17 octobre 2009

Le testament d'une Reine


publié par lucienne magalie pons
en souvenir de la Reine de France



Marie Antoinette

- Née à Vienne, 2 novembre 1755 – morte guillotinée à Paris, le 16 octobre 1793 -

Archiduchesse d'Autriche, princesse impériale, princesse royale de Hongrie et de Bohême, dauphine de France, reine de France et de Navarre (1774–1793), épouse de Louis XVI de Bourbon, roi de France, sœur de Joseph II d'Autriche et de Léopold II d'Autriche.

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Le Testament de la Reine de France, Marie Antoinette

Marie-Antoinette, écrivit pieusement quelques heures avant sa mort à sa belle-sœur, Madame Élisabeth sœur du Roi Louis XVI la lettre qui après plus de deux siècles, émeut encore d’admiration et de respect. Nous la reproduisons ici en entier : elle éclaire d’une lumière tout à la fois vive et paisible l’âme et la pensée de la reine martyre au seuil de la mort

Ce 16 octobre, à quatre heures et demie du matin.

« C’est à vous, ma sœur, que j’écris pour la dernière fois. Je viens d’être condamnée, non pas à une mort honteuse – elle ne l’est que pour les criminels – mais à aller rejoindre votre frère ; comme lui innocente j’espère montrer la même fermeté que lui dans ses derniers moments. Je suis calme comme on l’est quand la conscience ne reproche rien. J’ai un profond regret d’abandonner les pauvres enfants. Vous savez que je n’existais que pour eux et pour vous, ma bonne et tendre sœur, vous qui avez par votre amitié tout sacrifié pour être avec nous. Dans quel état je vous laisse ! J’ai appris par le plaidoyer même du procès que ma fille était séparée de vous. Hélas ! la pauvre enfant, je n’ose pas lui écrire, elle ne recevrait pas ma lettre, je ne sais pas même si celle-ci vous parviendra. Recevez pour eux deux ici ma bénédiction ; j’espère qu’un jour, lorsqu’ils seront plus grands, ils pourront se réunir avec vous et jouir en entier de vos tendres soins. Qu’ils pensent tous deux à ce que je n’ai cessé de leur inspirer : que les principes et l’exécution exacte de ses devoirs sont la première base de la vie, que leur amitié et leur confiance mutuelle en fera le bonheur.

« Que ma fille sente qu’à l’âge qu’elle a (Madame Royale était dans sa quinzième année) elle doit toujours aider son frère par les conseils que l’expérience qu’elle aura de plus que lui et son amitié pourront lui inspirer ; qu’ils sentent enfin tous deux que dans quelque position où ils pourront se trouver ils ne seront vraiment heureux que par leur union ; qu’ils prennent exemple sur nous. Combien, dans nos malheurs, notre amitié nous a donné de consolation ! et dans le bonheur on jouit doublement quand on peut le partager avec un ami, et où en trouver de plus tendre, de plus uni que dans sa propre famille ? Que mon fils n’oublie jamais les derniers mots de son père que je lui répète expressément :

« Qu’il ne cherche jamais à venger notre mort.

« J’ai à vous parler d’une chose bien pénible : je sais combien cet enfant doit vous avoir fait de la peine (allusion aux propos que les commissaires de la Convention arrachèrent au Dauphin, un enfant de huit ans, qu’on avait abruti physiquement et moralement et qui n’avait plus sa pensée à lui). Pardonnez-lui, ma chère sœur, pensez à l’âge qu’il a et combien il est facile de faire dire à un enfant ce qu’on veut et même ce qu’il ne comprend pas. Un jour viendra, j’espère, où il ne sentira que mieux le prix de vos bontés et de votre tendresse pour tous deux (le fils et la fille de la reine).

« Il me reste à vous confier encore mes dernières pensées. J’aurais voulu les écrire dès le commencement du procès, mais, outre qu’on ne me laissait pas écrire, la marche a été si rapide que je n’en aurais réellement pas eu le temps.

« Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine, dans celle de mes pères, dans celle où j’ai été élevée et que j’ai toujours professée, n’ayant aucune consolation spirituelle à attendre, ne sachant pas s’il existe encore ici des prêtres de cette religion, et même le lieu où je suis les exposerait trop s’ils y entraient une fois. Je demande sincèrement pardon à Dieu de toutes les fautes que j’ai pu commettre depuis que j’existe ; j’espère en sa bonté. Il voudra bien recevoir mes derniers vœux, ainsi que ceux que je fais depuis longtemps pour qu’il veuille bien recevoir mon âme dans sa miséricorde et sa bonté. Je demande pardon à tous ceux que je connais et à vous, ma sœur, en particulier, de toutes les peines que, sans le vouloir, j’ai pu leur causer. Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu’ils m’ont fait. Je dis ici adieu à mes tantes et à tous mes frères et sœurs. J’avais des amis : l’idée d’en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j’emporte en mourant ; qu’ils sachent au moins que, jusqu’à mon dernier moment, j’ai pensé à eux.

« Adieu, ma bonne et tendre sœur ; puisse cette lettre vous arriver. Pensez toujours à moi ; je vous embrasse de tout mon cœur ainsi que ces pauvres et chers enfants. Mon Dieu, qu’il est déchirant de les quitter pour toujours ! Adieu, adieu ! je ne vais plus m’occuper que de mes devoirs spirituels. Comme je ne suis pas libre dans mes actions, on m’amènera peut-être un prêtre ; mais je proteste ici que je ne lui dirai pas un mot et que le traiterai comme un être absolument étranger. » (La reine n’admettait pas le caractère ecclésiastique des prêtres assermentés.)

Madame Élisabeth, bien loin d’entrer en possession de ces pages qu’on a nommées le Testament de Marie-Antoinette, n’apprit même pas la mort de sa belle-sœur. Quand elle fut à son tour transférée de la tour du Temple à la prison de la Conciergerie, elle demanda au concierge Richard des nouvelles de la reine :

– Oh ! Elle est très bien, il ne lui manque rien.

Madame Élisabeth n’apprendra la mort de sa belle-sœur qu’au moment de gravir à son tour les marches de l’échafaud. Franchissant le seuil de la Conciergerie pour aller à la mort, elle pria le concierge Richard de dire son fidèle souvenir à la sœur qu’elle ne reverrait plus. Alors l’une des dames qui allaient être conduites au supplice avec elle, – parmi lesquelles Mme de Sénozan, sœur du ministre Malesherbes qui, devant la Convention, avait été l’un des défenseurs du roi, et Mme veuve de Montmaurin, – lui dit tout uniment :

– Madame, votre sœur a subi le sort que nous allons subir nous-mêmes dans un instant.



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