amis, de tente en tente, on s’offrait l’anisette ou encore l’apéritif Mélika ou Malika de fabrication locale, et on dégustait les Kémias : olives noires ou vertes, olives vertes cassées au fenouil(fabrication maison), tramousses, tranches de boudin à la viande parfumées à l’anis, escargots en sauce tomate piquante, "scaragolines"( minuscules escargots blancs) avec aïoli, brochettes d’agneau ou de foie et gésiers de volailles, merguez, etc. .....et surtout tranches de soubressade mahonnaise, nature ou grillée : si vous la goûtez un jour en allant aux Baléares," vous m’en direz des nouvelles !" On arrive à en trouver ici en France, dans quelques charcuteries, mais pour le goût ça ne vaut pas le déplacement et la dépense .... la véritable recette en est perdue, sauf à ma connaissance à NICE, à la Charcuterie PONS, bien connue des Pieds noirs Niçois. Il y en a peut-être d’aussi bonne dans d’autres charcuteries en France, mais excusez-moi je n’ai pas encore eu le temps de faire le tour de France des charcuteries pieds-noirs, d’origine mahonnaise, seuls détenteurs de la vraie recette.


Reprise du texte du Père ROGER DUVOLLET :

"La période immédiate d’après guerre vit aussi se former un projet d’installation d’un petit aérodrome dont la continuation ne fut jamais menée à bien, malgré un début prometteur. Peu de temps avant la guerre, le cinéaste Julien Duvivier utilisa le site de Fort de l’Eau et y créa un studio où, pendant plusieurs mois, le film "Golgotha" se tourna."

"En 1950, Fort de l’Eau avait acquis une physionomie nouvelle qui la rendait méconnaissable pour les descendants des premiers pionniers. les anciennes maisons rurales avaient disparues, remplacées par de belles maisons de campagne, tandis que le Centre et le Front de mer s’enorgueillissaient de ses magnifiques villas, extériorisant ainsi sans complexe la richesse du pays"

Observation de Lucienne : "La richesse du pays" : l’expression est juste ; en effet les pieds noirs dans leur grande majorité réinvestissaient toute suite après l’avoir gagné leur argent dans des constructions, des équipements et des matériels, pour moderniser leurs entreprises, fermes, commerces etc. ... ils n’étaient pas du genre à laisser dormir l’argent en banque en attendant des intérêts, c’est pourquoi certains, bien que possédant des biens immobiliers, des fermes et des commerces, sont rentrés rapatriés en France les mains vides.

Reprise du texte du Père Roger DUVOLLET :

"Il faut noter toutefois que les maraîchers minorquins, principaux créateurs de cette réussite, s’abstinrent longtemps de prendre part à la vie moderne de leur cité, vie qui dérangeait leur mode d’existence à caractère familial. Mais les petits-fils" (et arrières petit-fils)" de ces pionniers ne tardèrent pas à s’intégrer eux à la nouvelle population, s’y plaçant souvent au premier rang"

"Les premiers magistrats municipaux de Fort de l’Eau œuvrèrent chacun en son temps, à la réussite de cette entreprise. Ce furent, depuis la création du centre en commune de plein exercice : MM. FREY Henri (1882-1889),COURNIER Léon(1886-1898), COSTA Firmin(1898-1901), ALZINA Benoit (1901-1907), PONS Antoine(1907-1908 décédé en fonction),GUERROUARD Gabriel(1908-1911), de GHEON Victor(1911-1913 décédé en fonction), MAZELLA Joseph(1913-1921),PONS François(1921-1942), MOULIAS Maximilien(1942-1943), SCHEMBRI Michel(1945-1947), NAULIS Robert(1947-1962)".

"Jusqu’à la période noire, Fort de l’Eau demeura aux beaux jours et même en hiver, un lieu de rassemblement, une sorte de carrefour où venaient communiquer les familles d’Alger et de cinquante kilomètres à la ronde. En été, après une journée de baignades et de bronzage, on se retrouvait aux tables des nombreux établissements qui étalaient leurs terrasses sur les trottoirs des boulevards du front de mer. On y venait aussi spécialement pour déguster, en même temps que l’inévitable anisette, les brochettes de mouton si réputées, les merguez, et surtout, la fameuse soubressade mahonnaise, mieux réussie qu’ailleurs, accompagnée du non moins réputé pain mahonnais sans levure, à la mie compacte, que beaucoup rapportaient chez eux en partant. Ainsi, en toute saisons, Fort de l’Eau jouait-il un rôle d’espace-charnière garant de l’équilibre familial."

Observation de Lucienne : Sans oublier les fruits de mer, huîtres, moules, oursins etc. … et les crevettes, gambas, et poissons de toutes sortes, sépias, calamars, sardines, anchois, cachalots, rougets, merlans etc. .... les mahonnais excellents plongeurs (souvenir des Baléares ou certains étaient à l’occasion pêcheurs de perles), n’hésitaient pas à aller dans les grandes profondeurs pour y rechercher les huîtres, les moules, et les oursins les plus frais, véritable délices à déguster crus avec quelques gouttes de citron. Aussi excellents chasseurs que pêcheurs et agriculteurs, les mahonnais organisaient des parties de chasse, soit pour le gibier courant, soit des battues pour le sanglier dans les collines de basse-kabylie (Fondouk, Rivet, Saint Pierre Saint Paul, l’Arba etc. Je me souviens des récits d’histoire de chasses que parfois mon père nous relatait à la veillée, devant la cheminée ou crépitait un feu de vieux ceps de vigne odorants, en citant le nom des anciens chasseurs mahonnais qui s’y étaient rendu célèbre pour leur adresse : Barthomé (Barthélémy), Mathéo (Mathieu) etc. Bien d’autres encore.

Conclusion extraite des textes du Père Roger DUVOLLET :

"Où trouve-t-on aujourd’hui de tels lieux, alors que les structures socio-économiques se soucient moins des besoins humains que de la rentabilité ?"

Conclusion de Lucienne : La relation du Père Roger DUVOLLET sur la création de Fort de l’Eau est très élogieuse pour les anciens Mahonnais Fondateurs, de tout mon cœur je le remercie de les avoir fait surgir du passé. Comme tous, ils ont été des êtres humains avec leur qualités et leur défauts, mais au-delà des comportements personnels c’est l’ouvre collective accomplie et réussie qui compte et les honore. Le récit du Père Roger DUVOLLET correspond en tous points à ce que m’en avaient rapporté mon père et ma grand mère sur les coutumes et mœurs familiales.

Les descendants des Mahonnais fondateurs de Fort de l’Eau et villages avoisinants, se sont ensuite dispersés dans toutes les régions de l’Algérie et dans les villes, notamment dans la capitale Alger.


En effet, par le jeu des héritages et des divisions territoriales des domaines qui s’ensuivent, certains fils et filles devaient s’installer dans les campagnes d’autres régions ou se mettre à rechercher une situation à ALGER ou dans d’autres villes ou villages. C’est ainsi que bon nombre de Mahonnais ont pris des fermes importantes en gérance ou en métayage en Basse-Kabylie et dans la Mitidja notamment, pour y cultiver les primeurs, les fruits, les céréales et la vigne principalement. D’autres ont fait des études supérieures, sont devenus pharmaciens, médecins, avocats etc. .... D’autres encore ont installés des commerces, restaurants, librairies, charcuteries, ou des artisanats, couturières, ateliers de broderies, tailleurs, sans oublier ceux et celles qui ont passé des concours pour entrer dans l’administration comme fonctionnaires ou sont devenus instituteurs et institutrices, d’autres ont fait carrière dans la recherche des pétroles, d’autres dans l’Armée, d’autres ont travaillé dans des entreprises privées.

Bref toujours au travail comme tous les « pieds noirs », mahonnais ou pas mahonnais !

Si vous rencontrez ici en France, une Française ou un Français rapatrié au maintien réservé, mais souriant, affable, sociable, avares de paroles inutiles, mais prêt à vous entendre et à vous aider en cas de nécessité, il pourrait bien s’agir d’un(e) français(e) rapatrié(e) d’origine mahonnaise, alors un petit conseil : demandez lui de vous offrir l’apéritif avec de la soubressade, vous serez ainsi sûrs et certains de vous en faire un ami pour toujours.

(fin)

FORT DE L'EAU "Les cinquante familles" (1)

Article publié par Lucienne PONS sur internet

LES MAHONNAIS DE FORT DE L’EAU (CHAPITRE 1)

mercredi 8 février 2006, par Lucienne PONS

LES MAHONNAIS DE FORT DE L’EAU (ou les « cinquante familles ») - Chapitre 1 -

Je dois dire que ces anciens Mahonnais minorquins, se rapprochaient singulièrement par leurs comportements, leurs coutumes, leurs goûts, leurs modes de vie et l’agencement de leurs maisons, des anglais et des français que des espagnols, pourtant leurs compatriotes, avec lesquels ils sympathisaient beaucoup. Ceci n’étonnera personne au souvenir des dominations anglaises et françaises qui se sont succédé au cours des siècles sur les Iles Baléares, avant qu’elles ne retombent dans la Couronne d’Espagne.

Grands, élancés, blonds aux yeux bleus ou clairs, certains de ces mahonnais rappelaient par leur physique ces anciens vikings qui avaient envahi les Iles Baléares bien des siècles auparavant.

Si j’ai choisi de vous parler des Mahonnais, communauté de colons pionniers dont mes ancêtres de branche paternelle (les Pons , les Gornes, les Tudury, les Goñalons, les Orfila de très anciennes origines Aragonaise et Wisigoths) faisaient partie, c’est pour relater les débuts et l’évolution des Mahonnais, et leur participation laborieuse et active à l’édification de notre ancienne Algérie Française, et ce d’après des recherches que j’ai effectuées dans les récits historiques du Père Roger DUVOLLET, Père Blanc, actuellement âgé de 94 ans, qui avait fait son noviciat à la Maison des Pères Blancs à Maison Carrée et ensuite accompli sa noble mission, jusqu’à l’indépendance de l’Algérie, d’abord dans plusieurs Villes d’Algérie pendant plus de quarante ans, et notamment pendant 11 ans au Sahara, à Hassi Messaoud et à Ouargla, où il est devenu le Père vénéré et l’ami de tous les pétroliers qui ont découvert et mis en production les immenses gisements de pétroles et de gaz du Sahara alors Français.

DANS LE TOME XIV, faisant partie d’une remarquable et impressionnante série de 24 volumes qu’il a consacré à toutes les Régions et les communautés d’Afrique du Nord qu’il porte dans son esprit et dans son cœur, tout un grand chapitre est consacré aux Mahonnais de la région de Fort de l’Eau.

Je cite ci-dessous les articles écrits par ce rigoureux et talentueux historien impartial, rédigés après consultation des Archives anciennes, avec quelques coupures qu’il voudra bien me pardonner :

Extraits : " DEPUIS 1835, de nombreux émigrants espagnols originaires de Fort-Mahon, dans l’Ile de Minorque, étaient venus s’installer à Alger et ses environs, à l’instigation du Baron de Vialar."

Observation de Lucienne PONS : Ces Mahonnais arrivaient en famille pour la plupart en barques de pêches par leur propres moyens, accostaient à Sidi-Ferruch où ils étaient accueillis par un PONS, qui les avaient précédés et s’occupaient de leurs formalités de recensement auprès de l’Administration Française Coloniale. C’est ainsi que sont arrivés mes ancêtres, les PONS et les GORNES, dont notamment Jean (Juan) PONS et sa famille (son épouse née Margueritte Tudury et leurs enfants) et sa parente Dame Agathe GONALONS veuve d’un GORNES, celle-ci avec ses enfants jeunes adolescents et adultes, ayant tous laissé leurs maisons, terres et activités à MAHON et à FERRERIAS, pour venir trouver des terres bien plus grandes à défricher, ensuite à cultiver et s’établir en Algérie comme tant d’autres familles des Baléares qui se sentaient à l’étroit dans leurs iles dont l’économie en grande difficulté à cette époque ne leur suffisait plus à vivre selon leur ambitions ou leur espoir pour leur descendance.

Reprenons la relation du Père Roger DUVOLLET :

"Ces gens pacifiques, probes, sobres et laborieux en même temps qu’excellents maraîchers, en cultivant de nombreux jardins, réalisèrent des économies qui leur permirent d’acquérir des terres dans les environs de Hussein-Dey et de Maison Carrée."

Observation de Lucienne PONS : C’est ainsi que mon ascendant Jean PONS acheta des terres et fonda le village de BOU-HAMEDI en 1830, près de Fort de l’Eau et du Fondouk, avec ses fils et sa parente Dame Agathe GONALONS veuve GORNES et ses fils.

Reprenons la relation du Père Roger DUVOLLET :

"Après avoir défriché et mis en valeur ces territoires, ces jardiniers qui commençaient à se trouver très à l’étroit sur leur terre, leur descendance ayant augmenté, demandèrent à l’Administration de leur accorder quelques concessions dans la région de Birkadem. La Commission des Centres préféra les installer sur un territoire que les Mahonnais connaissaient bien pour y avoir déjà travaillé comme fermiers, métayers ou ouvriers agricoles depuis 1836. Cinq cent hectares situés en arrière du Bordj El Kifan furent attribués à la création d’un Village qui prit le nom de Fort de l’Eau. Les premiers colons, uniquement des Mahonnais, comprenaient deux cent trente personnes, groupées en quarante cinq familles. Chacune d’elle reçut sept hectares de terres propres à la culture maraîchère, l’eau était abondante à peu de profondeur dans le sous-sol ; quatre vingt hectares furent réservés pour le communal et soixante dix autres pour de futures concessions. Tout alors étaient en broussailles, les routes n’étaient encore que des sentiers, et la sécurité aléatoire"

"Mis en possession de leurs lots en Juin 1849, les concessionnaires Mahonnais commencèrent par assécher les marais dont la proximité inspirait quelque crainte, en même temps qu’il construisait leurs habitations"

Observations de Lucienne PONS : UNE DE MES ANCËTRES Dame Agathe GORNES-GONALONS a perdu de nombreux fils dans ce travail de défrichement de ces marais insalubres par suite du paludisme.

Reprenons la rédaction du Père Roger DUVOLLET :

"Les nouveaux colons" (mahonnais) "construisirent non un gourbi ou une cabane comme le faisaient la plupart des immigrants, mais une véritable maisonnette, la maison mahonnaise, d’apparence proprette, passée au lait de chaux, parfaitement adaptée au climat africain.

Bien qu’ils n’y fussent nullement forcés, au lieu d’édifier leur habitation sur leur lot de terrain, ces jardiniers se regroupèrent en un même point, formant ainsi le futur Fort de l’Eau. Comme ils se connaissaient tous parents ou amis, ils pensaient non sans raison, qu’en cette époque où les incursions de pillards étaient encore fréquentes, qu’il était préférable de rester unis que de s’éparpiller dans de petites fermes isolées. En outre les habitants du Centre, groupés autour du Fort, pouvaient trouver refuge dans ses murailles en cas de nécessité. On leur avait conseillé de construire leurs maisons en lignes parallèles, afin que les premières rangées protègent les suivantes contre le vent de la mer ; en outre, un boulevard planté d’une triple rangée d’arbres devait entourer le village ; les alignements du front maritime devaient faire office de coupe-feu. Le projet d’installation d’un débarcadère à proximité du Centre fut abandonné quand on se rendit compte du fait que la mer trop forte en ce point de la côte, empêchait la construction d’une jetée."

"Très pieux, les Mahonnais ne manquaient pas d’observer toutes les Fêtes Religieuses, ayant apporté avec eux la foi qui, jointe au puissant esprit de famille qui les animait, leur permettait de lutter contre les dures conditions d’existence. Ils eurent dès 1851 leur Chapelle où officiait l’Abbé Castagnet. Le dernier desservant de cette paroisse exemplaire fût l’Abbé J.P. Toulet. Plus tard une Eglise abrita leur piété qui ne se démentit jamais. Soucieux de s’intégrer rapidement aux pays qui les avait accueillis, dès 1856, ils réclamaient à l’Administration un instituteur pour leurs enfants"

Observation de Lucienne PONS : La première institutrice du Village de BOU HAMEDI, fondé par mes ancêtres PONS et GORNES, fût Antoinette VIDAL cousine des GORNES.

Reprenons le texte du Père Roger DUVOLLET :

"Les concessionnaires ne reçurent aucun subside de l’Administration qui n’eut à exécuter que les travaux publics ordinaires. Chaque attributaire reçut en moyenne un lot à bâtir de 6 ares, un lot de jardin de 20 ares, deux lots de cultures, un de 2 hectares et un de 6 hectares. Cette répartition de la concession se complétait de 45 hectares : 42 ha affectés au communal, O,53 ha destiné au cimetière, et enfin 6,26 ha formant deux lots pour la commune."

"Les Mahonnais défrichèrent rapidement leurs lots, vendant les broussailles sous forme de charbon de bois et de fagots aux boulangers d’Alger, creusaient des puits, installant des norias, élevant pour protéger leurs productions, des haies de roseaux qui donnèrent son aspect caractéristiques à leurs campagnes."

"Ils prirent eux mêmes l’initiative de construire une route qui les relia directement à la Maison Carrée" (centre commercial où se tenait un immense marché de produits agricoles et de bestiaux, proche d’Alger) "ce qui leur permit d’alimenter Alger en primeurs, et grâce à leurs procédés à la fois pacifiques et énergiques, ils surent se concilier les indigènes et s’en faire des auxiliaires. Ils cultivèrent des légumes et des céréales, et dès l’année suivante, la récolte fût très rémunératrice. A dater de ce moment, l’élevage du bétail, la plus ancienne source de production locale, céda progressivement la place aux cultures, les Mahonnais tirant le meilleur parti de leur concession."

"Le 15 septembre suivant, le Maire de l’Arba, de passage dans le Centre, constatait que les défrichements marchaient activement et que beaucoup de concessionnaires espéraient qu’ils auraient mis leurs terres en valeur bien avant le terme de trois ans requis par l’Administration. Il estimait que 20 HA. autour de Fort de l’Eau avaient déjà été mis en valeur, 17 puits fonctionnaient et les maisons d’habitation étaient presque toutes achevées. Il ajoutait que l’état sanitaire du Centre était satisfaisant, malgré de fortes chaleurs. L’ensemble des Mahonnais, grâce à leur travail acharné comme leur esprit d’économie, purent se libérer rapidement et, très vite, ils furent mis en possession définitive de leurs terres. Le 11 janvier 1850, le Centre de Fort de l’Eau était créé par Décret du Président de la République Française, le Prince Bonaparte."

" L’année suivante, tout le territoire était défriché et on ne pouvait trouver un seul palmier nain - cette terreur des défricheurs - et déjà la prospérité du village était telle que ses habitants n’avaient d’autres soucis que celui d’agrandir leurs concessions."

"Si avant 1830, les terres de ce territoire n’eussent pas trouvé acquéreur à 30 francs l’hectare, moins de cinq ans après, on les payait 600 francs à l’hectare. A noter que la création du Centre de Fort de l’Eau ne coûta que 7.000 francs à l’Administration qui, pour ce genre d’opérations en dépensait habituellement entre 40 et 50.000 francs dans les autres territoires de l’Algérie".

" Les premiers concessionnaires s’appelaient alors : ALZINA (Gabriel et Antoine), SEGUR, BARBER, CARDONA, COLL(Antoine et Jean), CAPO, CAMPS, FORNARIA, FEDELICH, GORNES, GINAR, JUANEDA, LUC, LAURANT, MONTANER, MERCADAL MARQUES(Mathieu, Joseph, Dominique et Jean), MASCARO(Michel et Jean), OLIVES, les PONS (Jean, Christophe, Laurent, Barthélémy, Thomas, Joseph, Jacques), SERRA,les SEGUI(Ramon, Laurent), les SINTES(Joseph, Laurent, Pierre, Bernard), SALORT (Jean, Jacques ) les TUDURI(Antoine, François, Joseph), VILLE. La cinquantaine de familles installées à Fort de l’Eau, comportait 34 couples, 114 enfants, dont 41 filles, 10 célibataires, et 39 domestiques apparentés, et représentait environ 300 individus."


" Ces laborieux pionniers creusèrent des canaux, irriguèrent leurs terres et se livrèrent à la culture maraîchère d’après les méthodes simples apportées des Baléares. Leur production très appréciée contribua notamment à l’approvisionnement en légumes des marchés d’Alger et de Maison Carrée. Enfin plus tard, lorsque des transports plus rapides s’installèrent entre l’Algérie et la Métropole, ces maraîchers pratiquèrent la culture des primeurs : tomates, poivrons, pommes de terre, artichauts, petit-pois, choux-fleurs, qu’ils expédièrent en France. Un article de l’Akbar (21.8.1854) nous dépeint leur village et ses habitants à leur début : L’aisance règne dans chaque famille. Elle se traduit par une remarquable propreté au-dehors et en-dedans de chaque habitation. La Mahonnaise, spécialement chargée des soins du ménage et d’élever les enfants, procède chaque samedi à la toilette de la maison, l’extérieur et l’intérieur sont dans les plus petits détails, blanchis à la chaux, les meubles cirés, et les ustensiles de ménage coquettement places dans l’endroit le plus apparent, brillants de propreté, comme des tableaux de Rembrandt"

Observation de Lucienne : Les Mahonnaises étaient aussi de fines brodeuses. Il était coutume pour les jeunes filles de se réunir entre-elles l’après midi sous les vérandas qui se trouvaient bâties à l’arrière des maisons et donnant sur les jardins, pour broder toutes ensembles les magnifiques trousseaux des jeunes filles et des jeunes gens de la communauté qui devaient tout prochainement se marier. Les mahonnaises étaient aussi d’excellentes cuisinières et pâtissières familiales (j’ai encore le souvenir des délicieux petits pâtés et succulentes pâtisseries que nous confectionnait ma grand-mère Agathe PONS née GORNES), elles pétrissaient leur pain ensuite cuits dans des fours traditionnels installés dans le jardin de chaque maison dans les villages et fermes.

Reprenons l’article de l’Akbar :

"Quand aux Mahonnais, à moins que vous ne passiez par là un Dimanche, ne le cherchez pas dans l’habitation, ni aux alentours, ni encore moins dans un cabaret ***, il est aux champs avec tous ses fils, travaillant sous le soleil ardent avec cette assiduité et cette persévérance dans lesquelles il n’y a pas de vrai cultivateur"

*** il n’y avait pas de cabaret à cette époque à Fort de l’Eau, ce qui faisait l’admiration de tous, contrairement à d’autres Centres de l’Algérie où l’alcool commençait à se répandre. Les Mahonnais étaient très sobres et nullement pressés d’aller dépenser cet argent durement gagné dans un estaminet ; un cabaret n’ouvrit qu’en 1862 et encore végéta-t-il très longtemps***

Reprenons le texte du Père Roger DUVOLLET :

" Comme partout en Algérie, la vigne fît son apparition dans la région de Fort de l’Eau. Vers 1880, ce territoire en comprenait 75 ha. (puis 153 ha. en 1920), ainsi que 30 ha. de tabac. La prospérité de ces colons fût si rapide que quelques années plus tard, ils réclamaient déjà pour leur fils des terres, dans les villages projetés de Cap Matifou, Aïn-Taya et de Réghaïa. Le 2 juin 1881, ils virent leur circonscription érigée en commune de plein exercice, naissance qui provoqua l’effacement du Centre de la Rassauta qui avait pendant trente ans figuré sur la liste des communes algériennes. En 1891, l’Administration répartissait les anciens communaux entre les communes de Fort de l’Eau, Maison-Blanche et Rouïba."

"Les Mahonnais étaient bien supérieurs, - comme maraîchers - aux Espagnols et aux Italiens. Ils n’employaient en général que la main-d’œuvre mahonnaise, et les membres d’une même famille presque toujours suffisaient pour cultiver le lot et porter la récolte au marché"

Observation de Lucienne : Tout au début de leurs premières récoltes, alors qu’ils n’avaient pas encore les moyens de s’équiper de chevaux et de voitures, pendant que les hommes travaillaient aux champs, il arrivait souvent que les Mahonnaises portent elles-mêmes les produits au marché pour les vendre. Ma grand-mère qui le tenait de sa propre grand-mère me rapportait que certaines de ces vénérables anciennes Mahonnaises transportaient leurs légumes et fruits à vendre retenus dans leurs larges tabliers, parcourant ainsi plusieurs kilomètres jusqu'au marché.

FIN DU CHAPITRE 1

SVP : n’oubliez pas de lire la suite en CHAPITRE 2