19 avril 2012

François Hollande était en Meeting le 16 Avril 2012 à Carmaux

Éditorial de lucienne magalie pons



Meeting de François Hollande à Carmaux par francoishollande



Discours de François Hollande à Carmaux le 16 avril 2012

Mesdames, Messieurs, vous êtes nombreux sur cette place, presque autant qu’hier devant le château de Vincennes ! Je remercie Alain Lemaire de m’avoir accueilli ici, sous le parrainage de Jean Jaurès, cette haute figure de la République, du Socialisme, qui nous donne une responsabilité particulière aujourd’hui, presque cent ans après sa mort, d’être à la hauteur de l’espérance qu’il avait pu créer. Je salue ici tous vos élus rassemblés. Je mesure la responsabilité que vous m’avez confiée. Et je sais qu’ici, à Carmaux, vous portez l’histoire et en même temps les valeurs de la République.


Il y a plus de 31 ans, François Mitterrand venait ici, à Carmaux, lancer sa campagne présidentielle. Paul Quilès était le directeur de campagne qui l’accompagnait. Et il me rappelait que c’était ici qu’il avait déjà évoqué la grande figure de Jaurès, pour engager la démarche qui allait le conduire à la présidence de la République. 31 ans après, je reviens ! Un peu plus tard que lui dans la campagne : il l’avait commencée à Carmaux, je la conclus. François Mitterrand disait ici à Carmaux qu’il fallait toujours revenir à Jaurès pour comprendre le sens de l’histoire et mesurer les défis qui attendent tout homme d’Etat avant de parvenir à la responsabilité. Certains peuvent en faire une bonne inspiration, d’autres moins ! En 2007 — et Pierre Cohen s’en souvient peut-être, même s’il n’assistait pas à ce discours —, Nicolas Sarkozy à Toulouse, alors candidat, avait cité 32 fois le nom de Jean Jaurès. Il y a cinq ans donc, c’était sa référence. Aujourd’hui, a-t-il cité une fois le nom de Jean Jaurès ? Il ne le pouvait plus ! Il y avait tant de différence entre les actes qui ont été les siens pendant cinq ans et les paroles qu’il avait pu prononcer.


Moi, j’avais déjà averti, j’avais vérifié s’il existait à Neuilly-sur-Seine, ville dont Nicolas Sarkozy fut maire, une avenue Jean Jaurès. J’ai cherché. Il y avait une avenue Maurice Barrès, mais ça n’a rien à voir… Alors j’ai regardé les rues. Pas de rue Jean Jaurès : une rue Déroulède, qui fut un factieux… Alors, j’ai même regardé les impasses. Rien ! Rien au nom de Jaurès. Et depuis cinq ans, ça ne s’est pas arrangé, même pas un trottoir ! Ils en ont bien le droit, de ne pas aimer Jaurès. Mais nous ici, nous avons cette référence, et personne n’a le doit de la prendre — où plutôt, nous la livrons à tous les républicains. Car Jean Jaurès n’appartient pas à un parti, n’appartient pas à une philosophie, Jean Jaurès aujourd’hui appartient à la France tout entière, et nous la lui donnons avec beaucoup de générosité.
Les défis du monde que décrivait Jaurès au début du XXe siècle sont encore, finalement, les nôtres : la paix toujours menacée, l’éducation qui doit être la grande priorité de la République, la laïcité qui en est la valeur constitutive, les droits sociaux, l’équilibre de nos institutions et l’unité de la Gauche. Voyez, nous sommes toujours devant les grandes questions et nous devons apporter à chaque fois les réponses appropriées. Ce ne sont plus les mêmes qu’au début du XXe siècle, ce sont celles qu’attend notre pays dans un monde qui a été bouleversé par le capitalisme financier, une Europe qui s’est affaiblie devant les marchés et une France qui a été abîmée par dix ans de Droite et cinq ans particulièrement douloureux pour nos compatriotes.


Et aujourd’hui, je me réclame de la synthèse de Jean Jaurès. Cette belle et utile synthèse entre l’idéal que nous devons servir et le rêve qui est devant nous. La synthèse entre la radicalité que la colère exprime et la responsabilité que nous, la Gauche, devons exercer pour le pays. La synthèse entre la liberté que nous devons servir et l’égalité qui doit être, pour nous, la seule référence dans l’action publique. La synthèse entre le Socialisme et la République. Eh bien encore aujourd’hui, c’est cette synthèse que nous devons servir. Elle m’est précieuse dans la campagne. Parce qu’à chaque instant, je veux que la parole et l’acte soient liés indissolublement. A chaque instant, je reviens à cette phrase si forte de François Mitterrand prononcée ici : « Jaurès a toujours su s’écarter des deux périls qui menacent tout engagement, l’excès d’idéalisme qui fait perdre parfois la conscience des réalités, et l’excès d’opportunisme au nom d’une gestion qui ne peut pas servir un idéal ».


Et puis, il y a cette belle idée qu’avait lancée Jean Jaurès à ceux qui servaient la République et qui avaient vocation encore à pouvoir le faire au-delà de lui. Il disait qu’il fallait « dépenser sa popularité ». Pour certains, ils l’ont dépensée jusqu’à épuisement de leur crédit, j’en conviens ! Mais que voulait dire Jaurès en évoquant le courage qui par moments exige que l’on dépasse les modes, les humeurs, que l’on soit à la hauteur des circonstances ? Qu’aujourd’hui nous devons être capables de susciter une popularité — elle est nécessaire pour l’élection — et en même temps d’être sincères, d’être vrais, d’être honnêtes et de ne rien promettre que nous ne serions capables de tenir.


A chaque époque, il faut à la fois être fidèles aux traditions, aux rites, à la culture que nous portons, à nos valeurs, et en même temps inventer, imaginer les solutions pour aujourd’hui et pour demain. C’est ce que je fais dans cette campagne depuis que vous m’en avez donné mandat à travers les primaires. Je fais en sorte de servir la cohérence. D’abord la cohérence. D’abord, parce que cela fait une distinction par rapport à ce que nous avons vécu depuis cinq ans ! La cohérence qui exige de présenter des engagements dans une campagne. Je l’ai fait, c’était au Bourget, 60 engagements qui portaient à la fois sur le redressement économique, financier et budgétaire indispensable, et sur le redressement moral — et il y aura à faire ! Et aussi des engagements sur la justice, la justice fiscale, la justice sociale, la justice territoriale. Nous aurons à mener des réformes courageuses pour que les revenus du capital soient frappés comme les revenus du travail, pour limiter les niches fiscales, pour revenir sur l’allégement de l’impôt sur la fortune, pour moduler l’impôt sur les sociétés selon la taille de l’entreprise ou selon que le bénéfice est distribué ou pas. Et puis, nous aurons aussi à mettre fin à ces rémunérations indécentes de certains dirigeants d’entreprises qui n’ont de cesse de demander la modération salariale à leur personnel et qui s’augmentent sans limite — et qui parfois nous menacent de partir en exil, comme après la Révolution française ! Mais est-ce que les salariés payés au Smic, eux, menacent de partir en exil quand on ne les augmente pas ? Non, ils travaillent pour le bien commun, ils servent leur entreprise !


Oui la justice, justice sociale, justice territoriale. Il y aura tant à faire pour les retraites, pour la santé, pour le logement, pour le transport. 60 engagements ! Et je n’ai pas oublié non plus l’espérance que nous devons offrir à la génération qui vient, à la jeunesse qui sera la priorité de mon quinquennat à travers l’éducation nationale, à travers l’insertion, l’accompagnement des jeunes, à travers la lutte contre l’échec scolaire. C’en sera terminé avec les suppressions de postes qui frappent chaque année l’école publique et, ici en particulier, toutes ces filières pour les élèves qui sont les plus en difficulté, les RASED qui ont été ici mis en cause et qui seront rétablis dès la prochaine rentrée !


Oui, j’ai présenté 60 engagements, c’est ma cohérence, quand le candidat sortant fait des propositions tous les soirs et parfois même la nuit ! Et chacun de ses déplacements vous coûte, nous coûte — pas simplement politiquement, ne craignez rien — mais financièrement. L’autre jour, il s’est déplacé une après-midi en Corse. Un milliard d’euros, cela nous a coûté ! Je ne sais pas où il est aujourd’hui ! Mais ce n’est pas avec une proposition de plus qu’il obtiendra un suffrage de plus. Parce que quand on n’a pas réalisé ses engagements en cinq ans, les propositions sont soit inutiles, soit trop tardives. Et aucune proposition ne pourra marquer les esprits, faute d’avoir la crédibilité suffisante.


J’ai voulu marquer cette campagne, aussi, du sceau de la constance. Je n’ai pas varié selon les circonstances. Je n’ai pas changé mon projet en fonction des humeurs, des modes ou des fluctuations des sondages. Je n’ai pas non plus cédé à je ne sais quelle pression. Je ne céderai pas, y compris au lendemain du premier tour. C’est sur la base du projet que j’ai présenté aux Français que les électeurs auront à se déterminer pour la victoire.


Cohérence, constance, et même transparence. Le projet 60 engagements a été chiffré, évalué, parfois contesté, évalué aussi sur sa capacité à pouvoir changer la vie de nos concitoyens. Chacun a pu les connaître, ces propositions — vous avez contribué à les diffuser. J’ai même été plus loin : j’ai indiqué ce que seraient les premières mesures que j’aurais à prendre si vous me confiez la direction de l’Etat. (Oui !) Je vois votre empressement, mais moi je suis patient ! Mais du jour où je serai investi, je prendrai déjà de premières mesures pour le pouvoir d’achat : l’allocation de rentrée scolaire qui sera augmentée de 25 %, la caution mutuelle pour les jeunes, pour qu’ils puissent accéder au logement. Et dès que l’Assemblée nationale sera renouvelée — ici d’ailleurs dans le Tarn, vous devez y songer pour me donner une majorité la plus forte possible ! — nous engagerons les grandes réformes : réforme fiscale, réforme bancaire, lutte contre la finance, interdiction de ces produits financiers qui déstabilisent les Etats et qui servent à la spéculation pour faire sa mauvaise œuvre. Nous aurons à faire la réforme territoriale, la décentralisation qui sera approfondie, les libertés locales qui seront confortées, et une nouvelle fiscalité locale permettant aux collectivités locales de pouvoir enfin disposer de leur autonomie. Nous aurons tant à faire, et nous ne perdrons pas de temps.


Moi, je n’ai rien caché. Je n’ai rien dissimulé. Le candidat sortant n’a pas pu dissimuler son bilan. Il a essayé, nous le lui avons rappelé ! Il a présenté un projet — nous le connaissions déjà, c’est ce qu’il avait fait ou pas fait ! Mais il y a aussi un projet caché du côté du candidat sortant, sur le travail — remise en cause de la durée légale de travail, des 35 heures —, sur la protection sociale — remise en cause du droit à la retraite, parce que ce sera finalement la prochaine étape, remise en cause du droit à la santé — et sur la fiscalité, cette TVA qui arrive. Non, elle n’arrivera pas, nous l’empêcherons, nous l’arrêterons !


Les Français connaissent tout de notre adversaire, le candidat sortant. Ils le connaissent tellement, maintenant, qu’ils ne veulent pas forcément le garder ! Ils connaissent tout aussi de nous, de moi, de mon projet, de mes propositions, de ce que nous ferons. Ils peuvent enfin choisir.


J’ai le sentiment, à force de me déplacer partout dans notre pays, qu’une confiance est en train de naître. Je ne veux rien précipiter, rien proclamer, rien anticiper. Nous sommes à six jours et nous verrons ce que les Français décideront dimanche prochain. Mais je mesure à chaque instant le rejet dont le candidat sortant est l’objet. Mais je ne m’en satisfais pas. Je ne veux pas être simplement l’instrument d’une sanction — elle est nécessaire, elle viendra. Je veux qu’autour de ma candidature, il y ait une espérance dans un avenir meilleur, dans un autre chemin, dans une volonté commune de redresser notre pays. Je suis le candidat d’un projet pour la France, et pas simplement d’une mise à l’écart.


Je sens aussi autour de ce que je représente, au-delà même du Parti socialiste qui m’a fait confiance pour mener cette campagne, au-delà des formations de Gauche — Jean-Michel Baylet est là — qui me soutiennent, je sens qu’il y a cette rencontre qui se produit à chaque élection présidentielle entre une candidature qui s’affirme et une volonté qui s’exprime. Ce lien qui se crée, fragile, mais qui ne demande qu’à se renforcer au fur et à mesure de la campagne et du mandat qui nous sera peut-être confié.


J’avais dit que je voulais être un candidat normal. Certains s’en étaient étonnés. J’avais dit : « Faites la comparaison, et vous trouverez l’explication ! ». Mais au-delà de cette différence que je voulais marquer, être un candidat normal pour être un président normal, capable de donner la direction qu’attend le pays, d’être à la hauteur de cette exceptionnelle tâche qui consiste à conduire la France. Mais aussi un président qui fait vivre une équipe, qui considère le premier ministre comme un chef du gouvernement et pas comme un collaborateur, qui respecte les ministres, qui accepte que le Parlement puisse avoir tous les moyens pour contrôler l’action publique, qui a pour les partenaires sociaux, et notamment les syndicats, de la considération — car nous avons besoin de la négociation collective -, qui regarde les élus locaux avec confiance. Car nous ne changerons pas la France si, seulement, l’Etat décide. Non, nous aurons un contrat à passer entre l’Etat et les collectivités locales pour aller vers les mêmes objectifs, le service de la petite enfance, l’action pour les personnes les plus âgées, dépendantes, la solidarité à l’égard des personnes handicapées, l’action économique.


Nous avons besoin d’agir ensemble. Et ce n’est pas un président seul qui le pourra. Un omni président est un président impuissant – nous le savons aujourd’hui –, incapable de transformer ses paroles en actes. Eh bien cette première différence se marquera à travers l’exemplarité de l’Etat, c’est-à-dire cette nécessité que celui qui exerce la présidence de la République soit hors de tout reproche sur son comportement, sur sa vie, sur sa capacité à décider. Qu’il ne soit pas protégé pour lui-même, mais protégé pour sa fonction. Que la justice soit indépendante et qu’elle soit sévère si c’est nécessaire, y compris à l’égard de ses propres amis. Le prochain président n’aura pas besoin de nommer les présidents des chaînes publiques, pas davantage les responsables des magazines à la télévision, pas plus que les directeurs de journaux. Non ! Il devra même réduire le nombre de nominations dont il aura à procéder. Tout ne devra pas procéder simplement du président de la République. Et le Parlement aura, avec une majorité qualifiée, à décider de tous les membres des instances de régulation : Conseil constitutionnel, Conseil supérieur de l’audiovisuel, autorités indépendantes. Voilà ce qui changera ! Exemplarité de l’Etat, indépendance de la Justice, impartialité.


Alors à mesure que je me rapproche du premier tour et vous avec – c’est la même date ! –, je sens cet espoir qui s’affirme : l’espoir du changement. Un espoir tranquille, un espoir ferme, un espoir lucide que nous devons réaliser. Et c’est ce qui nous sépare de ce moment si décisif qui s’appelle un vote.


Qu’est-ce qui nous menace, aujourd’hui, pour parvenir à la seule perspective que nous avons voulu partager ensemble : la victoire ? Ce qui nous menace, c’est d’abord l’abstention, cette résignation que certains de nos concitoyens – souvent les plus modestes, les plus pauvres – expriment en ne venant plus voter. Ce n’est pas une abstention d’indifférence, c’est une abstention de rupture, c’est-à-dire cette incapacité que le politique a pu parfois donner comme sentiment à des citoyens perdus et qui ont perdu jusqu’à ce droit de vote qui était pourtant leur premier devoir. Nous devons aller chercher un à un ces électeurs. Ne pas les laisser dans le repli, dans le découragement. Leur donner du sens, de la fierté à aller participer à la construction de notre avenir. Qu’est-ce qui nous menace, aussi ? Cette tentation de l’extrême droite, y compris dans la jeunesse, parce qu’elle n’y croit plus, parce qu’elle doute elle aussi de la promesse républicaine, et de voir ces hommes et ces femmes qui n’ont rien à voir avec les thèses qui sont parfois – toujours, même – professées par cette extrême droite, qui s’y laissent aller simplement parce qu’ils ont besoin d’un adversaire, d’un ennemi. Et plutôt que de le trouver là-haut chez les plus puissants, ils le trouvent plus bas, chez les plus pauvres qu’eux. Allons les chercher ceux-là aussi ! Ne les laissons pas s’égarer par rapport aux valeurs de la République. Et rappelons-leur, parce qu’ils veulent être fiers d’être français – nous aussi ! – que la France ne s’est jamais redressée en parlant de ce qu’il y a de plus mauvais dans chacun d’entre nous, mais de ce qu’il y a de meilleur. Est-ce que c’est la Droite extrême qui un jour a relevé le pays ? Non ! C’est la Résistance ! C’est l’esprit de la République ! C’est la révolution, lorsqu’elle est nécessaire, qui permet de lutter conter toutes les tyrannies, toutes les occupations, toutes les barbaries.


Alors qu’est-ce qui nous menace encore ? La dispersion, la division, l’éclatement, la fragmentation. Vous savez, cette tentation, là encore, des électeurs qui plutôt que de faire simple font toujours compliqué – et qui nous ont bien compliqué la vie le 21 avril 2002 : plutôt que d’aller vers le candidat qui devait être l’instrument du changement lui aussi, ils se sont laissés aller à voter pour tant d’autres que nous avons été amenés – je ne rappellerai pas cette cruauté – à voter pour notre adversaire dans la République pour écarter l’ennemi de la République.


Aujourd’hui, j’ai du respect pour tous les candidats de la Gauche. Chacun donne ce qu’il pense être sa vision du monde, son rapport à l’avenir. Mais en même temps, je considère que chaque vote est utile. Chaque citoyen qui se déplace exprime un point de vue que je respecte. Mais je dis que le seul vote que moi je sollicite, ce n’est pas un vote d’affirmation. Ce n’est pas un vote de colère. Ce n’est pas un vote d’anticipation. Ce n’est pas un vote de manifestation. Non ! Je revendique le vote gagnant, le vote de victoire ! Et donc mon message est simple : ceux qui veulent le changement – et vous le voulez (Oui !) –, eh bien ils doivent voter pour le changement dès le premier tour. Ceux qui veulent l’alternance – et vous la voulez (Oui !) –, eh bien ils doivent voter pour l’alternance dès le premier tour. Parce qu’il ne faut pas les laisser respirer. Il ne faut pas leur donner la moindre espérance, après un premier tour qui serait controversé, de croire que de nouveau ce serait possible. Non, faites en sorte que dès le premier tour, la victoire, la nôtre, soit prononcée !
La seule chance de la Droite, c’est la division de la Gauche. C’est son calcul. J’entends parfois le candidat sortant faire des compliments au candidat du Front de Gauche, à Jean-Luc Mélenchon, que je connais par ailleurs. Il lui trouve du talent – cela peut arriver. Il trouve que son projet est bon – cela, ça devient curieux. L’autre matin, en écoutant le candidat sortant parler du candidat du Front de Gauche, je me suis dit : « Mais, il va voter pour lui ! ». Alors j’ai réfléchi – même tôt le matin, cela m’arrive. Je me suis dit : « Mais pourquoi il voudrait qu’il fasse un si bon score, si ce n’est pour espérer diviser la Gauche ? ». Eh bien la Gauche tout entière ne tombera pas dans ce piège ! La Gauche sera rassemblée, rassemblée au premier tour, rassemblée au second tour. Et tous les électeurs, où qu’ils iront d’ailleurs au premier tour, n’auront qu’une perspective : gagner, faire gagner celui qui sera en tête au soir du premier tour !


Alors quelle est la menace qui pèse sur nous ? C’est celle que le candidat sortant, dans ces derniers jours, a brandie : la peur. La peur, c’est d’abord la sienne. Et il essaie de la communiquer aux autres. Il nous dit : « Si la Gauche revient, l’immigration sera sans limite » – prétendant d’ailleurs faussement que je voudrais régulariser tous les sans-papiers alors que nous régulariserons au cas par cas mais avec des critères qui seront objectifs et avec la dignité qui s’accorde à chaque personne ici présente, même si elle n’a pas vocation à rester sur notre territoire. Alors à force de répéter cette contre-vérité en espérant qu’elle ne soit plus regardée comme un mensonge, le voilà qui prend un autre thème. « Si la Gauche revient, elle va vider les caisses. » C’est fait ! « Elle va augmenter les impôts. » (C’est fait !) « Elle va augmenter la dette. » (C’est fait !)


Alors, la dernière menace qu’il a brandie devant les Français, c’est en disant « si la Gauche revient, ce sera l’Espagne, la Grèce ». Les Espagnols, quand ils ont entendu cela, ont dit : « Mais quelle référence devient-on ? ». Le chef du gouvernement conservateur s’est insurgé, en disant : « Nous ne voulons pas être entraînés dans la campagne présidentielle française ». Je me demande si en Espagne, même chez les conservateurs, ils n’espèrent pas le changement en France. Parce que nous, nous les traiterons dignement, les Espagnols, comme des amis ! Et nous ne moquerons pas leurs difficultés, parce que c’est dur en ce moment, pour les Espagnols, d’avoir une remise en cause de leurs droits sociaux, de leur protection sociale, de leur droit du travail. Et c’est parce que je ne veux pas de cette Europe de l’austérité que j’ai dit et que je proclame encore ici que je renégocierai le traité budgétaire européen et que nous lui apporterons la croissance qui lui manque !


La peur toujours, avec maintenant l’idée que si la Gauche revient, « la spéculation va se déchaîner ». « Les marchés vont se venger. » Et paraît-il que « les banquiers commencent à s’affoler ». Mais le seul qui s’affole en ce moment, c’est lui ! Je ne dis pas que les banquiers nous attendent avec empressement. Je ne dis pas que les marchés nous ouvriront leurs bras. Je ne prétends pas non plus que la finance nous fera quelque complaisance. Mais elle est prévenue. Nous interdirons tous les produits financiers spéculatifs. Nous séparerons les activités des banques lorsqu’elles font du crédit à partir du dépôt, des activités des banques lorsqu’elles font de la spéculation à partir de notre épargne. Ce sera terminé ! Cette séparation sera faite. Mais tout de même, entendre le candidat sortant convoquer la spéculation pour empêcher l’alternance... Mais les Français ne le voudront pas, parce que les Français sont un peuple libre, souverain, qui ne se fait imposer ses décisions par personne. Et pas encore par la finance !


Alors après la peur, c’est la confusion. L’autre jour, il a évoqué l’encadrement des loyers. C’était notre proposition, j’en suis heureux. Il y a encore quelques semaines, il avait dit que c’était le retour de l’Union soviétique. Et donc maintenant, nous y sommes ! Mais là, ce matin – j’ai cru, là encore, avoir une hallucination – le voilà qui a revendiqué la nécessité que la Banque centrale européenne se préoccupe de la croissance et intervienne massivement pour soutenir les Etats. Mais que n’y a-t-il pas pensé pendant cinq ans ? Et que ne l’avait-il dit à Madame Merkel, qui d’ailleurs s’en est elle-même effrayée ? Eh bien nous, nous le ferons. C’est-à-dire que nous demanderons effectivement que la Banque centrale européenne, plutôt que de prêter directement aux banques, puisse prêter directement aux Etats. Ce serait quand même plus simple pour lutter contre la spéculation !


Qu’est-ce qui nous menace encore ? L’idée de la division. La majorité silencieuse avait été convoquée à la Concorde, elle a bien le droit. Mais il nous parlait de la France éternelle – qu’on voulait opposer à laquelle ? La France qui était plus nouvelle que la France éternelle ? Les Français qui étaient venus depuis moins longtemps que d’autres ? La majorité silencieuse qui serait la France du travail contre la France des assistés ? La majorité silencieuse qui serait la France qui se lève tôt par rapport à celle qui se couche tard ? La France de la ruralité par rapport à la France des banlieues ? Je refuse la division de la France ! Il n’y a qu’une France ! Il n’y a qu’un pays ! Et le rôle d’un président de la République ce n’est pas de diviser, de séparer, d’opposer : c’est d’unir, c’est de rassembler, c’est de réconcilier la France.


Au lendemain de l'élection présidentielle, si nous gagnons – (Oui !) Je ne sais pas comment vous le savez, mais vous avez vos propres informations ! Au lendemain de l'élection présidentielle, j’ai bien conscience que tous les Français n’auront pas voté pour nous. Je ne les blâmerai pas, parce que c’est la démocratie. Et le premier devoir du président de la République, ce sera de parler à tous les Français, à ceux qui auront voté pour lui et qui devront être remerciés et salués, et à ceux qui n’auront pas voté pour lui et qui devront être amenés vers l’œuvre collective. Nous avons besoin de tous les Français pour redresser la France !


Mais il y a une dernière menace, avant le premier tour. C’est la douce euphorie qui s’emparerait de nous. C’est l’idée que nous aurions gagné d’avance, que nous n’aurions même pas besoin de nous déplacer. Ce serait fait. « Les sondages nous le disent. » « Et si ce n’est pas au premier tour, ce sera au second tour. » « Ne nous mobilisons plus. » « N’allons même plus voter, laissons la Droite perdre toute seule. » Mais comment elle fera, toute seule, pour perdre si elle ne fait que voter pour elle ? Eh bien non, nous devons dire à toute la Gauche : c’est maintenant, c’est tout de suite, c’est au premier tour que nous devons affirmer notre volonté ! Et parfois cela m’arrive de dire à mes propres amis qui se voient déjà : personne ne se voit déjà, pas plus moi que les autres ! Nous n’avons rien gagné. Nous n’avons rien conquis. Nous n’avons rien reçu du pouvoir universel qui est celui du suffrage. Je vous le dis, une victoire cela se conquiert, cela s’arrache, cela se mérite. C’est cette victoire que je réclame. La victoire que le peuple français lui-même nous donnera.


Chers amis, vous m’avez invité ici à Carmaux, c’est un grand honneur. Je suis ici autour de la grande figure de Jean Jaurès et de vous, dans la mission qui est la mienne de faire une nouvelle fois que la Gauche rencontre la France. C’est une tâche immense que vous m’avez confiée. C’est un devoir impérieux, sous la haute figure de Jaurès, que vous me fixez. Après Jaurès, qui lui n’a jamais gouverné la France mais qui a tellement fait pour qu’elle sauve son honneur, oui, après Blum, qui lui a gouverné la France avec des conquêtes que chacun honore ici dans sa mémoire mais qui n’a gouverné la France qu’un an, après Mendès France, qui n’a gouverné la France que sept mois, il a fallu attendre François Mitterrand – deux fois – pour qu’il puisse diriger la France, et Lionel Jospin qui est venu dans des conditions exceptionnelles après une dissolution en cohabitation – eh bien maintenant, c’est notre tour de gouverner, de diriger la France et de nous inspirer de ces grandes figures, de ces expériences, de cette histoire qui nous élève. Et de le faire avec la conscience que maintenant, nous devons ensemble relever les défis du XXIème siècle.


Merci de m’avoir invité ! Merci de m’avoir accueilli ! Merci d’avoir pris froid pour avoir plus chaud demain ! Et vous assure que le 6 mai – puisqu’en définitive c’est le rendez-vous que nous avons –, que le 6 mai j’aurai le grand bonheur de savoir que François Mitterrand était venu à Carmaux pour commencer sa campagne, que moi je serai venu à Carmaux pour la terminer, que la boucle sera bouclée, que nous aurons fait le grand voyage lui et moi pour vous donner l’espoir – le même ! –, la joie la plus grande qui soit d’avoir une victoire.


Vous, le 6 mai, ici même, sur cette place, je n’en doute pas – les élus me l’ont rappelé – vous ferez une double fête. Une fête certaine qui est celle de 120 années de socialisme ici, à Carmaux. Et je veux vous convoquer à l’autre fête, mais qui est là possible, qui n’est pas encore certaine, qui sera celle de notre victoire, de la victoire de la Gauche, de la victoire de la République et de la victoire de la France !

Rendez-vous ici même le 6 mai autour de la grande figure de Jaurès pour fêter le socialisme d’hier et, j’espère de tout cœur, le socialisme d’aujourd’hui et de demain !

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