16 octobre 2007

Assemblée Nationale( audition CDC - aff.EADS)

Point sur l’affaire EADS :

(Suite de mon précédent article « Le gendarme Boursier et l’EADS)

Les responsables de la Caisse des dépôts (CDC) se sont expliqués, mardi 9 octobre, sur l'affaire EADS devant la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale.

C'est sur le rôle de l'Etat, qu'ils devaient plus précisément répondre.

Pour ne pas faire trop long et synthétiser au mieux je n’ai retenu que les exposés et réponses des hauts dirigeants de la CDC ( sans respecter l’ordre de leur « entrée en scène) en vue de retracer la chronologie des évènements

Monsieur Augustin de Romanet, secrétaire général adjoint de l'Elysée à l'époque des faits, et actuel Directeur général de la CDC a déclaré ne pas avoir été informé au préalable du projet de la CDC de racheter 2,25% du capital d'EADS détenus par Arnaud Lagardère: "nous n'avons appris cette opération que lorsqu'elle a été rendue publique"(il était à l’époque soulignons- le à l’Elysée) et s’est surtout attaché à développer dans une longue intervention, le mode de gouvernance de la CDC, son rôle et son fonctionnement en insistant sur l’étendu de autonomie de la CDC et de ses hauts dirigeants par rapport à l’ETAT .

Monsieur Philippe Auberger, l'ancien président de la commission de surveillance de la CDC, après avoir témoigné de sa bonne foi devant ses anciens collègues de L’assemblée Nationale qui savent qu’il n’a pas pour habitude de pratiquer la langue de bois et qu’il n’avait pas l’intention de la pratiquer ce jour, a affirmé que l'Etat "n'a jamais donné" et "n'avait pas à donner" d'autorisation à la CDC pour qu'elle rachète cette participation. Selon lui, il avait simplement à "en être informé compte-tenu du caractère stratégique et délicat du secteur".*

Ndlr : * sans s’aventurer à dire quand et par qui …

Pour le reste, Monsieur Auberger « croit se souvenir » d’ avoir "entendu parler pour la première fois" de l'intention de la CDC le "4 avril au matin", lors d'une réunion avec des dirigeants de la CDC au cours d’un des petits déjeuners bimensuels qui se tiendraient avant les réunions officielles de la commission de surveillance à l’effet de les préparer. De même « Il croit se souvenir qu’il aurait alors demandé "si le cabinet du ministre était informé" de l'opération, compte-tenu du caractère stratégique de l'entreprise: "je crois me souvenir qu'on m'a dit que c'était en cours", a-t-il expliqué.

Le lendemain, le 5 avril 2006, se tenait une réunion de la commission de surveillance, lors de laquelle le sujet EADS n'a pas été évoqué, à la surprise de Philippe Auberger, qui s'en est étonné: "on m'a répondu non: c'est prématuré", s'est-il rappelé et il s’est abstenu d’insister sur cette question.

ndlr : d 'après ce que j'ai pu comprendre dans la suite des interventions, le lendemain 6 avril l'opération se concrétisait, mais ce n'est qu'a postériori le 26 avril q'elle fût portée à la connaissance de la Commission de Surveillance, et que cette opération de marché, réalisée aux conditions du marché financier de l'époque ressortait de la compétence de décision de la CDC, sur toutes réserve de ma bonne compréhension.

Un autre ancien président de la Commission de surveillance, Pierre Hériaud, s’est longuement étendu en lisant un rapport relatant la régularité technique financière stricto sensus de cette « opération de marché » faites selon les conditions de marchés de l’époque qui avait été en aval négocié par Ixis Banque ( une ancienne filiale de la CDC) et a répondu suite à une question que le représentant de la direction du Trésor était resté "totalement muet" à l'évocation, a posteriori, de l'opération lors de réunions de la Commission de surveillance.

Or le Trésor "participe toujours très activement aux commissions de surveillance", a souligné le député Jean-Pierre Balligand (PS). "Quand il ne parle pas, cela doit avoir une signification", a-t-il dit.

M. Musca, directeur général du Trésor et de la politique économique, s'est attaché à justifier le "silence" des représentants de ses services. La réunion de la commission de surveillance n'est intervenue que le 26 avril, soit "plusieurs semaines après que l'opération soit devenue concrète", et la CDC n'a jamais cherché à entrer en contact avec l'Etat dans cette opération, a-t-il assuré.

A l'époque, "aucun élément en sa possession" ne pouvait amener le Trésor à s'interroger sur la pertinence du rachat de titres par la CDC, a-t-il affirmé.

Pour le reste ses hauts dirigeants se sont attachés à présenter la CDC comme une « institution financière publique en charge de missions d'intérêt général qui lui sont confiées par l'Etat et les collectivités locales" , en expliquant que pour garantir son indépendance, elle est placée "sous la surveillance" du pouvoir législatif, exercée par une Commission de surveillance, présidée par un député, que Cette commission comprend 12 membres, dont trois autres parlementaires, et un représentant de la direction du Trésor .

Monsieur Dominique Marcel, directeur financier de la CDC, a évoqué "l'exigence de confidentialité" de l'opération à l'époque et a confirmé les déclarations de Monsieur Romanet, Directeur Général actuel de la CDC ou il avait été appelé en remplacement de Monsieur Francis MAYER, à l’époque de l’opération EADS, très malade, hospitalisé à plusieurs reprises puis décédé par la suite

Monsieur Dominique Marcel, a aussi affirmé que l'établissement public n'avait "jamais informé l'Etat" au sujet de l'acquisition de 2,25% du capital du groupe d'aéronautique et de défense.

Une affirmation pour partie timidement contredite par l'ancien président de la Commission de surveillance de la CDC, Philippe Auberger « je crois me souvenir » …

M. Marcel a reconnu qu'en prenant sa décision d'acheter des actions EADS, la CDC s'était assurée que de grands investisseurs institutionnels français figuraient également parmi les autres acquéreurs de la participation vendue par Lagardère, et qu'une cession avait lieu parallèlement en Allemagne pour les titres de DaimlerChrysler.

Une préoccupation qui peut apparaître contradictoire avec le fait que la Caisse a toujours affirmé avoir procédé à une simple "opération de marché".

Ndlr : Rappelons ici que l'ancien ministre des Finances Thierry Breton avait précédemment affirmé devant le Sénat avoir appris "par la presse" l'acquisition par la CDC d'une partie des 7,5% du capital d'EADS cédés par Lagardère

Cette affirmation et celles « incertaines » de la CDC devant la Commission des Finances de l’Assemblée suscitent une interrogation , en effet si la Caisse est officiellement indépendante, j’ai pu comprendre qu’elle entretient des relations étroites avec l'Etat, lui-même en relation étroites avec l’EADS, comment alors ne pas supposer qu’une opération de cette envergure n’ait pas été évoquée au moins sous le sceau du secret, mais évoquée tout de même, étant donné la hauteur vertigineuse de son impact financier ?

Je ne peux pour ma part m’imaginer que ces Messieurs du Gouvernement viennent tous les matins, après leur petit-déj, étendre leurs jambes sous leur bureau avec pour seules missions de prendre connaissance par la presse des opérations financières de l’Etat et des Caisses soumises à leur tutelle et s’en tenir là sans réagir, même à postériori, ne serait-ce que pour s’informer du bien fondé de l’opération en cause et de ses prolongements heureux ou malheureux.

Dans l'après-midi, Philippe Pontet, président de la Sogeade --la holding qui porte les actions de l'Etat et du groupe Lagardère dans le groupe EADS-- a indiqué que l'Etat savait dès le 3 avril 2006 que des investisseurs institutionnels s'apprêtaient à reprendre tout ou partie des 7,5% d'EADS que Lagardère avait décidé de vendre.

Par ailleurs, M. Pontet a affirmé que la holding n'avait "jamais été informée" des retards de livraison de l'A380 avant leur annonce publique.

Ndlr :Sur le fond en note dominante de leurs interventions, les hauts dirigeants CDC la présente comme une « institution financière publique en charge de missions d'intérêt général qui lui sont confiées par l'Etat et les collectivités locales" , en expliquant que pour garantir son indépendance, elle est placée "sous la surveillance" du pouvoir législatif, exercée par une Commission de surveillance, présidée par un député, que Cette commission comprend 12 membres, dont trois autres parlementaires, et un représentant de la direction du Trésor .

Dans l’ensemble ces hauts dirigeant se sont parfaitement et très longuement étendus avec une grande précision et une mémoire cette fois très précise, sur les modes de fonctionnement et les performances de la CDC en matière d’opérations financières , en reconnaissant qu’il existait à l’époque de l’affaire EADS peu de communication entre les uns et les autres , chacun retenant l’information à son niveau de compétence, semble-t-il, et à cet effet pour parfaire la « gouvernance » de cette institution *, Monsieur Augustin de Romanet se propose de faire des "réflexions" au gouvernement: devant la commission des Finances et de créer un "comité des investissements" chargé d'examiner les opérations les plus "importantes" et "confidentielles", afin de dissiper "l'ambiguïté sur la systématisation de la réflexion collégiale".

NDLR : Encore un comité ! Le mot « gouvernance » très à la mode m’a bien plu ! Ceci classe pour qui l’entend ,les responsables des organismes financiers à capitaux publics, dans une sorte de sphère particulière très « snob », inaccessible, flottant très au-dessus des organes de décision et direction des sociétés financières privées, une manière comme une autre de faire sentir que l’on fait partie de l’olympe où siègent les Dieux du Pouvoirs de l’Etat. Il faut croire que dans cette Olympe ils sont tous sourds et muets sur les questions d’argent surtout quand elles portent sur des millions et des millions d’Euros.

Pour le reste, en suivant sur LCI en direct l’intervention des responsables de la CDC, j’ai cru comprendre d’après ce qu’ils ont déclaré « croire se souvenir » que la commission s'est réunie 22 fois en 2006, que la première mention d'EADS dans les procès-verbaux ne date que du 26 avril, soit plus de deux semaines après l'annonce officielle de la CDC , que le directeur général de la CDC en fonction à l’époque, Francis Mayer, décédé depuis, très compétent et au-dessus de tout soupçon , aurait agi sans en référer préalablement à la Commission de surveillance( ce qu’il n’aurait pas été tenu de faire ou pas ? , je ne n’ai pu réussir à le comprendre entre les « il aurait certainement » « je crois me souvenir » et autres affirmations conditionnelles ), et enfin j’ai noté que ces titres avaient ensuite perdu environ un tiers de leur valeur et que cette moins-value a contraint la CDC à passer une provision de 126 millions d'euros au titre de 2006.

Pour la question générale : Quel fût le rôle de l'Etat ? Était-il au courant, a-t-il donné des ordres et son aval pour cette opération ? ….. les réponses restent imprécises, vagues autant qu’incertaines, dans le domaine du « je crois me souvenir » « je pense » que l’Etat aurait du être informé ….. ou indirectement informé, par tel ou tels autres organismes extérieurs, mais jamais par la CDC dont ce n’était pas le rôle et que d’une façon habituelle la CDC opère seule et n’a pas à informer ni à recueillir l’aval de l’Etat.

Une telle étanchéité entre l'Etat et la Caisse des dépôts à propos d'une entreprise présentée comme stratégique, a semblé ne pas convaincre de nombreux députés.

Ma conclusion sur cette première audience devant la Commission des Finances de L’Assemblée Nationale :

Les hauts dirigeants de la CDC de première part

- ont choisi une tactique de diversion en détournant la question principale pour se placer sur le terrain des performances de la CDC dont ils plébiscitent en chœur le bon fonctionnement à quelques défauts de communication près entre les Cadres dirigeants ; de plus, ils considèrent CDC comme victime dans cette affaire a double titre (désinformation de la part d’EADS des retards de fabrication, et rachat dans cette ignorance de titres risquant la décote ce qu’ils ne pouvaient prévoir d’eux-mêmes) - ils auraient l’intention de se porter partie civile si le délit d’initiés était prouvé et si une action s’ensuivait –

- et de seconde part sont restés dans le vague et l’imprécision, sur ce que l’ETAT aurait du savoir ou ne pas savoir, a pu savoir et ne pas savoir, de qui et quand, sur cette affaire de la part de la CDC et d’autres intervenants.

Dans leur ensemble les médias à la suite de cette première audience ont considéré que l’audition des responsables n’a pas précisé le rôle de l’Etat et que subsistent des ambiguïté sur le rôle de l’Etat dans cette opération controversée , qui prête à soupçons de délits d’initiés de hauts dirigeants d’EADS dont Monsieur Arnaud LAGARDERE et l’ETAT lui-même en tête de file.

(mon prochain article portera sur l'audience de la CDC devant la Commission des Finances du Sénat)

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