Dominique de Villepin, qui sera jugé en correctionnelle à partir du 21 septembre pour manipulation politique contre Nicolas Sarkozy, a été "un des bénéficiaires collatéraux, mais parfaitement conscient" de l'affaire Clearstream, a déclaré le procureur de Paris Jean-Claude Marin vendredi matin sur Europe 1. L'ancien Premier ministre, accusé de "complicité de dénonciation calomnieuse, complicité d'usage de faux, recel d'abus de confiance et de vol" est passible d'une peine maximale de cinq ans de prison et d'une amende dans le dossier des listings falsifiés de la société financière Clearstream. Il nie les charges.

"Les juges (d'instruction) disent qu'il est l'instigateur premier de l'ensemble du système, moi, je dis qu'il est un des bénéficiaires collatéraux, mais parfaitement conscient", a affirmé le procureur de Paris, qui soutiendra l'accusation dans ce procès. "Je pense qu'il y a, par-delà un effet d'aubaine dans un combat politique que l'on connaît, une utilisation frauduleuse d'une information que l'on savait fausse par un corbeau que l'on connaissait", a-t-il poursuivi, rappelant la rivalité opposant Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2007. Le président Nicolas Sarkozy est partie civile dans cette affaire.

Les faux listings Clearstream, qui imputaient la détention de comptes bancaires secrets à des centaines de personnalités, dont Nicolas Sarkozy, avaient été remis en 2004 au juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke par l'ancien vice-président d'EADS Jean-Louis Gergorin. Le juge avait mis au jour la supercherie en 2005. Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, est accusé d'avoir donné l'ordre à Jean-Louis Gergorin, un ami, de transmettre les listings au juge aux fins de manipulation politique. "Nous avons un certain nombre d'éléments, qui sont des éléments à la fois concrets, écrits, et notamment les verbatims du général Rondot. Nous avons un certain nombre d'éléments de circonstance. Le tribunal en décidera", a expliqué Jean-Claude Marin.

"S'il (Dominique de Villepin, ndlr) démontre que j'ai tort, j'en tirerai les conséquences. Je ne pense pas que j'aurai tort", a-t-il ajouté. En qualité de ministre des Affaires étrangères, puis de l'Intérieur, Dominique de Villepin avait confié une enquête sur les listings de Clearstream au général Philippe Rondot, spécialiste du renseignement. Jean-Claude Marin a nié, de nouveau, agir sous la pression de l'Élysée. "On ne porte pas une accusation si on ne porte pas une conviction", a-t-il souligné. "Le ministère public est dans cette affaire (...) totalement indépendant des intérêts particuliers de tel ou tel", a assuré le magistrat. Les audiences se tiendront devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris jusqu'au 21 octobre.

La réaction des avocats de Dominique de Villepin

Me Olivier Metzner, l'un des défenseurs de Dominique de Villepin, a regretté l'intervention de Jean-Claude Marin avant l'ouverture des débats.

"Est-ce qu'il s'exprime de sa propre initiative ? Je me pose la question", a-t-il dit sur France info. "Il replace ce procès dans un contexte politique (...) ce qui me surprend quelque peu pour un magistrat qui est là pour faire du droit et pas de la politique", a-t-il ajouté.

Pour Me Metzner, le procureur parle maintenant d'un "délit par conviction" après avoir évoqué un "délit par abstention, ce qui n'existe pas en droit", alors qu'il ne s'agit dans ce dossier "que d'une construction intellectuelle". "Il ne sera pas difficile de le démontrer lors de l'audience mais nous, nous attendons le début des débats", a-t-il dit.

Me Luc Brossolet, s'est, quant à lui, étonné : "Il n'est pas d'usage, que le procureur s'exprime ainsi sur les ondes". L'avocat note "qu'il est en désaccord criant avec les juges d'instruction" sur le rôle de son client, qui conteste formellement l'ensemble des griefs car "il ignorait à l'époque qu'un juge avait été alimenté par un corbeau, n'a jamais eu en main les listings falsifiés et a fortiori, en ignorait tout. En juillet 2004, il a saisi la DST et s'est fié aux conclusions de ce service".

Sources de références : Le Point et L'Express