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Avant d’écrire un prochain article sur l’évolution de la révolution tunisienne, revenons sur les discours de Kadhafi, il nous parait important de suivre leur progression pour mesurer ses escalades vers la répression et les techniques de communication qu’il utilise pour tenter de ramener le peuple et surtout la jeunesse Libyenne à son régime.
Mardi, dans son premier discours public depuis le début de l'insurrection, le colonel libyen avait juré de réprimer dans le sang les protestataires et appelé les jeunes à former des comités de défense.
Les dirigeants, politiques, et médias occidentaux qui jusque-là s’inquiétaient des redoutables conséquences financières et économiques que la révolte tunisienne pouvaient leur infliger, tout en évoquant aussi, mais trop mollement, la défense des droits de l’homme pour condamner la répression de Kadhafi, ont ressentis comme un électrochoc salutaire qui les ont fait sortir de leur égocentrisme intéressé, et tout aussitôt après le discours du « Guide » ils ont haussé le ton en réclamant des sanctions, de nombreuses réactions contre Kadaïf et son régime se sont élevées tant en France (voir tout en bas de l’article une revue de presse) que dans le monde occidental, et en ce qui concerne les réactions des personnalités Libyennes certaines furent assorties de démissions des fonctions qu’elles assumaient dans le régime Libyen ,
Ci-dessous je n’évoquerai que quelques réactions assez marquantes pour ne pas alourdir le texte :
Dans la soirée de Mardi Angela Merkel a jugé «très effrayant» le discours télévisé de Mouammar Kadhafi et exigé des autorités libyennes «l'arrêt des violences contre leur propre peuple», ajoutant que dans le cas contraire l'Allemagne «réfléchirait à des sanctions».
Dans la journée de Mardi, on pouvait relever aussi après son discours les défections au sein du régime libyen, des ambassadeurs libyens aux États-Unis, en Inde, au Bangladesh, en Australie, en Malaisie, et des membres de l'équipe diplomatique libyenne, ont exhorté l'armée libyenne à renverser Mouammar Kadhafi, un «tyran», qu'ils accusent de «génocide».
Selon l’AFP, un diplomate de l'ambassade de Libye au Maroc démissionnait pour protester contre «l'extermination quotidienne du peuple» libyen,
Le ministre de la Justice, Moustapha Abdel Jalil, et le représentant permanent de la Libye auprès de la Ligue arabe, Abdel Moneim al-Honi, était également cités Mardi comme ayant « lâché le régime. »
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Voici très résumés et dans le désordre chronologique, quelques extraits des interventions du Colonel Kadhafi que nous avons pu relever, en différents articles de presse et sur la toile :
Courte et brève apparition dans la nuit de Lundi 21 à Mardi 22 Février
Passons sur une courte intervention du Colonel Kadhafi, dans la nuit de lundi à mardi. Mouammar Kadhafi, a fait une brève apparition en «direct» sur la télévision d'État, semble-t-il depuis sa résidence de Bab Al Azizia à Tripoli.
Il a expliqué : «Je vais voir les jeunes sur la place verte. C'est juste pour prouver que je suis à Tripoli et non au Venezuela et démentir les télévisions, ces chiens», s'est-il contenté d'affirmer
Et ce pour répondre aux informations diffusées lundi par les télévisions et médias internationaux, d’après lesquels il aurait quitté la Libye pour le Venezuela.
Sur un bandeau rouge, la télévision d’État a inscrit ensuite: «Dans une rencontre en direct avec la chaîne satellitaire Al-Jamahiriya, le frère leader de la révolution a démenti les rumeurs des chaînes tendancieuses.»
Mardi 22 Janvier : le Discours fleuve, que l’on pourrait baptiser le « méchoui de résistance du Colonel Kadhafi «
Dans son discours fleuve très spectaculaire et très coriace , télévisé en direct, Kadhafi drapé comme un empereur antique dans son burnous marron clair et coiffé d’un turban traditionnel dont il a le secret de la mise en forme, a affirmé avec une gestuelle digne des grandes tragédies antiques, qu’il resterait en Lybie en « chef de la révolution » et préférer « mourir en martyr », contre toute réalité , il a dénié l’usage de la force, « nous n’avons jamais utilisé la force » a-t-il dit et il a appelé la jeunesse à se constituer en comité de défense
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En citant des articles du code pénal libyen, Kadhafi très doctrinalement agressif a menacé les manifestants de la peine de mort, il a estimé que les opposants insurgés sont des «jeunes drogués», manipulés par les « barbus » qui «veulent imiter la Tunisie et l'Égypte», et il a dit qu’il ne veut pas d'un «nouvel émirat de Ben Laden».
Rappelant ses faits de gloire historiques contre les Américains, les Israéliens et les pays limitrophes il a appelé le peuple à former des «comités populaires» et à aller dans la rue pour «rétablir l'ordre».
Il a rappelé qu’il n'est que le Guide de la Révolution libyenne, qu’il ne détient «aucune pouvoir», qu'il n'est «pas président».
D’après lui le pouvoir étant dans les « mains du peuple » …. « …comme l'avait promis les officiers libres», c'est à lui (au peuple) de dire non à l'insurrection. Sinon, ce sera «la guerre civile», et la «politique de la terre brûlée».
«Nous n'avons pas encore utilisé la force, la force vient du peuple libyen. Si nous devions être amené à utiliser la force, nous le ferons en fonction de la constitution et du droit international.»
«Demain, ils pleureront, ils demanderont notre pardon et nous ne leur accorderons pas.»
«C'est une minorité de terroristes qui veulent faire un nouvel émirat sous les ordres de Ben Laden.»
«Je n'ai pas donné encore l'ordre d'utiliser la force, parce que si ça devait être le cas, ça serait la politique de la terre brûlée.»
«Nous sommes libres et nous sommes libres d'utiliser la force excessive»
«Dès demain nous allons avoir une nouvelle administration, un nouveau pouvoir populaire véritable. Pour qu'il y ait une constitution, je n'ai pas d'objection.»
«Je n'ai pas de palais, pas d'argent, je n'ai même pas d'avenir. J'ai consacré ma vie à la révolution.»
«Les ports, les aéroports sont bloqués, la vie est paralysée. Il n'y a plus de combustible, plus de téléphone qui marche.»
«A partir de ce soir et de demain, les jeunes, tous les jeunes, pas les jeunes drogués, la jeunesse de Libye doit constituer les comités populaires en portant des brassards des comités de protection.»
«Nous invitons les officiers libres à aller assurer la sécurité de leur tribu. Qu'ils ne se joignent pas à ces collaborateurs de l'Amérique.»
«Je vous invite à sortir dans la rue. C’est vous qui devez assurer la défense et la protection de la révolution populaire. Cette sécurité vient de ce pouvoir populaire.»
«Dès demain, j'invite la jeunesse à se constituer en comité de défense de la révolution populaire, dans toutes les villes et les villages de Libye.»
«Dès demain, qu'ils portent un brassard, qu'il y ait des comités de protection de défense des valeurs sociales et qu'ils soient constitués par les porteurs du Coran. Ils sont au nombre d'un million constitués des imams qui connaissent le véritable salafisme. Pas le salafisme des assassins, le véritable salafisme qui assure la sécurité des femmes et des mœurs.»
«Des femmes ont été kidnappées par ces groupes criminelles. La population vit un véritable cauchemar, avec ces blindés, ces hélicoptères, avec ces menaces sur notre sécurité.»
«Dès demain nous allons avoir une nouvelle administration, un nouveau pouvoir populaire véritable. Pour qu'il y ait une constitution, je n'ai pas d'objection. C'est l'autorité populaire.»
«Je n'ai pas de palais, pas d'argent, je n'ai même pas d'avenir. J'ai consacré ma vie à la révolution.»
«Je pense que Saif El Islam (fils de Kadhafi) va traiter avec les ambassadeurs, pour rétablir la vérité. Beaucoup ne connaissent la vérité que via les chaînes de télé traitresses qui cherchent à déformer la vérité. La télé libyenne va apporter sa réponse à toutes ces contre-vérités. Nous allons leur répondre.»
«Les ports, les aéroports sont bloqués, la vie est paralysée. Il n'y a plus de combustible, plus de téléphone qui marche.»
«Une seule personne avait réussi à terroriser la ville de Washington. Il s'attaquait aux écoles, il attaquait une nouvelle école, il disparaissait. Ca a paralysé la vie scolaire. Une seule personne a terrorisé la vie entière, et ici nous avons une poignée de jeunes qui a terrorisé la ville de Benghazi.»
«L'Amérique a rasé Falloujah. Elle a pilonné les mosquées à Falloujah en disant que Zarkaoui, le terroriste, était là. Les Américains l'ont fait, alors qu'est-ce qu'on pourrait nous faire» ?
«Bagdad a été détruite, des familles entières sont mortes. Il y a des millions de personnes qui sont mortes, bombardées par l'aviation américaine»
«Nous sommes libres et nous sommes libres d'utiliser la force excessive»
«Lorsque les Israéliens bombardent, ils disent qu'ils ont le droit de bombarder Gaza»
«Vous avez vu les images? Vous voulez que votre pays devienne comme l'Irak et la Somalie? Les mêmes groupes sont ici. Vous voulez devenir comme à Falluja [Irak]?»
«Dès demain la sécurité sera aux mains des officiers de police et de l'armée.»
«Réveillez-vous! Vous voulez que Benghazi soit un lieu de destruction sans eau ni électricité?»
«Et ces bandes peuvent s'attaquer aux ressources pétrolières et ça peut vous ramener cinquante ans en arrière. Nous étions heureux de la reconstruction de Benghazi et c'est vos enfants qui vont la détruire?»
«Vous voulez être l'Irak, le Pakistan, la Somalie? Si ça ne vous plait pas, manifestez contre ces jeunes.»
«C'est une minorité de terroristes qui veulent faire un nouvel émirat sous les ordres de Ben Laden.»
«Vous voulez une nouvelle colonisation imposée par les bombes?» …….
«Nous allons nous retrouver dans une guerre entre les différentes tribus. Voilà ce qui attend la Libye si vous n'y mettez pas fin tout de suite».
«Des appareils qui ont survolé tous les palais. Pourquoi? Parce que Kadhafi a été président de la République. C'est parce que Kadhafi a un passé de lutte pour la Libération.»
«Ils cherchent à copier ce qui s'est passé en Tunisie.»
«Ils incitent vos enfants à aller combattre, et nous allons nous entretuer de fait.»
«J'invite le peuple libyen à constituer de nouveaux comités populaires.»
«Nous n'avons pas encore utilisé la force, la force vient du peuple libyen. Si nous devions être amené à utiliser la force, nous le ferons en fonction de la constitution et du droit international.»
«Dès demain, je vous invite à aller dans la rue, à les affronter».
Le code pénal à la main : «Est passible de mort tout Libyen qui aurait porté les armes contre la Libye»
«Demain, ils pleureront, ils demanderont notre pardon et nous ne leur accorderons pas.»
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Troisième intervention le Jeudi 24 Février :
Cette fois sans apparaître sur les écrans, Kadhafi s’est livré à une allocution par téléphone.
Dans son allocution, retransmise par la Télévision d’État Libyenne, le dirigeant libyen a de nouveau soutenu que les manifestants prenaient de la drogue distribuée par des "agents de l'étranger", pour lui ce "sont des jeunes fous, débiles, qui cherchent à fermer les commerces, à barrer les routes".
Puis il a alerté le peuple Libyen : "On manipule nos enfants. Pour moi, ceux qui sont derrière ces manipulations sont les vrais ennemis", en appelant les habitants des villes soulevées à contenir ces jeunes "drogués". "Ce sont vos enfants, il faut les empêcher de prendre ces cachets, ces gélules de drogue."
En accusant Al-Qaïda d'être derrière le soulèvement populaire, Kadhafi a déclaré : "Il y a des salafistes qui préparent le terrain pour l'arrivée des partisans de Ben Laden." ….. "Ces gens n'ont pas de vraies revendications, leurs revendications sont celles de Ben Laden"… …….. "Pourquoi vous suivez le chemin de Ben Laden ?, a-t-il interrogé …… Nous avons construit dans notre pays, nous avons lancé des infrastructures ….Pourquoi voulez-vous donner ces infrastructures à Ben Laden ?"
Très convaincu sur l'idée d'une "manipulation", le colonel Kadhafi a voulu persuader son peuple que d'éventuels changements étaient entre les mains de tous les Libyens. "Chez nous, le pouvoir est entre les mains du peuple", a-t-il réaffirmé, en expliquant : "Toutes ces demandes (celles des manifestants) peuvent être résolues grâce au pétrole. On peut de la même façon hausser les salaires." Le dirigeant Libyen a aussi envisagé des solutions politiques : "Si vous voulez transformer des villes en gouvernorats, pour former de nouveaux gouvernorats, c'est possible, c'est quelque chose qu'on comprend. …………Tout est possible, tout est entre vos mains."
Enfin le colonel Kadhafi a par ailleurs insisté sur la nature de son pouvoir moral en usant d’une comparaison originale avec le pouvoir de la Reine d’Angleterre : «Je n'ai pas le pouvoir de faire des lois ou de faire appliquer la loi. La reine d'Angleterre n'a pas cette autorité. C'est exactement mon cas", a-t-il dit.
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Vendredi 25 Février : Quatrième intervention du Colonel Kadhafi
Un coup de théâtre stratégique : Jouant sur l’effet de surprise, le renard Mouammar Kadhafi apparaît à la télévision publique pour s’adresser à ses partisans. Cette intervention a vraisemblablement été filmée sur la Place Verte à Tripoli. Sur les images télévisées, on voit le leader libyen haranguer des centaines de partisans.
Durant la retransmission, on voit une horloge indiquant 18h55 heure locale, ( ndlr : soit environ 17 heures cinquante en France) ce qui tendrait à supposer qu'il s'agissait d'une intervention en direct, selon l’AFP.
Kadhafi à estimé lors de son discours …. «si les gens ne m'aiment pas je ne mérite pas de vivre».
Il a annoncé : «tous les dépôts d'armes vont être ouverts, pour armer le peuple»,
Il a demandé à ses partisans de «défendre la Libye» , les a appelé à prendre les armes pour combattre les opposants ……
«Nous allons nous battre et nous les vaincrons», a-t-il affirmé depuis les remparts surplombant la Place Verte où étaient rassemblés des centaines de ses partisans … « le peuple libyen aime Kadhafi», a assuré le dirigeant libyen, il a adressé à la foule ces trois mots: «Dansez, dansez, chantez» et pour terminer « le Guide » a adressé un baiser à la foule.
D’après les commentateurs Kadhafi a voulu montrer qu'il avait encore le contrôle à Tripoli.
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Revue de presse faisant état des réactions françaises sur le discours fleuve du Colonel Kadhafi :
Mercredi 23 Janvier - revue de presse des quotidiens nationaux
Comme mardi, l'écrasante majorité des quotidiens nationaux consacrent leur une à la Libye et au discours extrêmement violent de Kadhafi, qui a promis une répression plus sanglante encore.
Le Monde voit «La diplomatie française bousculée par la révolte arabe» et explique «comment l'Elysée et le Quai d'Orsay tentent de reformuler une politique».
«L'enragé» titre Libération. «Dans un discours halluciné, Kadhafi a menacé les Libyens qui réclament son départ d’une "boucherie"», raconte le journal. «Le délire meurtrier de Kadhafi» inquiète »
Le Figaro, note également que «le dirigeant libyen a menacé son peuple d’une "boucherie" et juré de "mourir en martyr" plutôt que de céder le pouvoir.»
L'Humanité stigmatise pour sa part «Les mains sales». La politique étrangère de Nicolas Sarkozy est mise en accusation», selon le quotidien communiste.
La Croix s'intéresse à la «Déroute en Libye». «Alors que le régime de Kadhafi a perdu le contrôle d’une partie du pays et que les défections de responsables se multiplient, la répression reste féroce à Tripoli», rapporte le quotidien catholique.
«La révolte de la Libye fait bondir les prix du pétrole» observe Les Echos, qui prévient que «le prix du super pourrait vite retrouver ses sommets de 2008». (rechercher cet article sur le web)
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