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Le tartuffisme, masque de la servitude volontaire
1 - Le récit, ce grand trompeur
2 - L'ignorance de notre maître
3 - Comment chasser le nouvel occupant
4 - La mondialisation du tartuffisme
5 - Le double jeu du tartuffisme
2 - L'ignorance de notre maître
3 - Comment chasser le nouvel occupant
4 - La mondialisation du tartuffisme
5 - Le double jeu du tartuffisme
Dans quelques jours
j'entendrai, pour la quatre-vingt quatorzième fois sonner le gong de la pendule
qu'on appelle la vie et qui ponctue la mort des végétaux, des animaux et des
hommes.
L'adolescence est le temps où
une mémoire fraîche nourrit encore les imaginations ardentes. A l'âge de douze
ans, ma sœur jumelle et moi avions découvert un ouvrage de plus de six cents
pages qui racontait la mythologie grecque avec tout le feu nécessaire à notre
jeunesse. A la suite de quoi, nous étions indignés de l'ignorance des adultes,
et d'abord de nos professeurs, incapables de raconter les aventures extra
conjugales de Zeus ou le sort du malheureux Actéon; qui n'y pouvait rien, le
pauvre si, par malchance, il avait vu Diane se baigner nue dans une source, ce
qui lui valut de se trouver métamorphosé en cerf par la déesse qui le fit, en
outre, dévorer par les chiens du chasseur.
Puis, nous avons tenté de lire
de savants ouvrages professoraux sur la mythologie grecque, mais ils nous sont
tombés des mains tellement ils suaient l'ennui. Plus tard encore, nous avons lu
le récit des Jésuites qui expliquaient la méthode la plus sûre de convertir les
infidèles : si vous racontiez aux jeunes Chinois la création du monde quatre
mille ans plus tôt et si vous leur expliquiez que Dieu avait fait bénéficier
l'humanité de ses bienfaits pour qu'elle apprît à chanter la gloire de son
créateur, les écailles tombaient des yeux des ignorants et ils ne doutaient
plus de la vérité révélée au monde par les saintes Ecritures.
Après la mort de ma sœur
jumelle en 1974, je me suis demandé quelle relation les récits mythologiques
nourrissent avec l'histoire et avec la politique. Car l'Enéide de Virgile est tout entière fondée sur
un récit des origines imaginaires du peuple romain. Enée était censé avoir fui
Troie en flammes en portant son père Anchise sur son dos. En 1789, trois
idéalités évangélisées en sous-main par la Foi, l'Espérance et la Charité des
chrétiens avaient donné à la France l'assise d'une mythologie qui nourrit
aujourd'hui encore le monde entier.
Quant au peuple américain, Dieu
l'avait élu pour apporter au monde la Liberté, la Justice et le Droit et,
depuis 1945, cette nation de messies de la grâce et du salut des mortels joue
le rôle d'un nouveau "sauveur" du genre humain de l'humanité.
Puisque Dieu l'a voulu, les idéalités françaises de 1789 se sont fatiguées en
Europe pour s'épanouir en une nouvelle épopée salvatrice sur le continent
américain.
Alors, j'ai cru commencer de
comprendre les raisons pour lesquelles Montaigne voyait en Socrate le plus
grand homme de tous les temps. Ce prophète de l'ignorance avait compris le
premier que nous sommes le plus étrange des animaux : il chercha à comprendre
non seulement pourquoi l'ignorance est le pire de tous les maux, mais pourquoi
le langage d'une ignorance qui s'ignore en tant que telle fait tenir à
l'ignorant le langage assuré de la connaissance. Car enfin, nous ignorons ce
que sont l'espace, le mouvement, la vitesse ou le temps, mais nous croyons, de
surcroît que les messages indéchiffrables que ces entités sont censées nous
adresser nous expliquent et nous font comprendre ce qu'elles nous racontent.
Mais que sais-je du temps en
tant que tel et dans sa nature propre d'apprendre que si je chevauchais un
rayon de lumière et si je devenais centenaire à califourchon sur ce véhicule,
je mourrais à l'âge de dix mille ans terrestres, parce que le temps est une glu
dont la coulée change de rythme au gré de la rapidité ou de la lenteur qui la
transporte dans le vide et le silence de l'infini. Or, l'univers d'aujourd'hui
ne compte plus quatre "dimensions", mais une bonne douzaine et
nos astronomes commencent de découvrir que plus leur information s'enrichit, moins
ils en comprennent le premier mot.
C'est dire que la recherche des
secrets d'une ignorance inaugurale et inguérissable, liée à la nature même de
notre espèce, donne à l'audace de Socrate un avenir nouveau et inépuisable.
A l'heure où je vais raréfier
ou cesser mes commentaires anthropologiques et géopolitiques de l'avenir
socratique de la philosophie, je me permets de suggérer aux éventuels
continuateurs de ma modeste réflexion quelques pistes dont l'approfondissement
s'imposera nécessairement à leur attention.
La première sera la suivante:
si l'évasion du genre humain hors de la zoologie s'est manifestée par la chute
de notre espèce dans le récit mythologique et si cette fuite dans des mondes
imaginaires ne fait que mettre en évidence notre ignorance, comment se fait-il
que l'alliance inaugurale de l'ignorance socratique avec l'ironie soit devenue
la source principale de la pensée logique et critique? C'est que la puissance
discrète du rire que charrie l'ironie donne à la pensée une position décapante
et providentiellement heuristique.
Prenez le cas de M. François
Hollande. D'un côté, il fait le lit, et avec quelle ardeur, de la honte et du
déshonneur de la France et de l'Europe et cela de la manière que j'ai soulignée
dans mon préambule du 18 mars. (Quel sera le coût pour
la civilisation mondiale de la honte et du déshonneur de l'Europe ? 18 mars 2016 )
De l'autre, il affiche qu'il
est partisan de la levée des sanctions à l'égard de la Russie, mais qu'il s'en
trouve empêché par le Parlement européen qui serait seul décisionnaire, alors
qu'il sait fort bien que les vingt-huit sont devenus des vassaux au service des
ambitions de la seule Amérique, laquelle entend perpétuer sa domination sur le
monde entier. Or, seule l'ironie socratique met en évidence l'hypocrisie de
cette diplomatie puisqu'elle permet de démasquer une volonté d'expansion de
Washington que rend évidente la présence de cinq cents bases militaires
américaines sur le Vieux Continent vingt-six ans après la chute du mur de
Berlin. Comment chasser l'occupant? "Il est en nous, il est en nous
le cheval de Troie" (Cicéron).
Or, tous les historiens sérieux
savent que le XVIIIe siècle n'a fait que vulgariser et rendre plus alertes les
vérités mises en évidence avec la parution l'Histoire de la littérature
française de Bédier et
Hazard en deux volumes de 1924 , de celle de la parution de la Crise de la
conscience européenne de Paul
Hazard en 1935 et de l'Essai sur l'accélération de l'histoire de Daniel Halévy en 1948, qui montrent
que la révolution du XVIIIe siècle a été préparée en plein XVIIe et qu'elle
repose sur la découverte d'une dimension du genre humain, le tartuffisme.
La mise en pleine lumière de
cette dimension native et inguérissable des semi-évadés de la zoologie n'a été
possible que grâce à un jeune souverain de vingt-cinq ans, un certain Louis XIV
né en 1638, monte sur le trône à l'âge de seize ans en 1654 et dont le règne
n'avait que neuf ans en 1663 à l'heure où Molière a donné un happy end pré-hollywoodien à son Tartuffe en faisant jouer au roi le rôle d'un
prince idéal et "ennemi de la fraude".
Quelle victoire de l'éclairage
socratique de la philosophie que l'ironie qui fera de tout le XXIe siècle une
"défense et illustration" de l'omniprésence du tartuffisme
dont la démocratie est devenue l'oriflamme à l'échelle mondiale. Quel tartuffisme
dont le mythe de la Liberté est devenu le porte-drapeau ! Quelle humiliation
que le spectacle d'un prétendu Parlement européen qui se laisse accuser de
jouer un rôle de "resquilleur" par un Barack Obama
parfaitement conscient de ce Washington occupe de Vieux Monde à l'aide de ses
garnisons sur lesquelles repose sa puissance militaire et politique sur ses
vassaux! Pendant ce temps, quelle démonstration que le spectacle planétaire du
tartuffisme d'une Europe asservie. La démocratie mondiale n'est que la forme
contemporaine du tartuffisme d'une Europe asservie dont la mise en évidence des
mécanismes en 1663 éclairera tout le XXIe siècle. Une démocratie falsifiée est
devenue le pivot moliéresque du monde contemporain.
Mais comment éclairer tout cela
sinon à la lumière de la découverte de l'hypocrisie viscérale du genre
simiohumain - celle que l'ironie socratique permet désorais de mettre en pleine
lumière. Car, pour en revenir à François Hollande, quel tartuffisme que de
faire semblant de travailler en artisan de la souveraineté de l'Europe et, dans
le même temps, laisser traiter l'Europe et la France de "resquilleurs"
qui s'en remettraient volontairement à la "protection" de
l'Amérique face à la menace militaire que représenterait la Fédération de
Russie, censée le Gengis Khan de notre temps. François Hollande consacre tout
son temps à placer irrémédiablement la civilisation européenne dans la honte et
le déshonneur de paraître des "resquilleurs" dont la lâcheté
laisserait à la seule arme de la sainteté de l'empire américain la charge
d'assurer le salut du monde.
En vérité, l'avenir socratique
de l'ironie philosophique est devenu l'instrument de décodage anthropologique
de la géopolitique contemporaine. Rien n'illustre davantage le double jeu que
le locataire de l'Elysée et celui de la Maison Blanche se partagent en secret,
le premier a présenté l'asservissement de l'Europe sous le sceptre et sous le joug
de l'OTAN comme l'instrument même de sa délivrance, le second a parié avec
cynisme que l'ignorance est la compagne de la sottise et la sottise, la
compagne de l'ignorance.
Et tout cela n'est pas né de la
plume de Voltaire et de Diderot, mais de celle du Molière de 1663.
Le 25 mars 2016
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