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Réarmer les cerveaux
Quinze jours à peine après la diffusion de ma lettre philosophique aux hommes du scalpel et du bistouri, l'histoire a adressé à Paris un coup de semonce, afin de nous rappeler que, depuis vingt-cinq siècles, la philosophie est une chirurgie de l'encéphale du genre humain et que cet organe souffre de délires collectifs dont la pathologie se perpétue à titre quasiment héréditaire, d'une génération à la suivante.
En 1905 la loi de séparation de l'Etat avait cru réduire les
religions à un tissu de sottises et de balivernes à se raconter en privé. Cent dix ans plus tard, une
civilisation européenne, qui aura cru pouvoir se décérébrer au point d'avoir
renoncé à observer de l'extérieur les divinités qu'elle sécrète, découvre que
les dieux uniques veulent voir couler le sang réel d'une bête égorgée et que le
genre humain n'est pas près d'offrir à son maître un mouton symbolique,
angélique et séraphique.
Il est temps de reprendre la question à l'endroit où le XVIIIe
siècle l'avait laissée en souffrance. Depuis Voltaire, la question de la
véritable nature du sacré n'a pas progressé d'un pouce. Freud n'avait pas la
tête politique pour un sou et la découverte de l'évolutionnisme, qui ne remonte
qu'à 1859, n'a pas conduit la laïcité à s'interroger sur l'animalité spécifique
d'une espèce dont les dieux sont nécessairement construits à son image.
2015 aura fait redécouvrir que les religions ne se réduisent pas à
des processions et à des prières et que la laïcité de 1905 s'est mis une taie
sur les yeux.
1- Une laïcité sans tête
2 - Le pseudo doute cartésien
3 - Un nouveau "connais-toi" nous attend
4 - La décérébration de l'Europe
2 - Le pseudo doute cartésien
3 - Un nouveau "connais-toi" nous attend
4 - La décérébration de l'Europe
Le 13 novembre 2015,
l'anthropologie originelle a définitivement débarqué sur la scène
internationale. En réalité, au siècle de Périclès déjà, la démocratie se
trouvait engagée sur le chemin d'un progrès continu des sciences exactes et de
la pensée face à l'emprise tragique des cosmologies mythiques. L'anthropologie
originelle a pris rendez-vous avec la tragique dichotomie cérébrale d'une
espèce schizoïde, qui ne s'est partiellement évadée de la zoologie que pour
tomber dans des mondes imaginaires et délirants.
Mais pour la première fois, la
rencontre de la pensée rationnelle avec la démocratie est appelé à dépasser la
guerre politique entre les peuples et les nations pour porter un regard de
l'extérieur sur la divinité elle-même et en temps que telle. Pour la première
fois, il devient impossible de se dérober à la question de la signification
psychologique et politique de la complexion d'une divinité fondée sur le règne
d'un tortionnaire et d'un bourreau de l'univers, lequel est censé régner sur un
gigantesque jardin des supplices souterrain. Pourquoi un Dieu dit de justice,
armé de l'épouvante et de la terreur prolongées dans l'éternité se voit-il
salué comme "le miséricordieux"?
Le secret politique et
psychobiologique de cette double construction est évident et aussi peu
mystérieux que possible: le simianthrope n'est disciplinable que si l'autorité
qui s'exerce sur lui, lui inspire un respect éperdu et ce respect ne s'obtient
que par l'effroi. Mais d'un autre côté si le tortionnaire et le bourreau ne se
présentent pas sous les traits de la miséricorde et de la justice, il ne se
fera pas aimer. Or l'adoration est le second épicentre de la divinité.
Mais les dirigeants de la
démocratie planétaire de demain ne tireront aucun profit d'une anthropologie
originelle aussi élémentaire que celle-là. Il leur faudra, en outre, prendre
pleinement conscience d'une seconde découverte fondamentale : à savoir que le
kamikaze qui se fera exploser est beaucoup plus convaincu de l'existence
d'Allah et de son paradis où l'attendent de belles mousmées qu'il n'est
convaincu de ce que deux et deux font quatre et de l'existence d'un arbre qu'il
voit de ses yeux planté à quelques pas devant lui.
Si les dirigeants de la
démocratie mondiale ne tirent pas les conséquences d'un phénomène
psychogénétique aussi hallucinant, jamais ils n'acquerront le degré de connaissance
du simianthrope indispensable au pilotage du genre humain parmi les récifs du
tragique. Et pourtant, la prééminence absolue du fabuleux et du fantastique sur
le réel dans l'encéphale schizoïde des évadés de la zoologie n'est nullement
propre à l'islam d'aujourd'hui : les chrétiens du Moyen-Age n'étaient pas moins
convaincus de l'existence de l'enfer et du paradis que le Daech d'aujourd'hui.
De même, les Athéniens du siècle de Périclès croyaient fermement en l'existence
de Zeus, tandis que les Pyrroniens de l'époque doutaient seulement de
l'existence du monde environnant et de leur propre carcasse.
La puissance de l'implantation
d'un monde imaginaire dans le capital psychobiologique du simianthrope s'est
poursuivie jusqu'au cogito de Descartes, qui n'a jamais mis en doute
l'existence du Dieu des chrétiens, alors tout le Discours de la méthode revenait
à raffermir la croyance en l'existence physique d'un Renatus Cartesius menacé
de douter de son existence corporelle sur cette terre.
Tel est le tragique qui attend
les hommes d'Etat de demain. D'un côté, ils seront condamnés à observer
l'humanité dans le miroir de ses témoins les plus parlants, tellement les dieux
sont les illustrations les plus abyssales de la psychobiologie de leurs inventeurs.
De l'autre, ils se trouveront bien empêchés de dispenser un enseignement qui
inculquerait aux enfants l'évidence que l'univers n'est dirigé par personne,
n'a pas de boussole et ne se rend nulle part, tellement le simianthrope
propulsé dans le silence et le vide de l'éternité serait plus épouvanté par la
découverte de son isolement qu'il ne l'est par la terrifiante chambre des
tortures dans laquelle il est menacé de tomber.
Il y a quelques jours, la
rumeur a couru que le pape François ne croirait pas à l'existence de l'enfer ;
mais cette rumeur a été aussitôt officiellement démentie par la Curie,
tellement une rôtissoire titanesque est plus rassurante aux yeux des
simianthropes que le vide de l'infini.
Comment les dirigeants d'un
animal schizoïde et bien davantage prisonnier de ses songes que de l'univers de
la matière dirigeront-ils une humanité dont ils connaîtront les secrets les
plus abyssaux et qu'ils seront condamnés à maintenir dans l'ignorance de sa
véritable identité ? Telle est l'aporie hallucinante, grande ouverte par le 13
novembre 2015. Certes, tout le monde voit le sceptre de la parole du Vrai, du
Bien et du Juste glisser des mains du Dieu américain. Tout le monde voit la
Russie prendre la relève du signifiant à l'échelle de la planète. Mais derrière
le théâtre de la politique et de l'histoire que la démocratie mondiale met en
scène s'ouvre la béance d'une anthropologie originelle qui condamnera les
dirigeants de demain à en savoir davantage sur le genre humain d'une Eglise des
XVIe et XVIIe siècles, que les Copernic et les Galilée avaient mise sur la
touche.
La vraie politique sera
philosophique et médicinale, la véritable politique fera de la pesée des
encéphales l'épicentre de la politique internationale. Mais seul un
approfondissement anthropologique et philosophique de la laïcité, c'est-à-dire
du savoir rationnel peut réarmer intellectuellement l'Occident face au bourreau
et tortionnaire du cosmos dont l'appareillage principal n'est autre qu'une
immense chambre des tortures et d'un paradis auréolé d'une immortelle
fainéantise. Comment les dirigeants actuels de la démocratie universelle
recourraient-ils encore à la méthode platonicienne qui, depuis vingt-cinq
siècles, était censée dégrossir et désensauvager les dieux?
On sait que Platon proclamait
d'autant plus réelle une République qu'elle avait été plus drastiquement
réduite à son idéalité pure et déposée à ce titre dans le royaume des idées. A
ce titre, le philosophe athénien avait rudement reproché à Homère d'avoir
raconté que Zeus, saisi d'un désir aussi subit qu'impérieux, avait cloué sa
femme Héra au sol. Zeus était plus réel d'avoir passé par le filtre
purificateur de Platon que par le chant homérique.
Cette méthode a traversé deux
millénaires du christianisme. Au cours des premiers siècles de cette religion,
tout nourrisson mort avant qu'on eût trouvé le temps de le précipiter dans
l'eau salvifique et rédemptrice du baptême, se trouvait inexorablement jeté en enfer
où la sainte justice du bourreau suprême du cosmos le soumettait à l'épreuve
des rôtissoires de sa sainteté. Or, en 1518 Erasme relevait dans sa Ratio verae theologiae,
que plus aucun docteur du ciel chrétien ne soutenait une théologie aussi
sauvage.
Mais puisque le Dieu du Déluge
s'est repenti de sa cruauté, nous raconte la Genèse et de sa sottise pour
enfanter un millénaire plus tard le shéol souterrain évoqué ci-dessus, comment
expliquer cette rechute, sinon, pour l'Europe d'aujourd'hui de mettre tous les
monothéismes face à leurs propres sources et de répondre à l'islam primitif
retrouvé par une renaissance de la pensée critique et de la civilisation de la
raison ? .
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