Dans la chronique ci-dessous de source " FIGAROVOX/TRIBUNE ", publiée le 10 Mars 2016, Maître Philippe Bilger donne son opinion sur la remise de la Légion d'honneur au prince héritier d'Arabie Saoudite et sur la présence du président de la République François Hollande à la commémoration des accords d'Evian le 19 mars 2016.
Source : FIGAROVOX/TRIBUNE
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10.03.2016
Philippe Bilger : l'honneur perdu de François Hollande
Après la remise de la Légion d'honneur au prince héritier d'Arabie saoudite,
François Hollande sera présent pour commémorer les accords d'Evian le 19 mars.
Philippe Bilger juge la gauche «prompte à donner des leçons de morale» qu'elle
ne s'applique pas elle-même.
Chaque semaine,
Philippe Bilger prend la parole, en toute liberté, dans FigaroVox. Il est
magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole. Il tient le blog
Justice au singulier et est l'auteur de Ordre et désordres paru aux Éditions Le
Passeur en avril 2015.
Que signifie donc la
remise, à titre protocolaire, de la Légion d'honneur au prince héritier du
royaume d'Arabie saoudite et en même temps ministre de l'Intérieur, avec à son
passif une multitude d'exécutions qui auraient dû suffire à rendre cette
distinction inconcevable dans son principe même?
Que la Légion d'honneur
compte si peu, pour ceux qu'elle a flattés en France, et parfois aveuglément,
que le pouvoir de gauche peut se permettre de la distribuer pour rien, pour la
façade, parce qu'il faut bien et que le «protocolaire» est une exigence fondamentale?
Que la morale tellement
invoquée par le socialisme de gouvernement n'est que purement nominale et que
la raison d'Etat, à la supposer valide, pèse encore plus sur les responsables
d'aujourd'hui que sur ceux d'hier?
Que le réalisme des
affaires et des échanges commerciaux, les solidarités liées à la lutte contre
le terrorisme doivent l'emporter sur toutes les autres considérations même les
plus nobles, les plus estimables, parce que ces dernières sont secondaires dans
un monde où l'éthique révélerait plus de naïveté que de vertu, plus
d'irresponsabilité que d'exigence?
Que la gauche est si
persuadée de détenir la vérité et de sublimer tout ce qu'elle touche qu'il y
aurait, à son avantage, une permanente tendance à la purification et que le
sale, le sordide et le marchand se transformeraient, par miracle, en
pragmatisme intelligent et en patriotisme lucide?
Que le président de la
République et son ministre des Affaires étrangères manquent à ce point de
courage et de rigueur qu'ils n'ont pas osé opposer, au «protocolaire»,
l'honneur d'une résistance et la qualité d'une conviction enracinée dans le bon
sens: on n'octroie pas de l'honneur à qui ne le mérite pas?
Qu'ils ont sous-estimé
la fronde et négligé la révolte de ceux pour qui il n'y a pas le projet El
Khomri qui a de l'importance mais l'allure de la France, son aura et sa
capacité à dire non à l'intolérable même s'il s'agit d'un rituel et que le
«protocolaire» n'est jamais à négliger?
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On a pu constater l'aptitude à la provocation du président de la République ; pour complaire à l'Algérie, il sera présent pour commémorer les accords d'Evian qui n'ont pas empêché des massacres les mois suivants.
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Que, même si on a pu
constater l'aptitude à la provocation du président de la République puisque,
pour complaire à l'Algérie, il sera présent pour commémorer les accords d'Evian
qui n'ont pas empêché des massacres les mois suivants, il n'a pas su,
cependant, faire preuve de cette audace, de relever ce défi pour détourner le
«protocolaire» sur d'autres têtes plus acceptables?
Que peut-être, tout
simplement, il convient de cesser d'espérer de ce président roublard et obsédé,
malgré les apparences, par sa réélection autre chose que de misérables
tractations où, au nom du «protocolaire», on vend à l'encan ce qu'on a de plus
précieux et qui doit récompenser les honnêtes et brillants sujets et non pas
les princes héritiers ayant du sang sur eux?
Que le «protocolaire»
est sans doute la seule excuse que l'abjection a trouvée pour se justifier?
A toutes ces questions,
le déshonneur a répondu présent.
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