GENEVE (AFP) — Le Soudan a accusé vendredi le gouvernement français d'avoir fourni des visas à l'association Arche de Zoé pour exfiltrer 103 enfants du Tchad avant que cette tentative ne soit arrêtée fin octobre.
"En mars, avril et mai, les autorités françaises ont fourni par anticipation des visas et ont également autorisé l'avion à amener ces enfants en France", a accusé à Genève le commissaire soudanais à l'Aide humanitaire, Mohamed Abdel Rahman Hassabo.
Le gouvernement français "savait" que l'Arche de Zoé se préparait à enlever ces enfants pour les faire adopter par des familles françaises pour des sommes comprises entre 1.500 et 8.000 euros, a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse.
Selon lui, les 103 enfants actuellement regroupés par les autorités tchadiennes dans un hôpital d'Abéché, n'étaient que l'avant-garde d'une opération destinée à évacuer 10.000 enfants africains vers l'Europe.
"C'est un crime très grave, perpétré contre tous les principes de l'humanité", a-t-il lancé, accusant l'association d'avoir préparé une opération "d'enlèvement, de trafic d'enfants et d'esclavage".
Il a ajouté que 74 autres enfants étaient actuellement recherchés par les autorités de son pays.
La France a qualifié quant à elle de "sans aucun fondement" les accusations du Soudan selon lesquelles le gouvernement français aurait fourni des visas à l'association L'Arche de Zoé pour faire sortir 103 enfants du Tchad.
"Nous avons pris connaissance avec étonnement de ces accusations qui sont sans aucun fondement", a déclaré le porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères, Frédéric Desagneaux.
"Nous démentons catégoriquement avoir donné de tels visas. Dans cette affaire, il est essentiel de s'en tenir aux faits et de laisser la justice faire son travail", a-t-il ajouté.
Eric Breteau, président et fondateur de l'association Arche de Zoé aujourd'hui détenu au Tchad, avait publiquement annoncé en juin qu'il préparait durant l'été l'évacuation de 1.000 enfants du Darfour (ouest du Soudan), puis à terme celle d'un total de 10.000 enfants.
Vendredi, le responsable soudanais s'en est également pris au président français Nicolas Sarkozy, qui a ramené du Tchad sept des 21 personnes arrêtées dans cette affaire.
"Il aurait pu au moins rendre visite aux victimes au lieu d'aller les chercher au tribunal", a dénoncé M. Hassabo.
Le responsable soudanais a affirmé par ailleurs que 17 des 103 enfants d'Abéché étaient de nationalité soudanaise, alors que l'identification de ces mineurs âgés d'un à dix ans doit encore prendre plusieurs semaines.
Ces derniers jours, l'affaire a commencé à frapper avec retard la France et les ONG au Soudan, prises pour cible par les autorités soudanaises qui resserrent leur étreinte sur les 12.500 représentants de la communauté humanitaire au Darfour.
A Genève, M. Hassabo a affirmé que la tentative de l'Arche de Zoé avait été "soutenue par de nombreux organismes qui sont censés protéger les réfugiés, comme le HCR et l'Unicef qui travaillent au Darfour et dans l'est du Tchad".
Les 103 enfants ont été amenés dans des camps tenus par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés et par le Fonds des Nations unies pour l'enfance, a affirmé le responsable soudanais, demandant à ces organismes d'enquêter dans leurs rangs pour "découvrir qui est impliqué" dans cette affaire.
Interrogé lors d'une conférence de presse sur ces accusations, le Haut commissaire adjoint aux réfugiés, Craig Johnstone, les a jugées "sans fondement" et "impossible à étayer".
"Je vous laisse le soin de juger pourquoi ces accusations sont formulées. Je ne voudrais pas leur donner plus de dignité en y répondant", a-t-il lancé.
M. Johnstone, qui vient d'effectuer une tournée au Soudan et au Tchad où il a rendu une visite aux enfants d'Abéché, a qualifié la tentative de l'Arche de Zoé de "honteuse et répugnante".
A propos de la situation au Darfour, il a confié retirer des sentiments "mitigés" de ses conversations au Soudan. "Cela dépend de la personne à qui l'on parle", a-t-il dit. "Certains membres du gouvernement nous ont encouragés à jouer un rôle beaucoup plus actif, mais dans les organisations d'aide humanitaire, c'était exactement le contraire".
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