Je vais lire, de façon approfondie la lettre de Manuel de Diéguez, mon philosophe de référence dans le courant de la journée , et après concentration de mes neurones sur le sujet je ne manquerai pas de vous faire part de mes réflexions qui seront je n'en doute pas élogieuses comme d'habitude.
de source :
http://www.dieguez-philosophe.
Lettre ouverte à M. Vladimir Poutine , Président de la Fédération de Russie
1 - Les confitures du ciel et les rôtissoires infernales
Présentation 1 - Les confitures du ciel et les rôtissoires infernales 2 - Les Etats dans l'arène de la pensée 3 - Le débarquement du rire dans la politique internationale 4 - Le Japon 5 - La nouvelle distanciation intellectuelle 6 - Une révolution neuronale 7 - "Qui veut faire l'ange fait la bête" (Pascal)Les historiens souligneront que l'arrêt de mort de l'Europe aura été définitivement signé et paraphé à Genève le 14 septembre 2013 et que le Vieux Continent ne s'est jamais relevé d'un second Yalta. A l'occasion de plusieurs jours d'entretiens décisifs sur le sort de la Syrie ni la France, ni l'Angleterre ni, naturellement, l'Allemagne et l'Italie n'ont été admis à s'asseoir respectueusement sur des tabourets placés derrière deux souverains solitaires, la Russie et les Etats-Unis d'Amérique. Ce n'était pas une surprise pour le lecteur de ce site. Dès le mois de mai 2012, au rythme d'une par semaine, j'ai consacré sept lettres ouvertes au Président de la République à lui démontrer la fatalité de cette issue .- La République et les enjeux intellectuels de l'histoire, Septième et dernière lettre ouverte au Président de la République , 8 décembre 2012
- La République et les enjeux intellectuels de l'histoire, Sixième lettre ouverte au Président de la République , 1er décembre 2012
- La République et les enjeux intellectuels de l'histoire, Cinquième lettre ouverte au Président de la République, 24 novembre 2012
- La République et les enjeux intellectuels de l'histoire, Quatrième lettre ouverte au Président de la République , 17 novembre 2012
- La République et les enjeux intellectuels de l'histoire, Troisième lettre ouverte au Président de la République , 10 novembre 2012
- La République et les enjeux intellectuels de l'histoire, Deuxième lettre ouverte au Président de la République , 3 novembre 2012
- La République et les enjeux intellectuels de l'histoire, Première lettre ouverte à M. François Hollande , 27 octobre 2012Pourquoi la catastrophe diplomatique d'aujourd'hui est-elle irréversible ? Pour le comprendre, il faut se souvenir qu'en 1956, Churchill avait été renvoyé dans ses foyers et que l'expédition de Suez avait été conduite par deux nains, M. Anthony Eden et M. Guy Mollet. La menace ridicule de Moscou et de Washington d'une pulvérisation atomique de Paris et de Londres n'aurait jamais été proférée si le vieux lion s'était trouvé au timon des affaires - ne serait-ce que parce que l'homme au cigare aurait haussé les épaules ou éclaté de rire au spectacle d'un enfantillage diplomatique de ce calibre. Les nains ont les nerfs plus fragiles encore que leur cervelle. Mais la France et l'Angleterre tentaient de naviguer contre le vent de l'histoire: défendre des empires coloniaux agonisants, c'était ouvrir un champ immense à l'évangélisme politique d'un Attlee.Neuf ans plus tôt, en 1947, la France n'aurait pas été absente du partage du monde lors de la deuxième conférence de Yalta entre Staline, Churchill et Truman si le Général de Gaulle n'avait été renvoyé à Colombey l'année précédente. Les moments cruciaux de l'histoire sont toujours pilotés en sous-main par le jeu de deux ou trois matous avec quelques souris. Mais, en 2013, il n'y a pas de Titan à retirer de l'échiquier au profit de tel ou tel cacique à Lilliput: une République entre deux âges est retournée se loger chez ses parents, les borgnes et les manchots de la IVe République.Mais pourquoi une Europe à peine sexagénaire ne se relèvera-t-elle jamais de ce désastre diplomatique? Parce que, sur tout le Vieux Continent, les élections sont devenues locales, ce qui enfante fatalement un tour d'esprit municipal et viscéralement étranger à la connaissance du monde. On le voit bien aux gémissements d'enfants abandonnés qui montent de la "morne plaine" de Waterloo: on sanglote de ce que les Etats-Unis se retirent lentement de l'Europe pour se tourner progressivement vers l'Asie au lieu de saluer avec des bondissements de joie une occasion aussi inespérée de libérer le continent des cinq cents bases militaires de l'étranger incrustées sur son sol depuis soixante dix ans.Toute la classe politique européenne n'a même plus le bon sens de comprendre qu'il n'y aura jamais d'Europe politique aussi longtemps que Ramstein, Naples, ou Sigonella demeureront occupées par les troupes américaines. Une civilisation atteinte d'un tel degré de cécité apeurée s'expulse elle-même du théâtre du monde.Dans ce contexte, la Russie voit un vide fécond s'ouvrir à son destin, celui du sauveur d'une civilisation en cours d'éjection de l'arène. Ce sont les pièces de l'échiquier et les règles mêmes du jeu qui se trouvent changés, parce que la scène internationale est devenue le territoire d'un regard d'anthropologue sur l'espèce. C'est cette vue de l'extérieur sur le champ de bataille que M. Vladimir Poutine a comprise - il suffit pour s'en convaincre de lire la lettre imaginaire qu'il a adressée la semaine dernière au pape François.- Lettre imaginaire de Vladimir Poutine au chef de l'Eglise catholique + Lettre réelle à Aurélie Filippetti, Ministre de la culture, 14 septembre 2013Aujourd'hui et la semaine prochaine, je tenterai d'observer le tournage de ce film et de mettre la main sur la caméra.
-
M. Président ,
A quelle étape de son parcours saccadé l'évadé des forêts en
est-il de la fabrication de sa boîte osseuse? La Russie sera-t-elle
au rendez-vous de la seule histoire véritable du monde, celle
de l'intelligence des Etats? Dans quelques mois, le monde entier
évitera prudemment de fêter le cent cinquante quatrième anniversaire
de la parution de l'ouvrage le plus extraordinaire qui ait vu
le jour depuis le De Revolutionibus orbium coelestium
de Copernic en 1543, L'Evolution des espèces de
Darwin. Et pourtant, en ce début d'un millénaire tumultueux,
l'heure a sonné pour la troisième fois depuis 1859 d'apprendre
à poser l'encéphale de notre espèce sur les plateaux d'une balance
à peser la marche de la raison dans la tête du genre humain.
Mais jamais encore il n'était arrivé que le genre simiohumain
se tournât tout entier vers Moscou dans l'espoir d'y entendre
retentir le gong de la pensée de demain; et maintenant, la planète
attend de la bouche des héritiers d'un tsar assassiné en 1917
l'énoncé d'un oracle qui livrerait notre astéroïde à une pesée
décisive de son destin cérébral. Savez-vous que nous commençons
de connaître les paramètres de l'encéphale de la science historique
de demain et les coordonnées de l'organe qui observera du dehors
l'animalité spécifique de notre espèce?
M.le Président, nous savons que la rumeur en est parvenue à
vos oreilles: nous avons appris par un article du New-York Times
que les fuyards des ténèbres sont sur le point d'apprendre à
calibrer la folie des songes religieux auxquels ils se trouvent
livrés de naissance. Pendant deux millénaires, la conque cérébrale
de la bête a navigué entre les félicités de la vie posthume
et les tortures de l'éternité sous les mâchoires du Dieu des
supplices qu'elle avait pris soin de cacher dans les souterrains
hurlants du cosmos. Et maintenant, non seulement le singe détoisonné
observe sous votre plume le paradis confituré et les épouvantes
infernales qui campaient dans sa tête, mais l'animal en folie
découvre que, depuis le paléolithique supérieur, toute sa politique
et toute son histoire flottaient sur l'océan des délires sanglants
auxquels ses rêves collectifs le livraient pieusement.
Mais la sauvagerie démocratisée a également révélé que cette
bête a partiellement éteint les bougies de l'extravagance qui
éclairaient ses dévotions depuis le haut Moyen Age et que, non
seulement il lui faut reconstituer le stock des cierges et des
chandelles de ses fantasmes cosmologiques, mais que, sur la
terre entière, sa cervelle endormie attend d'allumer d'autres
flambeaux de son aliénation native. Comment les nouvelles lanternes
de la rédemption accompliront-elles l'exploit de placer les
feux et les torches de la multitude sous les yeux de tout le
monde, alors que, dans le même temps, cette lumière devra demeurer
aussi invisible que la précédente, dont on se souvient que le
double éclat dans les nues et sous la terre échappait à tous
les regards?
Pour
tenter d'éclairer cette question, il nous faut rappeler le chemin
de la pensée rationnelle par lequel l'humanité a fait débarquer
le rire, le comique, l'ironie, la moquerie et le sarcasme dans
la politique internationale. Savez-vous que, chez les chimpanzés,
la carrure du mâle dominant suffisait à mettre fin aux querelles
entre tel et tel spécimen de la horde? Depuis lors, les Etats
ne s'occupent pas davantage que leurs ancêtres simiens du contenu
cérébral ou psychique des conflits qu'ils qualifient désormais
d' "intellectuels". Vous remarquerez que, tout au long du XVIe
siècle, la controverse la plus universelle, la plus décisive
et la plus tragique, celle qui troublait le sommeil de tout
le genre humain portait sur la nature véritable ou fallacieuse
du sacrifice chrétien. Mais ce drame mondial n'a jamais intéressé
la musculature des Etats chargés d'assurer l'ordre public. Des
dizaines de milliers de cadavres amoncelés sur les champs de
bataille témoignaient seulement de l'aveuglement des gouvernements,
qui se ruaient les armes à la main sur la doctrine d'en-face.
Quatre
siècles plus tard, la difficulté qui torturait les cerveaux
dormitifs de l'époque, celle de savoir s'il fallait mâcher bien
crue et à belles dents la chair de la victime et boire à pleines
gorgées son sang bien frais sur l'autel ou s'il valait mieux
renoncer à dévorer cette viande et délaisser les rasades d'hémoglobine
de Dieu pour se rabattre seulement sur les symboles de cette
double consommation, cette difficulté culinaire, dis-je, s'est
résolue sans l'ombre d'une réflexion anthropologique et exclusivement
par l'extinction pure et simple de la question posée à l'encéphale
infirme de l'humanité. Comment se fait-il qu' aucun Etat ne
se soit enquis des secrets d'une folie dont dépendait, croyait-on,
le sort de l'âme et de l'intelligence de l'humanité?
Un
siècle et demi seulement après la parution de l'Evolution
des espèces comment voulez-vous que la cervelle des
Etats censés avoir quitté l'univers de la zoologie de quelques
enjambées persévèrent à vagabonder sur le modèle des bêtes sauvages?
Maintenant, l'intelligence politique du monde s'aiguise dans
une cage tellement étroite qu'il faut demander aux chefs d'Etat
d'en briser les barreaux, maintenant l'instantanéité des images
et des voix jointe à l'ubiquité physique des grands dirigeants
- leur musculature bondit en quelques heures d'un continent
à l'autre - ordonnent aux mâles dominants des tribus de tenir
entre leurs mains les rênes de la "planète de la pensée", maintenant,
l'Europe de la raison vous demande de substituer les neurones
de Pierre 1er aux charpentes microscopiques des habitants de
Lilliput.
Car,
après un siècle entier de massacres et de carnages sacrés, l'Edit
de Nantes de 1598 avait décidé que l'un et l'autre camp enterreraient
la hache de guerre et que non seulement tout le monde ferait
semblant d'oublier un étripage universel, mais que personne
ne s'interrogerait plus sur la question du "Connais-toi" qu'avait
soulevée les ripailles ou les pudeurs gastronomiques alternées
du culte et des sacrifices simiohumains. C'est alors que le
rire évoqué plus haut a dévalé dans l'arène de l'histoire et
de la politique du monde avec Jonathan Swift qui, le premier,
a observé notre espèce comme un animal sui generis, ce qui n'a
été possible qu'avec le secours du comique: les Voyages de Gulliver
ont mis en scène une bête , le Yahou, dont la spécificité cérébrale
se manifestait par des gesticulations carnassières et des dévorations
imaginaires devant ses autels.
M.
le Président, l'heure a sonné de convoquer les Etats civilisés
à assister au spectacle véritable de la politique et de l'histoire
du monde, celles d'un animal scindé entre ses idoles et la terre
depuis des millénaires et qui donne un congénère à déglutir
à des ogres installés dans l'immensité. Dans votre lettre au
pape François du 14 septembre (- Lettre
imaginaire de Vladimir Poutine au chef de l'Eglise catholique
+ Lettre réelle à Aurélie Filippetti,
Ministre de la culture, 14
septembre 2013 ) vous avez ouvert le chemin d'une réflexion
sur ces représentations théâtrales et sur le destin intellectuel
et spirituel de la Russie. C'est un acte politique d'importance,
pour un chef d'Etat, d'expliciter sa vision du genre humain.
Le New-York Times en a été tellement estomaqué qu'il vous a
donné la parole, et vous avez précisé l'avenir théologique et
anthropologique du monde.
Mais
comment le génie transzoologique de la Russie articulera-t-il
votre politique de l'esprit avec le rire de l'intelligence,
donc la défense du droit international avec une réflexion universelle
sur le cerveau de l'espèce simiohumaine? Vous y serez aidé par
les Titans de la littérature de votre pays, qui, le premier,
a fait étinceler dans l'arène du temps le fantastique cérébral
d'une humanité ascensionnelle. Tolstoï, Dostoïevski, Gogol,
Pouchkine, tous les géants cérébraux de votre nation ont observé
le genre épilé avec des yeux de zoologues de la politique et
de l'histoire, tous enseignent que le chimpanzé cérébralisé
flotte quelque part entre le ciel et la terre et que toute la
difficulté est seulement - mais ce n'est pas rien - de préciser
l'altitude, donc la qualité de ses trajectoires. Observez, M.
le Président, à quelle altitude Icare traverse le ciel de la
démocratie au Japon: ce pays a inauguré le lancement d'un navire
de guerre d'une longueur de deux cent cinquante huit mètres
et dont l'aérodrome d'acier assure l'atterrissage de quatorze
hélicoptères de combat. Pourquoi cet arsenal flottant se déplace-t-il
désormais jour et nuit sur l'étendue liquide qu'enserrent des
rivages hérissés de canons?
Pour
le comprendre, souvenez-vous que la construction du monstre
avait commencé en catimini, mais qu'il s'appelle maintenant
Izumo - ainsi l'a voulu l'Amérique - parce que ce nom est celui
d'un cuirassé qui, en 1904, avait participé à l'agression japonaise
contre la base navale sino-russe de Port-Arthur. La même forteresse
d'acier avait ensuite participé à l'agression de Tokio contre
la Chine en 1937. Le message de cette plate-forme au rayon d'action
illimité est donc politique: il s'agit d'éveiller - en la piquant
au vif - la susceptibilité militaire de Pékin, afin de mettre
une carte de plus dans le jeu des Etats-Unis. Ce pari semble
avoir été provisoirement couronné de succès: l'empire du Milieu
s'est mis en alerte, et toutes les chancelleries du monde ont
subitement paru s'inquiéter de l'émergence de la puissance navale
de l'empire du soleil levant.
Et maintenant, portez un regard de zoologue sur les Etats-Unis,
qui ont subitement mis en scène des manœuvres navales à grand
spectacle: une fraction de la flotte de guerre américaine a
dansé aux côtés du ballet des cuirassés nippons et de ses frégates
les plus huppées. Et sur quelle scène la pièce a-t-elle déroulé
ses fastes? Au large des côtes de la Californie. Voyez-vous
la nature à la fois onirique et théâtrale des exercices aquatiques
du primate sui generis?
Ouvrez
les yeux d'Ezéchiel de la Russie. Vous
savez fort bien qu'il s'agit d'une pâle copie de la dramaturgie
mi-séraphiques, mi-carnassières de la théologie du Moyen Age,
et cela du seul fait que le Japon demeure un nain politique
et que son maître s'amuse à le faire parader pour rire à ses
côtes, donc seulement pour la galerie. La base américaine d'Okinawa
y est la plus étendue et la plus peuplée du monde. Ce pays,
vassalisé depuis soixante-dix ans, a bel et bien tenté, il y
a deux ou trois ans, de faire déguerpir les troupes d'occupation
de son vainqueur de 1945; mais le souverain nucléaire est descendu
une fois pour toutes du ciel à Hiroshima et il n'est pas près
de décamper des terres de son hôte. Aussi a-t-il bien vite renversé
l'impudent gouvernement qui avait rêvé un instant de libérer
les arpents du pays de la "protection", comme on dit, des anges
de l'atome qui "assurent la sécurité" du pays à titre constitutionnel
et à perpétuité. M. le Président , si la science politique d'aujourd'hui
n'apprenait pas à observer le genre humain de l'extérieur et
à l'école du rire de l'auteur des Voyages de Gulliver,
la Russie ne prendrait pas la tête de l'intelligence politique
du monde de demain.
Observons
la lucidité anthropologique en marche dans votre géopolitique.
Savez-vous pourquoi la Chine fronce les sourcils et semble prendre
au sérieux les gesticulations d'un géant ridiculement en représentation
aux côtés de son esclave? Savez-vous pourquoi votre puissant
allié de l'Orient feint de prendre pour argent comptant une
simulation de ce calibre et pourquoi le pays du Bouddha affecte
de juger redoutable un vaudeville où tout le monde voit le vrai
maître du jeu se moquer de son domestique? Se pourrait-il que
Pékin ne vît pas clairement que le globe terrestre est à bout
de simulacres internationaux et qu'il peine sang et eau à remplacer
l'appareil des fantasmes religieux du Moyen Age par des foudres
plus crédibles que celles d'autrefois? Les ressources de l'apocalypse
punitive que l'histoire mettait en scène à l'école de Dante
se seraient-elles usées dans les têtes? Comment remédier à la
fatigue ou à la lassitude des terreurs mythologiques qui peuplent
la cervelle de l'animal évoqué ci-dessus? Décidément, il s'agit
de décrypter à nouveaux frais l'épuisement des épouvantes bibliques
du passé.
M.
G.W. Bush avait imaginé, en désespoir de cause, de recharger
les batteries de l'enfer biblique avec une "guerre des étoiles"
fort difficile à faire monter sur la scène des cosmologies mythiques.
Puis l'attentat manigancé du 11 septembre 2001 lui a permis
de substituer en toute hâte un terrorisme moins miniaturisé
que l'apocalypse au petit pied des ancêtres; et seul un saint-cyrien
de bon sens, M. Chirac, avait réfuté ce fantasme à se tenir
les côtes de rire. Mais les cosmologies fabuleuses agonisent
plus rapidement qu'autrefois. Pour regonfler leur baudruche,
il a fallu feindre, dès 2013, de fermer en catastrophe - mais
pour quelques jours seulement - les ambassades américaines censées
menacées d'exploser dans tous les pays arabes. On peine à redonner
des plumes à l'épouvantail providentiel du 11 septembre 2001.
Dans
cet esprit, ne pourriez-vous demander à un Barack Obama visiblement
dépité par l'amaigrissement de la vengeance divine et qui en
est réduit, le malheureux, à vous traiter de cancre de village,
pourquoi il échoue si lamentablement et année après année à
ratatiner la citadelle de la torture de Guantanamo et pourquoi
le Sénat américain frémit d'une indignation apostolique à l'idée
de rabougrir le Patriot Act? Ne permet-il pas de gaver de force
les otages de la fureur démocratique? Mais le suicide collectif
de ces innocents les rendrait désespérément inutilisables à
la politique internationale du simianthrope.
Ne
pensez-vous pas, M. le Président, que la nouvelle distanciation
intellectuelle que le monde attend ne cesse d'adresser des signes
à la Russie de la raison, ne pensez-vous pas que le recul dont
bénéficiera la pensée rationnelle du XXIe siècle nous rappelle
que la démocratie américaine est en gésine d'une démence de
substitution à celle de la théologie punitive det qu'elle s'acharne
à accoucher d'une mythologie des terreurs infernales que l'Erèbe
mettait autrefois en scène dans les têtes? Mais puisque l'épouvante
militaire use de plus en plus rapidement les batteries qui l'alimentent,
comment prendre le relais de celle dont trois quarts de siècle
du règne de l'atome ont si vite épuisé les ressources ? Ne pensez-vous
pas que la troisième pesée de l'encéphale de la bête attend
la balance d'une anthropologie à la hauteur de la question posée
à la géopolitique contemporaine par les terreurs irraisonnées
de l'humanité?
M.
le Président, vous avez redistribué les cartes du jeu et changé
de braquet: la guerre atomique est impraticable et la guerre
conventionnelle a montré à son tour ses limites: l'avenir est
à la pesée des encéphales. Un approfondissement vertigineux
du "Connais-toi" attend ses spéléologues. Pourquoi faites-vous
quelquefois semblant de vous tromper sur la nature et le calibre
du bouclier anti-missiles dérisoire que Washington pointe sottement
en direction de votre capitale? Pourquoi fournissez-vous indirectement
ses armes d'enfant à un adversaire ignorant et stupide? Pourquoi
feignez-vous par moments de craindre une menace mythologique
par définition et dont l'artifice ne vise qu'à détourner l'attention
abêtie des petits vassaux de Washington, qui entend maintenir
les vaincus dans la terreur des songes en folie de l'humanité.
Mais si vous observez de Sirius l'infirmité de l'encéphale simiohumain
d'aujourd'hui, qui est demeuré de type onirique, vous verrez
que l'empire américain ne se trouve ni sur un porte-hélicoptère
japonais, ni dans les geôles des tortionnaires de Guantanamo,
ni dans le système d'allumage d'un bouclier anti-missiles installé
au cœur d'une Europe frappée de ridicule, mais seulement dans
les crânes. Si la Russie ne prenait pas un siècle d'avance dans
la pesée anthropologique de la boîte osseuse de la bête, vous
ne ferez pas, de votre coup de maître en Syrie, le point de
départ de la nouvelle navigation de l'histoire.
Certes, vous avez démasqué la ruse du bimane schizoïde qui cache
son ambition guerrière sous le masque de son amour pour tout
le genre humain. Mais si vous vous laissez égarer par les feux
de Bengale que lance la semi raison politique des rescapés de
la nuit originelle, si vous négligez l'évidence que l'empire
américain ne trône que dans les conques osseuses de ses otages,
si vous négligez d'observer que les moutons de Panurge ne sauraient
recourir à un autre artifice cérébral qu'à une menace nucléaire
imaginaire, vous ne comprendrez pas la signification anthropologique
du refus des Etats-Unis de tenir la conférence internationale
prévue en 2010 à Helsinki.
C'est
l'ancien inspecteur des prétendues armes chimiques de Saddam
Hussein en Irak, M. Hans Blix, qui rappelle que cette conférence
risquait de détourner malencontreusement l'attention de la communauté
internationale du seul "problème iranien" et de la
reporter dangereusement sur Israël, qui a signé, mais n'a pas
ratifié la convention de 1993 et qui possède un arsenal chimique
redoutable. Vous connaissez les raisons de l'obstruction des
Etats-Unis aux contrôles sérieux proposés par la Syrie: il s'agit
de permettre exclusivement à Israël de posséder des armes chimiques.
Vous savez également qu'en mars dernier des produits chimiques
ont été tirés sur les civils de Khan al Assal à Alep et que
la Syrie a vainement invité les Nations Unies à déléguer une
commission d'experts pour enquêter sur les responsables , mais
que les Etats-Unis ont empêché la venue de ces spécialistes,
parce qu'il était trop clair que la rébellion syrienne en était
responsable.
Il
faut veiller avant tout à préserver d'un examen rationnel le
mythe sur lequel Israël prend appui et selon lequel Téhéran
menacerait le globe terrestre d'une pulvérisation radicale,
mais qui laisserait pourtant ce pays miraculeusement hors d'atteinte
et indemne. On prétend que les gardiens de la Révolution voulaient
se rendre orphelins de l'humanité impie tout entière afin de
s'atteler tout seuls à la tâche de repeupler la terre de fidèles
du Coran.
Si
l'empire américain se tapit sous les crânes et seulement sous
les crânes, vous voyez que, faute d'une spectrographie de l'animal
au crâne dichotomique, l'histoire demeurera une scène
superficielle et fort éloignée de rendre intelligibles les mondes
oniriques qu'habite la bête biphasée. Car, j'y reviens, si l'empire
américain se tapit sous les crânes bipolaires. Sa folie y est-elle
autant en sûreté que l'était le mythe non moins bifide de l'excommunication
majeure dans les boîtes osseuses du Moyen Age? Encore une fois
si l'on n'apprend pas à briser les barreaux de la geôle qui
enferme le cerveau dédoublé du genre simiohumain d'hier et d'aujourd'hui,
jamais la mappemonde scindée entre le profane et le sacré n'entrera
dans la connaissance rationnelle des mondes fantastiques. La
simianthropologie est la seule discipline qui inaugurera une
mutation décisive des gènes de la raison scissipare d'aujourd'hui.
Mais
voyez, M. le Président, comment l'histoire intervient à point
nommé et semble prendre toujours au bon moment le relais de
l'essoufflement du mythe du ciel et de l'enfer. Certes, la science
historique actuelle ne dispose pas encore d'une anthropologie
critique capable de radiographier un animal condamné
à vivre dans le fabuleux et qui y joue le jeu de ses
Eden et de ses rôtissoires alternés. Mais quel spectacle que
celui de l'évangélisme universel qui se serait tout subitement
emparé de l'humanité et qui l'aurait saintement armée jusqu'aux
dents en Syrie! Quelle conversion soudaine de la bête à la sainteté
d'un concept!
Car enfin, la guerre de Damas a beau servir de rideau de fumée
à l'expansion rampante d'Israël en Cisjordanie et à Jérusalem,
de rideau de fumée à la stratégie de la vente bon marché du
gaz du Qatar à l'Europe, de rideau de fumée à votre propre devoir
politique de défendre les intérêts, la dignité et le prestige
de la Russie en Syrie et en Méditerranée, il n'en demeure pas
moins évident qu'un énigmatique masque d'ange aura unanimement
cache le vrai visage du monde. "Qui veut faire l'ange fait
la bête", dit Pascal. Comment un phénomène aussi universel
serait-il explicable si le bimane sui generis qu'on appelle
le simianthrope n'avait besoin de se transporter en imagination
dans des fantasmes tantôt infernaux et tantôt célestiformes.
Cette dichotomie d'origine psychogénétique n'est pas la clé
de l'animalité spécifique des évadés partiels de la zoologie,
donc la clé anthropologique de l'inconscient à deux faces de
l'animal. Cette boîte osseuse guide l'histoire et la politique
bancales du monde.
Apprenons
donc à remplacer l'encéphale des faux évadés de la zoologie
par une conque cérébrale que nous aurons appris à peser; car
si la simianthropologie moderne échouait à conquérir une connaissance
rationnelle du singe locuteur, l'Amérique d'un César de la Liberté
aurait encore de beaux jours devant elle.
La
semaine prochaine je tenterai d'approfondir quelque peu une
anthropologie qui placerait l'histoire et la politique de la
Russie dans la vraie postérité du siècle des Lumières.
Le 21 septembre 2013
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