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le site de Manuel de Diéguez
Présentation
1 - La civilisation russe et l'Europe 2 - D'une retraite propice à la réflexion cartésienne 3 - L'explosion de l'OTAN 4 - Apprenez qui vous êtes 5 - Les vasistas de la politologie universitaire 6 - La politique du sens commun 7 - La Russie, la France et le devenir de la pensée du monde 8 - Un patriotisme bicéphale est-il possible ? 9 - Penser la France à l'école du sionisme 10 - De combien d'années un empire a-t-il besoin pour se légitimer ? 11 - Le statut pénal des collaborateurs de l'atlantisme 12 - Le droit international public et le sionisme 13 - Aux atlantistes et aux sionistes 14 - Futurologie 15 - Jacques Chirac
Ma réflexion de la semaine dernière sur les
fondements anthropologiques du mythe démocratique s'intitulait Le regard de Machiavel sur la vassalisation de l'Europe.
Du coup, une grêle de coïncidences a illustré l'alliance entre le réalisme
politique et le cartésianisme qui caractérise Le Prince du
grand Florentin. La planète semi vaporisée par le vocabulaire surréel de M.
Hollande et de Mme Merkel a été ridiculisée.
Puis, le 26 mars, la Chancelière a purement et
simplement rayé la scolastique démocratique de la syntaxe de Clio. Le jour
précédent, M. Helmut Schmidt, ancien chancelier d'Allemagne, publiait dans
Die Zeit, dont il est l'éditeur, un article dans lequel il explicitait non
seulement l'entière légitimité de la politique réaliste, donc florentine, de
M. Vladimir Poutine en Crimée, mais qualifiait en outre les sanctions
économiques de "machin stupide" (dummes Zeug ) face
au poids réel du G20.
La réflexion anthropologique et grammaticale sur le
pacte que les idéalités abstraites concluent avec la sotériologie
absentifiante et supra terrestre du Moyen-Age s'est donc enrichie d'un
parallèle entre Machiavel, le réaliste, dont Le Prince a paru
en 1532 - cinq ans après la mort de l'auteur - et Descartes l'expérimentateur
, dont le Discours de la méthode, daté de 1636 dans sa version
latine, parut en français l'année suivante.
Puis la visite verbifique, de M. Barack Obama en
Europe s'est trouvée marginalisée, c'est-à-dire réduite à la scolastique du
concept de Liberté qui l'inspire - la réception en grande pompe du Président
chinois, M. Li Jinping, lui a ravi le sceptre de la purification du monde. Du
coup, le bellicisme effectif d'une Maison Blanche pseudo apostolique s'est
volatilisé dans le séraphisme du salut par la démocratie, tandis que Tel-Aviv
rappelait aux rêveurs mondialistes que seule la politologie réaliste conduit
l'histoire, tandis que, pour la première fois, un "Etat juif" a
revendiqué son existence chromosomique, ce qui a dressé l'unanimité du monde
musulman contre le retour physique des juifs dans leur patrie physiologique.
Le machiavélisme est donc cartésien. Il exprime la
logique interne qui commande les rouages de la politique et l'histoire dans
leur universalité. Les Etats européens défendront dorénavant les ressorts
vitaux liés à leur position géographique inamovible. La scolastique qui fonde
la fameuse "défense militaire" imaginaire contre Personne
mise en scène sous le sceptre américain de l'OTAN renverra au Moyen-Age la
géopolitique actuellement fondée sur la méconnaissance mondiale du génie
commun à Machiavel et à Descartes.
La France cartésienne voudrait
bien reconnaître la loyauté de ses alliés, la vraie France est désireuse de
trouver des compagnons d'armes courageux, la France de la raison politique se
réjouirait de rencontrer à ses côtés de vaillants combattants d'une Europe
ennemie de la scolastique pseudo démocratique, mais tout cela ne se pourrait
qu'à l'écoute d'un apostolat philosophique, celui d'insuffler une authentique
vocation cérébrale aux nations menacées par la sophistique à la mode et de
refuser jour après jour l'abaissement des plus grands peuples du Vieux Monde
dans une dissolution de leur fierté. Il se trouve que le devoir de toute
classe dirigeante à la hauteur de sa fonction naturelle l'appelle à
sauvegarder la dignité intellectuelle et morale de sa charge sur la scène
internationale. Le trésor de l'alliance de l'éthique des nations avec leur
identité conduit les Etats soucieux de leur honneur à de longues périodes
d'isolement diplomatique. Mais les Anciens disaient vir forti animo,
fortior solus - expression dont Corneille aurait pu traduire la tonalité
par un alexandrin: "La solitude sied à la grandeur des rois".
Depuis 1945, même la République
durablement abaissée sur la scène internationale par la défaite de 1940, même
la France humiliée depuis cinq ans par l'occupation militaire de son
territoire a tenté de protéger le pays des souillures nouvelles qui allaient
fatalement résulter de l'asservissement de l'Europe aux volontés hégémoniques
de son libérateur, même la IVe République, dis-je, a tenté grosso modo de
garder la tête haute dans les ténèbres de la défaite. Comment les
mémorialistes de la gloire passée du continent de Copernic raconteront-ils
trois quarts de siècle d'abaissement atlantiste de la civilisation
occidentale?
Mais la France se distingue des
autres nations de ce bas monde en ce que ses heures de carence la font
fulgurer des feux mêmes de son silence. Il était, certes, pitoyable, il y a
soixante dix ans, de tomber à bras raccourcis sur un vieillard autour duquel
la France vaincue se pelotonnait dans l'attente de sa résurrection - ce
maréchal symbolique occupait avec décence la place que le malheur de tous lui
avait assignée. Mais tout le monde voyait clair comme le jour que la vraie
France ne se trouvait pas à Vichy. De nos jours, tout le monde voit que la
vraie France ne se trouve pas à l'Elysée et qu'un Ministre des affaires
étrangères qui reçoit l'ordre d'un Etat d'au-delà des mers d'aller admonester
la Russie se place bien au-dessous du gouvernement de Vichy.
C'est une France momentanément en
congé de l'arène du monde, mais fulgens absentia - étincelante par
son absence, comme disait Tacite - c'est une France fulgurante par son
effacement, c'est une France d'incendiaires de la nuit du monde qui s'adresse
à l'Europe agonisante.
La France que la médiocrité de son
gouvernement a mise en quarantaine observe que l'humanité stagne le plus
souvent dans le marécage de l'insignifiance. Si vous lui montrez clairement
une direction à suivre, elle découvre subitement que le sens du monde est un
fils naturel de l'action publique et elle sort un instant de sa léthargie
pour comprendre les évènements à l'écoute du récit qu'on lui en fait.
L'affaire ukrainienne reconduit donc l'Europe à l'histoire narrative. Ce
carburant donnera au Vieux Continent l'audace de se changer en une Crimée
universelle, celle d'une récitante des mésaventures de la démocratie mondiale
dans le ciel de ses idéalités vaporeuses et des abstractions vaines dont elle
s'auréolait.
Mais vous êtes encore trop faibles
sur vos jambes, dit la France cartésienne, pour emprunter seuls les chemins
dangereux de l'histoire véritable. Vous avez le plus grand besoin du ferme
secours de la Chine, de l'Inde, de l'Amérique du Sud afin de chasser les
troupes américaines incrustées sur vos arpents et dont vous fêterez dans
quelques mois les soixante-dix ans de la salissure de leur présence sur vos
terres. Mais si vous ne trouvez pas en vous-même un puissant adjuvant de
votre courage, comment vos ossements d'enfants surmonteraient-ils l'obstacle
de la passivité de la masse de vos concitoyens demeurés en bas âge et avides
de se vassaliser eux-mêmes? Car ceux-là ne voient leur salut qu'à demeurer
grouillants sous le sceptre de leur maître.
C'est pourquoi la vraie France,
celle que l'assujettissement et la honte de son Etat éclairent de tous les
feux de son absence au monde, la vraie France, dis-je, demande à l'Europe de
se tourner vers une Russie ressuscitative. Songez, dit Descartes, qu'il aura
suffi d'un quart de siècle à l'ex-empire des Tsars pour se redresser ;
songez, dit la France de la pensée que le pays des droits de la raison
cartésienne devra demander à Moscou d'aider les vassaux actuels de l'Amérique
à secouer le joug que leur faux libérateur fait peser sur leurs épaules
depuis 1949.
Puisse la France du Discours
de la méthode observer au microscope les insectes mis en caserne par
le volet militaire de l'Alliance de l'Atlantique Nord. Comment une politique
internationale rationnelle répondrait-elle aux intérêts à long terme des
"hautes parties contractantes", comme on dit en droit
diplomatique, si, d'un côté l'Occident n'avait pas grand besoin de la Russie,
et si, en retour, la Russie n'avait nul besoin de trouver en face d'elle un
Vieux Continent debout sur ses propres jambes? Mais, pour cela, il faudrait
que la souveraineté du Vieux Monde fût redevenue stable et clairement
définie. Que ferait Moscou du révulsif d'une Europe sans voix, sans force et
sans unité, que ferait Moscou d'une Europe agenouillée dans la fange? Il sera
donc de l'intérêt de la Russie de remettre ce malade sur pied.
Qu' enseigne la mémoire du monde
au Kremlin? Que les cités grecques ficelées à la ligue de Délos s'étaient
docilement placées sous le sceptre de fer du roi Périclès, qu'à l'image de
l'OTAN, il s'agissait d'escroquer l'argent des cités " fluidifiées"
et placées sous la poigne de fer de l'empereur de la liberté du monde de ce
temps-là, parce qu'il était de l'intérêt de tous, disait Pallas Athéna, de
partager les frais immenses qu'entrainait la mise sur pied d'une armée
capable de combattre l'empire perse avec un bel entrain. Mais un gigantesque
détournement de fonds avait aussitôt fait couler dans les seules caisses de
la déesse les sommes titanesques que coûtait la construction d'un Parthénon
pharaonique.
L'OTAN n'a pas l'intention, loin
de là, de dresser un temple à la raison cartésienne sur l'Acropole de la
démocratie mondiale. Son intérêt se réduit à exiger des membres de la ligue
de Délos des modernes qu'ils n'achètent leurs armes qu'aux industriels
américains - afin que le prix fabuleux des boucliers, des lances et des javelots
des alliés fît déborder les caisses du Périclès de Wall Street. La Turquie
l'a compris à ses dépens : le général américain qui commande la piteuse
Alliance de l'Atlantique Nord lui a tapé sur les doigts pour avoir tenté
d'acheter des armes moins coûteuses à Pékin.
La France "fulgens
absentia" se demande donc quel intérêt à long terme un Kremlin
cartésien trouverait à s'engager dans des négociations profitables tant à
lui-même qu'à l'Europe s'il lui fallait se résigner à négocier avec un
partenaire maculé, ridiculement instable et tout tremblant devant cinq cents
intruses - les légions de l'Amérique du Nord qui quadrillent, d'Oslo à
Syracuse, le territoire d'un si malheureux partenaire.
La France de Jeanne d'Arc
s'adresse donc à l'Europe de Descartes en ces termes: "Ne venez-vous pas
de vous ranger comme de petits enfants aux côtés de votre maître de là-bas
afin d' expulser la Russie du G8? Comment serez-vous jamais respectés sur
cette planète si vous demeurez les valets obéissants d'un géant aux pieds
d'argile et si l'Allemagne s'imagine mobiliser durablement tout le globe
terrestre pour une rédemption du monde qui passerait par l'interdiction
adressée à Moscou de se retrouver chez elle en Crimée, comme la France en
Alsace-Lorraine en 1918, l'Allemagne dans la Ruhr en 1925, l'Egypte à Suez en
1956, l'Autriche en Autriche en 1945, la Sicile en Sicile en 1945?"
Quelles sont les lunettes avec
lesquelles, depuis Descartes, la vraie France enseigne au monde à se regarder
dans le miroir du bon sens? Cette France-là dit qu'un continent devenu
erratique a précisément besoin de changer le fruit blet de l'Ukraine en un
levier digne de conduire la ligue de Délos de notre temps à une putréfaction
purifiante. On l'a bien vu le jour même où, à peine désigné, le nouveau
gouvernement de Kiev a mis en scène la lamentable mascarade de demander sur
un ton maladroitement impérieux aussi bien à la Russie qu'à l'Europe, aux
Etats-Unis et au Fonds monétaire international, de remplir tous ensemble, en
toute hâte et d'un seul cœur le tonneau des Danaïdes qu'elle est devenue à
elle-même aux yeux du monde entier. Puis on a vu le gnome de Copenhague - M.
Rasmussen le cocasse - bondir précipitamment de la cage dorée où Washington
le salarie grassement. Suivez à la course ce petit galonné de la servitude atlantiste!
Qu'est-ce que l'Europe, dit la
vraie France, sinon un peloton de sots chamarrés et tout fiers de porter le
képi de l'Amérique enfoncé sur la tête? A qui une Russie vivante et
respirante s'adressera-t-elle sur l'échiquier des nations efflanquées du
Vieux Monde? Quelle sottise de demander, la bouche en cœur, au pays de Pierre
le Grand et de Catherine II de l'aider à tirer l'Ukraine de la corruption et
du marasme économique dans lesquels l'incompétence de sa classe politique l'a
fatalement précipitée! Quel ridicule, dit la France de Descartes, de demander
à Moscou d'aider un continent sans souffle à disloquer une Russie qui a
d'autres cartes à jouer ! Croyez-vous que l'ex-empire des Tsars laissera
longtemps le sourire de la commisération flotter sur ses lèvres si l'Europe
lui demande rien moins que d'aider les Etats-Unis à placer encore davantage
une Ukraine pitoyable sous le sceptre de la démocratie mondiale malodorante
dont Washington entend tenir seul le sceptre entre ses mains? Ignorants sans
mémoire, lisez Andocine, Eschine et Lysias si vous voulez apprendre qui vous
êtes à humer les odeurs que vous avez laissées sur votre chemin dans
l'histoire!
Revenons à Descartes humant le
parfum de son Discours de la méthode dont le fumet montait,
disait-il, de son poêle de Hollande. Il existe une différence de nature entre
les Hippocrate spécialisés dans le traitement particulier qu'appelle telle ou
telle maladie bien connue du corps médical et les prétendus généralistes de
la politique internationale. Quand un ophtalmologue ou un
oto-rhino-laryngologue diagnostiquent une pathologie des organes qu'ils ont
étudié à part et pendant des années, il est inutile à leur science médicale
rendue toute locale de connaître, de surcroît, le système digestif et les
voies respiratoires de leurs patients. En revanche, un connaisseur de la
seule Crimée qui se visserait la loupe à l'œil et qui croirait profitable à
la science d'Esculape d'observer ce pays au microscope se tromperait à la
fois d'échiquier et de problématique. Tout correcteur d'une copie au bac lui
mettrait un zéro assorti d'un commentaire lapidaire: "N'a pas traité le
sujet".
Quel est le champ du savoir
d'Hippocrate et de Gallien qu'ignore le spécialiste de la Crimée? Que le
malade est couvert de pustules d'Oslo à Naples et de Gibraltar au Caire.
Savez-vous, dit la vraie France, que tout ce qui se passe sur le corps de ce
géant n'est observable que sur l'échiquier d'une pathologie générale de la
géopolitique? Le "spécialiste de la Crimée" a si peu la tête
politique qu'il disserte dans un vide universitaire qui lui interdit de
radiographier le cancer généralisé dont meurt une civilisation. Si vous
n'avez pas d'anthropologie universelle, comment spectrographieriez-vous le
fonctionnement de la boîte osseuse d'une planète en déroute ? Le Pygmée
mollement étendu sur les coussins du savoir fractionné de son temps croit
regarder le monde par le vasistas qui lui interdit de seulement lever l'œil
sur le soupirail dont sa science guichetière reçoit une fausse lumière.
Décidément, si à l'instar de
Machiavel hier (Voir: Le regard de Machiavel sur l'auto-vassalisation de
l'Europe, 21 mars 2014) Descartes revenait cogiter parmi nous, il
dirait, aux côtés de la France du "je pense donc j'existe"
que la lucarne de la logique politique n'est pas celle de la scolastique des
démocraties et que la philosophie contemporaine doit dépasser la sophistique
des idéalités - et cela à l'image, précisément, du Discours de la
méthode de 1637, qui a planté là toute la métaphysique religieuse que
la théologie de Sorbonne imposait alors aux esprits du monde entier. Car
c'est se tromper de planète, donc de politique de se mettre à l'écoute d'un
vocabulaire étranger à cette discipline. La France d'aujourd'hui en appelle à
une révolution mondiale de la politologie comme Descartes en appelait a une
révolution cartésienne des sciences expérimentales de son temps.
La Russie de Pierre le Grand et de
Catherine II a besoin de savoir à quels paltoquets elle s'adresse en Europe;
et ce n'est pas le langage de 1789 qui lui apprendra à décrypter le cogito qui
dit: "Je n'existe que si je pense le politique". Le Kremlin ne se
trouve nullement embarrassé par la fausse victoire d'une démocratie de
bureaucrates ensauvagés en Ukraine, c'est l'Europe qui l'a sur les bras, la
brebis galeuse que les anglo-saxons lui font baptiser "mouton noir"
- c'est l'Europe qui ne sait comment tirer de son gousset plein de toiles
d'araignée les sous que l'Ukraine lui demande de jeter à fonds perdus dans
son sacellus, c'est l'Europe qui s'empêtre à demander à la Russie de remplir l'escarcelle
de Kiev - mais c'est à bon escient que la Russie répond aux Européens qu'ils
n'ont pas les pieds sur terre, c'est la Russie qui dit fort pertinemment au
Vieux Monde qu'elle attend des éclaircissements sur les tonnes d'or de Kiev
déjà cachées dans les caves de la Federal Reserv System.
Pas de doute, dit la France de
Descartes, la Russie rit sous cape de notre prétention d'accorder à l'Ukraine
une souveraineté aussi frelatée que la nôtre. Et déjà le peuple ukrainien
jette tout autant aux orties l'incompétence et la corruption de ses nouveaux
dirigeants que celles de ses profiteurs d'hier soudainement dépossédés de
leur gibecière.
Que voudrait-elle encore faire
entendre, la vraie France, à une Europe devenue la grande muette de ce bas
monde? Qu'elle n'est plus aussi monacale qu'hier dans son poêle de Hollande.
Depuis plus d'un demi-siècle, elle incarnait en ermite la dignité et la
droiture d'un continent asservi à une puissance étrangère. L'Allemagne
attifée en valet de pied depuis soixante neuf ans sort avec lenteur de la
domestication honteuse des Germains. Son président, tout décoratif que le
veuille la Constitution monastique allemande, est subitement sorti de son
couvent pour crier au monde ébahi que la nation des poupées de l'OTAN est
devenue trop grande pour que Siegfried papote encore longtemps dans le magasin
de fanfreluches de l'Europe.
M. Sarkozy, le Tintin ignorant de
l'histoire des empires et des ressorts des grandes nations avait cependant
installé à la tête du Fonds monétaire international une Christine Lagarde qui
voyait si bien, elle, vers quel destin courrait une Europe en chair et en os
qu'elle a appelé en toute hâte un Chinois à la vice-présidence du FMI. Il est
impossible que les galipettes diplomatiques d'une Allemagne de plaisantins se
prolonge longtemps encore, impossible que, pour longtemps encore, cet Etat
demeure confiné dans un burlesque de chancellerie, impossible qu'il s'indigne
en vain de ce que l'étranger surveille le portable de Mme Arioviste. Bientôt,
Siegfried s'étonnera bien davantage de ce que deux cents légions romaines lui
fassent la nique sur le sol de la patrie - les Germains de Tacite déchireront
les langes de leur vassalité.
Mais pour que le Vieux Continent
sorte des limbes, dit la vraie France, il faudra que le peuple russe se
rassemble en masse autour de son chef. Alors, seulement l'Europe des fiertés
retrouvées de ses nations verra bien qu'elle ne saurait tenter d'affubler la
patrie des Tolstoï et des Soljenitsyne des mêmes falbalas de la servitude
dont elle s'est elle-même attifée, alors seulement l'Europe asservie à son galimatias
se trouvera tellement au pied du mur que les peuples déconfits et domestiqués
depuis soixante-dix ans reprendront le sceptre de leur politique entre leurs
mains - et la Belle au bois dormant soudainement réveillée dira à une Europe
ahurie: "Quelles sont ces vapeurs d'un bavardage étranger, quels sont
ces nuages de l'abstrait qui flottent sur vos têtes depuis 1949? "
Tout cela, la France de Descartes
le glisse encore à l'oreille de la Russie; car Moscou n'ignore pas que, pour
l'instant, non seulement la Gaule se trouve cruellement scindée entre deux
atlantismes de Sorbonne, mais que son Discours de la méthode
n'est pas celui de l’Église de la Liberté.
Le 4 mars 2014, le Conseil
représentatif des institutions juives de France a reçu le chef de l’État
au dîner solennel auquel il convie chaque année les huit cents personnalités
les plus influentes de la classe dirigeante de la République; et la France
entière a vu le plus puissant interlocuteur intérieur de la nation, Israël,
sortir des coulisses pour communiquer ses directives les plus impérieuses à
l'intention de la France d'aujourd'hui. La politique étrangère de la Gaule,
disaient les représentants attitrés de la communauté juive du pays, se
consacrera dorénavant à la "défense et illustration" du
patriotisme sioniste. Par conséquent, la loi Gayssot du 13 juillet 1990 sur
l'antisémitisme et le racisme sera désormais plus vigoureusement appliquée à
châtier les propos des antisionistes que ceux des antisémites; car ces deux
hérésies capitales se trouveront désormais indissolublement confondues dans
la défense de la nouvelle "cause nationale" qu'on aura gravée dans
l'airain de la loi.
Que répondront les juifs français
à l'annonce de leur relégation, par les soins de leurs propres
co-religionnaires et sur le sol même de leur seconde patrie, au rang
d'adversaires à châtier durement ? Comment condamner toute la population
française - y compris les Français de confession juive - à porter les armes
communes autorisées, celles des descendants d'un Abraham et d'un David
mythiques?
De plus, le Président de la
République des stylites de Judée s'est vu sommé en public et avec la dernière
énergie de reconnaître Jérusalem pour la capitale d'Israël, et cela bien
qu'aucun Etat au monde n'ait jamais légitimé la guerre de 1967, qui a conduit
à l'annexion de la moitié de la ville par la force des armes de David. On
sait que, depuis près d'un demi-siècle, Israël conquiert l'autre moitié de la
ville avec patience et maison par maison,. Que les séparatistes normands ou
bretons ramènent la France d'aujourd'hui à son éclatement géographique
antérieur à l'unification du pays sous la poigne multiséculaire de la
monarchie de "droit divin" est une chose, mais que la législation
de la Ve République actuelle jette en prison des citoyens coupables de ne pas
défendre, les armes à la main et sur leurs propres arpents la guerre des
conquérants d'une terre biblique située à des milliers de kilomètres de
Paris, quelle nouvelle odoriférance de la République!
Comment l'interpréter à l'écoute
non seulement de la démocratie, mais de la vraie France, celle que sa raison
conduit à soumettre la géopolitique à une révolution mondiale de ses méthodes
d'analyse et de réflexion? Hélas, la "bête immonde est bien présente
aujourd'hui en France", a ajouté le chef d'un sionisme subitement
hissé au rang de "cause nationale", puisque "le 26
janvier quelques milliers d'individus ont crié dans la rue que la France
n'appartient pas au CRIF".
Pauvre Jean-Luc Pujo, sur quelle
balence va-t-il "penser la France", lui dont la compassion
allait jusqu'à me reprocher de ne pas séparer suffisamment l'hérésie de
l'anti-sémitisme d'un anti-sionisme qu'il qualifiait d'orthodoxe! Le voici
sur la liste des damnés par un verdict du CRIF!
A qui la Russie doit-elle
s'adresser si les minorités fières de leur judéité au sein des Républiques
européennes ne savent plus sur quel pied faire danser leur démocratie? Que
faire d'un Capitaine Dreyfus condamné à donner libre cours au patriotisme
bicéphale ou tricéphale qu'on attend subitement de la fidélité à la
discipline militaire qu'on lui enseignait autrefois à Saint-Cyr ou à l'école
de guerre? Regardez-moi ce malheureux bâillonné dans ses trois patries - la
française, l'israélienne et l'américaine. Sur quelle balance peser la loyauté
des officiers français plurinationaux?
Prenez le cas des ministres des
affaires étrangères qui, de M. Bernard Kouchner à M. Laurent Fabius, placent,
au vu et au su de tout le monde, les seuls intérêts des Hébreux et la défense
exclusive de leur politique en Judée avant les intérêts de la Gaule dans le
monde. Cette semaine, les Etats-Unis ont demandé à la France, à l'Allemagne
et à l'Angleterre de se partager à leur place la lourde charge de la
politique des sanctions économiques revendiquées par eux seuls à l'égard de
Moscou. Mais le quotidien le plus lu d'Allemagne, le Spiegel (Le Miroir),
révèle que les Allemands jugent légitime la politique de défense de ses
intérêts du Kremlin en Crimée; et, de toutes façons, ils savent qu'une
politique conflictuelle de l'Allemagne avec la Russie est une impossibilité
géo-stratégique. Quelle figure vont faire les Ministres des Affaires
étrangères de Berlin et de Paris vont-ils faire à la Haye s'ils sont d'ores
et déjà coupables du péché de mensonge par omission à l'égard du droit à
l'information de leurs populations respectives s'il leur est demandé
d'afficher plusieurs blasons et de brandir des drapeaux étrangers?
La logique cartésienne enseigne à
un Quai d'Orsay à un écusson incertain que la vraie France de demain se trouvera
contrainte dès aujourd'hui, de préciser la notion flottante de "collaboration"
avec une puissance étrangère en temps de paix et en temps de guerre. Car le
baudrier de la trahison n'a été que partiellement circonscrit au lendemain de
l'occupation allemande. Aujourd'hui, ce vocabulaire demeure aussi superficiel
et imprécis, donc invalide en politique qu'en 1944. On sait que des
diplomates de haut rang - les Giraudoux, les Claudel, les Paul Morand - sont
demeurés fidèles à leur poste au sein de "l'Etat français"
schizoïde de 1940 à 1944 et qu'ils n'ont évidemment en rien été accusés de
trahison à la Libération, parce que le gouvernement de Vichy avait été
légalement constitué - la chambre des députés de la IIIe République avait
confié les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain par un vote de cinq cent
soixante neuf députés, contre quatre-vingts et vingt abstentions.
Certes, des écrivains illustres
ont cru devoir se taire de crainte de légitimer le gouvernement d'une nation
occupée; mais Gide et Valéry avaient respectivement soixante-seize et
soixante-quinze ans en 1945, de sorte que leur œuvre se trouvait achevée.
D'autres auteurs ont jugé absurde de faire taire la littérature de la France.
Nietszche avait rappelé que la victoire d'Alexandre de Macédoine sur Athènes
n'était pas davantage une preuve de civilisation que celle de Bismarck sur la
France. Non seulement Montherlant, Simenon, Jouhandeau et d'autres ont
continué de se faire éditer à Paris. Mais était-il naturel que Mauriac dédicaçât
La Pharisienne au lieutenant Heller, qui dirigeait la Propagandastaffel
à Lutèce? On sait que tous les ouvrages en langue française et toute la
production cinématographique de l'époque passaient par l'autorisation de
l'agence allemande Universal.
La réponse politique et
anthropologique à cette question passe par une réflexion des historiens
pensants de demain sur la durée légitimante ou invalidante des Etats vaincus,
tant résignés qu'indomptés. Un Fabre-Luce rédigeait des ouvrages d'économie
bien informés sur la politique financière tantôt digne d'éloges à ses yeux,
tantôt critiquable de Vichy. Il s'agissait, croyait-il, d'un Etat dont il ne
ressortissait pas à ses compétences de spécialistes des finances publiques de
juger la normalité, la légitimité et la viabilité. Aujourd'hui, toute la
classe dirigeante de l'Europe vassalisée s'est mise à l'école de Fabre-Luce;
elle juge que les démocraties actuelles, quoique occupées par les forces
militaires d'un empire débarqué d'au-delà des mers il y a trois quarts de
siècles, auraient été rendues légitimes aux yeux du droit international
présentement en vigueur, et cela par un effet naturel de l'écoulement du
temps sous la botte de l'étranger.
Cette situation appelle une réflexion
approfondissante de la notion de servitude volontaire formulée par La
Boétie en 1549, que Soljenitsyne a conduite le premier à une problématique
anthropologique et politique dans Une journée d'Yvan Denissovitch
et Pierre Boulle dans Le Pont de la rivière Kwai. Faudra-t-il,
le moment venu, faire passer MM. Kouchner et Fabius en haute cour? Leur
sera-t-il reproché, au nom de la vraie France, d'avoir mis leur talent
diplomatique au service exclusif des intérêts nationaux d'Israël, même après
la déclaration du CRIF du 4 mars 2014, à l'image de nombreux collaborateurs
du IIIe Reich qui ont persévéré dans leur complicité avec le nazisme après le
franchissement de la ligne de démarcation entre la France occupée et la
France libre le 11 novembre 1942?
Les héros des quatre ouvrages
cités ci-dessus ont apporté jour après jour leur pierre à l'édifice de leur
vassalité: le héros de Soljenitsyne perpétuait le Goulag soviétique,
l'ingénieur anglais retardait la victoire alliée sur le Japon, Fabre-Luce
installait Vichy dans ses meubles et le héros de La Boétie faisait de sa
passivité la clé de sa servitude. De plus, les quatre héros faisaient preuve
d'une faiblesse cérébrale inscrite dans le capital psychobiologique du genre
simiohumain: on veut exécuter son travail le nez sur l'établi, et cela
d'autant plus que la sanctification du retrait du monde et le refuge dans la
Thébaïde est passé de mode. Comme disait Montesquieu, "c'est une
grande folie de vouloir être sage tout seul".
Chacun sait que, le jour venu, les
archives du Quai d'Orsay parleront haut et fort des atlantistes
d'aujourd'hui, chacun sait que, demain, les historiens du monde entier se
demanderont comment, un siècle durant, toute la classe dirigeante de la
démocratie et les peuples de la Liberté se seront comportés sous le sceptre
des Etats-Unis, alors que La Boétie ignorait la chute prochaine de la
monarchie et Soljenitsyne l'échec final du messianisme marxiste.
On sait que les complaisances
coupables de M. Bernard Kouchner à l'égard d'Israël ont fait échouer l'Union
des pays riverains de la Méditerranée. Quant à M. Laurent Fabius, tout le
monde sait déjàen 1549qu'il s'est soumis aux vœux les plus véhéments et les
plus démesurés de M. Netanyahou dans les négociations sur l'Iran - inutile
d'attendre pour s'en trouver dûment informé, puisque la presse israélienne
elle-même n'a pas manqué de se féliciter de sa collaboration.
Le 19 mars 2014, M Asselineau
publiait, dans un communiqué de presse, un réquisitoire textes en main contre
M. Laurent Fabius. Au terme de ses accusations et de son argumentation point
par point, il demandait au Président de la République rien moins que la destitution
immédiate de ce Ministre. L'ambiguïté politique d'un débat aussi insolite
dans une démocratie même asservie, mais supposée légitimée en droit
internationale, illustre l'opportunité de soulever la question; car il saute
aux yeux du lecteur que tous les reproches de M. Asselineau à M. Laurent
Fabius ressortissaient à des accusations tacites, mais évidentes de
collaboration avec Israël.
Quand M. Netanyahou déclarait
qu'une future arme nucléaire de Téhéran serait "cinquante fois plus
dangereuse que celle de la Corée du Nord", il faut se demander si un
Ministre des affaires étrangères de la France s'avoue le complice - au sens
pénal - d'une nation étrangère à en soutenir la politique pour le seul motif
réel qu'Israël entend disposer à titre exclusif du nucléaire militaire dans
la région. Tout diplomate professionnel sait que le reste est seulement de la
gesticulation idéologique ou parareligieuse. C'est pourquoi M. Poutine évoque
de façon inhabituelle la politique "grossière, irresponsable et
amateuriste" de l'Europe dans son discours du 18 mars 2014. Faut-il
revenir à la raison politique réelle, celle de Machiavel et de Talleyrand, ou
feindre de valider une argumentation messianique?
Quoi qu'il en soit, l'heure de
l'effondrement de la domination mondiale des Etats-Unis approche. Même si
elle aura duré vingt fois plus longtemps que celle du IIIe Reich, il faudra
bien se décider de faire le tri entre les juifs inspirés par l'esprit
national et les juifs sionistes. On sait que la communauté juive américaine a
contraint l'Aipac (American Israel Public Affairs Committee) à
renoncer publiquement à son ambition de dicter la loi de Tel-Aviv au
Département d'Etat, tandis que CRIF (Conseil représentatif des
institutions juives de France) est demeuré fidèle à sa politique de
vassalisation radicale du Quai d'Orsay au profit d'Israël. Face à dix mille
juifs décidés à faire revenir la Maison Blanche sur les accords de droit
public que la nation américaine en tant que telle avait légalement conclus à
Genève avec l'Iran - cinquante neuf membres sur soixante-sept que compte la
commission d'invalidation des décisions pourtant souveraines du président
Obama sur les traités internationaux avaient déjà été retournés en un
tournemain en faveur de Tel-Aviv - ce sont les juifs américains nationalistes
qui ont pris l'affaire en mains et qui ont conduit la fraction sioniste de la
communauté juive américaine à la capitulation pure et simple face à
l'autorité des décisions diplomatiques qui engagent la crédibilité de la
signature du département d'Etat sur la scène internationale.
Selon que les juifs nationalistes
de France suivront l'exemple des juifs nationalistes américains ou qu'ils
demeureront silencieux face au CRIF israélien, le patriotisme du législateur
républicain pèsera sa solitude politique sur une balance fort différemment
construite. C'est pourquoi la France cartésienne ne s'adresse encore à la
Russie qu'en catimini et quasiment en cachette.
L'abasourdissement des historiens
des premières années du IIIe millénaire ne portera pas sur la guerre de 2003,
qui aura vu la planète des démocraties de la raison se précipiter sur l'Irak
aux fins d'exorciser une fiole magique brandie par un sorcier galonné, mais
sur le fait que les armées de la Liberté se seront ruées à travers
l'Allemagne et l'Italie avec le consentement actif ou passif des
gouvernements de ces deux républiques. De même l'ahurissement des historiens
de 2020 ne portera pas sur le silence respectueux qui aura accueilli la
déclaration d'un empire selon lequel il avait deux filles- la France et
l'Angleterre - mais sur le fait qu'en 2014, tous les peuples placés sous le pavillon
de la liberté universelle aient tiré un sabre de bois de leur fourreau et que
la Russie ait renoncé à le brandir à son tour, parce qu'il vaut mieux rire
des jouets d'enfants que de paraître leur donner du sérieux à se rendre sur
le théâtre de leur jeu.
Mais l'ébahissement le plus
proportionné au cocasse de l'histoire du monde aura été qu'en février 2014
encore, le Président Barack Obama promettait à son invité, le Président de la
République française, de lui verser un tombereau de briques sur la tête s'il
se permettait de commercer avec l'Iran. L'éberluement des porte-plume de Clio
sera donc un révélateur du niveau cérébral du genre humain ébaubi du début du
IIIe millénaire: quelques mois seulement avant l'effondrement de l'empire
américain, personne n'aura vu que la roche tarpéienne est proche du Capitale
et que les jours de l'empire américain étaient comptés.
Voici, du lundi 25 mars 2014 au
vendredi 28 de cette semaine-là, la chronologie de la chute dans l'abîme de
l'empire américain.
MM Lavrov et Kerry se sont
rencontrés à La Haye. M. Kerry se disait en son for intérieur: "Si je
feins, ne serait-ce qu'un instant d'entrer dans l'embryon d'entente et de
complicité qui semble se dessiner entre l'Europe et la Russie à la Haye,
l'Amérique y perdra bien davantage que si je persévère, même aveuglément, à
peindre Moscou en loup-garou et si je demande à l'OTAN de renforcer de toute
urgence la barrière des missiles Patriot censés protéger la civilisation
mondiale des assauts du Tamerlan des steppes. Mais mon suicide à terme n'en
sera retardé que de fort peu de semaines ou de mois, parce que les Européens
liront de près et la loupe à l'œil les mille trois cent soixante dix-huit
pages de l'accord que nous voulons les contraindre à signer avec le
gouvernement de Kiev, dont nous n'avons obtenu, pour l'instant, qu'il en
signe vingt-deux. Du coup, les Européens comprendront qu'on inclut d'avance
le poids mort de l'Ukraine dans l'OTAN et qu'il s'agit de la continuation
pure et simple de la guerre que nous poursuivons jour après jour depuis 1989
contre l'ex-empire soviétique - mais ce sera aux frais des seuls Européens.
"
Puis, M. Lavrov fera valoir ses
armes à lui, celles qu'ils a emmagasinées depuis belle lurette dans ses
arsenaux: la flotte de guerre américaine est en bois, il menacera de priver
l'Occident du gaz russe, il convertira l'achat du pétrole iranien en un
système de troc, ce qui éliminera le dollar des moyens de paiement
internationaux dans la région, il esquissera un basculement mondial du centre
de gravité politique de la planète du côté de Moscou et de Pékin, il refusera
le passage par son territoire des soldats et du matériel américains qui
voudront galoper hors de l'Afghanistan.
Que restait-il à un M. Kerry aux
abois, sinon de brandir un mythe démocratique au drapeau de plus en plus
déchiré et maculé, tellement l'Europe flanquée de l'Ukraine sera tout entière
une copie en bois du porte-avions Amiral Nimitz flottant par dérision dans le
détroit d'Ormuz. Alors, comment l'empire américain se maintiendra-t-il à
flot, comment ne tomberait-il pas dans le vide sur le modèle d'un régime de
Weimar mondialisé?
En 1919, aucun parti démocratique
ne se demandait si l'Allemagne demeurerait vaincue à jamais ou si elle
renaîtrait un jour de ses cendres, parce que les gouvernements populaires ne
sont ni de nature, ni de force à voguer en haute mer. De même, l'Europe
vassalisée par le vainqueur de Hitler cabote le long des côtes; et jamais il
ne tentera de redevenir le centre de gravité de la planète.
Vers qui une démocratie de la
taille d'un continent pouvait-elle se tourner, sinon vers Moscou, la Chine,
l'Amérique du Sud, l'Inde et l'Afrique? Et qui la conduisait à redresser la
tête, sinon le capitalisme lui-même, tellement le système militaro-industriel
américain ne pouvait qu'étrangler l'Europe dans une zone de libre-échange
vassalisée?
Ce rendez-vous de la vraie France
avec la Russie, un saint-cyrien, le président Jacques Chirac, l'avait fixé à
M. Poutine le 30 mai 2006 - mais l'horloge de Clio avait pris un si grand retard
sur l'histoire du monde qu'il a fallu attendre six ans l'heure de l'explosion
de l'Europe des vassaux et de l'alliance de la France avec la Russie. Car,
pour son malheur, le Kremlin avait cru possible de courir un instant aux
côtés des Etats-Unis d'Amérique. Mais si M. Poutine a manqué le coche en
2006, la France, hélas, y a perdu bien davantage que Moscou: combien de
patriotes y ont perdu pour longtemps tout espoir que l'empire américain
s'effondrerait rapidement! Et maintenant, l'Ukraine se révèle le détonateur
décisif de la chute annoncée de la statue aux pieds d'argile, tellement
l'histoire du monde s'apprête à tracer clairement la frontière entre les
peuples libres et les peuples vassalisés.
Comment cela? En 2009 un président
de la République atlantiste en diable avait cru encaserner la France sous le
commandement de l'état-major de l'OTAN installé à Mons depuis 1967. Mais
voyez comme la particularité de la vassalisation propre à la France saute
maintenant aux yeux de tout le monde. En 1814, Talleyrand ne pouvait rejeter
tout net la Sainte Alliance encore présente en armes sur le territoire
national, tandis que M. Laurent Fabius trahit ouvertement le pays et trompe
tous les Français à leur dire: "Qu'y puis-je? Ne savez-vous pas que nos
armées sont commandées par un général américain?"
Mais ce Ministre homonyme d'un
vainqueur d'Hannibal feint d'oublier que nous ne sommes plus physiquement
occupés, ce Ministre feint d'ignorer que les bases américaines ont quitté la
France avec armes et bagages il y a quarante sept ans et qu'elles sont
aussitôt allées quadriller le territoire des autres nations de l'Europe. La
France purifiée depuis près d'un demi-siècle de la salissure de l'occupant,
dit à la Russie: "Les traités que nos pères ont conclus au sein de l'OTAN
sont devenus à nos yeux aussi impossibles à déchiffrer que les hiéroglyphes
de la Haute Egypte."
Le 28 mars 2014
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