Alors
qu'à la vêprée mon garde du corps et moi-même nous déambulions nonchalamment
par les compites et quadrivies de nos Etats, un soudain péril alerta
mon fidèle compagnon.
Il
marqua un arrêt, puis, oreilles couchées, moustaches dressées et corps
aplati, il entreprit de faire face au danger. Tel un nageur glissant
dans l'onde bleue, il se faufilait entre les pissenlits fièrement dressés,
les trèfles tremblottants et les graminées hirsutes de la verte savane
.
J'observais la scène, le cœur battant.
D'un
brusque coup de rein mon vaillant serviteur fut sur l'ennemi.
Feulement
sauvage, poils blancs volant dans l'air, l'ennemi, surpris par la violence
de l'attaque était à terre.
Mais
le mercenaire étranger importé d'un lointain Siam, trahi par sa tunique
poilue beigeasse et ses prunelles d'un bleu liquide sournois, se dégagea.
Les
dos arqués se mesuraient, les queues gonflées battaient la mesure, les
injures grommelées et les crachats fusaient de part et l'autre.
En
dépit de mes vigoureuses interventions sonores, l'agresseur étranger
non seulement refusait de céder la place, mais profita d'un quart de
seconde de relâchement dans notre camp pour passer à la contre-attaque.
Je
ne résistai pas plus longtemps. Je pris la décision ultime de dégager
ma vaillante troupe en utilisant le missile que je tenais entre les
mains. D'un jet adroit, la courgette que je venais de cueillir dans
les plantations de nos domaines atterrit pile sur le crâne de l'impudent
envahisseur.
Cet acte héroïque signa la fin de l'attaque et la déroute de l'éclaireur
téméraire, poursuivi par ma troupe requinquée jusqu'à
la frontière de nos possessions.
Le
vaincu détala et se faufila piteusement par une brèche de haute ligne
de défense grillagée érigée par les colons désormais établis
à nos frontières. Après plusieurs tentatives terrestres d'invasion et
d'appropriation de nos provinces du Sud, l'envoi de ce mercenaire étranger
signe la dernière escarmouche en date déclenchée par des immigrants
sans foi ni loi.
*
Bien
que Sémimi fût fièrement venue se frotter à mes jambes, notre victoire
conservait un petit goût amer. En effet la courgette chue sur le crâne
de l'audacieux envahisseur s'était brisée en deux et je ne pus, en dépit
de recherches laborieuses - mais néanmoins précautionneuses -
dans un carré d'orties, en retrouver que la moitié. Snif.
*
Moralité
: Dans toute guerre, même la partie victorieuse subit des dommages.
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