Doué d’un esprit lucide et sans concession, Djerrad Amar écrit de nombreux articles qui ne traversent nos frontières que par Internet, et exceptionnellement par mail avec ses correspondants français. Nous publions sur notre site régulièrement ses articles et réflexions, selon le principe que nous défendons toujours qu’en ce qui concerne la vision du monde, il est important de prendre connaissance des analyses et des points de vue qui nous parviennent du Maghreb, de l’Algérie notamment, écrits par cet auteur qui vit les évènements de plus près que nos médias occidentaux.
Voici ci dessous
in extenso son récent article publié le vendredi 20 septembre 2013 sur le Site
Irib :
Algérie : La rente et
ses méfaits, par Djerrad Amar
IRIB-Pour maintenir la
paix sociale, certains États ayant des ressources minières
surtout pétrolières
distribuent des « rentes » à des catégories de populations. Cette attitude est
caractéristique des pays en déficit démocratique dont les gouvernants n’ont pas
besoin de convaincre quant à la destination des impôts du contribuable pour
gagner leur voix et leur confiance. Ces genres de politiques ont engendré, avec
le temps, des comportements, des attitudes, des actions et réactions, des
mentalités qui neutralisent tout esprit d’initiative en encourageant
l’incompétence, les conduites absurdes qui produisent les injustices.
L’incompétence
neutralise toute bonne volonté en rendant inopérant toute action, initiative,
plans, aussi «intelligents» qu’ils soient. L’esprit rentier a toujours été
réfractaire à l’esprit d’initiative.
Tous les problèmes
viennent bien de cette funeste rente, issue des ressources minières, dont la
gestion est problématique. La rente est un revenu sans contrepartie assuré sans
risque et sans effort. Elle est contraire aux règles du marché et de la
concurrence et s’oppose à l'acte production. La rente induit des besoins en
faisant augmenter la demande ce qui fait d’elle une des causes de l’inflation
et de l’augmentation des importations qui font le bonheur des partisans de
«l’import-import» qui doivent souhaiter que le pays ne construise surtout pas
d’usines de ‘substitution des importations’ !
Toutes les carences,
corruptions, négligences, impunités, abus viennent de cette manne pétrolière
«bienfaitrice» et «corruptrice», qui annihile l’effort, pervertit les
consciences en encourageant les convoitises, la collusion, la paresse et
l’incompétence ; génère des idées et comportements abusifs et prédateurs. D’où
cette course folle et insolente pour profiter à qui mieux mieux de cette ‘
manne providentielle ‘: qui pour ses projets improductifs , qui pour des prêts
souvent sans remboursement, qui pour des salaires mirifiques, qui pour des
avantages dont fiscaux, qui pour des aménagements, réaménagements,
ré-ameublements couteux pour se distinguer, qui dans le cadre de lignes de
crédits, qui pour des prises en charge, missions ou soins à l’étranger , qui
pour des dérogations afin d'échapper aux taxations, qui pour des associations
«satellites», qui pour des terrains à bâtir ou des logements ‘sociaux’ pour la
revente, qui et qui…!
L’esprit rentier
détruit les valeurs humaines qui font le pacte social. Il engendre
l’immobilisme, provoque la discrimination et l’injustice, encourage l’informel.
Un État où l’économie informelle domine est un État informel et non de droit.
On se souvient d’une
intervention de l’ex PM. Ouyahia à l’APN lorsqu’il avait fait observer que
l’Algérie n’avait pas « besoin prioritairement de capitaux étrangers », mais
qu’elle était « cruellement en manque de savoir-faire, de technologie, de
management moderne et de partenaires à même d’ouvrir demain d’autres marchés à
des productions en association ». Qui peut les assurer sinon les compétences
toujours en « jachère ».C'est la raison pour laquelle nos entreprises et
institutions restent instables en donnant l'impression qu’elles n’ont pas
d'expérience, même si elles existent depuis des dizaines d’années ! Ces
situations n’existeraient pas, du moins dans cette ampleur, si la rente
pétrolière ne constituait pas 95% des revenus de l’Etat.
Il y a une réalité.
Tant que la rente supplante le travail, la compétence et l’intelligence ; tant
que le système rentier dirige les consciences, dicte les actions ; tant que les
responsables sentent qu’ils le sont par favoritisme ; tant que la duplicité et
l’esprit prédateur prédominent ; tant que des dirigeants restent négligents et
préoccupés par la rente et son partage ; tant que l’élite compétente rechigne à
prendre des responsabilités, car se sentant un faire-valoir, les pays qui y
dépendent ne sortiront pas de leurs contradictions et de leurs problèmes. Ils
continueront à subir les révoltes récurrentes, la fuite éperdue des cadres et
des jeunes, les appréhensions vis-à-vis de la chose publique, les abus de biens
publics, le manque de civisme et d’insécurité, la méprise de l’autorité, la
restriction des droits civiques, etc.
La valeur d’un homme se
reconnait dans sa science et sa vertu et non dans sa richesse ou ses pouvoirs
d’influences souvent éphémères. La force ou la puissance d’un pouvoir se mesure
à l’aune du soutien que lui octroi son peuple, dont ses élites compétentes, et
non par la protection volatile dont il peut bénéficier de certaines forces ou
du semblant de sécurité que peut procurer la rente.
DJERRAD Amar
aymard.wordpress.com/tag/djerrad-amar/
20 déc. 2011
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