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ESQUISSE D'UNE ANTHROPOLOGIE DE
LA SERVITUDE IDEALISEE
II
Prosopopée de la France
Le texte qui suit
tente de remonter aux sources du processus qui conduit inexorablement
l'Occident tombé en léthargie à quitter l'arène des Etats en mouvement, et cela
à la faveur, si je puis dire, de l'oubli volontaire des prémisses de l'agonie
de notre continent.
Dans ce contexte je
dois rappeler que, la semaine dernière, à l'occasion de la rentrée automnale,
mon analyse anthropologique hebdomadaire d'une géopolitique contemporaine
sacerdolatisée en sous main par le messianisme démocratique exposait la
problématique générale dans laquelle je tente depuis 2001, d'expliciter les chemins
de la vassalisation, en catimini, d'un Vieux Monde placé sous le joug d'une
rédemption verbifique. Mais, cette fois-ci, il faut espérer que la double
servitude des sanctions économiques prises à l'encontre de la Russie par un
continent soumis à son maître d'au-delà de l'Océan, puis le spectacle de la
servitude non moins docilement déglutie, d'une France peu fâchée, à l'entendre,
de conserver "librement" les Mistral dans la rade de Saint-Nazaire -
mais résignée à se plier à l'interdiction catégorique qui lui a été signifiée
de les livrer à leur acheteur - il faut espérer, dis-je, que quelques députés
commenceront de comprendre que les explications de surface de leur salut par la
servitude sont plus néfastes que les explications résolument mythologiques des
asservissement religieux d'autrefois: car la mince pellicule de la catéchèse
démocratique censée rendre compte d'un évènement aussi immense que la mort
politique de l'Europe falsifie jusqu'au roman rose hâtivement collé sur une
plaie bien saignante.
En l'espèce, c'est
tout le système éducatif sur lequel repose l'enseignement public des
démocraties du Vieux Monde qui interdit le plus officiellement du monde à la
jeunesse d'acquérir un jour une connaissance anthropologique, donc
psychobiologique, de l'histoire et de la politique réelles d'Homère à nos
jours.
Savez-vous que,
chaque année, les ministres de l'éducation nationale des vingt-huit Etats
membre de l'Union européenne se réunissent à seule fin de convenir de la
manière pacifiante dont le récit scolaire des évènements se trouvera lénifié,
donc neutralisé, c'est-à-dire édulcoré, chloroformé, maltraité, falsifié,
tronqué et angélisé: il s'agit de présenter de génération en génération aux
enfants des écoles abusivement baptisées de laïques l'histoire délibérément en
dentelles que connaissaient déjà les pédagogues d'une monarchie capétienne
enjolivée, puisque, sous Louis XIV, l'expression était devenue proverbiale de
rédiger l'histoire de la France ad usum Delphini. En ce temps-là, le
sanctificateur officiel des Etats était la religion catholique; aujourd'hui
l'apostolat éducatif suprême appartient au seul mythe de la Liberté et aux
idéaux d'une démocratie de sermonnaires et d'évangélisateurs. Quels sont les
nouveaux habillages de la grâce divine? Les révélations cosmologiques ont
seulement changé de ciboires et de liturgies, mais non de prêtrise.
Mais l'heure du
tragique des bénédictions verbales a sonné: dès lors que la nécessité
d'instruire les peuples de l'agonie inexorable de la civilisation du Vieux
Monde s'impose comme la condition sine qua non de la survie claudicante
d'un continent fatigué de son sacerdoce politique. Si les classes dirigeantes
des cités grecques avaient compris ce qui allait nécessairement leur arriver à
la suite de la feinte bénévolence de l'empire romain de laisser leur trésor
confessionnel le plus précieux entre leurs mains, la châsse de leur Liberté,
l'histoire de la cervelle du monde en aurait sans doute été modifiée.
Aujourd'hui, les enfants de chœur de la vérité politique ignorent que
l'indépendance accordée au Vieux Monde par l'empire américain est fidèlement
copiée sur le modèle du glaive pseudo pacificateur des Romains, mais aggravée à
l'école de la candeur qui fait flotter le drapeau d'une pseudo délivrance du
monde au vent des zéphyrs verbaux de la démocratie mondiale.
Le 15 septembre, on
verra le parti des Républicains et le Front national sceller une entente tacite
dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Il s'agira de raconter aux Français
un conte pour enfants : personne ne dira que le refus de vendre les Mistral à
la Russie est inconstitutionnel, parce qu'imposé à la France par un
gouvernement dépendant des volontés d'une puissance étrangère, ce qui relève de
la Haute Cour de Justice; et aucun des députés ne rappellera au peuple français
les mâchoires de la servitude qui voudraient le broyer la nation, l'Alliance
atlantique, l'OTAN, le traité de Lisbonne et le traité de libre-échange entre
le tigre et l'agneau sur lequel Washington est parvenu à imposer un silence absolu
à tous les organes de la République et à toute la presse.
Il se trouve que
les empires sont des mille-pattes mécaniques. Il n'est pas en leur pouvoir
d'arrêter la marche de leur sceptre vocalisé. Si l'Europe vassalisée doit
profiter d'une science de la mort des Etats pour se forger une lucidité
politique transzoologique, cette agonie pourrait se révéler résurrectionnelle.
Mais, pour cela, il
faudra que les sciences humaines de ce siècle apprennent à cerner l'animalité
spécifique d'une espèce cérébralisée à l'école de ses songes. Un vivant qui,
pendant plus de deux mille ans, aura vu des personnages à l'ossature
gigantesque se promener dans le cosmos et banqueter au sommet d'une montagne,
puis qui aura cru qu'il existait un seul Zeus, lequel se serait répandu dans
l'infini, d'où il aurait pris l'initiative d'accoucher des plaines et des
océans d'un animal microscopique, tout cela appelle les sciences humaines au
décryptage de la spécificité de notre démence, puisque la démocratie a
seulement fait changer de politique du rêve à une espèce auto-vassalisée à
l'écoute d'elle-même.
Prosopopée :
Figure de rhétorique qui permet à l'écrivain et au philosophe d'emprunter les
traits des principaux acteurs vocaux du monde et de les mettre en scène sur les
planches du théâtre qu'on appelle l'Histoire.
Dans Platon, l'art
oratoire autorise un mot abstrait à s'adresser au public à haute et
intelligible voix: les lois deviennent des acteurs éloquents et exercés à
l'écriture. A ce titre, elles demandent instamment aux auditeurs de garder en
mémoire les services immenses qu'elles ont rendus à la République d'Athènes au
cours des siècles écoulés. Que les citoyens, disent-elles, se gardent
d'ébranler l'autorité de ces Cassandres - elles ne sont pour rien, les
malheureuses, dans la décision déshonorante prise par l'Agora en leur nom,
celle de condamner Socrate à mort; car cet homme était une "abeille
emportant son miel".
Depuis des siècles,
la France est à l'école du miel de ses lois; et cette abeille-là demeure hors
des ruches. Dans le texte ci-dessous, la France d'en haut demande aux Français
de ne pas butiner ses fleurs à l'écoute de la France d'en bas.
En grec, prosopopée signifie "créer une
personne". Aux apiculteurs de la nation de donner une voix et un
visage au pays dont Michelet disait qu'elle était une personne.
(Histoire de la langue française racontée par
elle-même, ouvrage en préparation.)
On m'appelle la
France. Les flots de l'Atlantique me bercent à l'ouest, les eaux de la
Méditerranée au sud, les Alpes, le Jura et les Vosges m'arment de remparts et
de donjons sur mon flanc droit. Seule ma frontière du nord porte une cicatrice
mal refermée et qui, quelquefois, saigne encore.
Depuis longtemps,
je me tiens debout au cœur d'une Europe quadrillée à jamais de piques et de
bombardes. Tout autour de moi, force campements militaires en provenance du
Nouveau Monde me montrent leurs mâchoires de fer et leurs crocs d'acier. Un
empire du mythe de la Liberté s'est incrusté sur tout le globe terrestre. Il y
dispose d'un millier de citadelles atomiques; mais, à lui seul, le Vieux Monde
demeure occupé par cinq cents garnisons nucléaires. Ces forteresses,
châteaux-forts et camps retranchés se présentent en sentinelles et en gardiens
de leurs vassaux. Dès 1966, j'avais arraché mes arpents à leurs piques et à
leurs hallebardes, mais le monstre à tête de Chimère a secoué sa crinière -
depuis lors, la planète entière regarde le lion du salut du monde faire
trembler en douce ses protégés asservis.
Il y a quelques
mois seulement, ce géant aux idéalités carnassières et à la fourrure titanesque
m'a infligé une amende herculéenne de neuf milliards de sesterces; puis il m'a
interdit, de surcroît , de persévérer un instant de plus à tenter de livrer mes
produits industriels, mes récoltes de fruits et de légumes et mon cheptel à ma
grande amie, la Russie, parce que le tyran du ciel de la démocratie se trouve
en froid avec la patrie de Tolstoï et de Pouchkine; et il ne cesse, depuis
lors, de me menacer des foudres de ses saintes Ecritures: "Garde-toi, me
dit-ce Messie, de braver mes interdits, malheur à toi, si ton audace et ton
effronterie honoraient la commande de deux navires de guerre que tu as osé faire
construire sous mes yeux à Saint-Nazaire, gare à toi si tu les livres clés en
mains à cet ennemi de mes prophéties."
C'est pourquoi
l'alliance avec la Russie est la seule voie du salut pour l'Europe; c'est
pourquoi je demande aux Français d'en haut de n'écouter d'autre interlocuteur
et d'autre pédagogue de leur histoire que ma longue mémoire du destin des
peuples et des nations.
On me dit que la
France d'en bas vient de capituler en rase campagne, on m'informe à l'instant
de ce que la France d'en bas a trahi mon alliance d'en haut avec Moscou; mais
la vraie France vous parle de plus haut et de plus loin. La vraie France est
l'abeille de l'esprit qui vous fait bouillonner de siècle en siècle. Qu'ai-je à
faire du menu fretin de la France d'en bas?
Certes, il se
trouve que le Pentagone règne désormais sur tout le temporel de leur France à
eux, certes, le fauve de là-bas a pris possession de la chair et du squelette
de la France d'en bas. On m'apprend que le pays des sorbonagres et des
sorbonicoles de la démocratie a reçu l'ordre de garder ces tonnes d'acier au
mouillage ou de tenter de les vendre honteusement au plus offrant. Pourquoi
porterai-je sur toutes les mers du globe le pavillon en berne de la France d'en
bas?
Mais, encore une
fois, il s'agit "seulement" de distinguer la France d'en haut de la
France du déshonneur, il s'agit "seulement" de séparer la France de
la raison et de la fierté de la France des petits séminaristes de la politique
américaine, il s'agit "seulement" de distinguer la France de la
royauté et de la loyauté de ses hauts logiciens et de la séparer aux yeux de
tout le monde de la France des bedeaux et des sacristains, il s'agit
"seulement" de savoir comment la France d'en haut ne se laissera pas
ficeler à la France d'en bas.
Vous me direz qu'il
s'agit de bien peu de chose, vous me direz qu'une petite "synthèse"
- mais concoctée selon les règles - fera de la rue de Solférino le Saint Siège
de la France. Mais toute mon histoire véritable est celle de mon souffle; et
rien de sommital en ce monde ne m'est étranger. Car il y a près de cinq
siècles, j'ai fait, du bon sens dans tous les ordres de la connaissance, le
trésor de la pensée méthodique et l'aire d'envol du génie de l'humanité .
Depuis lors, je juge le destin des nations sur la balance de l'ascensionnel,
depuis lors, je demande de siècle en siècle à l'histoire du monde quelle est la
nature de l'agonie et de la résurrection des peuples de l'esprit.
Jamais je
n'expliquerais à mes Français d'en haut l'étendue de leur honte et de leur
humiliation si, sur toute la terre habitée, le peuple de mes oracles ne
m'apostrophait sur l'honneur et la dignité de la nation. Or, le monde entier me
demande sans relâche comment il se fait, qu'en 1966, j'aie accompli l'exploit
patriotique d'expulser l'intrus de toute la surface de mon territoire, et cela
sans coup férir, me semble-t-il.
Or, mes fidèles me
demandent maintenant comment il se fait que mon statut soit subitement redevenu
aussi ambigu et flottant qu'en 1945. Mes Français d'en haut se montrent
stupéfaits, ahuris, ébaubis, de ce que l'occupant autrefois agrippé à mes
terres comme le lierre à un vieux chêne ait décampé sur mon ordre, la queue
entre les jambes et avec tout son attirail de bombes et de canons et qu'il soit
revenu occuper toute l'Europe. Souvenez-vous qu'il y a plus de six décennies,
le loup des nuées s'était enfui avec tout son chargement piteusement entassé
dans ses fourgons. Et maintenant, je parais à nouveau ficelé aux gredins de
leur démocratie et aux filous de la France d'en bas!
En 1966, les
Français d'en haut se frottaient les mains, les Français d'en bas se montraient
atterrés. Hélas, depuis lors, mes disciples paient chaque année un tribut
exorbitant à leur audace et à leur courage d'il y a un demi-siècle. Quelle
souillure que la leur! Comment se fait-il que l'étranger qui avait déguerpi sur
un claquement de doigts de la France d'en haut se soit insinué d'une pichenette
dans toutes les pièces de mon logis? Avec quelle facilité le fauve aux ailes de
séraphin a convaincu les Pygmées de la France d'en bas de placer derechef mes
forces à peine retrouvées sous le commandement des képis de là-bas!
Je pensais que mes
voisins corsetés, ligotés, bâillonnés, mais soudainement déficelés par mon
effronterie s'enhardiraient, eux aussi. Il n'en a rien été. L'expulsé d'hier a
conclu en un clin d'œil des accords bilatéraux en acier trempé avec tous les
Etats qui m'entourent ; et la pieuvre s'est si bien réincrustée dans les
étables et dans les basses-cours de mon domaine que je ne suis plus que le
Robinson désemparé de ma résistance héroïque d'autrefois. Alors que leurs
terres demeurent enchaînées depuis 1945 à une valetaille de l'étranger, leurs
propres citoyens se sont massivement rabaissés, au plus profond de leur esprit
et de leur cœur, au rang de vassaux perpétuels et de valets tellement contents
de leur conversion, qu'ils s'en font désormais une fierté. Quels descendants de
Copernic et de Newton, de Goethe et de Molière, de Shakespeare et de Cervantès
que des pantins revêtus du riche baudrier de Porthos, dont Alexandre Dumas nous
rappelle qu'il ne couvrait que le devant de la poitrine du héros!
Que dirai-je aux
Français contrefaits, que dirai-je aux Français couverts des rubans d'une
Liberté truquée? Certes, les serviteurs décorés des dentelles de là bas
n'encerclent pas encore de tous côtés leur petit gibier de Français - mais ces
lilliputiens sont devenus diablement ambidextres. Voyez comme ces béatifiés par
leur propre traîtrise s'imaginent servir à la fois la France d'en haut et leur
maître lointain, voyez comme ces bienheureux mettent un seul et même élan à glorifier
leur double râtelier. C'est cela, la vassalité: elle croit consommer le miel de
la Liberté, elle ne voit même pas qu'elle se trouve dans les fers.
Décidément, je
n'aurais pas dû autoriser une fraction naïve de ma maisonnée se confiturer de
la tête aux pieds. Une trahison chasse l'autre: il était prévisible que la race
de Vichy se jetterait tout entière dans les bras du vainqueur couronné et se
donnerait un propitiatoire écussonné par l'étranger. L'aliénation nationale est
le grigri de la France d'en bas. La candeur est le poison des démocraties aux
couleurs du vainqueur. Certes, je me suis délivré des pustules et de la lèpre
qui gangrènent les vieux canassons de l'Europe des basses-cours et des
poulaillers. Mais, pauvre France d'en bas, le cancer d'un genre nouveau qui
ronge ta carcasse fait désormais autant de ravages au cœur de la civilisation
mondiale des cous pelés que la putréfaction qui ronge la carcasse de tous mes
voisins européens.
Comment ai-je pu
laisser les vassaux de leurs propres artifices remplir la nasse de leur
servitude? Et pourtant, la France des rois de la raison met le monde en garde
contre les râteliers du langage contrefait et flétri dont la servitude mâchonne
les slogans. Me voici assailli par ces terrassiers d'un vocabulaire et d'un
lexique censés incarner le Beau, le Juste et le Bien sur toute la terre grisée
par de leurs songeries.
Car enfin, me
dis-je, c'est un ennemi artificiel qu'on vous montre du doigt, c'est une fleur
déclarée vénéneuse par un charlatan de la géopolitique que j'ai vu grandir sous
votre os frontal. On vous demande de haïr une nation imaginaire, on vous
demande de prendre pour un ennemi réel une effigie jaillie des mains d'un
magicien et d'un falsificateur de l'histoire de la planète, on vous demande de
vouer aux gémonies un pestiféré fabriqué de toutes pièces dans l'atelier d'un
artificier de la pseudo démocratie mondiale. Suis-je responsable des songes nés
sur l'établi d'un sorcier qui fourmillent dans vos têtes d'enfants?
- C'est moi qui
décide de ce qui est imaginaire et de ce qui ne l'est pas en ce bas monde, me
répond le roi de la Liberté.
Sans doute ce
barbare ignore-t-il que, depuis près de quatre siècles je ne cesse de fortifier
une frontière plus sûre entre le réel et le songe que celle dont le Moyen-Age
avait imaginé le tracé. Il se trouve, de surcroît, que le monde civilisé tout
entier s'est mis à l'écoute de la ligne de démarcation fiable dont j'ai creusé
pour longtemps le sillon entre la terre et le ciel. Qui a rédigé le discours de
la pensée rationnelle à l'usage des évadés de la zoologie d'hier et de demain,
qui vous raconte encore de nos jours les balivernes et les billevesées de la
sophistique et de la scolastique dans lesquelles le monde de la politique s'est
à nouveau égaré?
Inutile d'expliquer
à l'étranger de là-bas que ma mémoire n'est pas celle des mortels, inutile
d'expliquer au gouverneur d'une Liberté contrefaite que la lumière et la mort
des nations sont mes interlocuteurs naturels, inutile d'expliquer aux nouveaux
venus sur la scène du monde que la mer et la terre, je les traite en
partenaires de mes oracles. Je suis le guide des Etats et de leurs lumières.
Savez-vous, M.
Obama, ce que les Perses venaient chercher à Salamine, à Platée, aux
Thermopiles? Rien d'autre que le sceptre de Neptune. Quand le fils de Philippe
de Macédoine a pris le relais de la guerre entre les océans et la terre,
qu'a-t-il donné à toute la civilisation grecque enfin rassemblée sous son
glaive, sinon le royaume des mers de l'époque? Quelques siècles plus tard,
l'empire du Milieu a tenté de s'étendre jusqu'au Cap de Bonne Espérance et
d'explorer les côtes de l'Afrique; et si le destin de la Chine a pris un autre
cours que celui de la conquête de l'Afrique, c'est seulement parce qu'il lui a
fallu tout subitement interrompre sa course et construire à toute allure
l'immense muraille à travers l'Himalaya qui protègerait le monde de l'assaut
des Tamerlan et les Gengis Khan.
Ma science de la
guerre s'éclaire des feux des peuples et des nations aux prises avec les périls
alternés de la durée et ceux de l'urgence. C'est à Trafalgar que j'ai perdu le
sceptre de Neptune en un instant et à jamais, c'est en 1898, face à la flotte
de guerre du Nouveau Monde, que l'Espagne a perdu pour toujours son rang
d'empire à l'échelle du monde, c'est en 1945 que l'Angleterre a remis de force
l'empire des océans aux Etats-Unis d'Amérique, c'est en 1956 que l'Egypte,
aidée par Washington et par Moscou a arraché le canal de Suez des mains de la
France et de l'Angleterre.
Mais la guerre
entre les océans et les continent s'achève à l'heure où la Chine, la Russie et
l'ex-empire des Indes, ont mis les porte-avions du Nouveau Monde et leur
cortège de cuirassés à la portée de leurs bombes volantes à ras des flots et
propulsées à la vitesse de six cents kilomètres à la minute: il suffit aux
rivages d'appuyer sur la touche d'un ordinateur pour les pulvériser en un
instant où qu'ils se trouvent sur le vaste empire des eaux.
Françaises et
Français d'en haut, tels sont mes entretiens avec la nuit et la lumière des
peuples et des nations. Je regarde une Russie en droit, depuis des siècles, de
conquérir son accès à la Mer Noire, je contemple de loin l'humanité égarée
soixante dix ans durant dans le rêve et le délire d'une utopie
politico-religieuse. Voyez comment cet Etat a quitté l'empire trépassé de Karl
Marx pour patrouiller, aux côtés de la Chine, en Méditerranée et sous le nez du
nouveau dompteur de la mer que l'Amérique voudrait incarner à perpétuité. Dans
ma longue mémoire du destin des peuples et des nations, je vois l'histoire se
placer à une croisée des chemins inconnue des ancêtres : pour quelque temps
seulement, les flottes de guerre rendues vulnérables à partir de tous les
rivages demeureront des symboles d'un passé révolu .
Je vois la Chine et
la Russie donner la main aux nations émergentes sur le continent asiatique et
en Amérique du Sud, je vois l'alliance de l'électronique et des missiles
apocalyptiques changer la face du monde, je vois les Etats occuper l'aire
d'envol d'une rencontre nouvelle de Neptune avec le sceptre des nations, je
vois la plus vieille loi de l'histoire perpétuer sa vocation d'éducatrice des
peuples en devenir; car si la Rome antique n'a régné que d'avoir ravi le
sceptre de l'empire de la mer à Carthage et si le monstre américain n'a
terrassé son prédécesseur, l'Angleterre, que de sillonner pour la première
fois, tous les océans de la planète, alors, mon devoir est de dire à mes
Français d'en haut qu'ils ne me retrouveront qu'à chasser non seulement les
forteresses implantées sur le territoire de l'Europe depuis trois-quarts de
siècle, mais à vaincre, de surcroît l'immense flotte de guerre qui seule permet
aux Atlantes d'enserrer la planète tout entière.
Le royaume de
Neptune de ce temps, Jacques Chirac l'a combattu trois ans durant et en vain.
Comment retirer Naples de la gueule du loup? Mais pas un seul homme politique
d'Italie, par un seul parti du pays des Césars n'a compris que le nœud de la
puissance américaine se trouve en Méditerranée. Et l'on a vu les fils de Cavour
et de Garibaldi remettre, en plus, à l'empire américain Sigonella en Sicile -
puis Washington a étendu ses griffes à Vicensa, et cela dans la cécité voulue
et dans le mutisme consenti d'une démocratie occupée à jamais par cent trente
sept places fortes de l'étranger institutionnalisées par le traité de Lisbonne.
Que seraient le
demi-millier de bases américaines sur le sol de l'Europe si la flotte de guerre
de l'empire du Nouveau Monde ne montait la garde dans votre dos? Caton est de
retour: il dit à tous les Parlements de l'Europe Cartago delenda est. La
France d'en haut regarde le monde avec des yeux grands ouverts. Peuple de France,
suis ce guide, prête l'oreille à ses conseils.
Mon vrai corps est
celui d'un peuple de souverains et d'hommes d'armes, ma vraie charpente est
celle d'une nation de croisés et de guerriers, mon ossature est une phalange de
peseurs des lois et de décrypteurs du monde. Ne laissez pas l'Europe à sa
docilité de brebis sous la tonte. Sachez que tout empire ne rêve que
d'engranger la toison de ses moutons. Mais sachez également qu'on n'arrête pas
l'aiguille de l'histoire. La France est le peuple de saint Louis et de la
Révolution.
Mes textes des 11,
17, 25 septembre et du 2 octobre démontreront comment les nations perdent leur
âme avec leur voix et leur tête avec leur langue. Le 9 octobre, je reprendrai
la prosopopée, mais la France aura prêté sa voix à votre souveraineté perdue et
à retrouver.
Le 4 septembre
2015
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