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07 octobre 2010

Sénat - 7 octobre 2010 - réforme des retraites (suite)- source : site du Sénat -


Compte rendu analytique officiel du 7 octobre 2010 

SÉANCE du jeudi 7 octobre 2010
4e séance de la session ordinaire 2010-2011
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Bernard Saugey.
La séance est ouverte à 9 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée portant réforme des retraites.
Discussion des articles (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion des amendements.
Article premier A (Suite)
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. - Depuis que le Gouvernement a commencé à proposer cette réforme, il est resté constamment ouvert au dialogue. Il a déjà accepté divers aménagements du projet de loi après discussions avec les partenaires sociaux. (M. Charles Revet approuve) Le dialogue s'est poursuivi avant et pendant le débat à l'Assemblée nationale ; sur la pénibilité, nous avons triplé le nombre de personnes pouvant prendre leur retraite à 60 ans à taux plein. Au Sénat, le Gouvernement a accepté plusieurs propositions de votre commission. Tous ces changements poursuivent un seul objectif : renforcer encore et toujours l'équité de notre système de retraite.
Mme Christiane Demontès. - Il en a besoin !
M. Éric Woerth, ministre. - Je vous propose aujourd'hui deux amendements du Gouvernement pour rendre la réforme encore plus juste. (Mouvements divers à gauche) Ils vous seront remis dans la matinée.
M. Guy Fischer. - Tout de suite !
M. Éric Woerth, ministre. - Les inégalités salariales, de carrière et de retraite entre hommes et femmes sont une réalité ; c'est bien pourquoi le texte initial comportait des mesures pour y remédier. De nombreux parlementaires ont estimé qu'il fallait apporter une réponse aux mères de famille nombreuse qui ont interrompu leur vie professionnelle pour élever leurs enfants, de même qu'aux parents d'enfants handicapés.
L'écart de salaires, c'est la cause principale de l'écart des pensions.
M. Guy Fischer. - 20 % !
M. Éric Woerth, ministre. - Nous avons eu six lois sur le sujet et six échecs. Le Gouvernement a prévu pour la première fois de pénaliser les entreprises qui n'agissent pas pour réduire les écarts de salaires entre sexes.
Les femmes sont souvent obligées d'interrompre leur carrière pour élever leurs enfants. Des mécanismes compensatoires existent, mais les mères de famille de trois enfants nés avant 1955 n'en ont pas bénéficié à plein. Nous voulons répondre à cette iniquité.
Le premier amendement permettra aux mères de trois enfants et plus nées entre 1951 et 1955 de continuer à bénéficier d'une retraite à taux plein à 65 ans. (Applaudissements à droite) Le deuxième maintient à 65 ans la retraite à taux plein pour les parents ayant élevé un enfant lourdement handicapé. (Applaudissements à droite)
Le financement de ces mesures est prévu. Une réforme juste, c'est d'abord une réforme qui garantit son propre financement. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)
M. Guy Fischer. - Il manque 4 milliards !
M. Éric Woerth, ministre. - On ne peut continuer à financer par l'emprunt les retraites à partir du mois de novembre chaque année. (Applaudissements à droite) Nous proposons donc de nouvelles recettes à hauteur de 340 millions pour financer ces mesures d'un coût total de 3,4 milliards d'ici 2022. Les nouveaux prélèvements n'entreront pas dans le bouclier fiscal.
Les prélèvements sociaux sur le capital seront augmentés de 0,2 point, pour un produit de 200 millions ; le taux du prélèvement forfaitaire sur les plus-values immobilières sera aligné sur celui des autres plus-values, soit 19 %, pour 140 millions.
M. Guy Fischer. - Là, la droite n'applaudit plus !
M. Éric Woerth, ministre. - Ces deux mesures sont des avancées majeures. (Applaudissements à droite tandis qu'on le conteste vivement à gauche) Elles montrent que le Gouvernement est à l'écoute...
M. Jean-Louis Carrère. - De la droite !
M. Éric Woerth, ministre. - ...des mécontentements et des inquiétudes de la rue, de l'Assemblée nationale et du Sénat. Elles montrent son désir de justice et sa volonté d'un dialogue constructif. (Mêmes mouvements) Il fallait répondre à l'iniquité faite aux mères ayant élevé trois enfants.
M. Jean-Louis Carrère. - Et aux autres ?
M. Éric Woerth, ministre. - Voilà les propositions du Gouvernement, faites en concertation avec la majorité sénatoriale. (Applaudissements à droite)
M. Guy Fischer. - M. le ministre vient de faire la démonstration des conditions scandaleuses dans lesquelles les parlementaires sont traités. (Applaudissements à gauche) Ce débat va être très long Si nous devons attendre le début de chaque séance pour découvrir les amendements du Gouvernement...
M. Adrien Gouteyron. - Vous voudriez qu'il n'y en eût pas ?
M. Guy Fischer. - Le Gouvernement essaye de contrer le mouvement de fond qui se dessine pour le 12 octobre. Ce n'est pas avec ces mesurettes (protestations à droite) qu'il y parviendra.
M. Charles Revet. - Vous le direz aux mères de familles : elles apprécieront !
M. Guy Fischer. - C'est aux parlementaires de trancher ; le dialogue n'a pas à se faire avec la droite seule. (Exclamations à droite)
La majorité voudrait désamorcer le mouvement de fond qui est en train de monter du pays. Mais vous n'avez pas parlé du recul de l'âge de départ à la retraite. (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite) Là est le problème. Il faut la retraite pour tous à 60 ans. (Nouvelles exclamations à droite)
M. Alain Gournac. - Irresponsable !
M. Guy Fischer. - Ne sous-estimez pas les appels à des grèves reconductibles. Vous verrez la France se lever ! La France va résister ! (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Demontès. - J'avais demandé la parole pour faire un rappel au Règlement ; je le ferai tout à l'heure. Dans l'immédiat, je veux réagir aux annonces de M. le ministre, avec un « a » minuscule.
M. Woerth dit que les mères, que les parents d'enfant handicapé qui se sont arrêtés pour élever leurs enfants sont traités de façon injuste. Pourquoi avoir attendu ce matin pour s'en apercevoir ? Fallait-il attendre le petit-déjeuner de l'Élysée ? Fallait-il attendre la mobilisation des salariés ? Ces annonces ne sont pas des avancées, mais le maintien de dispositions qui existent aujourd'hui, la renonciation à un recul social.
Les femmes ne seront pas dupes. La mesure est réservée aux femmes nées entre 1951 et 1955 ! Comme si tous les problèmes étaient réglés pour celles qui sont nées ensuite ! Peut-être que, demain ou après-demain, cette mesure sera étendue aux femmes nées en 1960 ! Cette façon de travailler n'est pas sérieuse. On prend les parlementaires pour moins que rien ! Ce mépris du Parlement et des Français est inacceptable ! (Applaudissements à gauche)
M. Claude Domeizel. - Le Sénat est déconsidéré par de telles annonces de dernier moment. Et quelles annonces ! Alors que nous demandons, que la rue demande de maintenir les 60 et 65 ans, vous nous annoncez que les 67 ans seront ramenés à 65 ans pour les mères de famille ayant élevé trois enfants, et seulement pour celles nées entre 1951 et 1955. C'est un leurre ! Un jour peut-être cette disposition sera censurée par le Conseil constitutionnel -et vous nous direz que vous n'y êtes pour rien. On se moque de nous ! Nous nous battrons pour revenir à la retraite à 60 ans. (Applaudissements à gauche)
Mme Annie David. - Cette mesurette touche 130 000 mères, avez-vous dit. Et toutes les autres, toutes celles qui sont pénalisées, qui subissent des discriminations, qu'en faites-vous ? Ne croyez pas qu'avec ces amendements vous allez nous amadouer ! Vous présentez en outre le financement de cette mesure de façon truquée. (Applaudissements à gauche)
Je demande une suspension de séance pour que nous puissions examiner ces amendements dont nous ne savons encore rien. Combien de parents d'enfant handicapé seront concernés ? Que veut dire « lourdement handicapé » ? Encore une fois, il s'agit de mesures injustes. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Mirassou. - Hier soir, nous avons constaté la volonté du Gouvernement d'entraver le débat parlementaire. (On le conteste à droite) Ce matin, il nous demande de nous prononcer sur des amendements dont nous ne savons rien et qui passent totalement à côté de ce que dit la rue. Il y a une volonté délibérée de dénaturer le fonctionnement du Parlement. Vous suivez la feuille de route de l'Élysée et vous allez continuer à distiller des mesures pour désamorcer les conflits. Mais le démineur que vous êtes sur ordre est démuni de ses outils ; tout va vous exploser à la figure ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Louis Carrère. - On est à front renversé. Je me souviens comment la majorité sénatoriale s'était mobilisée à l'époque de la décentralisation proposée par M. Defferre. Aujourd'hui, elle nous accuse d'user d'artifices qu'elle-même met en oeuvre pour nous contraindre.
Sur le fond, on joue là un jeu scélérat. Depuis le début, vous ne pensez que communication et nous, qu'à la réforme. (On se gausse à droite) Mais les mesurettes que l'on vous a soufflées à l'Élysée ne répondent pas aux problèmes.
M. Xavier Bertrand hier soir nous a expliqué une nouvelle fois qu'il n'y avait qu'un seul projet dans ce pays pour réformer les retraites. Mais il y en a un autre ! (On en doute à droite) Sur les dates, c'est 60 et 65 ans. (Exclamations à droite) Le financement du système est possible. Quand on entend que nos mesures sur les stock-options ne sont pas sérieuses, je m'étonne ! Au regard des efforts demandés à la Nation, il ne serait pas anormal de les taxer à 50 % ! Et le bouclier fiscal ? Si vous voulez qu'on débatte des modalités de financement, nous y sommes prêts. Vous verrez qu'il y a bien deux projets et que le nôtre est le meilleur. (Applaudissements à gauche)
M. André Lardeux. - Ce débat est surréaliste. Je veux remercier le ministre pour ses annonces, qui n'ont rien de mesurettes. Hier, l'opposition les estimait essentielles ; ce matin, elle les critique. Qu'elle ait le courage de voter contre et les Français jugeront ! Vos déclarations montrent que vous êtes embarrassés. Le spectacle donné au pays ce matin est pitoyable et dévalorise le Parlement.
Un dernier mot : c'est un grand avantage de n'avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser... (Applaudissements à droite)
Mme Samia Ghali. - Monsieur le ministre, vous ne comprenez pas les femmes ni ne savez leur parler. Les mères de famille sont souvent obligées de rester à la maison pour garder leurs enfants, parce qu'elles ne trouvent pas de place en crèche. On ne parle pas non plus des personnes âgées dont elles s'occupent. Et qu'est-ce qu'un enfant « lourdement » handicapé ?
Certes, certaines femmes choisissent de rester à la maison, ont du temps pour faire du sport ou d'aller chez la manucure parce que leur mari gagne bien sa vie, mais pas toutes, loin de là ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean Desessard. - M. le ministre fait ce matin de la réclame : il nous a proposé un spot publicitaire en direction des ménagères de 55 ans ! (Rires à gauche)
M. Jean-Pierre Bel. - Depuis hier, vous dressez un décor, une mise en scène. Nous voulons un débat sur le fond...
M. Alain Gournac. - Avec les banderoles !
M. Jean-Pierre Bel. - ...tandis que vous voulez passer en force, au galop. Ce texte mérite qu'on y passe le temps qu'il faut. Un collègue de la majorité a parlé de débat surréaliste : est-ce parce que nous nous exprimons comme nous l'entendons ? Les Français ne sont pas dupes. Vous essayez de faire croire que le Gouvernement avance, quand il se contente de reculer un peu moins.
Cette théâtralisation des débats, cette volonté de priver l'opposition d'apprécier les propositions du Gouvernement, m'appellent à demander une suspension de séance.
M. Alain Gournac. - Obstruction !
Mme Isabelle Pasquet. - Il ya quelques jours, en commission, vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il n'était pas possible de prendre des mesures en faveur des femmes car la Cour de justice des communautés européennes nous sanctionnerait, et que le risque existait de voir remises en cause toutes les majorations tendant à réduire les inégalités. Avec vos amendements, voulez-vous les remettre en cause ? (Applaudissements à gauche)
Y a-t-il un lien de cause à effet entre vos annonces et les grèves reconductibles qui se préparent ?
Pourquoi jeter de l'huile sur le feu, monsieur le ministre ? Les propositions du Gouvernement méritent d'être examinées, mais elles ne régleront rien des inégalités salariales.

(à suivre)

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