1 - " Etre ou ne pas être " (Shakespeare)
L'anthropologie
historique étend son champ d'analyse à la pesée du rôle que jouent
désormais les journaux les plus prestigieux dans le décodage de la vie
internationale, donc dans l'interprétation de la marche du monde. Pour la
première fois dans l'histoire mouvementée de la presse française, un grand
quotidien, Le Monde, se place au cœur de la stratégie des
empires de ce temps. Bien plus, cette situation se révèle paradigmatique en
ce qu'elle conduit au déchiffrement de l'évolution rédactionnelle de la
presse depuis la Libération; car les tensions ne cesseront de s'aggraver
entre les industriels, les hommes d'affaire et les financiers devenus les
propriétaires des grands journaux, d'une part et, de l'autre, des
journalistes mis en alerte en raison de leur initiation nécessaire aux
fondements interntionaux de l'information pensante. Une rédaction de plus
en plus ambitieuse de jouer le rôle d'une intelligentsia prospective à
l'échelle du monde annonce une civilisation pilotée par quelques phalanges
de têtes chercheuses.
Comment ne
pas tenter de décrypter le coude à coude des empires quand une direction
chaotique de la presse met sans cesse votre éthique sur ses gardes? Les
actionnaires peuvent-ils jouer sur un autre échiquier de la course de la
planète que le vôtre? Tel est le théâtre sur lequel il convenait de placer
la nomination, il y a quinze mois seulement, de Mme Natalie Nougayrède à la
tête du quotidien, alors qu'il s'agissait, pour la rédaction, de se
conformer aux directives évidentes de ses trois nouveaux propriétaires, MM.
Bergé, Pigasse et Lévy. Mais, dès le 14 mai 2014, la démission forcée de
cette directrice a démontré que des tensions professionnelles enracinées
dans la politique internationale jouent désormais en sous-main un rôle
central au sein d'une rédaction déchirée entre la démission d'une
civilisation atlantiste et le redressement "séparatiste" de la
politique européenne. La question d'Hamlet: "Etre ou ne pas être"
était plus simple que celle d'une Europe où il s'agit de savoir quel sens
politique donner au verbe exister.
2 - L'ascension des industriels de la presse
Afin de
remonter aux sources de cette problématique shakespearienne et d'en saisir
la signification historique, il convient de rappeler en quelques lignes
l'histoire secrète de la presse française depuis la fin de la seconde
guerre mondiale.
En 1945,
les propriétaires de journaux - Beuve-Méry pour Le Monde,
Lazareff pour France Soir, Pierre Brisson, puis Robert
Hersant pour Le Figaro - étaient également les vrais
directeurs de leurs journaux donc, les chefs incontestés d'une rédaction
placée sous leur autorité exclusive. Du seul fait qu'il s'agissait d'une
entreprise commerciale à mi-chemin entre sa vocation marchande et son
assiette dans la politique de la nation, les journalistes, même d'un grand
renom, demeuraient des salariés que leur employeur engageait ou renvoyait à
sa guise. Mais sitôt que des signatures prestigieuses ont trouvé un
piédestal de leur notoriété dans les grandes rédactions, le statut
intellectuel du journaliste connu pour son œuvre d'écrivain ou d'essayiste
est devenu incompatible avec son rang d'ouvrier vissé à son établi. On
imaginait de moins en moins un Jean d'Ormesson ou un Raymond Aron dans le
rôle de salariés aux gages sur un marché de l'opinion publique.
Quand
Joseph Kessel ou Maurice Druon collaboraient à France-Soir, la
bancalité de leur statut social soulevait avec un demi-siècle d'avance la
question balzacienne du statut actuel de l'intellectuel de haut vol dans la
civilisation de masse. Un collaborateur raffiné du Monde
pouvait user du pseudonyme de Guermantes - mais plus difficilement
au Figaro. Quand la propriété des journaux eut entièrement
passé entre les mains d'industriels et d'hommes d'affaire encore
relativement lettrés, mais étrangers au monde de la presse, le centre de
gravité de la dignité sociale des hommes de plume s'est déplacé: les
magnats de l'actualité trouvaient dans le journalisme bien davantage que
des gains - une influence politique directe et souvent sans égale sur la
politique intérieure et jusque sur l'orientation de la nation sur la scène
internationale.
Quand M.
Smadja, un riche industriel tunisien spécialisé dans l'immobilier eut
racheté Combat, ce qui a contraint Albert Camus à la
démission, on vit, pour la première fois, le propriétaire d'un grand
journal parisien jouer un rôle secret, mais considérable dans les relations
de la France avec l'Afrique du Nord. Mais il n'y avait plus de Balzac pour
porter la société française tout entière à la température romanesque.
Quels
intérêts à long terme caractérisaient-ils les nouveaux propriétaires de la
presse, dès lors que l'étroitesse de l'alliance d'Israël avec les
Etats-Unis devenait l'axe central de l'histoire politique et économique de
la planète et que toute l'élite industrielle et financière de la France
était appelée à se proclamer sioniste?
3 - La géopolitique et Le Monde
Longtemps,
la loi Gayssot avait tracé une frontière relativement sûre entre le
monothéisme local d'une religion messianisée par la divinisation de son
petit territoire et la pratique des rites d'une foi encore privée de ses
arpents bibliques. Mais en 2013, le Conseil représentatif des
institutions juives de France officialisait la sacralisation d'une
terre lointaine et couronnait une ethnie de la tiare d'une orthodoxie
politico-religieuse hyper localisée: le rejet de cette sotériologie et de
son corollaire, l'américanisation de la planète, se trouvait pénalisé sous
l'inculpation redoutable d'antisémitisme. De plus, le boycott des
produits israéliens devenait un délit passible de peines d'emprisonnement
aux yeux du droit pénal français.
Tout le
temps que dura l'hégémonie qu'exerçait l'axe Tel-Aviv-Washington sur la
scène internationale, la tension entre les actionnaires sionistes du
journal et la rédaction était demeurée seulement virtuelle. Mais sitôt que
l'omnipotence du sionisme s'est trouvée sérieusement ébranlée à l'échelle
de la planète, les propriétaires se sont trouvés pris dans l'étau d'une
contradiction politique tout subitement devenue focale aux yeux du public:
comment participer activement d'une histoire mondiale qui scindait de plus
en plus le globe terrestre entre les ambitions de l'empire américain, d'un
côté et, de l'autre, celles des nations désireuses de retrouver leur
souveraineté d'autrefois, donc de plus en plus hantées par ces
retrouvailles.
Cette
tension était déjà omniprésente au sein de la rédaction du Monde
en janvier 2013, à l'heure où MM. Bergé, Pigasse et Lévy avaient compris
depuis longtemps qu'il leur fallait non seulement imposer un directeur ou
une directrice sioniste à la tête du quotidien, mais revenir entièrement
sur l'évolution des rapports de force qui régnaient au début du siècle
entre les rédactions et les propriétaires des journaux. Par conséquent, Mme
Nathalie Nougayrède disposerait d'une autorité aussi effective sur la
rédaction que celle des Beuve-Méry et des Lazareff en 1950.
Toute la
rédaction de l'époque avait si bien compris le véritable enjeu de la
nomination des deux rédacteurs sionistes antérieurs, MM. Fottorino et
Izraelewicz, qu'ils avaient aussitôt demandé - et obtenu - des
propriétaires du journal l'assurance catégorique qu'ils ne se mêleraient en
rien du contenu de leur journal. Naturellement, un tel engagement était
condamné à demeurer de pure forme; car la vie politique de la planète tout
entière mettait sans cesse davantage les plumes indépendantes devant le
choix de rendre compte ou de passer sous silence, tantôt les exactions
d'Israël en Cisjordanie et à Gaza, tantôt les secrets des négociations sur
l'Iran, tantôt les causes véritables de la guerre évitée de justesse des
Etats-Unis contre la Syrie, tantôt les pressions des sionistes américains
sur la Maison Blanche, tantôt les arcanes de l'offensive de la Maison Blanche
sur l'Ukraine de l'Ouest, tantôt les véritables enjeux d'un conflit de
l'Amérique avec la Russie dont le déroulement se poursuit jour après jour
sous nos yeux.
4 - Une planète balzacienne
Au XIXe
siècle, les Nucingen, les Du Tillet, les Ravaillac et même les Vidocq
racontaient l'histoire de la France vue de Paris. Mais au XXe siècle déjà,
la Comédie humaine était devenue un spectacle planétaire. Un
journal qui ignore que Clio est devenue balzacienne dans le monde entier
passe au large de l'histoire réelle du globe terrestre. Tourner les pages
du livre des nations avec les lunettes de Washington et de Tel Aviv sur le
nez, c'est substituer la lecture de Ponson du Terrail à celle de Balzac. La
question posée à notre astéroïde est simple et claire: un grand quotidien
français peut-il priver purement et simplement le lecteur avisé du récit
que l'histoire du monde nous raconte et envoyer son public s'informer sur
internet?
Un seul
exemple: il n'était jamais arrivé qu'un pape mobilisât un milliard et demi
de chrétiens pour désamorcer une guerre sur le point d'éclater à l'échelle
de la goutte de boue sur laquelle nous sautillons; il n'était jamais arrivé
que le Vatican mobilisât l'armée entière de ses Jésuites pour apostropher
les nations et pour admonester publiquement la France et son Etat; il
n'était jamais arrivé que le Saint Siège ajoutât les foudres d'un évangélisme
de combat à la précision des canons russes et aux performances de ses
missiles .
Que devient
cet évènement d'une portée politique immense sous la plume d'une rédaction
soumise de force à l'autorité des propriétaires sionistes du Monde?
Se pourrait-il que le public, même cultivé des démocraties d'aujourd'hui
fût tenu à l'écart de la connaissance réelle de la politique mondiale, et
cela sur le modèle de la théologie du XVIe siècle, qui ignorait les
fondements anthropologiques du mythe de la naissance virginale ou de la
transsubstantiation eucharistique?
Dans ce
cas, quel théâtre que celui d'une France revenue au Concile de Trente et
qui, dans la bouche de M. Laurent Fabius, reproche aux Etats-Unis de
n'avoir pas déclenché la guerre en Syrie en raison d'un manque de fermeté
déplorable de leur part. Peut-on ignorer la marche du monde à ce point?
C'est main dans la main que l'atlantisme et le sionisme passent au large de
la planète de Shakespeare, de Cervantès et de Balzac - mais alors,
l'histoire du messianisme guerrier de la démocratie mondiale ne deviendra
déchiffrable qu'à l'école d'une connaissance simiantropologique des
Croisades.
5 - La Maison Blanche et Israël
Pis que
cela, depuis la mort de Franklin Delano Roosevelt en 1945, le Président des
Etats-Unis n'a plus rien à perdre au cours de son second mandat, puisque la
Constitution américaine ne lui permet plus d'en briguer un troisième ou un
quatrième. Aussi, consacre-t-il l'essentiel de son temps à lutter de toutes
ses forces contre l'expansion continue, irrépressible et interminable
d'Israël au Moyen-Orient. On se souvient de l'échec de M. G.W. Bush sur ce
terrain - Annapolis avait fait grand bruit, mais long feu. Avec M. Barack
Obama, la lutte contre un sionisme qui ridiculise les idéaux de la
démocratie mondiale est devenue titanesque: le ministre des affaires
étrangères des Etats-Unis, John Kerry en personne, s'est rendu treize fois
de suite, mais toujours en vain à Tel-Aviv afin de "négocier" un
accord local - mais obstinément hors sujet - puisque le véritable enjeu demeure
soustrait au débat : une sotériologie n'est pas discutable. Je rappelle
seulement que, depuis la mort de Kant en 1804, un Occident fier de ses
prétendues sciences humaines ne dispose en rien d'un embryon
d'anthropologie critique et que notre humanisme ignore l'histoire réelle du
monde, puisqu'il ignore les ressorts et les rouages psychobiologiques des
mythes sacrés. (Je renvoie le lecteur aux quelque six cents articles de ce site depuis
2001).
Cette
fois-ci, ne pouvant déterrer la hache de guerre sur le territoire des
Etats-Unis, M. Barack Obama a obtenu de Mme Merkel qu'elle refuse
d'accorder le rabais habituel d'un tiers du montant de la facture sur la
vente de quatre canonnières allemandes de plus à Israël - il s'agit, pour
l'Etat sioniste, de veiller sur les gisements de gaz détectés dans les eaux
territoriales de Gaza. Jamais, depuis 1948, l'Allemagne n'avait élevé la
voix contre l'Etat d'Israël. Mais, dans le même temps, l'Iran, l'Indonésie,
l'Argentine et le Mexique s'apprêtent à se joindre aux autres Etats du
Brics - le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud. Face à
l'ascension des Etats émergents sur la scène internationale, le temps
presse, pour l'empire américain, de reprendre le combat de John, puis
d'Edward Kennedy.
6 - L'infirmité anthropologique de l'humanisme mondial
Le résultat
le plus clair de la guerre de la Maison Blanche de demain avec Tel-Aviv est
révélateur du fond des choses: pour la première fois, Israël s'est trouvé
contraint de reconnaitre à la face de la communauté internationale tout
entière que le peuple messianique ne saurait ni se proclamer une nation
au sens tout profane du terme, ni se chapeauter d'un Etat immergé dans le
temporel, puisqu'il s'agit d'une ethnie dont, depuis plus de trois mille
ans, les gènes se sont révélés inébranlablement apostoliques.
Comme il
sera bien impossible de jamais demander aux fils de la Bible de remplacer
leur identité psychobiologique par une autre, qui serait plus achetable sur
le marché du salut et d'abord sur celui de la rédemption démocratique
universelle, Israël sera un "Etat sioniste" ou ne sera pas; mais
jamais le sens de l'adjectif sioniste ne sera clairement cerné, dès
lors que ce ne sera ni l'identité théologique de ce singulier Etat qui
permettra de préciser les contours de sa personnalité, ni son identité
"sioniste", en raison de l'impossibilité de légitimer ce
blasphème. On sait que la scène internationale se trouve désormais livrée
tout entière au mythe opposé - et rival - celui du sauvetage de l'humanité
par l'intercession non moins miraculeuse d'une démocratie égalitariste.
C'est ainsi
que, depuis plus de quinze mois, Le Monde boitait comme un
damné entre le nationalisme transcendantal d'Israël et l'internationalisme
non moins salvifique de la religion de la Liberté. Tantôt le journal
rappelait qu'Israël venait d'achever la construction de quatorze mille cinq
cents logements supplémentaires à l'usage des colons et que cet Etat
insatiable poursuivait sans relâche une extension inachevable, tantôt que
les tentes des bédouins de la région avaient été détruites pour la dixième
fois, tantôt que "les deux parties" persévéraient à camper sur
leur légitimité respective. C'est cela, la désinformation : on escamote le
sujet, on noie la question, on laisse le public ignorer les carences du
"connais-toi" d'aujourd'hui.
Telle était
la configuration politique de la planète de l'obscurantisme moderne, celui
de la superficialité d'esprit du journalisme atlantiste et sioniste à
l'heure où les Etats-Unis ont décidé de consacrer, de leur propre aveu,
cinq milliards de dollars à soulever l'Ukraine de l'Ouest contre la Russie.
On sait que cet exploit a permis à Wladimir Poutine de reconquérir une
partie du territoire de la nation perdu par M. Gorbatchev au lendemain de
la chute du mur de Berlin en 1989. En quoi l'échec de soixante douze ans
d'une utopie politique simpliste, mais généreuse du peuple russe légitimerait-il
à titre rétroactif l'amputation brutale et définitive du pays de Catherine
II au profit d'une puissance étrangère? La défaite de la France de 1814
avait fait espérer à une Sainte Alliance vertueusement intéressée qu'elle
châtierait durement une nation doublement sacrilège pour avoir renversé la
monarchie de droit divin en 1789, puis couronné un bandit corse. On sait
que Talleyrand s'est souvenu de son passé d'évêque pour redresser une
théologie de la conscience universelle par trop machiavélienne.
Mais, du
coup, la tension, confessionnelle à sa manière, entre les propriétaires
sionistes du journal et une rédaction de plus en plus consciente de
l'évolution messianique de la planète des démocraties face à un empire
américain déclinant, cette tension salvifique, dis-je, a pris un tour
tellement paradigmatique que les choix éditoriaux des deux parties sont
devenus exemplairement représentatifs d'une planète scindée entre les
ambitions politiques et militaires d'un empire et celles d'une Europe désireuse,
de son côté, de retrouver la souveraineté dont elle jouissait
antérieurement à la seconde guerre mondiale. L'empire du dollar tente
désespérément de renforcer son règne de Brest au Caucase et l'Europe se
trouve de plus en plus empêchée de se dérober à une pesée lucide de son
destin: comment accepter de céder aux pressions qu'exerce Washington, donc
s'en prendre seule à la Russie? La Maison Blanche avoue n'en avoir plus les
moyens. Mais comment une Europe encore acéphale se saisirait-elle à bras le
corps de son nouvel avenir à l'Est?
8 - Les nouvelles cartes du monde
Ne nous y
trompons pas, les jeux sont faits : la Russie est d'ores et déjà devenue le
moteur caché de l'Europe dès lors que les échanges commerciaux du Vieux
Monde avec la Russie s'élèvent chaque année à quatre cent cinquante
milliards de dollars, tandis que ceux de Etats-Unis stagnent à vingt-sept
milliards. Même si la classe dirigeante majoritairement sioniste de
l'Europe tentait pour quelques mois et, pour ainsi dire de force, de
maintenir le Vieux Monde dans l'orbite d'une alliance elle-même fort
ébranlée de Washington avec Tel-Aviv, il sera impossible d'imposer
durablement à des Etats redevenus résolument capitalistes de sacrifier leur
système économique au profit de l'hégémonie des Etats-Unis sur le monde
actuel.
Certes,
même M Sarkozy - qui appartient à une vieille famille juive de Salonique -
n'a pu conserver plus de quarante huit heures un ministre non sioniste, M.
Védrine, à la direction des affaires étrangères de la France; certes
encore, avant même de se trouver élu, M. Hollande a nommé M. Laurent Fabius
à la tête du pilotage de la France sur un globe terrestre rétréci - l'envoi
prématuré de cet ancien premier Ministre de M. Mitterrand à Pékin lui avait
valu un fort mauvais accueil de la part des dirigeants chinois. Puis M.
Fabius s'était entièrement consacré à combattre les vues de la Russie et de
l'Iran au cours des négociations de Genève, parce que la guerre de Syrie,
évitée de justesse, comme il est rappelé plus haut, n'avait d'autre
objectif que de mettre un terme à la livraison d'armes de l'ex-empire de
Darius au Hezbollah: il fallait faciliter la diabolisation de Téhéran que
M. Netanyahou réclamait à cor et à cris.
Aux
dernières nouvelles, M. Fabius vient d'achever une tournée aux Etats-Unis
entièrement consacrée à ses relations, donc à celles de la France, avec le
"Comité international des affaires américano-israéliennes"
(AIPAC). Mais on remarquera que M. Laurent Fabius a beau avoir obtenu de
chapeauter le Ministre de l'économie, le bon sens de M. Montebourg tente de
protéger Alstom de son démantèlement au profit du géant américain General
Electric - il a fait valoir que cette vente équivaudrait à celle d'Airbus à
Boeing.
Quant à la
demande de la Maison Blanche de rompre le contrat de la France avec la
Russie pour la livraison de deux navires de guerre, on a vu M. Fabius
condamné à se livrer à une danse diplomatique fort révélatrice: d'un côté,
il ne pouvait contrecarrer ouvertement l'opposition résolue et même irritée
du chef de l'Etat à une demande aussi saugrenue, de l'autre, il lui a fallu
soutenir du bout des lèvres que la décision définitive n'était pas encore
prise et qu'elle ne le serait qu'en automne.
Ces
quelques exemples suffisent à démontrer que les tensions diplomatiques
concernant l'action de la France sur la scène internationale trouvent un
écho constant et immédiat au sein de la rédaction du Monde.
D'un côté, les ressources du génie sioniste sont indispensables à la
vitalité intellectuelle, culturelle, industrielle, bancaire et commerciale
de la France, de l'autre, Israël ne saurait demeurer engagé dans une marche
du monde de plus en plus imaginaire. On ne résiste que quelques mois à un
bouleversement irréversible de l'équilibre des forces dans le monde. Israël
était demeuré globalement européen jusqu'en 1956. Mais Moscou et Washington
avaient menacé Paris et Londres de la bombe atomique. Aussitôt, et d'un
seul élan, tous les réseaux d'influence du sionisme avaient émigré à
Washington. C'est dire que si l'Europe retrouvait un destin politique à
l'échelle planétaire, Israël reviendrait battre ses cartes en Europe et Le
Monde changerait radicalement d'orientation rédactionnelle,
tellement le génie sioniste trouve ses racines en Europe depuis Vespasien,
le protecteur de Flavius Josèphe.
9 - Grandeur et servitude du journalisme international
Mais à quel
point l'orientation atlantiste et sioniste actuellement imposée au journal Le
Monde par ses propriétaires dépend exclusivement des relations de
l'Europe avec deux Etats entièrement confusibles, l'Amérique et Israël,
cette orientation, dis-je, avait été illustrée jusqu'à la caricature:
aussitôt entrée en fonctions, Mme Nougayrède avait tenu à souligner que
"le dernier char d'assaut américain venait de quitter l'Europe".
J'avais
alors rappelé que, soixante-dix ans après la fin de la seconde guerre
mondiale, l'Allemagne se trouve toujours occupée par deux cents bases
militaires américaines et l'Italie par cent trente sept. Je rappelais
également que non seulement M. Berlusconi avait arraché à un Parlement de
plus en plus hostile à l'occupation de l'Italie par des troupes étrangères
l'extension du camp de Vicenza et de celui de Sigonella en Sicile, mais que
le Cavalliere avait envoyé la police contre une population qui tentait
d'arrêter à mains nues les troupes américaines en provenance de Ramstein en
Allemagne et dont la ruée sur l'Irak traversait la péninsule de Milan à
Syracuse. Puis Mme Nougayrède était allée interviewer M. Maduro, successeur
du Président Hugo Chavez à la tête du Venezuela, pour lui demander
froidement s'il se rangerait "de notre côté" ou "du
côté de la Russie et de la Chine".
Bien plus:
pour la première fois dans son histoire, la direction du Monde
s'adressait à un Président de la République tout juste entré en fonctions
pour lui demander ouvertement d'infléchir la politique étrangère de la
France en faveur d'Israël et des Etats-Unis. Il aura suffi de quinze mois
pour bouleverser entièrement la carte de la planète - mais, de Gibraltar au
Caire, le mare nostrum des Romains demeure un lac américain.
Décidément, jamais Le Monde ne s'était trouvé à ce point au
cœur de l'histoire de la planète: selon que la rédaction se voudra une
vigie de la réflexion politique de la France sur la scène internationale ou
un satellite résigné à la vassalisation américaine de l'Europe, l'histoire
de la presse nationale illustrera à l'échelle mondiale la grandeur et la
servitude de la profession de journaliste.
Le 24 mai 2014
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