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Quel sera le coût pour la civilisation mondiale
de la honte et du déshonneur de l'Europe?
1 -
Préambule
2 - L'infirmité d'un empire
3 - L'invalidité native d'un chef d'Etat malencontreux
4 - La paralysie générale d'un empire hollywoodien
5 - La fragilité de la souveraineté des Etats
6- La propagande de guerre
7 - De l'obscurantisme religieux au scientisme idéaliste
2 - L'infirmité d'un empire
3 - L'invalidité native d'un chef d'Etat malencontreux
4 - La paralysie générale d'un empire hollywoodien
5 - La fragilité de la souveraineté des Etats
6- La propagande de guerre
7 - De l'obscurantisme religieux au scientisme idéaliste
Une seule réalité domine la politique internationale, à savoir la
volonté prophético-messianique des Etats-Unis de poursuivre leur expansion en
Europe. Or, non seulement aucune démocratie, donc aucun Etat souverain ne
saurait légitimer l'occupation éternelle de son territoire par les troupes
d'une nation étrangère et en river le principe au cœur de sa Constitution. Or,
il se trouve qu'aucun parti politique n'ose seulement évoquer cette situation,
qui semble désormais aller de soi et conduire le train actuel de l'Europe et du
monde.
Pour comprendre et expliquer cette vassalisation consentie, il
faut commencer par réfuter l'adage: "Comparaison n'est pas raison".
Car cette situation est tellement identique à celle de Rome à l'heure de Séjean
et de Tibère qu'il suffit de rappeler le génie des sénateurs de la Ville
éternelle. Ils avaient décidé de faire camper hors de Rome les légions du
peuple romain, tellement ils avaient compris que dans une société occupée jour
et nuit par sa propre armée, celle-ci y conquerrait bientôt un pouvoir
titanesque. Elle ferait et déferait alors les empereurs à son gré et toujours
au profit du chef qui aurait pris appui sur elle. Celui-là se hissera au
pouvoir suprême au nom même du peuple romain et de la République qu'il serait
censé incarner.
La croyance au prophétisme rédempteur de la nation américaine et
sa croyance à la vocation innée dont elle serait investie de véhiculer
l'humanité sur les chemins de la Liberté, de la Justice et du Droit est
tellement invétéré que des républicains commencent de se rallier à la cause de
leur adversaire officiel, Mme Clinton, cette doublure de son mari Bill,
tellement ils se convainquent que Donald Trump tentera de trahir la vocation
rédemptrice universelle du peuple américain.
La nécessité absolue de maintenir hors de Rome les légions d'un
peuple démocratique a trouvé sa confirmation sitôt après la mort de Néron. Son
successeur, Galba, âgé de soixante-dix ans, avait imaginé deux remèdes devenus
aussi illusoires l'un que l'autre: le premier était de permettre aux empereurs
de se donner un fils adoptif digne de diriger l'empire, parce que le fils
biologique d'un empereur se trouvait souvent incapable d'assumer la
magistrature suprême. Le second remède était d'éviter d'épuiser les finances
publiques en réduisant la prébende fantastique qu'on payait à chaque
légionnaire campé dans Rome à l'occasion de l'arrivée au pouvoir d'un nouvel
empereur.
Or, la science politique des patres
conscripti, c'est-à-dire des sénateurs originels qui avaient assassiné le
roi Numa Pompilius et l'avaient fait descendre du ciel et prophétiser l'avenir
glorieux de Rome s'était pleinement réalisée. Le débat ne portait même plus sur
le renvoi des légions hors de Rome, mais sur le montant des sommes fabuleuses
qu'on leur versait. Galba a été assassiné par les soldats d'un certain Othon,
leur chef, qui leur promettait, lui, de perpétuer le bon temps des sommes
vertigineuses qu'ils réclamaient, à condition qu'ils veuillent bien le faire
succéder au vieux Galba.
C'est dire que la nouvelle classe dirigeante romaine se comportait
exactement comme les Républicains américains, qui préfèrent changer de parti et
voter pour les démocrates si ceux-ci préservent la vocation native de l'Etat
américain, assuré de génération en génération du salut du genre humain, tout en
assurant aux "démocratiseurs" de juteux bénéfices .
C'est dans cet esprit que j'ai publié le 11 mars quelques
remarques sur La mort
politique de François Hollande. Mais on voit à quel point un
éclairage historique préalable doit servir de préambule à la compréhension
actuelle du déshonneur et de la honte de l'Europe. Il est impossible aux Etats
de renoncer à titre constitutionnel et au nom même des principes universels
censés guider des démocraties, aux fondements mêmes de tous les Etats du monde,
à savoir leur souveraineté. Il est impossible à
aucun Etat de renoncer à chasser les troupes étrangères de son territoire. On
sait qu'Othon, avec son successeur Vitellius à ses trousses, a préféré se
suicider plutôt que d'engager un combat perdu d'avance: la fatalité qu'il avait
mise en place allait suivre son cours jusqu'à l'écroulement de l'empire.
Ce que voit de plus élémentaire, et je dirais même de plus
rudimentaire le regard clair que tout homme d'Etat porte sur l'histoire, c'est
l'évidence qu'un Etat victorieux commencera par étendre son poids politique et
sa présence militaire au détriment des alliés et des associés mêmes qui
l'auront aidé à remporter sa victoire. L'Amérique a aussitôt placé l'ensemble
de ses anciens alliés, sous le sceptre d'un de ses généraux, et cela même en
temps de paix; et, pour faire bonne mesure, elle a étendu la tutelle de son
glaive au Canada, à l'Australie, à la Nouvelle Zélande et à un ancien allié
d'Hitler, la Turquie.
De plus, elle avait verrouillé le système en interdisant à tout
pays d'entrer dans l'Union européenne qui ne se serait pas, au préalable,
soumis à son joug. Et quand un rival potentiel commence de poindre à l'horizon
- ce qui arrive fatalement - comment ne pas enflammer contre lui tous les Etats
jugulés de la sorte et cela non seulement au profit de sa propre expansion,
mais au détriment de leur commerce et de leur industrie à eux? C'est pourquoi
le Général de Gaulle avait songé à contrecarrer les ambitions de l'empire
américain en le contenant dans un filet d'Etats européens demeurés ambitieux de
conserver leur souveraineté d'antan.
Des bruits commencent de courir sur les causes réelles, mais
immédiates, donc à courte vue et superficielles, qui auraient déclenché
l'intervention militaire précipitée de la Russie en Syrie. L'ambassadeur de
Moscou à Londres aurait découvert les intentions secrètes des Etats-Unis et de
l'Angleterre de renforcer en réalité la puissance de Daech et cela au point de
conduire ces fanatiques à rien moins qu'à conquérir Damas. Ces vues ne sont pas
dépourvues de logique: l'orthodoxie demeure si profondément ancrée dans l'âme
russe qu'il était beaucoup plus difficile au Kremlin de s'allier à une nation
hyper musulmane telle que l'Iran qu'à Richelieu de prendre appui sur des
protestants suédois dirigés par un grand guerrier tel que Gustav-Adolf afin de
combattre Charles-Quint.
Mais le patriarche Kirill s'est révélé une sorte de Richelieu. A
ce titre, son accord avec le pape François a joué un rôle considérable et a
confirmé le soutien de ce pape à la Russie en 2013 afin d'empêcher
l'écroulement de la Syrie sous les missiles américains. Depuis lors, le Vatican
est allé jusqu'à signifier au Dieu des catholiques l'exonération totale du
devoir des juifs de présenter leur passeport de chrétiens pour entrer dans le
royaume des cieux, et cela en raison des souffrances endurées aux heures des
persécutions nazies. Jésus est censé s'être vu privé, par le vicaire même de
son Père céleste, de son monopole de rédempteur universel du genre humain qu'il
détenait depuis près de vingt siècles au yeux de de deux milliards de
chrétiens.
Mais surtout, il s'agissait, tant pour le patriarche Kirill que
pour le pape François de rendre possible le glissement de la planète vers son
nouvel épicentre, celui qui, à l'heure même de la chute de Berlin, a transformé
en un instant les bases militaires américaines du monde entier en troupes
d'occupation. Le fait même que le gouvernement et le Président de la République
française aient aussitôt désavoué la parole du plus élémentaire bon sens du
Premier ministre qui a osé dire que Mme Merkel avait raison dans l'immédiat et
tort dans le long terme.
Il devient plus évident que jamais que le chef de l'Etat ne voit
pas les faiblesses qui handicapent la conquête américaine du monde et notamment
celle de l'Europe . Ce petit manœuvrier appartient aux esprits auxquels les
arbres cachent la forêt. Il est visiblement convaincu que si l'Amérique
rapatriait ses forces incrustées depuis la guerre froide sur tout le territoire
du Vieux Continent, les Européens se répandraient en gémissements d'orphelins
abandonnés par leur sauveur. Il aura suffi que le Président Obama menace
publiquement M. Hollande de lui verser une tonne de briques sur la tête s'il
développait ses relations avec l'Iran, il aura suffi d'une amende de neuf
milliards infligée à la BNP par l'exécutif américain, il aura suffi que le
locataire de la Maison Blanche célèbre le soixante-dixième anniversaire du
débarquement sur les quelques mètres carrés dont la France a fait partie
intégrante du territoire américain à Colleville-sur-mer pour faire rentrer ce
vassal dans le "droit chemin".
Mais le glissement du monde vers le nouvel épicentre de la perte
de souveraineté de l'Europe né le jour même de la chute du mur de Berlin est
inévitable, tellement l'acharnement avec lequel les Etats-Unis défendront leur
présence militaire dans le monde entier, y compris en Europe, ouvrira les yeux
d'un Continent vassalisé par son libérateur.
L'empire américain est un handicapé de naissance en raison de
l'incapacité constitutionnelle dont il se trouve frappé de défendre à la fois
ses conquêtes territoriales les armes à la main et de transformer ses vassaux
en croisés ardents de sa propre expansion.
Il existe autour des Présidents de la République une minuscule
phalange de têtes politiques lucides, d'anthropologues de la géopolitique et
d'économistes avertis. Ainsi M. Macron, Ministre de l'Economie, a tenté de
négocier avec la Russie. De plus, la France a subitement tourné le dos à sa
politique étrangère depuis quatre ans: Téhéran a acheté cent quatorze Airbus et
une centaine de Boeing. De plus Peugeot a fait amende honorable en Iran au
prix, non seulement de lourds dédommagements financiers, mais au prix d'un
partage léonin des bénéfices de trente pour cent pour l'entreprise française et de soixante-dix pour cent pour
l'Iran. Et pendant ce temps, comme je l'écrivais dans un texte précédent,
Israël est sous les feux de la rampe. (Israël sous
les feux de la rampe , 12 février 2016)
M. Hassan Nasrallah vient de le rappeler: si Israël tentait de se
livrer à une nouvelle agression contre le Liban, ses propres généraux craignent
qu'un missile envoyé contre les containers renfermant mille cinq cents tonnes
de gaz d'ammoniaque dans le port de Haïfa, provoquerait des dégâts comparables
à ceux d'une bombe atomique.
L'essentiel de la domination américaine aura été la démonstration
de la fragilité des Etats. Lors du scandale FIFA, ce ne sont pas des policiers
suisses qui ont arrêté en Suisse des citoyens helvétiques impliqués dans cette
corruption internationale mais des agents du FBI. Si le Président de la
République française envoyait des policiers français arrêter des citoyens
américains en Californie ou dans le Kentucky, ce seraient ces mêmes agents qui
se trouveraient aussitôt incarcérés par un Etat américain responsable de la
souveraineté du pays.
Il y a quelques jours, un chef d'Etat, M. Raoul Castro, s'est
trouvé en visite d'Etat à Paris. Comment se fait-il que le rouge de la honte et
du déshonneur de la France ne soit pas monté au front au Président de la
République, quand il a osé expliquer à son hôte que la France désapprouvait les
sanctions économiques prises contre la Russie, mais que la décision appartenait
aux vingt-huit membres de l'Union européenne et qu'il ne pouvait changer ce
mode collectif de décision alors que le même jour, M. Mc Caïn déclarait que ces
sanctions ne seront levées qu'à l'heure exacte où les Etats-Unis en
décideraient seuls et en toute souveraineté - et quelques jours plus tard, Mme
Merkel osait proposer cette levée comme s'il appartenait aux vassaux de se
duper eux-mêmes à jouer les souverains.
Mais le pire dans la mise en servage de l'Europe, c'est la
démonstration publique, donc spectaculaire, plus de deux siècles après la
révolution de 1789, de l'immaturité des démocraties modernes. Savez-vous que
les milliers d'employés de la BNP, après la colossale amende de neuf milliards
infligés à cette société par les Etats-Unis, se sont sincèrement
auto-culpabilisés pour avoir, croyaient-ils, enfreint les lois d'une justice
réelle. Après trois générations d'un enseignement euphorique et idéaliste de
l'histoire du monde dans toutes les écoles de la République, soixante cinq
millions de Français catéchisés par cet enseignement hollywoodien du monde ont
oublié que, de tous temps, la justice du moment est celle du plus fort.
Mais le coût le plus élevé que la civilisation mondiale paiera
sans doute pour la honte et le déshonneur de l'Europe sera la démonstration de
la vassalisation de la presse internationale qu'entraîne le servage.
L'abaissement de la profession de journaliste sous le sceptre de Washington a
entraîné un déshabillage complet du mythe démocratique. Quand M. Medvedev
proclame à Munich que les Etats-Unis veulent entraîner le monde dans une
nouvelle guerre froide, la presse occidentale proclame aussitôt que la Russie aurait
menacé la planète d'une troisième guerre mondiale. Quand M. Ban ki-Moon
demande, au nom des Nations-Unies un cessez-le-feu général, la presse
occidentale proclame aussitôt que la Russie et la Syrie doivent cesser de
bombarder les civils. Le Secrétaire général de l'ONU s'est trouvé dans
l'obligation de rappeler ce qu'il a écrit en toutes lettres et de publier son
appel, alors que des centaines de millions de citoyens livrés à l'ignorance et
aux magnats de la presse dans le monde entier écoutent comme le nouvel oracle
de Delphes une presse que Chateaubriand, le légitimiste, saluait encore comme
"l'électricité sociale".
Mais la honte et le déshonneur de l'Europe asservie changeront le
regard de l'humanité sur elle-même. Ce phénomène extraordinaire n'est pas
nouveau. On mesure mal à quel point le premier siècle du christianisme avait
provoqué une mutation du regard des Etats sur eux-mêmes et de l'histoire
entière sur son passé. Toute la politique était tombée dans un monde dévalorisé
qu'on appelait le temporel. Et l'on avait vu paraître une classe sacerdotale et
un type d'intelligentsia censée incarner un monde élévatoire et ascensionnel.
Cette prodigieuse mutation des valeurs avait conduit à quinze siècles de
blocage des Lettres, des sciences et des arts.
Mais bientôt la Renaissance italienne avait basculé à nouveau dans
les vices inhérents au temporel. Depuis lors, l'humanité oscille entre la
licence et l'ignorance, la sottise et le délire. Jamais les Etats n'ont
retrouvé leur sacralité antérieure au christianisme, jamais le monde chu dans
le temporel n'a retrouvé son éclat d'autrefois. La honte et l'abaissement de l'Europe
retiendront cette leçon.
A la fin du XVIIIe siècle, la France avait tenté de redonner au
genre humain un sens euphorisant. Les exploits nouveaux de la raison soutenus
pas les mythes démocratiques de la Liberté, de l'Egalité et de la Fraternité
allaient, pensait-on, guérir notre astéroïde de l'obscurantisme religieux. Et
l'on a vu naître un scientisme idéaliste non moins mythologique et qui a
conduit le Freud de L'Avenir d'une illusion à une petite psychanalyse de la vie
quotidienne qui allait culminer dans la fantasmagorie linguistique du lacanisme
et qui a interdit un siècle durant à l'empire de l'inconscient de scruter les
arcanes de l'histoire et de la politique du genre humain.
Mais, de la honte et du déshonneur mêmes de l'Occident, on verra
naître un genre nouveau d'intellectuels de l'espérance, dont les maigres
phalanges redonneront peu à peu à la pensée sa vocation monacale et érémitique
originelles. En vérité, l'attentat de Daech à Paris du 13 novembre 2015 aura
replacé le monde entier dans la véritable postérité du XVIIIe siècle qui avait
fait du fanatisme religieux la clé universelle de l'ignorance et de la
faiblesse d'esprit du genre humain.
Le 18 mars 2016
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