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06 août 2007

LUSCINE ET LE CHANT DU ROSSIGNOL

LUSCINE ET LE CHANT DU ROSSIGNOL

Auteur : Lucienne PONS (2007)

Série : Nouvelles et Contes de mon jardin

Une vigne jeune et vigoureuse grimpait du côté droit de la fenêtre de la chambre de Luscine. Il arrivait souvent qu’un petit rossignol la nuit vienne s’y poser pour siffler sa chanson. Cela ne manquait pas de réveiller la petite fille qui l’écoutait alors avec ravissement un petit moment avant qu’il ne s’envole dans le jardin sur d‘autres plantes grimpantes ou sur les branches d’un arbre. Mais une nuit alors qu’elle dormait paisiblement, le chant du petit rossignol s’éleva de plus en plus fort sans s’arrêter à tel point qu’au bout d’un moment elle décida d’ouvrir les vitres et de replier les persiennes pour voir ce qui se passait. Le bel oiseau s’égosillait de plus en plus, d’après la provenance du son elle le situait sur l’une des ramures de la vigne mais n’arrivait pas à le voir. La nuit avec une lune voilée de nuages était sombre et le dissimulait à son regard, elle alla chercher une petite lampe de poche dont elle se servait souvent pour lire « en cachette » avant de s’endormir et dirigea la lampe sur la vigne. Elle le vit enfin posé sur une branche à mi-hauteur de telle sorte qu’en se haussant sur la pointe des pieds et en étirant son bras elle pouvait le saisir. Le jeune Rossignol surprit par la lumière redoubla ses cris en restant interdit sans plus bouger. C’est étonnant qu’il ne s’envole pas pensa Luscine, je pourrais le prendre peut-être au creux de ma main pour le caresser, son plumage parait doux comme du duvet, mais je ne veux l’effrayer davantage, et si je lui parlais pour le rassurer, avant de l’approcher ? se dit-elle.

- Petit Rossignol ton chant est mélodieux, n’aies pas peur de moi, je ne te veux aucun mal, je voudrais tout juste te cueillir comme une fleur et caresser au creux de ma main ton doux plumage, puis je te relâcherai, ne bouges pas petit Rossignol, je vais approcher ma main doucement, doucement !

Et ce disant elle tendit ses petits doigts et les referma délicatement sur les pattes de l’oiseau qui se mit à redoubler cette fois de cris terreur en agitant ses ailes pour tenter de s’échapper. En essayant de le ramener elle se rendit compte que l’une de ses pattes était prisonnière d’une vrille de la vigne et qu’il ne pouvait la dégager de lui-même.

Elle était vraiment mal placée du bas intérieur de la fenêtre pour le délivrer et décida de monter sur son rebord assez large qui ne présentait aucun danger. Sitôt fait elle se trouva à hauteur de l’oiseau tenta de dévriller la patte prisonnière mais sans y parvenir au risque de le blesser. Elle sauta prestement dans la chambre et sortit d’un petit tiroir un minuscule ciseau d’argent qu’elle utilisait pour apprendre à broder et se replaçant sur le bord de la fenêtre coupa adroitement la vrille, aussitôt le rossignol libéré cessa de chanter et s’envola dans la nuit. Mais dans cette opération le petit ciseau était tombé au pied de la fenêtre à l’extérieur, elle descendit vivement pour le ramasser et quelle ne fut pas surprise de trouver endormie sur le sol, Terésina la vieille chatte sourde qui dormait sur le côté les pattes étendues.

La chate sourde se réveilla brusquement en hérissant ses poils.

- Ah te voilà contrariée, Terésina, n’aies pas peur c’est moi, heureusement que le chant du Rossignol ne t’as pas réveillée, tu aurais été capable de le manger tout cru ! mais tu es sourde et c’est bien la première fois que je ne le regrette pas !

La vieille chatte qui n’entendait plus depuis longtemps l’observait et dans la nuit ses yeux phosphorescents brillaient comme des opales vertes.

L’enfant remonta dans sa chambre ferma soigneusement les persiennes et les vitres, puis avoir replacé le petit ciseau d’argent elle se blottit dans son lit, se rendormit bien vite pour se plonger dans un rêve.

En songe elle se trouva dans un grand jardin où sur un rosier se trouvait le petit rossignol qui chantait encore a tue tête mais cette fois joyeusement et miraculeusement son chant lui était compréhensible, voici ce qu’il chantait :

- Cette nuit sous la lune voilée , moi le petit Rossignol, je me suis posé sur un cep de vigne et me suis endormi, au bout d’un moment je me suis réveillé, mais une méchante vrille s’était enroulée très fort autour de ma patte, je ne pouvais seul me libérer tant son emprise était forte, mais une petite fille m’a délivré, et désormais c’est pour elle que je viendrai chanter tous les jours et toutes les nuits dans ce jardin en prenant soin de ne plus me poser sur une plante à vrille

Dans son rêve la petite fille se mit aussi à chanter :

- Sans mes petits ciseaux d’argent je n’aurai pu te délivrer gentil rossignol, désormais chaque fois que je broderai je penserai toi, je broderai une vigne et ses vrilles pour la rendre prisonnière de mon canevas, et la vraie vigne évites là désormais, tu viendras te poser sur le rebord de la fenêtre la nuit pour me ravir de tes trilles sans aucun danger, promets le moi !

- Je te le promets pendant la saison toute les nuits je chanterai pour toi sur le rebord de ta fenêtre et tous les jours sur le rosier dans le jardin.

Puis le rêve se termina, la petite fille se retourna un peu sous ses draps puis se rendormit aussitôt.

Le lendemain matin après son petit déjeuner Luscine alla chercher son canevas, ses fils de soie vert et marron et se mit tout aussitôt à l’ouvrage, elle commença par broder les ceps bruns, puis le deuxième jour elle broda les vrilles vert tendre, puis le troisième jour commença à broder les feuilles vertes foncées à nervures brunes , ce travail avant d’être terminé lui demanda toute une semaine, et pendant tout ce temps elle n’entendit plus le jour ni la nuit le chant du Rossignol.

- Pourquoi ne chantes-tu plus petit Rossignol, tu me l’avais promis dans mon rêve et depuis une semaine je ne t’ai même pas vu voleter dans le jardin ! Où est-il parti ? se dit-elle en rangeant son ouvrage terminé.

Quelle ne fut pas sa surprise la nuit suivante d’entendre le chant de l’oiseau sur le bord de la fenêtre et le jour suivant de nouveau dans le jardin, et ce concert se poursuivit tout au long de la saison. Pour le remercier la petite fille ne manquait jamais tous les soirs avant de fermer ses fenêtres de déposer sur le rebord des graines de millet.

Quelques années plus tard Luscine atteignit ses dix huit ans. C’était maintenant une belle jeune fille svelte, son visage au teint de rose, son sourire agréable, ses beaux yeux bleu vert, ses cheveux blond vénitien, son pas vif et décidé qui accentuait son allure élégante faisaient l’admiration de tout le voisinage et de nombreux jeunes gens des alentours soupiraient d’amour sur son passage. Aucun d’entre eux encore n’avait osé se déclarer et la demander en fiançailles. Elle ne s’en plaignait pas, toute son attention se portait aux « études », elle voulait devenir ornithologue ; depuis plus de deux ans déjà Luscine passait son temps à suivre des cours à la Faculté et quand elle se trouvait en vacances dans la propriété de ses parents elle ne manquait jamais de passer deux ou trois après midi par semaine à se promener dans les bois avoisinants pour observer les oiseaux de toutes espèces en prenant soin de noter toutes ses découvertes. Le soir elle se plaisait à lire ses notes à ses parents et entre eux s’ensuivaient des conversations où chacun essayait d’approfondir la question en consultant des livres spécialisés. Ce sujet la passionnait, elle y consacrait beaucoup de temps qui pour elle passait trop vite et quand ses amies et amis l’invitaient pour la distraire et l’emmener au bal ou au cinéma, elle ne pouvait s’empêcher de les faire attendre quelques jours avant de se décider à laisser pour quelques heures ses chères études.

Or par un bel après midi de Printemps elle décida de faire une promenade dans les bois avant d’aller rejoindre pour la soirée Pierre un de ses amis qui se désespérait de ne pas la rencontrer assez souvent.

Elle prit un grand chapeau de paille blanche, son carnet de notes et un crayon finement taillé et d’un pas agile, sa large jupe virevoltant autour d’elle, traversa le jardin et les champs pour atteindre un grand bois, presque une petite forêt, qui se trouvait au-delà d’un fleuve à plus d’un kilomètre de la propriété. Sur son chemin elle croisa quelques lapins de garenne qui détalèrent à son approche, puis enfin elle arriva au pont qu’elle traversa sur toute l’étendue du Fleuve pour enfin arriver au bois et en y entrant elle ressentit l’impression d’entrer dans son véritable monde.

A l’instant même elle entendit le chant d’un Rossignol qui la dirigea à environ 200 mètres en profondeur du bois et se trouva au pied d’un grand arbre ou à sa grande surprise elle trouva un jeune homme, étendu sur un tapis d’herbes et de feuilles, qui lui parut endormi. Elle s’approcha prudemment pour voir s’il dormait vraiment. Il dormait en effet et elle se demanda si elle devait partir sans le déranger ou le réveiller, mais il lui sembla qu’il gémissait par moment dans son sommeil et elle ne put s’empêcher de s’inquiéter. Il est peut-être malade ou blessé, je dois le réveiller se dit-elle et aussitôt elle s’approcha, se pencha et passa sa main sur le front du dormeur ; Il était en tenue de chasse et portait une abondante chevelure brune bouclée qui couronnait son visage au teint légèrement mat. Ses paupières fermées sur de longs cils noirs frémissaient légèrement. Au contact de sa main il ouvrit tout grand de magnifiques yeux bleu d’azur encore ensommeillé, mais elle le réveilla tout à fait en poussant un cri de surprise :

- Pierre c’est vous ! Bonjour, mais que faites-vous là étendu sous cet arbre ? Je vous ai entendu gémir dans votre sommeil, que se passe- t-il ?

Pierre était son ami, le fils d’un des propriétaires voisins, à la vue de la jeune fille son visage s’anima et il répondit enfin désignant sa cheville gauche :

- Bonjour Luscine , comme je suis heureux de vous rencontrer , ce matin vers onze heures alors que je rentrais de la chasse, je me suis tordu la cheville en butant sur une souche de vieille vigne sauvage, je suis tombé et quand j’ai voulu me relever je n’ai pu me tenir sur mes pieds, mon pied gauche me faisait souffrir atrocement, alors je me suis allongé pour me remettre en attendant que quelqu’un passe me porter secours et puis finalement mes douleurs se sont un peu calmées, sauf quelques lancements de temps en temps, et j’ai fini par m’endormir en écoutant chanter le Rossignol.

- Mais c’est très grave, vous auriez pu rester longtemps seul et sans soins, vite, vite, je dois vous assoir contre le tronc de cet arbre, vous serez mieux installé, et ensuite j’irai immédiatement chercher le sulky de mon père pour vous conduire au village chez le médecin.

Elle l’installa contre le tronc de l’arbre et avant de partir banda sa cheville au moyen de l’écharpe blanche du jeune homme qui était de trois ans son aîné.

Avant qu’elle ne parte le chant du Rossignol reprit de plus bel, leurs regards se croisèrent comme deux flammes ardentes et Pierre la retenant légèrement par le poignet soupira en la regardant tendrement :

- Il chante parce que c’est le temps des amours, il cherche et appelle une compagne, Ah ! Que ne puis-je comme le Rossignol chanter pour trouver mon amour ! Si je chantais ce ne serait que pour vous …. Viendriez vous vers moi, m’accepteriez vous comme votre fiancé ?

Luscine troublée et émue s’entendit lui répondre :

- Je suis là Pierre si proche de vous, depuis que nos regards se sont croisés je sais que je suis votre fiancée depuis la nuit des temps.

Elle se pencha vers lui et chastement ils échangèrent leur premier baiser du bout des lèvres.

Sur la plus haute branche le Rossignol s’était tu, il venait lui aussi de trouver une compagne.

Puis elle s’en alla bien vite pour chercher le sulky et le conduire chez le Médecin.

Au mois de Juin alors que l’été venait de commencer ils célébrèrent leur fiançailles officielles à la grande joie de leur famille. Deux ans après alors que Luscine venait d’obtenir son diplôme d’ornithologue et que Pierre terminait ses études de médecine, ils décidèrent de se marier et de s’installer dans une grande ville.

Luscine devint une réputée conférencière et Pierre un bon médecin. Comme tous les gens heureux ils eurent beaucoup d’enfants, mais jamais d’oiseaux en cage. Un de leur grand plaisir était de venir passer leurs vacances dans les propriétés de leurs parents et d’en profiter souvent pour se promener dans le bois pour écouter chanter le Rossignol.

(ce texte a été déposé pour protéger mes droits d'auteur - toute édition, commercialisation, interprétation ou lecture publique de ce texte est interdite sans autorisation expresse de ma part )

1 commentaire:

Marie et Mathilde a dit…

Quelle bonne idée, Lucienne, de publier vos textes sur un blog.
Je viens de le découvrir.
Bravo.
J'y reviendrai souvent.
A très bientôt et longue vie à votre blog.
François Fillon