L'impéritie
politique la plus titanesque culmine toujours dans une méconnaissance
colossale des fondements de l'éthique internationale. Cette
cécité cyclopéenne trouve de nos jours son
expression la plus éloquente dans l'immoralité himalayenne
sur laquelle une démocratie mondiale auto-messianisée sous
les auréoles de ses idéalités fonde la géopolitique américaine
depuis 1945.
1 - La corruption de la notion de loi
2 - La souveraineté fictive et la culpabilité
des ossatures
3 - Le peuple souverain sous le sceptre de
la faim
4 - La tyrannie catéchisée
5 - Le culte du Bien et la tyrannie de l'Eden
démocratique
6 - Une apothéose manquée
7 - Une mutation cérébrale des clergés
8 - Les prosternations démocratiques
9 - " Crainte et tremblement " (Kierkegaard)
10 - La tyrannie d'Abel le Juste
11 - La théologie administrative
12 - La civilisation de Blanche Neige et
des sept nains
13 - " La guerra, la guerra, la guerra….
" (Monteverdi)
14 - Le retour de la colère spirituelle
1
- La corruption de la notion de loi

Comment la démocratie universelle pervertit-elle les notions mêmes
de "loi" et de "légalité" à l'école d'une juridification arbitraire
de la punition? Le concept scolaire sur lequel cette falsification
du droit international prend appui remonte à l'époque lointaine
où l'instituteur républicain frappait de sa règle le bout des
ongles de l'élève à corriger. Du moins la peine s'appliquait-elle
à un coupable qui tendait les doigts. En l'espèce, un chef d'Etat
sera "puni", mais seulement indirectement par l'assassinat pur
et simple de quelques centaines de ses concitoyens. Ceux-ci seront
docilement exposés aux bombes de la puissance étrangère dominante
du moment, dont la souveraineté sera supposée au service
d'une justice apostolique. Mais on
oublie seulement de souligner que Ronald Reagan n'avait pas imaginé
un seul instant de "punir" le colonel Kadhafi: le bombardement
vengeur de son palais visait à faire place nette. M. Laurent Fabius,
Ministre des affaires étrangères de la France des droits de l'homme
fait de même quand
il proclame sans ambages que M. Bachar Al Assad "ne mérite
pas de vivre" et M. Kerry fait profession d'un évangélisme
au poignard quand il traite ce chef d'Etat de "voyou".
Mais
le scénario policier imaginé par un ancien acteur de cinéma
américain qui se lance en shérif de la démocratie à la
poursuite d'un malfaiteur n'a pas réussi à imposer le far west
hollywoodien dans le langage blasonné des chancelleries aux bonnes
manières; si M. Hollande a recouru au vocabulaire d'un justicier
de la démocratie mondiale, c'est seulement du fait qu'il n'a pas
été initié à la pratique des relations diplomatiques courtoises
mises en usage depuis des siècles entre les Etats souverains.
Cette tare répond à la nature des régimes démocratiques: le peuple
y porte nécessairement au pouvoir un candidat qui aura
passé quarante ans de sa vie à le séduire, mais qui se trouvera
précipité, aux environs de la soixantaine, en néophyte
sur la scène internationale.
2
- La souveraineté fictive et la culpabilité des ossatures
L'idée
ahurissante de faire débarquer dans l'arène du monde la
vénération qu'éprouvent les Républiques pour la
souveraineté toute nominale des "peuples libres" conduit
tout droit à la fétichisation des majorités élues au suffrage
universel et à l'absurdité de totémiser l'action des dirigeants
de la nation dans l'arène du monde. Cette politique remonte au
blocus sauvage de l'île de Cuba par les Etats-Unis à partir du
7 février 1962 et qui dure encore. Mais cette sorcellerie diplomatique
s'applique désormais à la vassalisation de la prétendue "civilisation
des droits de l'homme". Elle résulte de la philosophie américaine
censée glorifier le mythe de la démocratie directe mais
qui légitime le droit du plus fort et valide l'expansion
illimitée de son hégémonie.
C'est la nature para-religieuse d'une éthique fondée sur la culpabilisation
des masses qu'il faut étudier dans ses fondements méta-zoologiques,
parce que les frappes aériennes projetées en justicières aveugles
sur des populations criminalisées d'avance ne sont qu'une suite
logique de l'autre aberration, celle d'une certaine théologie
de la faim qui a joué pour l'Irak et actuellement pour l'Iran.
Ce
sera le regard fixé sur les acteurs mondiaux cachés derrière le
décor que j'observerai la politique à la fois apostolique et punitive
envisagée à l'égard de la Syrie.
3
- Le peuple souverain sous le sceptre de la faim
La
pesée de l'encéphale du singe démocratisé révèle que la sauvagerie
et la cruauté de cet animal ne reculent pas devant la mise à mort
de l'adversaire par le recours à la famine. Mais l'idée nouvelle
de ne plus assiéger seulement une grande et paisible cité et de
livrer la population d'une nation entière à une extermination
lente remonte à Napoléon 1er et à sa tentative avortée d'affamer
l'Angleterre. La sauvagerie à petit feu des Etats de la Justice
et du Droit s'inscrit dans le mythe d'une Liberté universelle,
donc abstraite et toute verbifique. Cette affabulation s'est affirmée,
comme il est rappelé plus haut, à l'occasion du blocus de l'île
de Cuba par les Etats-Unis d'Amérique depuis le 7 février 1962
et qui s'est poursuivi jusqu'à nos jours.
Cet apostolat a permis de démontrer que si la guerre messianique
à laquelle se livrent des gouvernements de ce type s'inscrit en
outre et exclusivement dans une rationalisation vertueuse de l'histoire
mondiale, c'est parce que la notion même de souveraineté attribuée
aux peuples démocratiques se fonde sur le principe de l'infaillibilité
populaire. Celle-ci chapeaute un suffrage universel inspiré par
le ciel des droits de l'homme. Cette construction juridique conduit
tout droit à une férocité meurtrière, mais auréolée: on traitera
en célestifie de la Liberté une nation forgée sur l'enclume du
civisme de 1789; pourtant, ces régiments d'anges et de séraphins
pourront se voir traités en coupables de crimes de guerre.
Il résulte de ces artifices politiques que si le peuple syrien
sera proclamé coupable de la tête aux pieds, on le déclarera pénalement
et civilement responsable des bombes de la justice mondiale qui
lui tomberont sur la tête et l'on fabriquera de toutes pièces
des criminels de naissance. Le ciel démocratique est institutionnalisé
et individualisé; et pourtant, voyez à quel point il est soigneusement
localisé au seul bénéfice de la puissance régnante du moment.
Les châtiments de confection sont construits sur le modèle de
ceux de Dieu, qui n'a pas son pareil, dit-on, pour séparer à coup
sûr le bon grain de l'ivraie. Vous n'allez pas enseigner à un
si grand expert à distinguer plus clairement les innocents des
coupables.
Mais
si les peuples sont supposés souverains dans le ciel du Dieu de
substitution qu'on appelle la démocratie, le sceptre de la souveraineté
immaculée du suffrage universel tombera dans une scolastique et
une sophistique du mythe de la Liberté. On dira qu'une population
censée détentrice d'une morale catéchisée sur la scène de l'univers
le sera non moins efficacement face à la tyrannie que son propre
gouvernement exercera sur ses arpents, de sorte qu'il sera châtié
à bon escient s'il ne secoue pas les mains nues le joug qui l'écrase
sur ses maigres lopins.
4
- La tyrannie catéchisée
Mais le pieux verbalisme politique des modernes n'est jamais qu'un
rideau de fumée; il est apprêté aux fins de renforcer dévotement
et de rendre illimitée la puissance sanctifiante d'une nation
étrangère. Le César démocratique du moment sera conduit à soumettre
de haut et de loin un peuple entier à l'hégémonie des hosties
verbales qu'on lui donnera à consommer - et toujours le plus catéchétiquement
du monde. La justice dominante se trouvera continûment messianisée
et surmessianisée par un séraphisme astucieusement déterritorialisé
- mais ce sera toujours celui du maître. A ce titre, la
notion virginale de "souveraineté du peuple" recouvre un machiavélisme
cousu de fil blanc, mais vieux comme le monde, celui de l'idéalisme
politique - on conviera le peuple à manger le pain sacré de sa
servitude angélisée; et l'autel même de sa Liberté servira d'offertoire
à sa sujétion. On voit à quel point seul le vocabulaire
de la théologie éclaire l'inconscient de la politique.
C'est ainsi que le projet d'un bombardement vengeur de la population
syrienne ne se comprend qu'à la lumière de l'intérêt "supérieur"
d'Israël et des Etats-Unis; et cet intérêt se fonde sur un univers
mental de type parareligieux. La géopolitique qui les inspire
leur commande impérieusement de couper le cordon ombilical entre
le Hezbollah et l'Iran. Du coup, l'étude des secrets théologiques
de la dissuasion nucléaire débarque dans la politologie scientifique,
donc dans l'anthropologie critique.
Supposez
un instant que la foi démocratique confère à telle ou telle population
le statut propre aux Etats souverains, supposez ensuite qu'un
peuple adoubé de la sorte jouira réellement de l' autonomie des
rois,et cela par le seul effet d'un formalisme politique à la
fois juridifié et évangélisé en sous-main. Cette malheureuse nation
devra dès lors rendre compte de ses prouesses catéchétiques au
dieu Démocratie et démontrer son statut censé effectif sur la
scène des rituels, des liturgies et de la doctrine dont use le
mythe démocratique. Du coup, il est également logique que la classe
dirigeante de cette nation sera mise à l'école du songe confessionnel
de grand calibre dont vous connaissez l'orthodoxie; mais cette
élite ne saurait se montrer cérébralement plus compétente et plus
responsable qu'un peuple enfumé par le mythe de sa propre omnipotence
ecclésiale et politique confondue. Du coup, le patriciat élu au
suffrage universel ignorera allègrement le premier devoir de son
sacerdoce politique, celui de réfuter la culpabilisation aliénante
du troupeau dont la garde lui aura été confiée. Mais comment la
formulerait-il clairement et sur toute la terre habitée ses responsabilités
nécessairement élitaires de berger de la nation?
Aussi, le clergé paroissial des moutons présentera-t-il sur les
cinq continents le spectacle piteux de se croiser les bras; car
il devrait innocenter la masse des brebis faussement culpabilisées
sous le ciel des démocraties, alors qu'il ne réfuterait jamais
des auréoles verbales. Les idéalités sont les séraphins de la
Liberté. Ces anges se trouvent condamnés à la cécité inscrite
dans leur prêtrise vocale. Voyez comment les élus de la démocratie
apostolique chargent le concept de souveraineté du peuple d'accomplir
à leur place la tâche qui n'incombe qu'à leur propre clergé, celle
de combattre les armes à la main l' auto-vassalisation du troupeau.
La foule des esprits municipalisés placés sous le sceptre
de ses dieux du langage et la foule des dirigeants évangélisés
par le mythe de 1789 à laquelle l'Etat se trouvera contraint de
confier les responsabilités pratiques du gouvernement, ces deux
foules, dis-je, se sont-elles seulement aperçues de la chute de
la mappemonde dans une forme encore mal spectrographiée de la
politique, celle de l'auto-vassalisation vertueuse sous les oriflammes
du vocabulaire de l'étranger? Car le même auteur de la pièce a
ensuite choisi Gaza pour théâtre de la férocité des démocraties
idéalisées à l'école de leurs propres idéaux: le microscopique
Etat d' Israël y affame une ville d'un million sept cent mille
habitants placés sous le sceptre des idéalités langagières
de la planète et sous la protection du géant de la Liberté
mondiale que vous connaissez bien. La souveraineté fictive des
peuples censés libres et souverains par le seul effet de la parole
évangélisante de leur maître est devenue l'instrument despotique
de leur asservissement politico-confessionnel.
Une
civilisation plus symbolisée que jamais par son pain bénit n'a-t-elle
pas tenté de sous-alimenter évangéliquement les quelque vingt-cinq
millions d'habitants de l'Iraq et n'a-t-on pas entendu Mme Albright,
Ministre des Affaires angéliques du Nouveau Monde, déclarer que,
décidément et tout bien pesé, l'extinction par la famine d'un
demi-million de séraphins en bas âge n'était pas un prix trop
élevé pour l'élimination physique du tyran du cru. Et maintenant,
l'Iran attend sa mise dans les fers de la Liberté - mais il y
faut la chute préalable de la Syrie dans le giron de ses deux
évangélisateurs, Tel Aviv et Washington.
5 - Le culte du Bien et la tyrannie de l'Eden
démocratique
Mais, cette fois-ci, la question des relations ventrales et stomacales
qu'une diplomatie de la famine entretient à l'échelle planétaire
avec la barbarie idéalisée des démocraties contraint l'anthropologie
scientifique à radiographier le suffrage universel truqué par
sa propre auto-glorification verbale. Car cette question a conduit
depuis belle lurette quelques Etats-vigies, dont la France, à
fournir à la population affamée en Irak un peu de nourriture chichement
échangée contre l'achat le plus profitable possible d'une fraction
de son immense production de pétrole. Mais ensuite, le principe
de la légitimation para-religieuse - et par le canal d'un droit
international pseudo évangélisé par la démocratie - conduit à
la mise à genoux des peuples par la torture de la faim; et cette
sainteté s'est ensuite appliquée à l'un des peuples les plus anciens
et les plus illustres du monde, celui de la Perse héritière des
Darius et des Artaxerxès, celle-là même sans laquelle l'Occident
n'aurait pas été fécondé par la rencontre de la civilisation grecque
avec l'Orient.
Cette
fois-ci, la question des fondements psychobiologiques des relations
semi cérébralisées que le singe détoisonné entretient depuis les
Phéniciens avec les peuples, les clergés et les classes dirigeantes
des nations a pris une tournure nouvelle au sein de la civilisation
des droits de la raison simiohumaine actuelle; car l'Iran démontre,
hélas, que les détoisonnés au ventre vide sont tentés de plier
le genou devant leurs affameurs et de se tourner, non point contre
leurs ennemis, qu'ils détestent pourtant, mais contre leurs propres
dirigeants, qu'ils jugent tantôt insuffisamment complices de l'étranger,
tantôt impuissants ou inapte à défendre la nation.
6 - Une apothéose manquée
Par bonheur, la fausse souveraineté des peuples catéchisés par
des abstractions et que l'étranger soumet à un amaigrissement
vertueusement démocratique a révélé les limites d'une diplomatie
de la sous-nutrition dévotieuse, parce qu'aucune classe dirigeante
n'est en mesure de capituler théâtralement face à des mots vides
et aux côtés de la nation affamée par une agression proclamée
séraphique. Comment laisser un Tartuffe mondial prendre en otage
une grande et illustre civilisation? Déjà, et sur la terre entière,
le droit public et l'opinion internationale font chorus contre
les feux d'artifices de l'hypocrisie parareligieuse des démocraties
massifiées par leurs idéalités. Comment, disent ces deux instances,
une classe dirigeante même subordonnée au mythe de la souveraineté
des peuples serait-elle habilitée à se résigner passivement à
l'abjection, et cela aux yeux du monde entier? La faim elle-même
semble saisie de honte de se déshonorer, la faim elle-même refuse
d'emprunter les traits d'une Liberté ensauvagée.
Derrière la Syrie menacée par les bombes des Etats-Unis et d'
Israël, il faut garder constamment présent à l'esprit le spectacle
d'un M. Rohani , élu au premier tour de scrutin par un peuple
étranglé par la sous-alimentation imposée à la nation de Darius.
Certes, c'était bien à tort que cet ecclésiastique passait pour
"modéré " aux yeux des Attila de l'ascèse d'autrui. Le soir même
de son élection, il a réaffirmé avec force et dignité le droit
naturel de l'Iran de s'armer d'une puissance nucléaire évidemment
mythologique - parce qu'inutilisable - mais demeurée prestigieuse
dans tous les esprits en ce début du IIIe millénaire où la boîte
osseuse de la bête en cours de cérébralisations n'est pas encore
entrée en possession d'une science sérieuse de sa propre folie.
L'Iran ne peut faire bonne figure que s'il aligne sa mythologie
politique sur celle du monde.
7
- Une mutation cérébrale des clergés
On
voit que l'histoire contemporaine de la Syrie, de l'Iran et du
Liban est de nature à faciliter l'élaboration d'une anthropologie
critique ambitieuse d'introduire dans la politologie décérébrée
de l'animal les paramètres psychobiologiques d'une éthique civilisatrice.
Mais c'est également à titre civilisateur que cette civilisation
convie les clergés du monde entier à saisir cette occasion de
conquérir une place révolutionnaire parmi les mythologues de la
mort. L'heure est venue d'une renaissance de la "vie spirituelle",
celle dont le feu caché n'est plus la foi du charbonnier, mais
une intelligence allumeuse des avant-postes de la raison; car
la spiritualité véritable est celle dont la pensée rationnelle
porte, en réalité, la torche depuis les origines et qui sous-tend
d'ores et déjà le combat actuel contre la stratégie des terroristes
de la faim - et cela grâce à une mutation décisive des coordonnées
qui régissaient les vocations sacerdotales semi animales d'autrefois.
Mais peut-on insuffler aux clergés assoupis d'aujourd'hui l'ambition
de se placer à l'avant-garde de la raison sommitale du monde actuel?
Il se trouve que M. Rohani est un ecclésiastique de haut rang
et un intellectuel de la politique. Il a quelquefois paru se comporter
en un Hamlet de la théologie islamique face à la Syrie, à l'Egypte
et au Hezbollah. Mais l'armée et le ministère des affaires étrangères
de l'Iran semblent décidés à pallier au besoin les défaillances
de sa fermeté politique. Car la chance politique des clergés de
ce temps n'est autre que la carence même des intellectuels laïcs,
qui n'ont plus de connaissance, au moins littérale et formelle
du contenu des mythes sacrés et qui, par conséquent, ne sont plus
en mesure de conquérir les connaissances anthropologiques qui
les éclaireraient sur les ressorts religieux de la souveraineté
frelatée des peuples vassalisés par les idéaux mêmes de la démocratie.
-
L'inconscient
religieux de l'occupation américaine de l'Europe,
31 août 2013
Seule une connaissance intériorisée des théologies en tant que
documents anthropologiques et politiques abyssaux, seule une science
de "Dieu" fondée sur l'analyse rationnelle des documents psychobiologiques
que sont les cosmologies mythiques se révèlera en mesure d'introduire
dans les sciences humaines de demain, une interprétation convaincante
de l'alliance que l'histoire conclut avec les songes sacrés du
singe sacerdotalisé.
8
- Les prosternations démocratiques
Mais il se trouve que l'intelligence laïque s'est bancalisée pour
longtemps, en raison de la crainte qui la paralyse depuis la Révolution
de 1789 de scruter les arcanes psychopolitiques du Dieu des descendants
du chimpanzé. Comment la démence originelle du genre simiohumain
se révèlerait-elle marginale, comment le délire qui, depuis le
paléolithique, contraint l'encéphale enténébré des fuyards de
zoologie à tomber dans les magies cultuelles serait-il collatéral,
comment cette folie native se révèlerait-elle seulement adventice?
Non seulement les fondements de l'obéissance politique et de l'esprit
de discipline des peuples sont totémiques par définition, mais
la nature même des relations que les peuples monothéistes entretiennent
avec les récompenses mythiques de l'immortalité, d'un côté avec
la sorcellerie des châtiments éternels, de l'autre, sont calqués
sur la même idolâtrie que leurs appareils judiciaires. C'est l'histoire
terrestre tout entière qui met en place des procédures construites
en sosies des épouvantes de l'au-delà. Dieu et la démocratie américaine
sont respectés sur la terre à proportion exacte de l'effroi surnaturel
qu'ils inspirent à leurs vénérateurs terrifiés; et toute la théologie
monothéiste enseigne, aux côtés de Machiavel, que la dissuasion
par l'épouvante sacrée est la clé du pouvoir politico-religieux
de la bête semi-cérébralisée.
Les clergés sont devenus la seule intelligentsia documentée sur
les idoles devant lesquelles les fuyards des forêts se prosternent.
S'ils ne prennent pas en main l'approfondissement de l'humanisme
bi-dimensionnel d'aujourd'hui, la fausse souveraineté des peuples
démocratiques agenouillés le front dans la poussière conduira
à l'assèchement intellectuel du mythe de la Liberté
9
- " Crainte et tremblement " (Kierkegaard)
Comment
un clergé qui se serait converti aux analyses et aux méthodes
de l'anthropologie critique ne détiendrait-il pas le monopole
d'enseigner à la classe dirigeante inculte de la démocratie mondiale
que l'arme nucléaire est construite sur le modèle théologique
du mythe de l'excommunication majeure du Moyen Age, qui livrait
la bête de l'époque aux tortures féroces qu'exerçait une justice
divine alors censée exprimer la sainteté d'une damnation cruellement
éternisée?
Certes, il est paradoxal que, depuis la Renaissance la raison
elle-même porte la responsabilité principale du rabougrissement
de l'intelligence politique; mais il est plus paradoxal encore
que ce ratatinement cérébral arbore timidement le drapeau d'une
laïcité devenue manchote; et enfin, il est paradoxal au plus haut
degré que la science dite expérimentale des modernes n'expérimente
pas le mufle du temporel et se contente d'en flairer l'odeur de
loin. Pourquoi ne pas tenter d'en connaître les effluves, alors
que les mythes religieux bien décortiqués fleureront bon les promesses
de la raison iconoclaste de demain?
Mais
n'est-il pas incroyable - face au spectacle d'une Syrie menacée
de la foudre évangélique des démocraties - que les clergés de
la bête ne s'arment pas de l'audace intellectuelle de méditer
sur l'histoire enténébrée du singe semi-pensant, n'est-il pas
incroyable que les vrais solitaires de "Dieu" qu'on appelle les
saints ne donnent pas un élan copernicien au "Connais-toi" naufragé
de notre temps? Comment se fait-il que la communauté internationale
brandisse la foudre et promette des sucreries aux peuples obéissants
sur le même modèle que le ciel des tortures infernales et des
confiseries de l'Eden? N'est-il pas stupéfiant que, trois siècles
après Voltaire, seul un clergé qui se laisserait tirer de son
sommeil doctrinal et qui se rendrait révolutionnaire à sa propre
école serait en mesure d'informer en connaissance de cause et
pièces en mains les Etats devenus pseudo rationnels de ce que
les théologies simiohumaines cachent dans les flancs de leurs
orthodoxies et de leur dogmatique la documentation anthropologique
la plus précieuse, celle qui accède aux racines zoologiques de
la politique internationale actuelle?
Car
l'arme nucléaire dont Israël feint de craindre l'épouvantail et
de prendre l'artifice pour une menace réelle n'est pas une arme
de guerre et se révèle inutilisable par nature sur un champ de
bataille terrestre. Comment huit dieux de l'apocalypse embarrassés
par un agglomérat d'enfers fictifs et par un Déluge imaginaire
sur un astéroïde microscopique ne seraient-ils pas condamnés à
museler leurs ardeurs belliqueuses empêtrées dans l'absurde, tellement
le spectre d'un suicide collectif de type matamoresque les noie
dans une stratégie de la sottise allergique à l'art de la guerre
depuis le Lachès de Platon?
10
- La tyrannie d'Abel le Juste
Seule une classe sacerdotale du troisième type et dont la fraction
testimoniale, donc existentielle, se sera initiée aux arcanes
bibliques d'une anthropologie des terreurs sacrées se
trouvera en mesure de démontrer que la barbarie démocratique est
de type eschatologique et qu'elle sert de fer de lance à une théologie
de l'épouvante résolument américanisée - donc dans laquelle l'alliance
du finalisme évangélisateur avec le patriotisme messianisé trouve
son origine chez Calvin et Luther. On sait que tout le christianisme
a construit sa sotériologie sur une délégitimation factice de
la justice temporelle - donc jugée insuffisamment purificatrice
- et sur l'avènement compensatoire d'une justice enfin cathartique
et sanctifiante, qui assurerait le règne définitif du Bien sur
une terre assainie:
"En
présidant à la scène du Calvaire, l'Etat se porta le coup le plus
grave. Une légende pleine d'irrévérence de toutes sortes prévalut
et fit le tour du monde, légende où les autorités constituées
jouent un rôle odieux, où c'est l'accusé qui a raison , où les
juges et les gens de police se liguent contre la vérité. Séditieuse
au plus haut degré, l'histoire de la Passion, répandue par des
milliers d'images populaires, montra des aigles romaines sanctionnant
le plus inique des supplices, des soldats l'exécutant, un préfet
l'ordonnant . Quel coup pour toutes les puissances établies !
Elles ne s'en sont jamais bien relevées. Comment prendre à l'égard
des pauvres gens des airs d'infaillibilité quand on a sur la conscience
la grande méprise de Gethsémani." (Ernest Renan, La
vie de Jésus. Dernière phrase de la première édition -
1863 - , supprimée dans les éditions suivantes.)
Visiblement,
le faux séraphisme de la démocratie américaine et mondiale a repris
à sa charge la vocation de délivrer l'humanité des pestilences
du péché originel. Il lui faut donc châtier les peuples dont la
souveraineté nominale ne répand pas encore les parfums du salut.
Mais, en même temps, l'Amérique recule devant les canons, parce
que l'apocalypse moderne ne répand plus l'odeur d'encens ni de
la démocratie, ni et de la déesse immaculée qu'on appelle la Liberté
depuis que la foudre exterminatrice se trouve partagée, donc neutralisée
entre les mains de huit Etats.
11
- La théologie administrative
Au
XVIe siècle déjà, les princes catholiques allemands étaient censés
rachetés: comment ne se seraient-ils pas trouvés résolument engagés
sur le chemin de croix d'une réhabilitation évangélique de leur
trône, puisqu'ils ont paru courir à bride abattue, mais, en réalité,
à tombeau ouvert au secours du réformateur allemand, alors jugé
hérétique et traqué, à ce titre, par une Eglise encore puissamment
armée du bras séculier? En ces temps reculés le recours purificateur
à la crémation des hérétiques rendait rédempteurs les bûchers
de la foi. Aussi un Luther plein de gratitude à l'égard de son
ciel salvifique n'a-t-il pas tardé à soutenir les souverains du
temporel de l'époque, alors en guerre contre les manants allemands
armés de leurs fourches. Du coup, il a fallu valider sans tarder
le vieux principe de tous les tyrans dévots, selon lesquels l'autorité
publique repose toujours et partout sur un Dieu exterminateur
des malandrins.
A l'image de la démocratie mondiale d'aujourd'hui, le protestantisme
y a progressivement reperdu l'armure anti-césarienne de la foi
chrétienne des origines. Mais une religion immanentiste de la
délivrance sans cesse retardée et sans cesse revigorée par des
sanctifications sporadiques de l'utopie politique a aussitôt pris
sa revanche, mais en catimini et au cœur des bureaucraties. Pour
cela, il lui a fallu emprunter le même chemin détourné que celui
de l'Amérique actuelle, celui de l'auto-sacralisation subreptice
d'un clergé administratif et de la fétichisation rampante de la
bureaucratie mondiale, laquelle n'a pas manqué de substituer le
vieux culte de la lettre au totémisme cultuel des liturgistes
romains. Du coup les républiques ritualisées en cachette par leurs
scribes sont devenues à elles-mêmes leurs Eglises de la Liberté;
et l'évangélisme euphorique des origines du christianisme s'est
logé dans un nouvel innocentisme pharisien, celui d'un Eden des
greffiers paresseux du mythe du salut et de la rédemption administratifs.
La
Syrie se révèle le champ d'expérimentation de la théologie américaine
et de celle d'Israël : ces deux nations connaissent les secrets
religieux de l'auto-innocentement des conquérants porteurs des
saintes ampoules de leur foi.
12 - La civilisation de Blanche Neige et des
sept nains
On a pu vérifier l'avènement des nouvelles piétés avec l'officialisation
précipitée de la sainte surveillance électronique de toute la
population américaine et mondiale, qui sont tombées tout entières
et dévotement entre les mains de la police secrète du pays. Par
quatre cents voix contre vingt le Congrès a aussitôt rejeté les
protestations indignées de l'ex-président Carter, pieux prix Nobel
de la paix et grand lecteur de Kierkegaard, au motif que l'évangélisme
inné du Nouveau Monde n'avait rien à cacher aux surveillants légaux
d'une démocratie placée sous la tutelle administrative de Blanche
Neige et des sept nains.
La
pureté native des citoyens et l'acier trempé de leur civisme leur
faisaient non seulement accepter les yeux fermés, mais revendiquer
de jour et de nuit un contrôle politico-apostolique de leur statut
séraphique. Les fidèles d'une Stasi évangélisée en sous main sont
les paroissiens de l'Eden de la démocratie. Abel le bucolique
leur insinue ou leur suggère que si le reste du genre humain tient
à se cacher derrière un prétendu "mur de la vie privée", c'est
qu'il y a anguille sous roche. Un Etat protestant et libéré du
péché originel par sa théologie de la grâce gratuite du Dieu de
Calvin se peuple des confessionnaux d'une Stasi soupçonneuse et
dont le patriotisme ambigu se méfie de l'empire de Caïn, c'est-à-dire
du reste du monde - lequel est présumé coupable d'abriter des
masses de pécheurs potentiels sous le tabernacle même des Abel
de la Liberté.
On
voit que si un despotisme théologique de masse et dûment préédénisé
par des hosties sonorisées - des idéalités verbales - n'est déchiffrable
qu'à la lumière d'une psychophysiologie du sacré, donc d'une analyse
anthropologique des relations que la politique du singe cérébralisé
entretient avec ses ciels, c'est parce que la demi- raison de
l'Occident est devenue une naufragée du "Connais-toi". Aux clergés
pensants de demain d'ouvrir le coffre de leur doctrine..
13
- " La guerra, la guerra, la guerra…. " (Monteverdi)
Mais alors, ne doutons pas que la guerre qui se prépare à l'échelle
mondiale entre la souveraineté des peuples d'un côté et la souveraineté
des Etats de l'autre conduira la civilisation de la raison à donner
un sens politique au concept abstrait, flottant et insaisissable
de Liberté appliqué aux nations. Pour l'instant, ce conflit demeure
souterrain bien qu'il ait débarqué sur la place publique avec
Stéphane Hessel. Mais la guerre de Syrie qu'elle ait lieu ou non
enfantera une réflexion sur la science historique qui dominera
le XXIe siècle et qui donnera un contenu réel à la notion vaporeuse
de souveraineté des peuples. Pour l'instant, cette souveraineté
est un conte pour enfants; et cet infantilisme aura besoin de
quelques têtes adultes, et surtout d'une validation et d'une légitimation
transcendantes à l'autorité des parlements vassalisés
d'aujourd'hui. Mais toute mutation du politique demeure stérile
si une révolution cérébrale décisive ne modifie pas les coordonnées
mêmes de la connaissance rationnelle du singe cérébralisé. La
civilisation de demain apprendra à regarder du dehors un animal
dont la spécificité s'éclairera à la lumière d'une anthropologie
critique.
Il
est paradoxal au premier abord qu'une souveraineté populaire qui
serait devenue plus réelle puisse enfanter une élite intellectuelle
encore plus séparée des masses que la précédente. Mais ce processus
est constant: quand l'intelligentsia d'avant-garde d'une époque
ne se reconnaît plus dans le quotient cérébral de la classe dirigeante,
il se crée un vide que seuls les nouveaux intellectuels sont en
mesure de combler. Les humanistes de la Renaissance ont défriché
un désert, les encyclopédistes du XVIIIe ont labouré le néant
- et chaque fois, le fossé entre les peuples et les nouvelles
phalanges de la raison s'est creusé davantage. Puis, lentement,
les boîtes osseuses prospectives bouleversent la vision du monde
de l'humanité du siècle précédent. Les époques créatrices sont
celles, toujours brèves, où une nouvelle élite cérébrale conquiert
momentanément un poids politique et une hégémonie avant que le
cerveau collectif ne retrouve les droits attachés à sa pesanteur
naturelle.
Sur
ce terrain - qu'elle soit évitée ou non - la guerre de Syrie mettra
en place des institutions politiques appelées à donner corps à
la notion encore creuse de souveraineté des peuples : les Nations
Unies d'abord, qui s'opposeront, ou tenteront du moins de s'opposer
aux Etats va-t-en guerre et aux Parlements asservis à une puissance
étrangère. Puis le christianisme de la colère spirituelle se lèvera
tout entier derrière une compagnie de Jésus à laquelle le pape
redonnera sa vocation politique à l'échelle mondiale. Enfin des
internautes audacieux entreront en troupes de choc dans les logiciels
secrets des Etats. Un nouveau public de la raison est en gésine
sous nos yeux. Mais, encore une fois, une révolution politique
est mort-née si elle ne déclenche pas aussitôt et, pour ainsi
dire, dans la foulée une puissante renaissance intellectuelle.
Ou bien un clergé nouveau de l'intelligence critique prendra la
relève des universités du Moyen Age actuel, ou bien le divorce
des peuples d'avec l'académisme politique des Etats conduira à
l'engloutissement de la civilisation de la pensée.
14
- Le retour de la colère spirituelle
C'est
dire à nouveau que, pour la première fois, depuis la chute du
polythéisme, un clergé du Moyen Orient qui aurait le courage de
se rendre réflexif face au protestantisme, au catholicisme, au
judaïsme et à l'islam se porterait pour longtemps à la tête de
la civilisation mondiale de la pensée rationnelle et poserait
à nouveaux frais la seule question de fond, celle que l'anthropologie
scientifique de demain placera dans la postérité cérébrale de
Darwin et de Freud. Le Dieu à venir se dira:
"Décidément Adam a passé derrière mon miroir. Au
Moyen Orient comme ailleurs, il n'y a rencontré que sa propre
effigie. Mais puisque je l'ai créé à ma ressemblance, peut-être
va-t-il se demander pourquoi les idoles se cachent derrière leur
propre image."
Peut-être
les anthropologues de la démocratie observeront-ils comment l'Amérique
se cache derrière sa propre image pseudo démocratique en Syrie,
en Iran, en Europe, peut-être un humanisme idolâtre de ses idéalités
pseudo séraphiques va-t-il découvrir le Dieu biface que le singe
cérébralisé est devenu à lui-même. Puisse le trésor anthropologique
que les mythes religieux charrient dans leurs flancs réarmer des
sciences humaines désaffectées et les vider de la catéchèse stérile
des démocraties.
Le
7 septembre 2013
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire