note de Lucienne Pons : Je me suis abstenue jusqu'à présent sur mon site d'écrire sur le Festival de Cannes, je suis très peu intéressée par ces grandes parades sur tapis rouge d'un palace somptueux, où des célébrités du monde du spectacle , de la jet set, et même des personnalités politiques sont mitraillés par les caméras, interviewés, sollicités par les médias à donner leur avis , en leur accordant valeurs d'oracles, alors que la plupart du temps ces personnes interrogés font surtout leur publicité et apologie personnelle , avant même d'attendre le verdict du Jury.
Et puis encore je déteste le ridicule du message véhiculé par toutes ces reproductions d'images de stars que l'on voit sur papier glacé dans tous les magazines et sur les écrans , les femmes dans des robes époustouflante de luxe et parées de bijoux , certaines si scandaleusement dénudées sous ces toilettes astronomiquement couteuses, mettant en évidence leurs seins et leur fesses comme pour appâter une future clientèle, et les hommes emballés dans des costumes de circonstances comme des pingouins, comme s'il s'agissant de la plus prestigieuse cérémonie du siècle.
Mais aujourd'hui, je me réjouis de publier une étude de grande qualité qui évalue ce Festival tout aussi étrange et particulier que la plupart des œuvres qu'il met en compétition.
Il s'agit d'un travail de Manuel de Diéguez, philosophe contemporain, que je vous laisse découvrir ci-dessous :
La guerre culturelle au festival de Cannes
1 - Un Indien d'Amérique![]()
Avec quelles complicités de l'Etat le festival de Cannes a-t-il
pu projeter un film qualifié de français, Jimmy P., psychothérapie
d'un Indien des plaines, mais parlant anglais, tourné
aux Etats-Unis et produit par une entreprise américaine ? Le
scénario, tourné par M. Arnaud Desplechin, met en scène deux
étrangers, un Indien, d'un côté, que la guerre de 1940 à 1945
a gravement déséquilibré et que les psychanalystes du Nouveau
Monde ne parviennent ni à guérir, ni même à soigner, parce qu'ils
ne comprennent goutte à sa culture, et, de l'autre un acteur
français censé imiter le fort accent hongrois d'un psychanalyste
franco-américain, né juif roumain, György Dobó, mais qui
abjura la religion juive, se fit baptiser catholique et prit
le nom de Georges Devereux. A ce titre, le film le présente
en personnage non moins étranger que l'Indien à la mentalité
du pays d'accueil dans lequel il exerça son art jusqu'à sa mort
en 1985. Ce polyglotte parlait le roumain, le hongrois, l'allemand,
l'anglais, le français, mais il apprit également le maltais
et le mohave, ces Indiens dont les mœurs et la sexualité firent
l'objet de sa thèse de doctorat d'anthropologie à l'université
de Berkeley.
Les
autorités françaises d'aujourd'hui savent-elles que Georges
Devereux avait fondé aux Etats-Unis, il y a une soixantaine
d'années, une école de psychanalyse hyper superficielle, l'ethnopsychiatrie,
qui avait connu une vogue passagère en raison de l'usage politique
auquel son acéphalie la conduisait fatalement. Le sujet sain
d'esprit se trouvait parfaitement immergé dans la société de
l'endroit, tandis que le malheureux déviant se trouvait dangereusement
guetté par la névrose et ressortissait aux soins attentionnés
du faux disciple du grand Viennois. A ce compte, le spécimen
à son aise sous le régime franquiste ou qui se portait comme
le pont neuf sous les régimes nazi, stalinien ou sous l'inquisition
géocentriste de l'Eglise du XVIe siècle permettait à l'ethnopsychiatrie
américaine de s'épanouir à l'ombre de la sociologie mondiale,
cette discipline de la neutralisation internationale des cerveaux
et de la mise à égalité de toutes les cultures sous le bouclier
d'une acéphalie universelle.
Naturellement,
huit ans seulement après la paix de 1945 - le scénario nous
transporte dans l'Amérique de 1953 - le Nouveau Monde passait
encore pour l'Eldorado de la démocratie mondiale sur une planète
libérée du nazisme. Mais, de nos jours, il est bien évident
que l'expansionnisme cinématographique américain a le plus grand
intérêt à retrouver les présupposés et les méthodes de l'ethnologie
de Georges Devereux, tellement cette discipline est devenue
pain bénit pour une thérapie politique enracinée dans le salut
par la médiation du mythe de la Liberté. L'orthodoxie marxiste
l'avait si bien compris qu'elle soignait au titre de malades
mentaux les opposants au collectivisme rédempteur. L'eschatologique
religieuse cadenasse nécessairement l'hérésie dans l'enceinte
d'une nosologie déclenchée par le Diable et dont la foi brisera
les barreaux. La pestifération et la malédiction vont de pair
avec une incroyance dont le statut se partage entre le péché
et la folie.
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