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29 septembre 2010

28.09.2010 - 1ère. Séance Assemblée Nationale - Extrait de la discussion du projet de loi sur l'immigration

Mardi 28 septembre  à 17 heures : lucienne magalie pons a suivi  en direct sur le site de l'Assemblée Nationale ( ou l'on peut voir la retransmission en direct par vidéo au moment même du déroulement des séances ) la discussion du projet de loi sur l'immigration, l'intégration et  la nationalité.

Cette discussion avait été précédée  par les" Questions au Gouvernement" qui ne manquaient pas d'intérêt, ensuite par les explications de vote au nom des groupes,  et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi, de Réforme des Collectivités territoriales,  mais  je ne reproduis ci-dessous que l'extrait de  la discussion du projet de loi sur l'immigration,  l'intégration et  la nationalité.

Vous remarquerez que dans le cours des débats, très souvent ,  le Ministre et les députés et intervenants de  la droite ironisent et se défendent  des interventions des députés de l'opposition en les qualifiant" d'outrances et de caricatures" , et en évitant de se justifier sur le fond du projet, à part répéter que ce projet transpose en droit français trois directives européennes et en oubliant de s'expliquer sur l'outre-passement  et l'aggravation  de ces directives que  leur  projet de loi  comporte ... comme l'opposition l'a amplement démontré.

Le Ministre Éric Besson est allé jusqu'à prétendre en réponse à  l'intervention de la députée Sabine Mazetier
 que son intervention était pleine d'inexactitudes qu'il se proposait de corriger (sic) mais encore d'une manière très discourtoise il lui a dit "Vous n'êtes là que pour gambader et  vous ébrouer "  et en essayant de la ridiculiser dans la suite de ses interventions alors qu'il répondait à d'autres intervenants.

Quand on voit Madame Sandrine Mazetier dans ses interventions (vidéo de la séance) on remarque que gambader et s'ébrouer n'est pas du tout sa manière d'être, c'est une femme au contraire très sobre dans son apparence, très directe dans ses interventions au langage maîtrisé, ce qui n'enlève rien à sa distinction naturelle.

(On peut légitimement  supposer que pour le Ministre Éric Besson les femmes en général, députée ou pas, ne méritent aucune courtoisie et nous l'avions déjà constaté dans une de ses anciennes interventions sur écran dans un échange avec Marine Le Pen où s'était permis de lui dire de très graves grossièretés.

Monsieur Serge Blisco a tenu d'emblée, et c'est tout à son honneur,   lorsqu'il a  pris la parole à son tour à défendre sa collègue en soulignant " Mme Mazetier a justement dénoncé un texte qui, non seulement, porte atteinte aux droits inhérents à la dignité de la personne humaine mais qui, surtout, est empreint de dispositions anticonstitutionnelles."

Il est à noter que dans ses réponses aux  interventions des  Messieurs députés de l'opposition, le Ministre Éric Besson s'est surtout employé à justifier son projet de loi  (  du reste en s'en tenant prudemment le plus souvent à citer les trois directives européennes qui l'ont inspiré pour son projet de loi )  et qu'il s'est montré moins ironique qu'avec les dames députées.

Enfin dans le cours des débats  Monsieur Noël Mamère s'est   dressé impitoyablement dans une intervention  contre les dérives inconstitutionnelles, le virage et  le durcissement de la  politique du Chef de l'État , du Gouvernement, de Monsieur Éric Besson  et des députés de la majorité, et a  cité  point par point les principaux écarts constitutionnels et "incohérences" du projet de loi présenté par Éric Besson.

Monsieur Noël Mamère a été plusieurs fois interrompu par les députés de la droite,mais il su s'imposer avec sévérité , notamment en s'élevant contre la mauvaise tenue en séance d'un membre du Cabinet du Ministre Besson .
 Extrait de l'incident :
Noël Mamère : Je vois derrière vous, monsieur le ministre, un membre de votre cabinet qui rigole. Tout fonctionnaire que vous êtes au côté du ministre, monsieur, je ne vous autorise pas à hocher la tête lorsque je dis des vérités. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce n’est pas correct !
M. François de Rugy. Il y a le devoir de réserve, ici à l’Assemblée !
M. Noël Mamère. Ce monsieur est en effet soumis à l’obligation de réserve. Les seuls qui puissent réagir, ce sont M. le ministre ou M. le rapporteur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis. C’est lamentable !
M. Noël Mamère. J’en ai assez de voir des collaborateurs de ministres – car ce n’est pas la première fois qu’ils nous font le coup – réagir à ce que nous disons à la tribune de l’Assemblée. Il faut croire que le pouvoir a accaparé tous les rouages de nos institutions et qu’il peut tout se permettre, y compris que des fonctionnaires sortent de leur obligation de réserve. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – « Provocateur ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. François de Rugy. Ce monsieur devrait sortir de l’hémicycle !
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Mamère.
fin de l'extrait de l'incident.

Monsieur Noël Mamère en effet à poursuivi longuement, mais à la suite Éric Besson  a déclaré en réponse :  " je ne reviendrai pas sur tous les propos de Monsieur Noël Mamère" ... en effet, Éric Besson  n'a répondu que très brièvement sur un ou deux points anecdotiques mais sans s'aventurer à répondre sur les questions de fond, une certaine manière laxiste ou méprisante  de montrer qu'il n'attachait pas  d'importance à l'intervention de Monsieur Noël Mamère.

ooOoo




Il est temps maintenant  de passer à la lecture de l'extrait de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

Source de l'Extrait : Site de l'Assemblée Nationale

Discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (nos 2400, 2814, 2782).
Source :

Assemblée nationale
XIIIe législature
Deuxième session extraordinaire de 2009-2010

Extrait du Compte rendu de la séance du mardi 28 septembre( à partir de 17 heures)



(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)
M. le président. La séance est reprise.

Immigration, intégration et nationalité

Discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (nos 2400, 2814, 2782).
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé sur la base d’un temps attribué aux groupes de trente heures.
Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : pour le groupe UMP, huit heures trente minutes ; pour le groupe SRC, onze heures vingt-cinq ; pour le groupe GDR, cinq heures quarante-cinq ; pour le groupe Nouveau Centre, quatre heures vingt. Les députés non inscrits disposent de cinquante minutes.
En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles des rapporteurs et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée du temps du groupe de l’orateur.
Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont, en tout état de cause, qu’indicatifs.
La parole est à M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui vient aujourd’hui devant votre assemblée est le deuxième du quinquennat dans le domaine de l’immigration. Avec ce texte, nous mettons en œuvre les engagements souscrits par le Président de la République devant les Français en 2007, et l’une des priorités de l’action du Gouvernement.
Je voudrais tout d’abord remercier l’ensemble des membres de la commission des lois, et en particulier son président Jean-Luc Warsmann, pour la qualité du travail accompli depuis six mois. Je remercie aussi particulièrement le rapporteur Thierry Mariani, spécialiste reconnu des questions d’immigration,…
Mme Pascale Crozon. Ça, c’est sûr !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …avec lequel ce travail préparatoire fut intense et productif. J’y associe beaucoup de députés, notamment Claude Goasguen et Éric Diard, et bien d’autres encore. Je n’oublie pas la commission des affaires sociales, saisie pour avis, et son rapporteur Arnaud Robinet, qui ont apporté des amendements que je crois utiles à notre texte.
Ce projet de loi a un objectif central : poser les premières pierres d’une politique européenne de l’immigration. Il donne une suite concrète au pacte européen sur l’immigration et l’asile, conclu le 16 octobre 2008. Permettez-moi de rappeler ici que ce texte, élaboré sous la présidence française et à l’initiative de la France, sous l’impulsion de mon prédécesseur Brice Hortefeux, a été adopté à l’unanimité des vingt-sept États membres, toutes tendances politiques confondues.
M. Jean Roatta. Très bien !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Trois directives ont été adoptées à la suite de ce pacte, qu’il nous revient aujourd’hui de transposer.
J’ai entendu certains questionner l’utilité d’un nouveau projet de loi sur l’immigration, trois ans après la loi du 20 novembre 2007. Notre réponse est simple : un pacte européen a été conclu entre-temps, le 16 octobre 2008, et trois directives européennes ont été adoptées par la suite, que la France a l’obligation de transposer dans les prochains mois. Ce projet de loi est donc indispensable pour que la France respecte ses engagements européens et continue à prendre une part active dans la construction d’une politique européenne de l’immigration.
À ceux qui dénoncent le principe même d’un nouveau texte sur l’immigration, je voudrais dire qu’on ne peut pas à la fois – comme j’ai entendu plusieurs députés socialistes le faire sur tous les sujets – présenter l’Europe comme la seule solution aux problèmes d’immigration et s’opposer au pacte, adopté à l’unanimité des vingt-sept États membres, et à la transposition des directives qui constituent la première base de cette politique européenne de l’immigration. On ne peut pas à la fois réclamer en toute occasion une politique européenne de l’immigration et rejeter toutes les avancées accomplies dans ce sens, à l’unanimité des vingt-sept États membres, toutes tendances politiques confondues.
La directive « carte bleue européenne » – j’aurais préféré, honnêtement, qu’on l’appelle autrement, mais ainsi soit-il (Sourires sur les bancs du groupe UMP) –, adoptée le 25 mai 2009, crée un premier titre de séjour européen, ouvrant les mêmes droits au séjour et au travail dans les vingt-sept pays membres de l’Union européenne pour les salariés qualifiés. Il s’agit là de la mise en place, au niveau européen, d’une politique d’immigration choisie. Je veux d’ailleurs dire dans cet hémicycle que le concept d’immigration choisie n’est pas spécifique à la France ; l’adjectif est employé dans la plupart des pays européens.
M. Lionnel Luca. Bien sûr !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Les Espagnols parlent d’immigración seleccionada et les Britanniques de targeted immigration, pour immigration sélectionnée et immigration ciblée. Vous voyez donc que la politique dite d’immigration choisie n’est pas spécifique à la France et à ce gouvernement : elle est européenne.
La carte bleue européenne se veut équivalente à la carte verte américaine et elle bénéficiera à un grand nombre des personnes qui viennent aujourd’hui vivre en France. Je réponds là à la critique que j’ai entendue, selon laquelle cette carte serait par essence élitiste. D’une part, en la circonstance, cette orientation est en partie assumée, puisque la stratégie de Lisbonne consistait à faire en sorte que la France et l’Europe soient compétitives. D’autre part, sur le plan numérique, je veux rappeler qu’en 2009, et contrairement à une idée reçue, plus de 25 % des ressortissants étrangers autorisés à entrer et séjourner en France étaient titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur.
La directive « sanctions », adoptée le 18 juin 2009, prévoit des normes minimales concernant la lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre de séjour. Il s’agit là de viser tout particulièrement ceux qui exploitent l’immigration clandestine et en retirent un bénéfice économique. Ces personnes portent atteinte à notre pacte républicain et à notre modèle social. On ne peut pas à la fois promouvoir un niveau élevé de protection sociale et laisser se développer l’immigration illégale et le travail illicite.
L’autorité administrative, c’est-à-dire le préfet, pourra notamment, en tenant compte, bien sûr – je le précise en réponse aux commentaires et aux demandes de précision de la majorité, qui étaient légitimes –, du contexte, de la bonne foi du contrevenant et, en proportionnant les sanctions à l’ampleur des faits constatés, rendre les employeurs inéligibles aux appels d’offres nationaux et européens ou aux aides publiques, mais aussi ordonner, par décision motivée, la fermeture d’un établissement, à titre provisoire et pour une durée qui ne peut excéder trois mois.
Quant à la directive « retour », j’ai compris qu’elle était la plus discutée. Adoptée le 16 décembre 2008, elle fixe les normes et les procédures applicables au retour des ressortissants étrangers en séjour irrégulier.
En application de cette directive, le projet de loi ouvre la possibilité pour l’autorité administrative d’assortir sa décision d’éloignement d’une interdiction de retour sur l’ensemble du territoire européen…
M. Jacques Myard. Du territoire des États membres : il n’y a pas de territoire européen !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …d’une durée de trois ans, pouvant être portée dans certains cas à cinq ans. Tout étranger ne respectant pas le délai de départ volontaire d’un mois qui lui a été accordé pourra être concerné par cette mesure.
Cette procédure est entourée de plusieurs garanties.
D’abord, elle n’est pas automatique. Le préfet peut la prendre dans certains cas, par exemple le non-respect du délai de retour volontaire, mais il n’y est pas obligé. Ensuite, elle est modulable et proportionnée. La loi pose le principe selon lequel il sera tenu compte de la durée de la présence de l’étranger sur le territoire, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France. Enfin, elle est abrogée si l’étranger respecte le délai qui lui est accordé pour quitter volontairement le territoire.
Cette mesure constitue donc avant tout un puissant instrument d’incitation au départ volontaire des étrangers en situation irrégulière visés par une mesure d’éloignement.
M. Jean-Paul Garraud. Très bien !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Permettez-moi de rappeler que la directive « retour » a été adoptée par le Parlement européen – je le dis aux députés socialistes, que j’ai entendu parler depuis ce matin sur les ondes de « directive de la honte » –…
Mme Pascale Crozon. Tout à fait !
M. Bernard Roman. C’est la transposition qui est honteuse ! Et puis, il vaut mieux se répéter que se contredire !
M. Jean-Paul Garraud. Vous en êtes la preuve !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …avec les voix des socialistes espagnols et celles des sociaux-démocrates allemands. En Europe, seuls les socialistes français ont voté contre ce texte.
À ces dispositions qui transposent les directives communautaires, le Gouvernement a ajouté quatre mesures qui permettent, elles aussi, d’avancer vers une politique européenne de l’immigration. La France ne peut en effet continuer à se singulariser en Europe par la complexité de ses procédures, qui aboutit malheureusement à ce que 75 % des décisions d’éloignement soient vouées à l’échec.
M. Jacques Myard. C’est inadmissible !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Reconduire les étrangers en situation irrégulière dans leur pays d’origine, ce n’est une honte ni pour la France ni pour l’Europe.
À cet égard, je voudrais citer ce que déclarait Lionel Jospin à la tribune de l’Assemblée en 1998 : « […] dire à ceux qui ne peuvent être régularisés qu’ils doivent repartir dans leur pays, qu’ils ont vocation à être reconduits à leurs frontières. C’est simplement le respect du droit international et je dirais même du droit des gens. C’est très exactement cette politique, qui se complète d’une volonté d’intégration ».
M. Jean-Pierre Schosteck. On le regretterait presque. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Paul Garraud. Nos collègues socialistes devraient écouter !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Il ajoutait : « Je ne connais aucune formation politique représentée sur ces bancs qui ait préconisé l’entrée sans règles d’étrangers sur notre territoire et qui ait voulu qu’aucun étranger en situation irrégulière ne puisse être reconduit dans son pays. […] Il serait d’ailleurs inconséquent, politiquement et intellectuellement, d’adopter une telle politique. »
Voilà ce que disait Lionel Jospin le 8 avril 1998 ici même. Je pense que certains pourraient y réfléchir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. La première mesure ajoutée par ce projet de loi concerne l’allongement de la durée maximale de la rétention administrative, de trente-deux à quarante-cinq jours.
Je voudrais d’abord rappeler que la rétention administrative n’est pas une sanction contre les étrangers en situation irrégulière, mais une étape cruciale dans la procédure d’éloignement, permettant, d’un côté, à la personne retenue d’exercer ses droits et de bénéficier d’une assistance juridique financée par l’État, et, de l’autre, à l’administration d’obtenir ce que l’on appelle le laissez-passer consulaire nécessaire à la reconduite et d’organiser le retour dans le pays d’origine.
Les centres de rétention ne constituent pas une atteinte mais, au contraire, une protection des droits des étrangers en situation irrégulière. Ils sont issus de la loi du 29 octobre 1981, voulue par François Mitterrand.
M. Jean-Paul Garraud. Ils n’écoutent pas !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. L’objectif de cet allongement est de permettre la conclusion d’accords de réadmission au niveau européen, la France ne pouvant maintenir un délai maximal de trente-deux jours, alors que tous les autres pays européens – tous les autres – ont fixé ce délai au-delà de soixante jours. Seule la France est à trente-deux ! Si vous acceptez de voter le texte que le Gouvernement vous propose, nous passerons à quarante-cinq jours : la France restera ainsi le pays dont la durée maximale de rétention sera, de très loin, la plus courte d’Europe.
Ceux qui critiquent cet allongement devront nous expliquer comment on pourrait construire une politique européenne de l’immigration avec un délai maximal de rétention échappant à tout effort d’harmonisation et bloquant la négociation de tout accord européen de réadmission, puisque les pays étrangers avec lesquels la Commission européenne négocie nous demandent tous au moins trente à trente-cinq jours pour reconnaître leurs ressortissants.
M. Claude Goasguen. Très bien !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Je veux rappeler que le délai maximal fixé par la directive n’est pas de quarante-cinq jours mais de six mois, avec possibilité de douze mois supplémentaires.
M. Jacques Myard. Il ne faut pas mégoter ! Passons à six mois !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. La deuxième mesure que nous vous proposons va aussi dans le sens de la construction d’une politique européenne de l’immigration : c’est l’amélioration de la transposition de la directive du 29 avril 2004 relative à la circulation et au séjour des ressortissants européens au sein de l’Union européenne. Cette directive fixe plusieurs conditions. Pour les séjours de moins de trois mois, les ressortissants européens ne doivent pas menacer l’ordre public ou constituer une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale du pays d’accueil. Pour les séjours de plus de trois mois, les ressortissants européens doivent disposer d’un emploi ou de ressources suffisantes.
Des amendements proposés par le Gouvernement, et adoptés en commission des lois, permettront de sanctionner par une mesure d’éloignement ceux qui abusent du droit au court séjour par des allers-retours successifs, afin de contourner les règles plus strictes du long séjour, ceux qui représentent une charge déraisonnable pour notre système d’assistance sociale, mais aussi ceux qui menacent l’ordre public par des actes répétés de vols ou de mendicité agressive.
Permettez-moi d’insister : ces mesures ne constituent pas, elles non plus, une « dérive sécuritaire ».
Mme Pascale Crozon. Pourtant elles y ressemblent fort !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Elles s’inscrivent dans le cadre de la transposition de la directive du 29 avril 2004.
La construction européenne n’implique pas un droit des personnes les plus démunies à s’établir là où le système d’assistance sociale est le plus généreux. L’Union européenne ne doit pas devenir un supermarché des protections sociales. Elle implique, au contraire, un effort, par chaque État-membre, d’intégration de ses propres ressortissants, et d’abord des plus fragiles. C’est pour cela que l’Union européenne a mis en place des fonds de cohésion sociale, auxquels la France apporte une contribution budgétaire très importante.
Mme Pascale Crozon. C’est incroyable ! C’est le discours du Front national !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Une troisième mesure est inspirée du rapport de la commission présidée par Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, qui a remis son rapport le 11 juillet 2008.
C’est la mise en place d’une articulation entre l’intervention du juge administratif et celle du juge judiciaire. Comme l’a souligné Pierre Mazeaud, le délai de quarante-huit heures aujourd’hui imparti au juge judiciaire, parallèlement au recours devant le juge administratif, est trop court : il aboutit à « l’enchevêtrement des procédures » judiciaire et administratives, cause d’insécurité juridique.
M. Jean-Paul Garraud. Tout à fait !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. L’administration doit, en un très court moment, conduire parallèlement deux procédures juridictionnelles. L’étranger est transporté dans des délais très brefs en plusieurs endroits différents. Et surtout, les décisions juridictionnelles rendues peuvent être contradictoires : cela crée soit des maintiens en rétention abusifs, soit des remises en liberté infondées.
Le projet de loi prévoit donc un délai de quarante-huit heures pour saisir le juge administratif, puis un délai de soixante-douze heures pour lui permettre de statuer, enfin la saisine automatique du juge judiciaire pour autoriser le maintien en rétention.
Le premier délai de quarante-huit heures pour saisir le juge administratif est indispensable pour permettre à la personne placée en rétention et aux personnes qui l’assistent dans l’exercice de ses droits de prendre connaissance de l’ensemble du dossier et de préparer la procédure contentieuse.
Mme Sandrine Mazetier. Vous dites cela, mais les droits des étrangers ne vous préoccupent pas beaucoup !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Le deuxième délai de soixante-douze heures est nécessaire pour permettre au juge administratif de se prononcer sur la légalité des cinq décisions qui peuvent désormais viser la personne placée en rétention : décision d’éloignement, décision de refus du délai de départ volontaire, décision fixant le pays de renvoi, décision d’interdiction de retour sur le territoire européen, décision de placement en rétention.
Ce délai total de cinq jours pour l’intervention du juge judiciaire, après celle du juge administratif, n’exprime aucune défiance à l’égard du juge judiciaire, gardien des libertés individuelles, conformément à l’article 66 de notre Constitution.
Mme Sandrine Mazetier. Ben voyons !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Le juge administratif est le juge naturel de la légalité des décisions administratives. En droit français, c’est le tribunal administratif qui juge les décisions du préfet. Le juge judiciaire est le juge naturel de la privation de liberté. Mais le juge administratif n’est pas moins protecteur des libertés que le juge judiciaire – contrairement à ce que l’on peut entendre depuis quarante-huit heures.
Et c’est bien la justice elle-même qui ne poursuit pas le délit de séjour irrégulier, pourtant inscrit dans la loi de la République. C’est donc bien la justice, et non pas ce projet de loi, qui laisse à l’administration le soin d’agir en premier. Je rappellerai aussi que la bonne administration de la justice est, elle aussi, un objectif de valeur constitutionnelle. Le gâchis de temps, d’argent, de moyens matériels et humains pour en arriver à cet enchevêtrement et à ces décisions contradictoires ne va pas dans le sens de la bonne administration de la justice.
Le délai de cinq jours est, par ailleurs, proche de délais déjà implicitement validés par le Conseil constitutionnel, comme le délai de quatre jours de maintien en zone d’attente avant l’intervention du juge judiciaire.
Enfin, le projet de loi maintient intacte une garantie essentielle de notre État de droit, qui me paraît fondamentale : aucun étranger en situation irrégulière ne pourra être éloigné sans avoir eu la possibilité de former un recours suspensif contre la décision d’éloignement. M. le rapporteur et moi l’avons souligné en commission des lois : c’est bien un recours suspensif. Il serait donc bien que celles et ceux qui ont travaillé sur ce texte cessent de dire, comme on a pu l’entendre, que nous voudrions profiter de ce délai pour reconduire des étrangers en situation irrégulière dans leur pays sans laisser au juge des libertés et de la détention la possibilité d’intervenir.
Mme Pascale Crozon. C’est pourtant vrai !
M. Philippe Boënnec. Vous n’en êtes pas à un mensonge près !
M. Jean-Paul Garraud. Ils ne s’arrêtent pas aux points techniques.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Le recours est suspensif, c’est inscrit expressément dans la loi.
La quatrième mesure qui figure dans ce projet de loi est un dispositif d’urgence adapté aux afflux d’étrangers en situation irrégulière en dehors des points de passage frontaliers.
Le préfet pourra créer une zone d’attente temporaire, qui relie les lieux de découverte d’un groupe de migrants au point de passage frontalier où sont normalement effectués les contrôles des personnes. Pour recourir à cette disposition, il sera nécessaire d’établir qu’un groupe de plus de dix étrangers vient manifestement de franchir la frontière en dehors d’un point de contrôle, dans un périmètre inférieur à dix kilomètres. Ces précisions, proposées par votre rapporteur, ont été votées par votre commission des lois.
L’affaire des 123 ressortissants syriens arrivés sur les plages de Bonifacio le 22 janvier 2010 a en effet, une nouvelle fois, révélé une faiblesse de notre législation, justement sanctionnée par les juges : lorsque de nombreux ressortissants étrangers se présentent à notre frontière en dehors d’un point de passage traditionnel, compte tenu de la difficulté à réunir dans des délais suffisamment courts les interprètes, les avocats, les médecins, les autorités judiciaires se trouvent dans l’impossibilité d’organiser l’interpellation et la garde à vue de ces personnes, et les autorités administratives dans l’incapacité matérielle de les maintenir sous un quelconque régime de contrôle administratif.
Le régime juridique applicable à la zone d’attente temporaire sera identique à celui de la zone d’attente permanente, créée – je le rappelle là encore à Mme Mazetier, que j’ai entendu s’exprimer sur le sujet – par la loi Quilès du 6 juillet 1992, dont je ne sache pas qu’elle ait porté une atteinte grave au droit des étrangers ou au droit d’asile.
Mme Sandrine Mazetier. On sait où se trouve cette zone, on peut y accéder.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. La zone d’attente temporaire comportera exactement les mêmes droits et les mêmes obligations que la zone d’atteinte classique. Comment pourrait-elle être une atteinte aux droits des étrangers ?
Mme Sandrine Mazetier. Nous, nous produisions du droit ; vous ne produisez que du désordre !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Certains caricaturent ces mesures de lutte contre l’immigration illégale, qui seraient la preuve d’une sorte de volonté sadique du Gouvernement de porter préjudice à des personnes, afin de flatter une prétendue xénophobie, qui, selon eux, serait très répandue en France. Ils se méprennent gravement, sur nos objectifs et sur la France.
M. Bernard Roman. Ne nous prenez pas pour des imbéciles ! Les électeurs jugeront ; ils l’ont fait aux élections régionales, ils l’ont fait dans les sondages. Vous devriez réfléchir !
M. Lionnel Luca. Écoutez l’orateur !
M. Bernard Roman. Oh, l’orateur, c’est un grand mot.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Ces mesures de lutte contre l’immigration illégale sont la condition de l’intégration de l’immigration légale. L’humanisme, ce n’est pas d’accueillir tout le monde sans condition.
M. Thierry Mariani, rapporteur. Absolument !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. L’humanisme, c’est de pouvoir accueillir dignement ceux à qui nous donnons droit de séjour.
Mme Pascale Crozon. Vous osez parler d’humanisme !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. C’est cela, la France. Dans le cadre du débat sur l’identité nationale ouvert l’an passé, le séminaire gouvernemental, présidé par le Premier ministre le 8 février 2010, a conclu à la nécessité de renforcer nos politiques d’intégration des immigrés qui s’établissent en France.
Le projet de loi rappelle ce lien indissociable entre lutte contre l’immigration illégale et intégration de l’immigration légale. Il conditionne tout d’abord l’accès à la nationalité française à la signature d’une charte des droits et devoirs du citoyen. Cette charte ne sera pas un simple rappel des principes constitutionnels et législatifs qui régissent notre république ; à juste titre, votre commission a particulièrement insisté sur ce point. Elle réaffirmera aussi la nécessaire adhésion à notre identité nationale, avec sa culture, son histoire, sa langue, ses valeurs. Elle appellera chaque nouveau Français à apporter sa contribution à notre destin commun et à faire vivre, en France comme à l’étranger, la fierté d’être français.
Nous avons aussi décidé de réagir face aux actes d’une gravité sans précédent récemment commis contre les représentants de la nation et de l’État qui l’incarne, avec la prise à partie de forces de l’ordre par des assaillants, l’utilisation d’armes de guerre et l’intention de tuer des agents pour le seul motif qu’ils exercent la mission première et fondatrice de l’État.
C’est pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement, adopté en commission des lois, étendant les motifs de la procédure de déchéance de la nationalité aux personnes ayant porté atteinte à la vie d’une personne dépositaire de l’autorité publique – en particulier, les policiers, les gendarmes, les préfets, les magistrats, pour ne citer qu’eux.
M. Rémi Delatte. Très bien !
M. Philippe Boënnec. Les socialistes ne vont quand même pas soutenir les criminels !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Permettez-moi de rappeler que la déchéance de la nationalité pour atteinte aux intérêts essentiels de l’État n’est pas non plus, comme on a pu le lire ou l’entendre, une dangereuse dérive sécuritaire.
M. Jean-Paul Garraud. Très bien !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Elle est inscrite à l’article 7 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la nationalité du 6 novembre 1997, qui prévoit qu’un État partie peut inscrire dans son droit la déchéance de sa nationalité dans le cas d’un « comportement portant un préjudice grave aux intérêts essentiels de l’État ».
Deuxièmement, elle respecte la jurisprudence du Conseil constitutionnel,…
M. Jean-Pierre Dufau. Non.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …et en particulier la décision du 16 juillet 1996,…
Mme Sandrine Mazetier. Eh non !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …qui a validé l’extension des motifs de déchéance opérée par la loi du 22 juillet 1996 pour les actes ayant porté atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, et aux actes de terrorisme.
M. Serge Blisko. Rien à voir !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Troisièmement, elle maintient les motifs de déchéance bien en deçà de ce qu’ils étaient depuis 1945 et jusqu’à la loi du 16 mars 1998.
Mme Sandrine Mazetier. On entend là comme un regret !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. L’article 98 de l’ordonnance du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité, resté en vigueur jusqu’en 1998, prévoyait ainsi la déchéance pour l’étranger « condamné à une peine d’au moins cinq années d’emprisonnement. »
La République a ainsi vécu pendant un demi-siècle, y compris sous les deux septennats de François Mitterrand, avec des motifs de déchéance qui allaient bien au-delà de ce que propose aujourd’hui le Gouvernement. (Approbation sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jacques Myard. Ça fait mal, hein !
M. Jean-Paul Garraud. La gauche n’écoute pas.
Mme Danièle Hoffman-Rispal. On a quand même le droit d’évoluer !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Mesdames et messieurs les députés, faire fi de la nation, proclamer que tout homme de la planète a les mêmes droits qu’un citoyen en France, c’est méconnaître le principe d’égalité entre citoyens.
Affirmer l’existence des droits de l’homme, en oubliant qu’ils sont l’attribut de citoyens organisés pour faire de leur volonté une loi commune, structurés par une histoire, une culture, une langue, un territoire, ce n’est pas seulement se bercer d’illusions, c’est aussi miner les fondements de l’État républicain, porter atteinte au cadre d’exercice de nos libertés, et saper notre modèle social.
M. Jean-Paul Garraud. Absolument ! Dans les droits de l’homme, il ne faut pas oublier le citoyen.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Le maintien d’un haut niveau de protection sociale n’est pleinement compatible qu’avec une lutte sans merci contre l’immigration illégale et le travail illicite. Et le libre séjour sans condition n’est pleinement conciliable qu’avec un libéralisme sans frein. Abolir les frontières, ce serait rallier les apôtres des seules règles du marché mondial.
Selon les chiffres de l’ONU, le trafic d’êtres humains passera l’an prochain au deuxième rang mondial par le chiffre d’affaires, toujours loin derrière le trafic de drogues, mais désormais devant le trafic d’armes.
Mme Sandrine Mazetier. Que contient ce projet de loi pour lutter contre la traite humaine, monsieur le ministre ?
Mme Pascale Crozon. Rien !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Chaque jour, au cœur de nos villes, sur les trottoirs de la prostitution et de la mendicité, dans les ateliers clandestins, sur les chantiers de travaux publics, dans les arrière-cuisines de restaurants, des hommes et des femmes sont exploités dans des conditions inhumaines et indignes.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très juste !
M. Jean-Paul Garraud. La réponse est là !
M. Jean-Pierre Dufau. Il suffirait de les régulariser !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Les mesures de régularisation massive sont immédiatement vouées à l’échec par l’arrivée de nouveaux flux illégaux qu’elles suscitent.
M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout à fait !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. La France et l’Europe doivent réaffirmer qu’elles ne toléreront pas ces dérives.
Les premiers pas vers une politique européenne d’immigration ont été accomplis avec le pacte que j’ai cité du 16 octobre 2008 et les trois directives qui l’ont suivi. Je souhaite que ce projet de loi contribue, à son tour, à cette politique européenne de l’immigration juste et humaine que nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour être efficace, la politique française de maîtrise de l’immigration doit être réactive et concertée avec nos principaux partenaires européens. Depuis 2002, grâce à Nicolas Sarkozy, les pouvoirs publics l’ont bien compris, en élaborant plusieurs lois importantes sur le sujet…
M. Pascal Deguilhem. Pour quel résultat ?
M. Thierry Mariani, rapporteur. …et en sensibilisant leurs homologues européens sur les enjeux de cette question de dimension désormais communautaire, qui préoccupe légitimement les citoyens de l’Union européenne.
La présidence française du Conseil de l’Union européenne, au second semestre de l’année 2008 a été, chacun en convient, l’occasion d’avancées remarquables en la matière.
Elle a tout d’abord donné lieu, les 15 et 16 octobre 2008, à l’adoption par le Conseil européen d’un pacte européen sur l’immigration et l’asile, qui a formalisé cinq engagements communs à l’ensemble des États membres et qui représente ainsi le socle d’une vision partagée sur ces questions.
Elle a ensuite permis l’aboutissement ou, à tout le moins, l’avancée décisive de trois directives qui, après les premières directives relatives au statut de résident de longue durée et au regroupement familial de 2003 puis les directives sur les étudiants et les chercheurs de 2004 et 2005, touchent à des domaines essentiels à la maîtrise des flux migratoires sur le sol européen.
Ces trois directives, relatives respectivement aux normes et procédures applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière, dite directive « retour », aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié, dite directive « carte bleue européenne », et aux normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « sanctions », doivent être transposées entre décembre 2010 et juin 2011. Il est heureux que, sur un sujet aussi essentiel, le Gouvernement ait décidé de respecter ces échéances en soumettant au Parlement français, comme vous le faites aujourd’hui, un projet de loi de transposition dans les meilleurs délais.
Pour autant, le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité est davantage qu’un simple texte de transposition de directives européennes. Il comporte en effet des dispositions qui traduisent des choix politiques propres à la France.
M. Jean-Pierre Dufau. Hélas !
M. Thierry Mariani, rapporteur. Il en va ainsi, notamment, des mesures relatives au droit de la nationalité et au contrat d’accueil et d’intégration, qui s’inscrivent dans le prolongement des conclusions du débat sur l’identité nationale et qui visent à donner une plus large importance à l’implication personnelle des étrangers qui séjournent en France ou qui aspirent à devenir français dans le processus d’intégration que leur propose la République et, in fine, à leur naturalisation.
(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président
M. Thierry Mariani, rapporteur. Il en va de même de l’élargissement du ressort des zones d’attente, pour tirer les enseignements des difficultés rencontrées dans la prise en charge et dans le traitement des cas d’une centaine d’immigrants kurdes échoués sur une plage de Corse du Sud le 22 janvier 2010.
Tel est également le cas, ensuite, de la réforme du contentieux de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. La transposition de la directive « retour » contraignant notre pays à une réforme de ses procédures, il y avait là une bonne occasion de simplifier un contentieux excessivement complexe, caractérisé par un enchevêtrement des compétences des juges administratifs et judiciaires, mis notamment en avant par le rapport de la commission sur le cadre constitutionnel de la politique d’immigration, présidée par Pierre Mazeaud.
Je me félicite que le Gouvernement ait repris les propositions du rapport Mazeaud visant à mieux encadrer les décisions des juges des libertés et de la détention. Je considère en effet que les distorsions considérables de politiques jurisprudentielles selon les tribunaux sont tout à fait injustifiées et démoralisent le travail des forces de l’ordre qui n’arrivent, bien souvent, plus à savoir ce qu’il faut faire pour ne pas voir annuler une procédure !
Enfin, il en va également du transfert à l’office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des salariés étrangers sans titre, ainsi que de la modification des termes de l’immunité pénale pour l’aide humanitaire aux étrangers.
En définitive, la discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité offre au Parlement une nouvelle occasion de débattre assez largement de la politique d’immigration menée en France et en Europe.
Certes, celle-ci a d’ores et déjà donné des résultats tangibles, comme en attestent, depuis 2006, le rééquilibrage de l’immigration pour motifs professionnels par rapport à l’immigration familiale – le rapport entre les deux étant passé de 16 % en 2003 à 33 % en 2008 –, ainsi que le redressement très net du nombre de mesures de reconduite à la frontière effectivement exécutées : 29 288 en 2009 contre 11 692 en 2003. Il convient cependant de conforter et d’amplifier ces résultats, en adaptant le cadre juridique de notre politique d’immigration aux nouveaux défis que revêt celle-ci. En cela, le débat qui s’ouvre est on ne peut plus légitime.
Le 15 septembre dernier, la commission des lois a souscrit aux principales orientations de ce texte. Elle en a néanmoins substantiellement enrichi le contenu,…
M. Serge Blisko. Aggravé, plutôt !
M. Thierry Mariani, rapporteur. …à l’initiative du Gouvernement et du rapporteur, mais aussi du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, dont tous les amendements ont été adoptés, ainsi que de plusieurs députés de la majorité et de l’opposition. Personnellement, je me félicite de la qualité des échanges, très longs, que nous avons eus, qui illustrent la large prise de conscience – j’oserais dire enfin ! –, sur tous les bancs, des problèmes induits par une immigration non maîtrisée, tant en termes de sécurité publique que d’emplois ou de dérives de nos comptes publics et sociaux.
Au regard du nombre important d’amendements adoptés en commission, vous me pardonnerez, mes chers collègues, de n’insister, à ce stade de nos débats, que sur les apports les plus significatifs qui en ont résulté.
Pour ce qui concerne les dispositions relatives à la nationalité, sujet ô combien symbolique et essentiel, la commission a accepté de surseoir au débat sur la réintroduction d’une manifestation de volonté à la majorité des jeunes étrangers nés de parents étrangers sur le sol français dans l’attente des conclusions de la mission de réflexion annoncée par l’exécutif.
M. Jacques Myard. C’est bien dommage !
M. Thierry Mariani, rapporteur. Elle n’en a pas moins adopté quatre dispositions nouvelles de portée majeure :
En premier lieu, la commission a souscrit à la proposition du Gouvernement de prévoir la possibilité de déchoir de la nationalité française les ressortissants d’origine étrangère ayant attenté à la vie de dépositaires de l’autorité publique, cette mesure nous semblant conforme aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 juillet 1996 sur la loi sur le terrorisme ;
En deuxième lieu, nous avons choisi de préciser davantage le niveau et les modalités de contrôle de la connaissance de la langue française requise des candidats à la naturalisation et des conjoints de Français, la voie réglementaire devrait en effet se référer à des standards techniques proches de ceux qui s’appliquent en Europe et prévoir une certification par des organismes spécialisés, de manière à objectiver davantage l’entretien d’assimilation en préfecture ;
En troisième lieu, nous nous sommes prononcés en faveur d’une déclaration préalable des nationalités conservées en plus de la nationalité française pour ceux qui accèdent au statut de ressortissant français, sans pour autant remettre en cause le principe de la bi ou multinationalité, qui est répandu dans le monde et fait partie de nos traditions ;
En quatrième lieu, nous avons allongé à trois ans les délais permettant au Gouvernement de prendre un décret de retrait de la nationalité, à raison d’erreurs commises dans l’instruction des dossiers ou de fraudes caractérisées.
S’agissant des dispositifs relatifs aux zones d’attente, la commission a partagé l’objectif du Gouvernement de permettre la création de zones d’attente temporaires. Mais il nous a semblé important de mieux encadrer le dispositif afin qu’il soit vraiment utilisé pour des afflux temporaires d’étrangers et éviter toute utilisation en dehors de ce cadre. Nous avons donc fixé un seuil de dix étrangers, en dessous duquel il nous semble que les procédures de droit commun peuvent être mises en œuvre.
S’agissant des décisions d’éloignement, nous avons eu une lecture plus littérale de la directive « retour », car nous avons estimé que l’interdiction de retour devait être, conformément aux termes précis de la directive, le principe dans deux cas : si le délai de retour volontaire n’a pas été respecté et si aucun délai de départ volontaire n’a été accepté. Il ne s’agira pas pour autant d’une mesure automatique puisque des considérations humanitaires pourront être prises en compte. De plus, il sera toujours possible de lever cette interdiction de retour pour accorder une régularisation.
Sur les procédures contentieuses, la commission a voté une disposition incluant la décision relative au séjour parmi celles que le juge administratif devra juger en urgence. Il nous semble en effet que la nouvelle architecture des procédures contentieuses va accroître la charge de travail de la juridiction administrative et que la mesure de simplification que nous proposons pouvait rationaliser un peu le contentieux des étrangers. Une chose est certaine, pour que cette réforme fonctionne, il faudra, quoi qu’il arrive, que la juridiction administrative dispose des moyens correspondant à ses nouvelles prérogatives. Je pense, monsieur le ministre, que vous pourrez nous rassurer sur ce point pendant les débats.
En matière de lutte contre l’emploi d’étrangers clandestins, la commission des lois a veillé à préserver les employeurs de bonne foi de sanctions potentiellement lourdes de conséquences. Elle a aussi intensifié, grâce à notre collègue Arnaud Robinet, l’étendue du contrôle effectué en instaurant une procédure sécurisée de vérification des déclarations et du paiement des contributions sociales par les donneurs d’ordres à l’égard de leurs sous-traitants.
De même, sur proposition du groupe SRC, il a été précisé que les sommes dues par les employeurs aux salariés étrangers en situation irrégulière devront être versées dans un délai de trente jours et que ces salariés pourront apporter la preuve, par tout moyen, d’une durée d’emploi supérieure à la durée minimale présumée. Enfin, dans un souci de simplification et d’optimisation des procédures, la commission a décidé de transférer au Trésor public le recouvrement des amendes administratives applicables aux employeurs d’étrangers sans titre, l’OFII n’étant pas, de son propre aveu, dimensionné pour une telle mission.
Avant de conclure, je dois faire état de dispositions nouvelles plus ponctuelles, mais elles aussi très importantes, que la commission des lois a introduites dans le projet de loi.
Tout d’abord, dans l’attente d’une réflexion d’ensemble sur ce thème, nous avons voulu aborder la question de l’aide médicale de l’État, qui donne une couverture médicale entièrement gratuite aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis plus de trois mois. En Europe, seuls l’Espagne et le Portugal offrent un accès aux soins aux clandestins dans des conditions aussi favorables.
En ces temps de contrainte budgétaire, qu’il me soit simplement permis de préciser que les dépenses de l’aide médicale d’État ont explosé depuis deux ans.
Mme Pascale Crozon. Ce ne sont pas eux ! Il ne faut pas exagérer.
M. Thierry Mariani, rapporteur. Elles ont augmenté de 13,3 % en 2009 et pour 2010, la tendance observée s’approche des 17 % de hausse, ce qui amènerait les dépenses d’AME à 600 millions d’euros par an !
M. Serge Letchimy. Et c’est dû aux étrangers ?
M. Thierry Mariani, rapporteur. Très modestement, je dirais même trop modestement, nous avons décidé la création d’un guichet unique, à la caisse primaire d’assurance maladie, pour mettre fin à une situation dans laquelle les étrangers en situation irrégulière pouvaient déposer un dossier de demande à quatre organismes différents, ce qui permettait toutes les fraudes possibles et en tout cas interdisait un quelconque contrôle efficace.
Sur le sujet, différent, de la carte de séjour attribuée aux étrangers malades, nous avons seulement décidé d’en revenir à une interprétation plus raisonnable…
M. Serge Blisko. Plus restrictive !
M. Thierry Mariani, rapporteur. …de la notion d’accès aux soins dans le cadre de la délivrance de cette carte de séjour, interprétation qui avait cours jusqu’au 7 avril de cette année, date à laquelle le Conseil d’État a changé sa jurisprudence sur le sujet. En réalité, on en revient simplement à l’application de la loi de M. Chevènement et à l’interprétation que vous-mêmes, chers collègues socialistes, en aviez faite pendant des années, rien de plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il ne s’agit donc en aucun cas d’arrêter de soigner les étrangers atteints de grave maladie, mais seulement de ne pas systématiquement, en plus des soins, leur attribuer une carte de séjour avec tous les avantages afférents – accès à l’emploi, regroupement familial, etc.
Mme Danielle Bousquet. Eh bien oui ! C’est mieux qu’ils ne travaillent pas !
M. Thierry Mariani, rapporteur. À l’initiative de nos collègues Jean-Paul Garraud et Claude Greff, nous avons également renforcé les sanctions à l’encontre des étrangers contractant des mariages insincères dans le but d’obtenir un titre de séjour ou la nationalité française. Désormais, les étrangers ayant effectué un mariage « gris » seront notamment passibles de sept ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Par ailleurs, sur la suggestion de nos collègues Éric Diard et Jean-Paul Garraud, les procédures du droit d’asile ont été rationalisées, de manière à éviter les abus en matière d’octroi de l’aide juridictionnelle et à faciliter les instances de la CNDA pour les demandeurs d’asile résidant outre-mer.
En définitive, mes chers collègues, le texte dont notre assemblée a à débattre embrasse l’ensemble des aspects de l’immigration. À ce titre, il doit être considéré non comme un simple texte de transposition de directives, mais bien comme une réforme globale majeure. Je ne doute pas que nos travaux permettent encore de l’améliorer, dans l’intérêt réciproque de nos concitoyens, des étrangers en situation irrégulière et même des victimes d’une exploitation économique inadmissible sur notre territoire. Pour ma part, bien évidemment, je soutiendrai ce texte et, avec mes collègues de la majorité, je veillerai à l’améliorer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la recherche, toujours difficile, d’une politique d’immigration qui concilie efficacité et justice. Il renforce non seulement la politique d’intégration et d’ouverture à l’immigration de travail, mais aussi les outils de lutte contre l’immigration irrégulière et contre l’emploi d’étrangers dans des conditions irrégulières. La commission des affaires sociales s’est saisie pour avis du titre IV qui porte spécialement sur ce dernier point : les droits des salariés étrangers employés illégalement et les sanctions dont sont passibles leurs employeurs.
On ne sait pas exactement, par définition, combien d’étrangers sans papiers vivent dans notre pays. On dit souvent qu’ils seraient de 200 000 à 400 000 ; ce qui est certain, c’est que plus de 200 000 sont inscrits à l’aide médicale d’État qui leur est destinée et que 70 000 à 80 000 étrangers en situation irrégulière sont interpellés chaque année.
Certains seulement de ces étrangers travaillent. Les seules sources objectives disponibles sur le travail des étrangers en séjour irrégulier sont celles qui rendent compte de l’activité de contrôle et de répression des services compétents. Les infractions constatées en matière d’emploi d’étrangers sans titre de travail apparaissent de plus en plus nombreuses. Le nombre de personnes mises en cause, c’est-à-dire d’employeurs, dans ces faits, a quasiment triplé de 2006 à 2009, passant de 1 200 à 3 200.
Le mouvement social conduit par des travailleurs sans papiers qui exigent leur régularisation depuis plus d’un an a par ailleurs donné une autre visibilité à la question. Il aurait concerné plus de 6 000 personnes, employées notamment dans le bâtiment et les travaux publics, la restauration et le gardiennage. Plus de 1 600 demandes de régularisation ont été déposées dans le cadre des circulaires prises par le Gouvernement.
Le dispositif légal et réglementaire qui réprime l’emploi irrégulier d’étrangers est déjà substantiel, avec tout un arsenal de sanctions pénales et administratives telles que des amendes administratives et l’exclusion des aides publiques.
À cet égard, je regrette que cette réglementation, qui doit légitimement être sévère et que nous allons renforcer, ne distingue pas mieux deux cas de figure lorsque les étrangers en cause sont employés et déclarés sur la base de faux documents : l’employeur peut être à l’initiative ou complice de la falsification ; il peut aussi être trompé par le salarié. Or le droit actuel ne prend pas clairement en compte cette différence de situation entre employeurs de bonne foi ou non. Le code du travail dispose en effet que « Nul ne peut, directement ou par personne interposée » employer un étranger sans titre, créant ainsi une sorte de prohibition objective sans qu’une intention frauduleuse de l’employeur ait à être établie pour fonder des sanctions. Cela a des conséquences : l’employeur qui découvre qu’un de ses salariés s’est fait embaucher sur la base de faux documents en subit les conséquences – amende administrative à l’OFII, éventuelle contribution aux frais de reconduite et versement d’une indemnité forfaitaire – sans que son éventuelle bonne foi puisse l’en exonérer.
M. Claude Goasguen. Exact !
M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis. Il faudrait avancer sur cette question, même si l’équilibre à trouver sur ce point est délicat. La commission des lois a adopté un amendement en ce sens ; j’espère, monsieur le ministre, qu’il pourra constituer une bonne base de travail pour clarifier ce point.
Si l’on change de point de vue et que l’on regarde la situation des étrangers employés sans titre, on constate que le code du travail leur reconnaît déjà des droits : ils sont assimilés, à compter de la date de leur embauche, à des salariés régulièrement engagés pour ce qui concerne les obligations de l’employeur relatives à la réglementation du travail. En cas de rupture de la relation de travail, le salarié étranger sans titre a droit à une indemnité forfaitaire d’un mois de salaire, sauf application de règles légales et conventionnelles plus favorables.
Un autre aspect doit être souligné, le caractère européen de la question de l’immigration. Celle-ci est maintenant au cœur des préoccupations de nombreux membres de l’Union européenne et est devenue, ces dernières années – il faut s’en féliciter – un objet de l’action communautaire. Le présent projet de loi transpose d’ailleurs dans notre droit national trois directives européennes, le titre IV dont nous parlons transposant en particulier la directive dite « sanctions » du 18 juin 2009, qui concerne les mesures à l’encontre des employeurs d’étrangers en séjour irrégulier.
Les mesures du titre IV s’inscrivent dans quatre axes.
Premier axe : une extension de la coresponsabilité des « donneurs d’ordre », solidairement tenus avec leurs cocontractants à certains paiements. En effet, la directive distingue deux niveaux de responsabilité des donneurs d’ordre : vis-à-vis des salariés étrangers en situation irrégulière employés directement ou par leurs sous-traitants directs ; vis-à-vis des salariés de leurs sous-traitants indirects, mais seulement si ces donneurs d’ordre étaient au fait de la situation d’emploi illégal.
M. Claude Goasguen. Eh oui ! C’est clair !
M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis. Le code du travail prévoit déjà le premier niveau de co-responsabilité, vis-à-vis des sous-traitants directs. Les articles 57, 60, 61 et 62 du projet de loi prévoient aussi une responsabilité des donneurs d’ordre vis-à-vis de l’ensemble de leur chaîne de sous-traitance, dès lors qu’ils recourent « sciemment » à des sous-traitants indirects qui emploient des étrangers sans titre de travail. Par ailleurs, la portée de cette coresponsabilité est élargie : actuellement limitée à des amendes administratives, le projet de loi l’étend aux salaires et arriérés de salaire, frais d’envoi de ceux-ci et indemnités de rupture de la relation de travail.
Deuxième axe du titre IV : l’accroissement et la sécurisation des droits financiers des étrangers employés sans titre. L’article 58 institue une présomption, sauf preuve contraire, que la relation de travail a duré trois mois, donc doit donner lieu au versement d’arriérés de salaire équivalents, et porte de un à trois mois de salaire l’indemnité forfaitaire en cas de rupture de la relation de travail. Ces deux fois trois mois de salaire permettront aux étrangers employés sans titre de bénéficier de droits voisins de ceux des salariés dont l’emploi n’a pas été déclaré, qui perçoivent une indemnité égale à six mois de salaire.
Par ailleurs, l’article 59 vise à garantir l’effectivité des droits financiers des travailleurs étrangers sans titre. Il prévoit, d’une part, une obligation de versement pesant sur l’employeur, sous un délai fixé par décret en Conseil d’État, des sommes dues à ces travailleurs ; d’autre part, un dispositif permettant, sous le même délai, la consignation et le reversement des sommes dues aux intéressés, lorsqu’ils sont placés en rétention ou renvoyés dans leur pays.
Le renforcement des sanctions contre les employeurs constitue le troisième axe du titre IV, avec les articles 65 à 67, qui ont notamment pour objet d’instaurer des mesures administratives de fermeture d’établissement et d’exclusion des marchés publics. Ces articles suscitent des réactions mitigées non seulement chez les organisations patronales, ce qui se comprend, mais même chez les syndicats de salariés comme la CGT ou la CFDT, qui s’inquiètent d’une éventuelle contradiction entre l’annonce d’un renforcement des sanctions et la démarche de régularisation des situations des sans-papiers engagée suite au récent conflit. Sans doute faudra-t-il veiller à ce que ces nouvelles prérogatives, parfois nécessaires face à des situations particulièrement abusives, soient utilisées avec mesure par l’administration.
Enfin, quatrième axe, l’article 64 porte sur les pouvoirs des agents chargés de contrôler le travail dissimulé. Ces agents disposent déjà du pouvoir d’entendre des personnes, avec leur consentement, dans le cadre de leur mission de lutte contre le travail dissimulé ; il s’agit d’étendre ce pouvoir à la lutte contre toutes les formes de travail illégal.
La commission des affaires sociales a donné un avis favorable au titre IV, sous réserve d’amendements que la commission des lois a bien voulu reprendre et intégrer à son texte. L’un de ces amendements vise à améliorer la lutte contre le travail non déclaré, c’est-à-dire la fraude aux cotisations sociales, indépendamment d’ailleurs de la régularité ou non du séjour des salariés en cause. Il obligera les sous-traitants à fournir à leur donneur d’ordre un document attestant du paiement des charges sociales, ce qui facilitera pour celui-ci le contrôle de la concordance du nombre de salariés déclarés et de salariés effectivement présents sur le chantier en cause. À l’initiative du groupe SRC, nous proposons aussi que la preuve de la durée de la relation de travail d’un salarié étranger en situation irrégulière, pour le calcul des salaires qui lui sont dus, puisse être faite par tout moyen. Enfin, nous avons voulu veiller à la proportionnalité des sanctions en spécifiant que la mesure d’exclusion des marchés publics devrait être prononcée en tenant compte de la gravité et de la répétition des faits d’emploi d’étrangers sans titre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Sixième projet de loi en huit ans – Thierry Mariani l’a dit – relatif à l’immigration et l’asile, le projet de loi intitulé « Immigration, intégration et nationalité », présenté au printemps dernier, signait d’emblée l’échec de la politique migratoire du Gouvernement théorisée par Nicolas Sarkozy alors qu’il était ministre de l’intérieur. Celui-ci prétendait alors régler le « chaos migratoire » en prônant l’immigration dite « choisie » : on allait énergiquement mettre de l’ordre et, par un cercle vertueux, le refus des uns – familles, peu qualifiés – garantirait l’arrivée et l’intégration des autres, étrangers diplômés et qualifiés, heureux gagnants des titres de séjour. On fermait Sangatte pour adresser un message au monde entier et mettre fin à « l’appel d’air ». Huit ans plus tard, quelle est la situation ?
Même en tordant les chiffres, le ministère a le plus grand mal à démontrer que l'immigration se produit désormais majoritairement pour motif professionnel, et Thierry Mariani se prête aussi à ces distorsions. Le nombre de cartes compétences et talents est tellement ridicule que vous n’osez plus en parler.
De politique d'intégration, on ne parle plus non plus, comme si tout se passait merveilleusement bien dans ce domaine, et les territoires qui accueillent effectivement les populations étrangères sont tenus à l'écart des décisions qui les concernent. Le budget consacré à l'accueil et l'intégration a fondu.
Quant à la lutte contre l'immigration irrégulière, dont Arnaud Robinet vient de parler, des centaines de milliers de personnes, entre 200 000 et 400 000 selon votre prédécesseur, se trouvent en France en situation irrégulière, ou sur le point d'y basculer parce que leur titre de séjour n'est pas renouvelé pour une raison souvent obscure. Ces personnes deviennent alors les proies de toutes les exploitations, de toutes les humiliations.
Les exilés présents sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord survivent désormais dans des jungles et sont encore un peu plus livrés aux mains de réseaux mafieux. Ces réseaux étaient prévenus longtemps à l'avance par vos annonces urbi et orbi de l’intention de démanteler la seule jungle de Calais.
Au terme de cette opération, la plupart des personnes arrêtées ont été relâchées, et vous avez renvoyé en Afghanistan, au mépris de leur vie, quelques pauvres malheureux en prétendant que Kaboul était une zone sûre.
M. Claude Goasguen. Et les soldats français !
Mme Sandrine Mazetier. Le lendemain, un attentat sanglant venait tragiquement démentir vos propos.
Ces constats auraient dû vous amener à la prudence, la modestie, à la réflexion. Or voilà un texte de plus, un texte de trop.
D'ailleurs, après avoir piétiné d'abord la fraternité, avec le délit de solidarité, puis la liberté dans la moitié des articles, c'est aujourd'hui, avec les récents ajouts, à l'égalité devant la loi qu'on s'en prend, soit au dernier pilier de notre pacte républicain.
Demain, si ce projet de loi passait en l'état, ou s’enrichissait d’amendements déposés par certains membres de l’UMP, pour un même crime ou délit, on ne serait pas sanctionné de la même manière selon que l'on est Français de souche, potentiels, naturalisés, ou étrangers. Certains s'apprêtent à trier les justiciables : il y aurait les étrangers dont on sanctionnera spécifiquement l'insincérité des intentions matrimoniales, c’est l’article 21 ter ; les mineurs délinquants potentiellement français dont certains à l'UMP trouvent astucieux de traiter non la délinquance mais la nationalité ; les Français naturalisés et enfin les Français de souche et de sang.
Après ces reniements successifs, La France va-t-elle mieux pour autant ? C'est naturellement tout l'inverse, et les Français le voient. Cette politique du coup de menton et de la diversion, dont l'été a fourni un raccourci saisissant, n'a non seulement rien réglé mais a des conséquences désastreuses : ce ne sont plus seulement les droits fondamentaux des étrangers qui sont bafoués, quand la vocation historique de la France est de proclamer et de défendre l'universalité des droits. Ce sont aussi les Français qui sont inquiétés et déstabilisés, et la France qui est abîmée aux yeux du monde par les différentes mesures votées depuis quelques années, et encore présentées dans ce texte.
Mme Sophie Primas. Sortez les mouchoirs !
Mme Sandrine Mazetier. Malheur à ceux qui aiment un étranger, leur droit à vivre en famille est remis en cause. Et désormais avec l'article 23 qui instaure un bannissement de trois ans sans garantie de fin, des familles seront ainsi indéfiniment séparées.
Malheur à ceux dont les grands parents ne sont pas nés en France métropolitaine, leur qualité de Français est douteuse, comme l'ont douloureusement découvert des centaines de personnes anonymes ou plus célèbres comme Daniel Karlin ou Anne Sinclair.
Malheur enfin à ces Français qui n'ont pas l'air de l'être, selon les critères de ce que d’aucuns nomment le corps traditionnel français, leur couleur de peau les désigne comme sujets d'incessants contrôles d'identité.
Mme Sophie Primas. Ça suffit !
M. Bernard Roman. Mais c’est la vérité !
Mme Sandrine Mazetier. Votre projet de loi, déjà au printemps, et davantage encore avec ses derniers ajouts, dégrade encore la France au sein des démocraties et en Europe.
Avec vous, le recul de l'état de droit est généralisé, ce texte en est un exemple supplémentaire. Dans un État de droit, la liberté est la règle, sa privation, l'exception. Pourtant 800 000 personnes se sont retrouvées en garde à vue l'an dernier dans ce pays, dont près de 10 % d'étrangers. Et vous vous apprêtez à banaliser encore davantage la privation de liberté, par la création des zones d'attentes aux articles 6 à 12, ou par l’allongement de la durée maximale de la rétention de trente-deux à quarante-cinq jours, dans l'article 41.
L'État de droit, le contrôle des juges sur les actes de l'administration dérange ? Le projet de loi les marginalisent et réduit leur pouvoir d'appréciation, en étendant le champ et la durée de l'arbitraire et du discrétionnaire.
Les irrégularités de procédures commises à l'égard des étrangers se multiplient sous la pression de la politique du chiffre ? Au lieu de rétablir le droit, vous différez au contraire la notification des droits, vous organisez la purge des nullités.
Les reconduites effectives à la frontière sont insuffisantes ? Vous allongez symboliquement la durée de la rétention, donc son coût pour le contribuable, alors même que chacun sait que ce n'est pas la durée de la rétention qui détermine la possibilité d'éloigner effectivement une personne en situation irrégulière.
Vous faites d'ailleurs dire aux directives européennes ce qu'elles ne disent pas : rien dans la directive « retour » n'oblige à créer de zones d'attente supplémentaire, mobiles, rien n'oblige à allonger la durée de la rétention. Un ministre de la République, votre prédécesseur, s’était d’ailleurs engagé sur ce point dans cet hémicycle en réponse à une question de Serge Letchimy.
La clause de sauvegarde prévue à l’article 4 de la directive « retour » prévoit explicitement que sa transposition doit se faire sans préjudice de dispositions plus favorables dans le droit national pour les personnes concernées. Mais au contraire vous trahissez l’esprit et la lettre des directives : l'esprit de la directive « retour » c'est de privilégier les départs volontaires sur la contrainte.
M. Bernard Roman. C’est le contraire de ce que vous faites.
Mme Sandrine Mazetier. Votre texte, dans son article 23, prévoit huit hypothèses qui permettent à l'administration de refuser d'accorder un délai de départ volontaire. Quelle imagination !
La lettre de la directive, c'est de limiter la privation de liberté : « Toute rétention est aussi brève que possible » prévoit son article 15, qui conditionne également la rétention à « des perspectives raisonnables d'éloignement. »
L'article 17 de la directive précise que : « Les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu'en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible. »
Où sont donc, monsieur le ministre, les dispositions du texte transposant ces articles de la directive ? Où sont les éléments de garanties procédurales élémentaires : effectivité et caractère réellement suspensif d'un recours ?
S’agissant de la directive « sanctions », vous la transposez à votre manière, et en manifestant une extraordinaire mansuétude à l’égard des donneurs d’ordre, pourtant impliqués dans ce que vous appelez l’exploitation de l’immigration clandestine.
Quant à la directive « carte bleue », qui n’est pas la pire, elle prévoit des conditions de rémunération que vous avez augmentées, afin qu’elles offrent des possibilités de circulation accrues pour les cadres de grands groupes ayant des établissements dans différents pays européens et que cette directive concerne, c’est-à-dire peu de monde.
La France, moteur historique de la construction européenne, dont la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a inspiré toutes les grandes démocraties dans le monde et la rédaction de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la France légitimement intransigeante sur la liberté, l'égalité et la fraternité, la France est aujourd'hui – honte à vous ! – sous la menace d'une procédure d'infraction à la législation européenne.
M. Claude Goasguen. Ah bon ?
Mme Sandrine Mazetier. Et que faites-vous ? Au lieu de retrouver l'avant-garde européenne dans la défense et la promotion des valeurs universelles qui font de cet espace une construction politique inédite, qui témoigne qu'un monde démocratique, équilibré et pacifié est possible, vous tirez un trait sur les principes généraux du traité de Rome pourtant constitutif de la citoyenneté européenne et sur les dispositions de la directive de 2004 sur la libre circulation.
Non content d'avoir démontré au monde entier cet été que vous pratiquiez les expulsions collectives au mépris du droit, ciblant explicitement une minorité et violant les garanties procédurales fondamentales des citoyens européens, vous aggravez le cas de la France par les articles 17 A, 25 et 49 de ce texte, vous portez atteinte au droit à la libre circulation, vous plaquez sur le séjour de moins de trois mois des conditions prévues pour l'installation durable de ressortissants européens en France.
Tout au long de l'examen de ce texte, nous mettrons en lumière l'ensemble des dispositions anticonstitutionnelles qui le caractérise et le recul de l'État de droit dont il est empreint. Permettez-moi d'en évoquer certaines qui justifient d'emblée le rejet préalable.
À commencer par l'article 3 bis sur la déchéance de nationalité, qui ne viole rien de moins que l'article 1er de notre Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. »
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. C’est le cas.
Mme Sandrine Mazetier. Même lorsqu'en 1996, le Conseil constitutionnel a admis l'introduction du terrorisme dans les motifs de déchéance, il a rappelé dans un même mouvement : « qu'au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation ».
Depuis le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, nombreuses sont les voix au Gouvernement ou dans la majorité à en atténuer la portée. De fait, la disposition prévue à l'article 3 bis ne s'appliquerait qu'à un très faible nombre de cas, et nous le souhaitons, s’agissant de la mort de représentants de l’ordre, et son caractère dissuasif à l'égard des criminels qu'elle est censée impressionner est probablement nul.
Mais la portée symbolique du discours du Président de la République est déflagratoire pour la société. Elle ébranle les fondements mêmes de notre pacte républicain, elle heurte une certaine idée de la France et de la conception de la nationalité française, qui s'exprime continûment depuis la Révolution française à tous les moments clés de notre histoire. Depuis la Révolution, la nation se confond avec la république. C'est ce discours distinguant les Français d'origine étrangère des autres Français, prononcé par celui qui est pourtant constitutionnellement le garant de nos institutions, qui trouve dans ce funeste article sa concrétisation.
Ce texte est manifestement anticonstitutionnel au regard de l'article 66 de notre Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »
Les articles 6 à 12 créent des zones d'attente que vous qualifiez de temporaires mais dont rien dans le texte ne précise le caractère éphémère. La zone d'attente est un régime de privation de liberté, comme l'a précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 février 1992, considérant à propos du maintien en zone de transit que conférer à l'autorité administrative « le pouvoir de maintenir durablement un étranger en zone de transit, sans réserver la possibilité pour l'autorité judiciaire d'intervenir dans les meilleurs délais » était contraire à la Constitution.
Si le projet de loi est adopté en l'état, nombre des personnes dont la seule constatation de la présence est constitutive de ces zones d'attente risquent d'être éloignées sans que le juge des libertés et de la détention ait pu exercer son contrôle en tant que gardien de la liberté individuelle.
L'article 37 du projet de loi prévoit l'allongement du délai de saisine du juge des libertés et de la détention en le portant de quarante-huit heures à cinq jours. Or le juge constitutionnel est très clair, il avait considéré inconstitutionnel le maintien en détention pendant sept jours sans que le juge judiciaire n'intervienne. Le Conseil constitutionnel rappelait alors que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».
Le plus court délai possible, c'est celui qui est aujourd'hui pratiqué : quarante-huit heures. Rien ne justifie que vous l'allongiez, sauf à considérer que la sauvegarde de la liberté individuelle est un principe anecdotique.
Vous contrevenez non seulement à la Constitution, mais aussi à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui dans son article 5 est également très claire en précisant que : « Toute personne arrêtée ou détenue (…) doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. »
Vous tentez par ailleurs par tous les moyens de réduire les droits de la défense et le pouvoir d'appréciation du juge, ce qui rend les procédures déséquilibrées et inéquitables par avance. Les articles 8, 12, 42 et 43 du projet de loi instaurent un système inacceptable de purge des nullités, spécifique au contentieux des étrangers, faisant d'un étranger un justiciable de seconde zone.
Et comme si cela ne suffisait pas, l'article 39 du projet de loi instaure la notion de « grief substantiel ». Mais toute atteinte au droit est substantielle, a fortiori quand la vie d'un individu ou la sauvegarde de son intégrité et de sa dignité sont en jeu, comme c'est le cas de nombreux demandeurs d'asile que vous souhaitez refouler. Il s'agit là encore d'éloigner le juge en limitant les cas dans lesquels le juge pourrait sanctionner les irrégularités qu'il constate. L'interprétation du caractère substantiel d'une « atteinte aux droits », notion éminemment subjective, générera à n'en pas douter un contentieux infini.
L'article 38 du projet de loi retarde la notification des droits. Les droits des étrangers interpellés seront mis entre parenthèses, au gré de l'administration, et pendant une durée indéterminée, jusqu'à à l'arrivée dans un lieu de rétention, en dehors de tout cadre juridique, de tout contrôle et de toute forme de sécurité.
Quand à la brièveté des délais de recours, tels qu'ils sont prévus par la procédure d'urgence, elle ne rend pas ces derniers effectifs.
Vous banalisez l'enfermement à l’article 23, et l'article 41 du projet de loi allonge la durée de rétention administrative.
Par ailleurs, le Président de la République avait annoncé que, à partir de l’automne, on allait « délégiférer ». Nous y sommes. Certains articles de ce projet défont des lois dont Thierry Mariani était, il n’y a pas si longtemps, le rapporteur. Ainsi, vous délégiférez en supprimant la commission nationale d’admission exceptionnelle au séjour. Sans doute le contrôle qu’exerçaient les membres de cette commission sur les critères de régularisation était – il encore trop lourd et insupportable à vos yeux.
Pour nous, il est temps de rompre avec cette spirale dans laquelle la France se perd elle-même et se perd aux yeux du monde. Notre particularisme à nous, c’est l’universalisme, c’est l’invention, la proclamation et la défense de principes essentiels qui valent pour l’humanité tout entière. Vous leur tournez le dos. Car enfin, il y a pire encore que la douleur d’être seuls et isolés en Europe, posture que certains semblent rechercher, il y a la honte d’être applaudis par Berlusconi et la Ligue du Nord, et d’inspirer à l’extrême droite suédoise ses thèmes de campagne.
Vous proposez de cultiver la fierté d’être Français. Mais monsieur Besson, malgré vous, et tant qu’il y aura des républicains sincères dans ce pays, la France est et sera grande, la France est et sera belle et désirable quand elle tutoiera l’universel, dans la voie singulière qui est la sienne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Nous refusons de singer le pire et d’ânonner des slogans xénophobes.
Nous en appelons à des choix radicalement différents. D’abord, l’asile ne saurait être une variable d’ajustement de la politique migratoire.
M. Serge Blisko. Très bien !
Mme Sandrine Mazetier. C’est un droit présent continûment dans tous nos textes fondateurs, de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en passant par la convention de Genève ou la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Nous présenterons de multiples amendements pour les défendre.
Surtout, la politique migratoire de la France doit sortir du champ stérile et insupportable de la polémique, de l’instrumentalisation, de la stigmatisation et de l’opacité.
Les Français y aspirent. Selon le dernier baromètre BVA, 60 % d’entre eux trouvent qu’on exagère beaucoup le problème de l’immigration. Ils ne sont pas dupes de l’instrumentalisation à laquelle vous vous livrez.
Nous avons proposé que la politique migratoire de la France fasse l’objet d’un débat démocratique d’orientation et d’évaluation à l’Assemblée tous les trois ans, en associant en amont tous les acteurs concernés, les collectivités locales qui assurent l’accueil, et les partenaires sociaux puisque vous parlez tant d’immigration et d’emploi. Pourquoi le refusez vous ?
M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est anticonstitutionnel.
M. Claude Goasguen. Et c’est absurde !
Mme Sandrine Mazetier. Nous proposons que rien ne soit tabou, que tout soit sur la table, que les objectifs et les moyens de cette politique et de sa réussite soient énoncés, évalués, ajustés. Qu’avez vous donc à craindre de ce débat ? Peut-être la vérité, l’audace et le consensus qui pourrait s’y faire jour, et qui contrarie cette stratégie de la tension et de la division qui est votre marque.
Nous proposons de sortir de la précarité ces milliers de personnes qui nous rejoignent pour un temps. Sécurisons leur mobilité au lieu de les enfermer dans l’incertitude.
Si la France doute, comme certains le disent, de ses capacités d’intégration, parlons-en au lieu d’être muet comme l’est votre texte, et destructeur comme l’est l’action du Gouvernement en matière d’éducation, de politique de la ville, de logement, de lutte contre les discriminations, de réduction des moyens des pouvoirs publics.
Nous sommes convaincus que l’État de droit, la transparence, l’énoncé de règles claires et stables, et l’ambition de faire gagner la France dans la mondialisation sont plus efficaces et mobilisateurs que le règne actuel de l’arbitraire, du discrétionnaire, de l’opacité.
Mme Danielle Bousquet. Très bien !
Mme Sandrine Mazetier. Il faut pour cela une vision, et des convictions ; elles vous font cruellement défaut.
Les Français, monsieur Besson, ne se fabriquent pas dans un ministère.
M. Serge Blisko. Absolument.
Mme Sandrine Mazetier. Ce sont eux qui fabriquent la France, eux qui la rêvent et la réinventent chaque jour, chaque instant.
Alors oui, nous avons raison de demander le rejet préalable de ce texte, et de considérer, avec les Français, qu’un consensus est souhaitable et possible pour que la France retrouve son influence, pour en finir avec cette France sous influence que vous incarnez. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Madame Mazetier, je vous ai écoutée avec le plus grand intérêt. Je pense qu’en lisant votre discours au Journal officiel, si l’on fait abstraction des mots « République française » on pourra se demander de quel pays vous parlez. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Parliez-vous d’une dictature ?
En vous écoutant à l’instant, je songeais : Mais quelle haine de soi, quelle haine de son pays, quelle caricature, quel dénigrement, quelle autoflagellation, et quelle outrance ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bernard Roman. Même la presse le dit !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Le pays que vous avez essayé de décrire est un pays qui accueille 200 000 étrangers chaque année au titre du long séjour…
Mme Sandrine Mazetier. Pourquoi 200 000 ? Pourquoi pas 250 000 ?
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …dont 50 000 étudiants ; un pays qui accorde deux millions de titres de court séjour chaque année ; le pays le plus généreux en Europe en matière d’asile, le second dans le monde après les États-Unis.
M. Thierry Mariani, rapporteur. Absolument !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. C’est aussi celui dans lequel les demandes d’asile augmentent le plus. Leur nombre est stable au niveau mondial. Depuis deux ans, il a augmenté de 3 % dans l’Union européenne, mais de 45 % en France. Pourquoi cela ? Parce que le droit des étrangers est particulièrement bien respecté en France, parce que le droit d’asile y est particulièrement généreux. Pour prendre un seul exemple, la France est le seul pays au monde où, lorsque le jury de la cour nationale du droit d’asile est constitué, un assesseur représente le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies. Lorsque les pays européens veulent discuter d’asile et partager leurs expériences avec les États-Unis et le Canada, c’est à Paris que cela se passe, comme ce fut le cas il y a trois semaines. Lorsque la ministre de l’intérieur sud-africaine s’interroge sur la façon dont l’Europe évolue en matière d’immigration, c’est en France qu’elle vient – je l’ai vue aujourd’hui même.
Dès lors, pourquoi n’acceptez-vous pas qu’en la matière, la France mène une politique à la fois ferme et juste ?
Elle est ferme et juste pour l’asile, elle l’est pour l’octroi de la nationalité. En 2009, la France a accordé la nationalité à 108 000 étrangers. Rapporté à la population étrangère par pays, ce chiffre fait de nous un pays particulièrement généreux en Europe : dans la tradition républicaine, l’accès à la nationalité française vient sanctionner positivement la réussite de l’intégration.
Mais ce qui peut-être vous pose problème, et ce qui nous distingue, c’est que, dans ce pacte républicain, nous sommes autant attachés aux droits qu’aux devoirs et que nous essayons de rétablir l’équilibre entre eux.
Ensuite, j’ai noté avec intérêt que vous ne voulez pas répondre sur ce qui n’est qu’un simple constat : Pourquoi les socialistes français sont-ils isolés parmi les partis socialistes et socio-démocrates d’Europe ?
M. Jean-Patrick Gille. Ce n’est pas vrai !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. La directive « retour », vous l’avez vilipendée et vous avez été les seuls, parmi les partis socialistes et socio-démocrates européens, à voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Sandrine Mazetier. C’est tout le contraire !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Les socialistes espagnols ont voté pour, les socio-démocrates allemands ont voté pour.
D’autre part, la transposition des directives qui vous est proposée a été votée par les socialistes grecs, par les socialistes espagnols, par les socialistes portugais, par les travaillistes britanniques. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Cela vous pose problème, mais c’est la réalité.
Aussi tous vos cris, vos caricatures, vos outrances n’ont-ils pour objet que de masquer, derrière des envolées lyriques, votre absence totale de proposition et le grand écart absolu auquel vous êtes contraints sur ces questions fondamentales.
Prenons, puisque vous y tenez, la question des Roumains en situation irrégulière. Qui faut-il croire ? Mme Aubry, quand elle demande le démantèlement des campements tout en refusant la reconduite dans le pays d’origine ?
M. Bernard Roman. C’est une position claire !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Ou François Rebsamen qui explique qu’il aurait fait exactement comme le Gouvernement, qu’il fallait démanteler les campements et que c’est à bon droit que la France a reconduit dans leur pays les Roumains en situation irrégulière ?
Prenons maintenant les régularisations, puisque c’est votre préoccupation constante. Aucun d’entre vous n’a encore su expliquer la différence entre la régularisation « large » que demande Mme Aubry et la régularisation « massive ». Vous parlez de « régularisation large sur critères ». Peut-être qu’au cours des nombreuses heures que nous allons passer ensemble, vous nous expliquerez ce que sont ces critères et en quoi vous changeriez la loi.
Mme Sandrine Mazetier. C’est à vous de vous expliquer sur les critères !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Je pourrais multiplier les exemples. Vous n’arrivez jamais à dire très clairement ce que vous abrogeriez, ce que vous proposeriez. Vous vous réfugiez derrière des anathèmes et des pétitions de principe.
Je n’aborde que rapidement les autres points que vous avez évoqués ; nous aurons l’occasion d’y revenir dans la discussion des amendements.
S’agissant du nombre de textes dans ce domaine, je l’avais dit en introduction : la France veut être le fer de lance d’une politique d’immigration et d’asile en Europe. Au niveau européen, cette politique aboutit à l’adoption d’un certain nombre de directives. Que proposez-vous ? Que nous ne les transposions plus et que nous expliquions à nos partenaires européens que nous voulons être fer de lance, mais que nous ne voulons pas transposer les directives ?
Mme Sandrine Mazetier. La directive « retour » n’a rien à voir avec la politique d’immigration !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Chaque fois qu’il y aura une directive, il y aura un projet de loi pour la transposer. Si vous ne voulez pas le faire, vous l’expliquerez.
S’agissant de l’intégration, je vous dirai au cours du débat toutes les mesures que le Gouvernement et mon ministère ont pris depuis des mois pour la favoriser. Une chose me surprend : chaque fois que vous parlez d’acquisition de la nationalité, de titre de séjour, vous parlez systématiquement des humiliations, des vexations, des « raisons obscures » – ce sont vos termes – qui motiveraient l’administration à l’encontre des étrangers. Cela vient-il de ce même parti socialiste qui défend en permanence les fonctionnaires ? Avez-vous pensé que, derrière ce ministère que vous désignez, il y a des femmes et des hommes qui mettent en œuvre de façon digne, humaine, juste et républicaine ces procédures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) En parlant en permanence de « raisons obscures », d’humiliations, ce sont ces fonctionnaires du service public que vous insultez, que vous bafouez. Ils vous écoutent, ils vous regardent et ils vous lisent et le moment venu, vous aurez à rendre compte de vos propos. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bernard Roman. Il n’y a même pas de fonctionnaires dans votre ministère !
M. le président. Je vous en prie, seul le ministre a la parole.
M. Bernard Roman. C’est le faire-valoir d’une politique ignoble !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Dans un tel brouhaha, je n’entends même pas ce que vous hurlez, mais ce n’est pas grave.
S’agissant du démantèlement de la « jungle » de Calais, je l’assume totalement et, je le répète, cela a porté ses fruits. Il y a environ 80 % d’étrangers en situation irrégulière en moins dans le Calaisis…
M. Christian Hutin. Bien sûr, ils sont chez nous à Dunkerque !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …et sur la côte.
Si vous voulez en avoir la confirmation, allez discuter avec la police aux frontières de Menton. Elle vous expliquera comment nous avons, dans le même temps, démantelé beaucoup de filières mafieuses de l’immigration clandestine qui exploitaient ces Afghans, et aussi des Érythréens, des Somaliens et d’autres. Comment pouvez-vous avoir le moindre soupçon de bienveillance à l’égard de ces filières qui exploitent la misère humaine ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce sont elles que nous traquons et une coopération européenne se met en place dans ce domaine.
M. Bernard Roman. Les Afghans, ils crèvent à Calais et à Dunkerque !
M. le président. Seul le ministre à la parole.
M. Bernard Roman. C’est scandaleux !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Lorsque Mme Mazetier multiplie les outrances et les caricatures, cela ne vous pose aucun problème. Mais lorsque j’essaye d’y répondre sobrement, cela déchaîne vos réactions Il est amusant de constater combien vous supportez mal la vérité.
Vous avez évoqué les « Français de souche », mais personne n’a parlé de « Français de souche ». Dans les conventions internationales, dans nos règles constitutionnelles, et dans l’article 25 du code civil, il y a simplement la possibilité de prononcer la déchéance de la nationalité d’une personne récemment naturalisée – c'est-à-dire depuis moins de dix ans – qui aurait porté atteinte aux intérêts supérieurs de la nation.
M. Claude Goasguen. Eh oui ! C’est pourtant clair !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Au moins douze pays membres de l’Union européenne ont déjà exactement les mêmes règles que celles que nous allons adopter. Puisque vous faites mine d’en douter, je vous donnerai la liste de ces pays lorsque nous aborderons l’article 3 bis.
M. Bernard Roman. On s’en fiche !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Nous verrons si vous êtes aussi sûrs de vous lorsque je vous fournirai cette liste.
M. Bernard Roman. Il n’y a qu’un pays des droits de l’homme !
M. Christian Hutin. Monsieur Besson, nous sommes en France !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Il faudra que vous nous expliquiez pourquoi il est légitime de prononcer la déchéance de la nationalité d’une personne qui aurait commis un acte de terrorisme, et pourquoi vous pensez qu’il est indigne de le faire à l’encontre d’une personne qui aurait tué un préfet, un magistrat, un policier ou un gendarme…
M. Bernard Roman. Et tuer un enfant, ce n’est pas grave ?
M. Christian Hutin. Et un commerçant ?
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Vous nous expliquerez la différence de nature entre ces actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Bernard Roman. On peut tuer dix enfants, trois commerçants et deux personnes âgées : ça ne compte pas ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous n’aurez pas les voix du Front national ! (Mêmes mouvements.)
M. Claude Goasguen. On s’en fout !
M. Philippe Boënnec. Ce n’est pas le problème !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. En ce qui concerne le passage de la durée de rétention administrative de trente-deux à quarante-cinq jours, vous ne voulez pas entendre ce que j’ai essayé de vous expliquer à plusieurs reprises, notamment en commission des lois.
À l’origine, ce n’est pas la France qui veut augmenter le délai de rétention administrative. Ce sont les pays auxquels nous demandons les laissez-passer consulaires qui nous expliquent qu’ils ont besoin d’un délai suffisant pour reconnaître la nationalité de leurs ressortissants.
M. Éric Diard. Le Maroc !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. C’est le cas du Maroc, du Pakistan ou du Vietnam. De nombreux pays nous ont fait cette demande.
Madame Mazetier, je vois que vous ne m’écoutez pas ; je réponds pourtant à l’un des arguments que vous répétez sur tous les tons.
Mme Sandrine Mazetier. Je vous écoute scrupuleusement !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Comment pouvons-nous expliquer à ces pays du Sud qui nous demandent ce délai que nous refusons de les entendre ? Comment justifier notre refus auprès de nos vingt-six partenaires européens qui nous demandent d’accepter d’augmenter le délai de rétention afin d’harmoniser sa durée dans l’Union européenne ? Pourquoi dirions-nous à ces vingt-six pays, qui ont tous, sans aucune exception, un délai de rétention égal ou supérieur à soixante jours, que nous refusons de modifier ce délai, au risque d’entraîner la rupture du dialogue avec les pays du Sud ?
Madame Mazetier, plutôt que de répéter pour la millième fois que la France avait déclaré qu’elle n’augmenterait pas le délai, j’aimerais que vous répondiez à cette question : Que dit le Parti socialiste aux vingt-six pays de l’Union européenne et à tous les pays du Sud qui nous demandent cette harmonisation ? Il serait intéressant de vous entendre sur ce point – ne serait-ce qu’une seule fois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Madame Mazetier, vous avez énoncé beaucoup d’inexactitudes concernant le projet de loi ; j’aurai l’occasion de les corriger. En voici une, prise au hasard : selon vous, « rien dans le projet de loi ne précise le délai prévu pour le maintien en zone d’attente temporaire ». C’est pourtant le cas : il est prévu un délai de quatre jours, comme pour toutes les zones d’attentes.
Certains l’ont dit, j’ai effectivement quelques souvenirs du Parti socialiste,…
Mme Sandrine Mazetier. Cela ne nous intéresse pas !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration.et je sais que vos propos ne l’engagent pas.
Vous êtes seulement là pour gambader, pour vous ébrouer, comme l’a dit un ancien Premier ministre, le temps que le Parti socialiste puisse essayer de réfléchir à ce que pourraient être ses propositions pour la campagne présidentielle. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Vous verrez qu’aucune de vos déclarations ne sera incluse dans le programme du Parti socialiste, parce que le moment viendra où ce dernier comprendra que, passé le temps des épouvantails et du lyrisme, vient le temps des responsabilités. (Mêmes mouvements.) Il se souviendra qu’il peut être parfois un parti de gouvernement. Alors, on n’entendra plus le genre de propos que vous venez de tenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Sandrine Mazetier. C’est pitoyable !
M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe SRC.
M. Serge Blisko. Mes chers collègues, Mme Mazetier a justement dénoncé un texte qui, non seulement, porte atteinte aux droits inhérents à la dignité de la personne humaine mais qui, surtout, est empreint de dispositions anticonstitutionnelles.
J’en donne un exemple. Vous proposez de déchoir de sa nationalité un Français qui se serait rendu coupable d'un crime à l’encontre d'un dépositaire de l'autorité publique. Il en résulte une liste étrange selon laquelle tuer un gardien d’immeuble – ce qui est évidemment très répréhensible – entraîne la déchéance de la nationalité alors que l’on peut assassiner froidement, après les avoir torturées, deux personnes âgées sans encourir la même sanction. J’attends encore qu’on nous explique cet effet de manche qui n’a strictement rien de constitutionnel et qui crée des inégalités. Permettez-moi de penser que l’assassinat d’un enfant est tout aussi grave que celui d’un avocat ou d’un gardien d’immeuble.
M. Max Roustan et M. Jacques Houssin. Mais on peut allonger la liste si c’est ce que vous voulez !
M. Serge Blisko. Pis encore, votre projet de déchéance de la nationalité concerne un Français, mais pas n'importe quel Français : celui qui a obtenu sa nationalité depuis moins de dix ans et ne pourrait donc se prévaloir d'être Français de souche.
Vous avez donc inventé un nouveau statut : le Français de seconde zone, le Français stagiaire qui n’est pas encore complètement titularisé, au-dessus de la tête duquel vous décidez de placer une épée de Damoclès. Vous savez pourtant fort bien que cette disposition est contraire à l'article 1er de notre Constitution qui consacre l'égalité des droits.
De plus, vous vous prenez les pieds dans le tapis juridique puisque vous devez introduire une distinction entre les binationaux et les personnes n’ayant qu’une seule nationalité auxquelles votre projet ne pourra pas s’appliquer, au risque de les rendre apatrides alors que vous avez souscrit des engagements internationaux pour limiter l’apatridie. Votre article est donc complètement bancal et manifestement totalement contraire à l’esprit de notre Constitution et à notre histoire
Les nouvelles dispositions introduites par votre texte sont une insulte à l'État de droit et au respect de la légalité. Vous méconnaissez l'article 66 de la constitution qui précise que « nul ne peut être arbitrairement détenu » et que « l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».
Par ailleurs, selon l'article 5-4 de la Convention européenne des droits de l'homme, « toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ». En permettant au juge administratif de se substituer en premier lieu au juge judiciaire, vous faites fi d'une éventuelle décision allant à l’encontre d'une reconduite rapide de l'étranger en situation irrégulière. Votre projet de loi prévoit de reporter au cinquième jour la première intervention du juge des libertés, soit ultérieurement à la décision du juge administratif. Par conséquent, l'étranger pourra être reconduit à la frontière, même si la procédure qui a conduit à son interpellation est ultérieurement qualifiée d’irrégulière.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Mais non !
M. Serge Blisko. Le juge judiciaire, chargé de veiller à la régularité des conditions d'interpellation, de garde à vue et de notification des droits, risque de ne plus pouvoir statuer si le juge administratif, en charge du contrôle de la seule légalité de la mesure d'éloignement, valide celle-ci. Paradoxalement, la personne serait jugée alors qu’elle aurait déjà été expulsée du territoire national.
M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est de la science-fiction !
M. Serge Blisko. C’est un mépris de la garantie de la liberté individuelle, d’autant que la personne expulsée n’aura pas la possibilité technique ou physique de revenir. L’atteinte à la liberté individuelle serait très grave.
Cette loi risque aussi d'asphyxier les tribunaux administratifs déjà fortement sollicités et d'affaiblir le rôle des juges des libertés. On risque également d’aliéner la justice à l'objectif chiffré de reconduire toujours plus d'étrangers aux frontières – pourquoi 27 000, 28 000 ou 30 000 ? C'est en tous les cas ce qu'a estimé hier l'Union syndicale des magistrats administratifs.
En effet, rien n'est prévu pour renforcer les effectifs des tribunaux administratifs. Or, d'après cette organisation qui représente la grande majorité de juges des tribunaux administratifs, c'est au minimum cinquante postes de magistrats et autant de postes de greffiers qu'il faudrait prévoir pour l'application spécifique de cette loi qui, comme toutes celles que cette majorité a fait adopter, restera un effet d’annonce et ne sera finalement ni appliquée ni applicable. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous le confirme : tandis que toutes ces lois s’empilent, le droit devient de plus en plus complexe et la vie des étrangers dans notre pays devient extrêmement difficile.
Monsieur le ministre, vous citiez les fonctionnaires qui appliquent la loi ; vous devriez les écouter. Ils se plaignent des lois qui changent en permanence et du climat dans lequel ils doivent travailler. Ils sont rarement volontaires pour travailler au bureau des étrangers dans les préfectures, et il faut souvent les y obliger tellement la situation est pour eux difficile et intolérable.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je vous demande de voter en faveur de cette motion de procédure. Ce texte méconnaît les règles de droits et présente de nombreux motifs d'inconstitutionnalité, il n'y a donc pas lieu de poursuivre le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe GDR.
M. Patrick Braouezec. Nous voterons la motion de rejet défendu par le groupe socialiste car ce projet de loi est inconstitutionnel ; il va créer des citoyens qui seront toujours suspectés.
Contrairement à ce que le ministre a affirmé, la politique menée par le Gouvernement n’est pas une politique réaliste. La réalité, c’est que des dizaines de milliers de personnes attendent une régularisation de leur situation. À vous entendre, on a souvent l’impression que votre projet concerne des immigrés qui viennent d’arriver – évidemment, ils existent, même si les textes qui ont précédé celui que nous examinons ont déjà fait subir un traitement rigoureux à la politique d’entrée sur le territoire. On a le sentiment que vous oubliez que les sans-papiers sont souvent dans cette situation depuis cinq, sept, dix ans et plus – puisque l’une de vos lois a remis en question l’automaticité de la régularisation après dix ans de séjour. Il s’agit de personnes installées dans notre pays depuis plusieurs années qui, bien souvent, travaillent, et ont une famille. Avec ce projet de loi, vous allez les fragiliser encore plus.
Monsieur le ministre, je pense qu’il n’est pas de bonne politique d’opposer les fonctionnaires qui appliquent, avec plus ou moins de zèle, des lois qu’ils n’ont pas faites aux élus et aux associations qui, quotidiennement, se trouvent aux côtés des sans-papiers demandant à être régularisés.
Ce projet de loi va aggraver une situation déjà bien fragile et précaire pour bon nombre d’habitants de ce pays. Je ne pense pas que le réalisme soit de votre côté car, Serge Blisko vient de le dire, ce projet n’est qu’un texte de façade, un texte tout à fait conjoncturel, comme l’ont été les lois que vous avez fait voter précédemment sur le sujet.
M. Philippe Boënnec. Et la directive européenne !
M. Patrick Braouezec. Vous vous réfugiez derrière la prétendue nécessité de transposer des directives européennes. Nous démontrerons dans le débat que cet argument ne tient pas car vous allez bien au-delà de ce que demandent les directives.
Alors, quelle est votre motivation réelle ? En fait, aujourd’hui, vous ne voulez pas vous retrouver sur le terrain du chômage, du logement, de la formation, de la sécurité ou de l’éducation. Vous déplacez donc le débat. Vous en fabriquez un, idéologique et factice, qui ne répond pas à la préoccupation majeure des Français, en prenant pour thème l’immigration et la peur de l’autre, avec toutes les stigmatisations que cela peut représenter.
La motion de renvoi du groupe socialiste est donc parfaitement justifiée : nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.
M. Claude Goasguen. Le ministre a parfaitement répondu.
M. Jean-Claude Lenoir. En effet !
M. Claude Goasguen. Dans son intervention, Mme Mazetier disait vouloir des débats sereins en matière d’immigration ; elle n’a pas vraiment donné l’exemple !
Pour ma part, j’appelle vraiment à la plus grande sérénité, car le débat sur l’immigration est politique…
Mme Pascale Crozon. Idéologique !
M. Claude Goasguen.… au sens noble du terme.
Or de ce point de vue, à part des déclarations d’intention, de vœu – vous avez vous-même parlé de rêve –…
Mme Sandrine Mazetier. C’est possible !
M. Claude Goasguen. C’est possible effectivement, mais il faut pouvoir gérer une situation extrêmement préoccupante non seulement en France mais dans le monde.
Or vous n’avez présenté aucune proposition. M. Blisko, M. Braouezec et vous-même, madame Mazetier, vous vous êtes seulement substitués au Conseil constitutionnel, donnant une interprétation personnelle sûrement intéressante, encore qu’un peu aléatoire.
M. Bernard Roman. Nous avons le droit de le saisir !
M. Claude Goasguen. Vous avez ce droit, effectivement, mais vous n’êtes pas le Conseil constitutionnel.
M. Bernard Roman. Nous n’avons jamais dit cela !
M. Claude Goasguen. Si puisque, selon vous, tout est anticonstitutionnel.
M. Patrick Braouezec. Certains articles le sont !
M. Claude Goasguen. Vous avez l’air de dire qu’il nous est impossible de discuter de ce texte parce qu’il est anticonstitutionnel. De quel droit pouvez-vous le dire ?
M. Bernard Roman. C’est notre règlement !
M. Claude Goasguen. Je vais prendre un seul exemple : la déchéance de nationalité que vous prétendez anticonstitutionnelle existe en France depuis 1789.
M. Bernard Roman. Nous n’avons pas prétendu le contraire !
M. Claude Goasguen. Elle a d’ailleurs été très pratiquée en 1789, période dont vous faites l’apologie.
M. Manuel Valls. Ah la Révolution française ! (Sourires)
M. Claude Goasguen. Le régime qui a le plus usé de la déchéance de nationalité, c’est justement celui en vigueur pendant la Révolution française, et la mesure s’accompagnait en général de la mort civile ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je signale aussi qu’une loi, adoptée en 1945, n’a pas été abrogée par François Mitterrand en 1981.
M. Serge Blisko. La vieille rengaine !
M. Claude Goasguen. C’est en 1998 que nous avons abrogé la loi sur la déchéance de nationalité.
M. André Schneider. Exactement !
M. Claude Goasguen. L’article 25 du code civil a toujours existé. Était-il anticonstitutionnel ? Je vous conseille d’en faire une question préalable, puisque vous avez désormais la possibilité de le faire. Qu’attendez-vous pour soumettre l’article 25 au Conseil constitutionnel ? Vous devriez le faire !
Qu’a dit le Conseil constitutionnel ? Il a limité l’usage de la déchéance de nationalité à un certain nombre de cas ; il ne l’a pas supprimé.
Autant dire que toutes vos interprétations sont très bien, mais le dispositif n’est pas anticonstitutionnel.
M. André Schneider. Voilà !
M. Bernard Roman. Ce n’est pas à vous d’en décider, vous n’êtes pas le juge constitutionnel !
M. Claude Goasguen. C’est une limitation de l’usage de la déchéance de la nationalité.
S’agissant des traités sur la déchéance de nationalité dont il a été beaucoup question, je signale qu’aucun d’eux n’a été ratifié par la France. Aucun ! C’est dire que la France entend garder sa souveraineté en matière d’attribution aussi bien que de déchéance de la nationalité, en ne signant pas ces traités.
D’ailleurs, à ma connaissance, vous-mêmes n’avez jamais ratifié de traités sur la déchéance de nationalité…
Mme Sandrine Mazetier. Sur l’apatridie !
M. Claude Goasguen. …sauf en ce qui concerne les apatrides. Vous n’avez pas ratifié les traités sur la déchéance de nationalité !
À l'instar du ministre, je vous demande d’arrêtez de caricaturer la France ! En Europe, quel pays donne la possibilité aux enfants d’immigrés clandestins d’aller à l’école ? La France est seule dans ce domaine !
M. André Schneider. Exactement !
M. Claude Goasguen. Et vous osez dire que ce droit fondamental nous serait reproché !
En Europe, quel est l’unique pays offrant l’intégralité des soins à ceux qui sont en situation irrégulière ? La France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Élie Aboud. Aucun autre pays !

M. Claude Goasguen. Et vous osez dire que la France attente aux droits de l’homme !
Vous n’êtes pas fiers de votre pays, et je regrette que vous ne le soyez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Noël Mamère.
(Mme Danielle Bousquet remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)
Présidence de Mme Danielle Bousquet,
vice-présidente
M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 2003, 2006, 2007 et maintenant ce texte. Le train des réformes législatives en matière de droit des étrangers fonctionne donc à plein : quatrième texte en sept ans, en effet, pour modifier et durcir encore les conditions d'entrée et de vie dans notre pays. Autant de textes qui prennent l'étranger comme cible, autant de reculs des droits des étrangers, du droit d'asile, des libertés. Autant de textes qui dégradent l'image de la France dans le monde.
Le débat sur l'identité nationale que vous aviez lancé sur ordre, monsieur le ministre, était donc le point de départ de cette séquence politique qui pue le cynisme, la démagogie et le populisme. Il a d’ailleurs marqué une forme d'autorisation politique au défouloir des peurs que certains de vos collègues n'ont pas hésité à attiser.
La condamnation du ministre de l'intérieur pour injure raciale à une amende contraventionnelle de 750 euros, après des propos adressés à un jeune militant UMP, est venue en quelque sorte sanctionner le déchaînement de propos xénophobes et racistes que ce débat avait suscités.
Nombreux sont ceux qui ont vu dans cette séquence une opération de diversion destinée à masquer les échecs de votre gouvernement.
Doit-on les rappeler ? Le président du pouvoir d'achat est devenu celui du chômage. Le président de ceux qui se lèvent tôt est devenu le président des riches. La république exemplaire est devenue celle des conflits d'intérêts, des renvois d'ascenseur, des petites crapuleries et des luttes de clans.
M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis. Parlez du texte !
M. Noël Mamère. Presque toutes les promesses ont été trahies, y compris celles qui n'avaient pas été faites, comme les retraites ! Le candidat Sarkozy n'avait-il pas dit qu'il n'y toucherait pas ? Aujourd'hui, ce n'est pas une réforme, mais une contre-réforme injuste, que le Président tente d'imposer en force contre les partenaires sociaux, contre le Parlement, contre les Français, au mépris d'une mobilisation massive de nos concitoyens.
À la veille des élections régionales, la ficelle du débat sur l'identité nationale était grosse ; les Français l’ont si bien vue que le résultat fut limpide : votre majorité n'a conservé que l'Alsace, mais elle a réussi à remettre en selle le Front national, confirmant ainsi l'adage de Le Pen selon lequel les électeurs d'extrême droite préfèrent l'original à la copie.
Il me semble que le virage politique opéré par le Gouvernement au nom duquel vous présentez ce projet est profond et durable.
Nous sommes moins dans la tactique électorale que dans la stratégie politique. Les deux années qui nous séparent de l'élection présidentielle vont malheureusement illustrer jusqu'à la nausée cette orientation, d'autant qu'elle s'inscrit dans un contexte européen favorable et pour le moins inquiétant.
Ainsi, se dessine par petites touches une nouvelle droite aux formes diffuses, car encore incertaines, aux relations incestueuses avec le monde de la finance, que la soirée du Fouquet's ou le scandale Woerth-Bettencourt illustrent à merveille.
Cette nouvelle droite tisse sa toile d'influence dans les médias ; elle méprise la culture, puisqu'elle considère que la consommation et le divertissement sont les deux piliers de la modernité ; elle est décidée à réduire le contrôle de l'État et les services publics ; elle dénigre le monde intellectuel.
Cette nouvelle droite est rétive au respect de son opposition, considérant toujours que son élection aux plus hautes responsabilités est une sorte de chèque en blanc, une autorisation au passage en force, au mépris des institutions et du respect des règles de prise de décision en démocratie.
Cette nouvelle droite qui prend corps chaque jour, ici devant nous, existe ailleurs en Europe. Elle prend, chez nos voisins italiens, le visage de Berlusconi, soutien sans failles de votre chasse aux Roms, lors du dernier conseil européen…
Mme Pascale Crozon. C’est le seul !
M. Noël Mamère. …et de toutes les dérives sarkozystes.
Cette droite agit au nom de ce que veut prétendument le peuple, mais elle violente la démocratie. Cette droite que vous incarnez ce soir sur ces bancs, monsieur le ministre, abaisse notre République.
Elle ne croit plus en rien, si ce n'est à son droit d'accaparer le pouvoir. Pour cela, elle flirte sans complexes avec le populisme et puise dans le fonds de commerce de l’extrême droite en s'inventant les mêmes boucs émissaires, tout en feignant de croire que tout cela est sans conséquences.
Le puzzle épars a pris forme à Grenoble, quand Nicolas Sarkozy, pour mieux conjurer sa chute de popularité dans l'opinion, a décidé de franchir la ligne jaune qu'aucun homme d'État n'avait osé transgresser avant lui.
Dans un discours aussi limpide que guerrier, dans la droite ligne de Le Pen,…
Mme Pascale Crozon. Tout à fait !
M. Noël Mamère. … le Président a lié immigration et délinquance. C'est une folie, mais une folie malheureusement assumée.
Le durcissement spectaculaire, en discours comme en actes, de la politique sécuritaire et migratoire française, depuis le début de l'été, ne constitue pas seulement le signe de l'échec définitif de la stratégie d'ouverture d'un Président désormais à la recherche d'une majorité aujourd'hui improbable mais plausible, faisant fi de ses convictions républicaines pour mieux intégrer les thèses frontistes, et peut-être, demain, ses hommes.
Ce durcissement représente une transgression majeure, et sans doute irréversible, de notre pacte républicain.
M. Serge Blisko. Eh oui !
M. Noël Mamère. La parole présidentielle mérite d'être prise au sérieux, car elle entraîne la République sur le chemin de la réprobation internationale et de la trahison des idéaux de notre patrie des droits de l'homme.
Ce pathétique discours de Grenoble, assimilant immigration et délinquance, remet en cause les conditions d'appartenance à la nation et ouvre la chasse à ceux que l’on pourrait appeler les indésirables.
La parole présidentielle a libéré et légitimé une logique mortifère contre laquelle, du fait même de l’origine de cette parole, il n'existe pas, en l'état actuel, d'antidote efficace.
Radicaux, socialistes, communistes, écologistes, humanistes, et – je l’espère – quelques hommes et femmes de droite pour qui la République et ses valeurs ne sont pas un vain mot, nous allons donc tenter ici de redonner force aux principes humanistes et universalistes, alors même que les xénophobes et les racistes disposent désormais d'une légitimité aux plus hauts sommets de l'État.
Trois directives européennes servent de prétexte à ce texte.
Rappelons que l'adoption par l'Union européenne en 2008 de la directive sur les retours forcés…
M. Serge Blisko. La directive de la honte !
M. Noël Mamère. …que nous avions qualifiée à juste titre de « directive de la honte » est le symbole de l'impasse des politiques européennes à l'égard des migrants.
Cette directive « retour », puisque tel est son nom, représente un compromis boiteux et répressif entre les vingt-sept États membres de l'Union. Elle banalise l'enfermement – donc la privation de liberté – comme méthode de gestion des personnes migrantes.
C'est un dispositif dans lequel les mesures suspicieuses et leurs conséquences répressives et sécuritaires sont totalement disproportionnées au regard des objectifs annoncés. Il consacre l'Europe forteresse.
Rappelons les mots de la lettre du président Evo Morales à l'Union européenne. « Il durcit de manière drastique les conditions de détention et d'expulsion des migrants sans papier, quel qu'ait été leur temps de séjour dans les pays européens, leur situation de travail, leurs liens familiaux, leur volonté et le succès de leur intégration », écrivait-il dans sa missive.
Et d'ajouter : « L’Union européenne est la principale destination des migrants du monde, conséquence de son image positive d'espace de prospérité et de libertés publiques. Dans leur immense majorité, ces migrants viennent dans l'Union européenne pour contribuer à cette prospérité, non pour en profiter. Ils occupent les emplois de travaux publics, dans la construction, les services aux personnes et dans les hôpitaux, que ne peuvent ou ne veulent occuper les Européens. Ils contribuent au dynamisme démographique du continent européen, à maintenir la relation entre actifs et inactifs qui rend possible ses généreux systèmes de solidarité sociale et dynamisent le marché interne et la cohésion sociale. »
Le président Morales conclut : « Les migrants offrent une solution aux problèmes démographiques et financiers de l’Union européenne. »
M. Victorin Lurel. Très juste !
M. Noël Mamère. Cette directive considérait déjà les migrants comme des intrus, des problèmes en soi, des charges déraisonnables.
Monsieur le ministre, votre texte accentue et aggrave cette orientation, car il va bien au-delà de ce qu'aurait dû être une simple transposition.
Cette directive marquait un renoncement de l'Europe à ses propres valeurs. Sinon, que dire des refoulements massifs effectués par le gouvernement italien et le renvoi des refoulés vers la Libye ?
Ne marquent-ils pas l'abandon, désormais assumé explicitement par certains États, du principe d'universalité des droits de l'homme ?
Votre texte prévoit des dispositions contraires à nos engagements internationaux et à nos traditions.
Nous connaissons pourtant les causes de ces migrations : les déséquilibres économiques et l'inégale répartition des richesses ; les écarts démographiques ; les conflits, notamment liés au contrôle des sources d'énergie ; l'absence de démocratie dans un nombre important de pays du sud ; les catastrophes climatiques et écologiques.
Nous savons par ailleurs qu'en raison de sa situation démographique, l'Europe ne pourra pas se passer de l'apport de l'immigration.
Cette directive, que nombre d'associations de défense des droits humains et nombre de gouvernements de la planète avaient dénoncée, apparaît comme un rempart. Quel triste paradoxe pour celles et ceux qui la considéraient comme une honte – et c'est mon cas – de devoir s'y référer pour freiner les ardeurs répressives et sécuritaires de votre politique et combattre les abus que vous prétendez introduire dans la législation par votre projet de loi. Vous auriez pu choisir, monsieur le ministre, le mieux-disant, mais vous avez préféré le pire.
La « carte bleue européenne » que transpose également ce projet s'inscrit dans la logique de l'immigration choisie qui vise à attirer en Europe des travailleurs qualifiés. Tout comme la carte « compétence et talents » apparue en 2006, elle concernera peu de monde.
La directive sur la lutte contre l'emploi des étrangers sans titre de séjour est une avancée en trompe-l'œil. Quelques mesures visent, certes, à améliorer les droits des travailleurs sans papiers en cas de rupture de contrat de travail et d'éloignement, en relevant les indemnités qui leur sont dues, mais elles sont à la fois limitées et problématiques à appliquer.
Il est prévu une aggravation des sanctions, notamment contre les donneurs d'ordre, mais je doute qu’il y ait une véritable volonté politique de lutter contre ces pratiques : les intéressés pourront facilement s'exonérer de leur responsabilité pénale ou de la solidarité financière avec leurs sous-traitants, comme ce fut le cas dans cette maison même, lorsqu’ont été employés des travailleurs sans papiers pour les travaux de rénovation de nos locaux situés au 101 rue de l'Université. La présidence de l'Assemblée a affirmé avoir été abusée par les entreprises sous-traitantes et cela a suffi pour la dédouaner de toute responsabilité. Il n'est pas sûr, par ailleurs, que, dans l'actuel contexte économique et social, l'administration prenne la responsabilité de fermer un établissement dans lequel aura été constatée une infraction de travail illégal.
Je commencerai donc par vous dire que, sur bien des points, monsieur le ministre – et je le regrette –, la directive de la honte offre de meilleures garanties aux migrants que votre texte.
Mme Pascale Crozon. Absolument !
M. Noël Mamère. Aux termes de l'article 18 de la directive « Retour » : « Lorsqu'un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers soumis à une obligation de retour fait peser une charge lourde et imprévue sur la capacité des centres de rétention d'un État membre ou sur son personnel administratif et judiciaire, l'État membre en question peut, aussi longtemps que cette situation exceptionnelle persiste, décider d'accorder pour le contrôle juridictionnel des délais plus longs que ceux prévus à l'article 15, paragraphe 2, troisième alinéa, et de prendre des mesures d'urgence concernant les conditions de rétention dérogeant à celle énoncées à l'article 16, paragraphe 1 et à l’article 17, paragraphe 2. Lorsqu'il recourt à ce type de mesures exceptionnelles, l'État membre concerné en informe la Commission. Il informe également la Commission dès que les motifs justifiant l'application de ces mesures ont cessé d'exister. Aucune disposition du présent article ne saurait être interprétée comme autorisant les États membres à déroger à l'obligation générale qui leur incombe de prendre toutes les mesures appropriées, qu'elles soient générales ou particulières, pour veiller au respect de leurs obligations découlant de la présente directive. »
On ne peut pas dire que votre gouvernement soit très respectueux des termes de cette directive, dont la transposition justifie pourtant la présentation du projet de loi. Par exemple, la circulaire sur le démantèlement des campements de Roms était une violation flagrante de nos engagements communautaires, puisqu’elle était fondée sur la discrimination et la stigmatisation d'une population. La Commission européenne a eu raison de protester. Elle aurait, d’ailleurs, raison d'engager une procédure de sanction contre le Gouvernement, d'autant que vous lui avez menti, monsieur le ministre, avant de reconnaître votre bévue, une fois qu’elle fut révélée par la presse.
M. René Rouquet. Quelle honte !
M. Noël Mamère. Que sont devenus les termes contraignants de la directive que le texte de loi transpose ? Ils se sont évaporés et ont fini par disparaître.
Vous tentez de nous faire adopter des dispositions qui sont sans rapport avec le caractère exceptionnel pourtant explicitement visé par la directive. Dans votre projet de loi, il n’est fait mention nulle part de conditions d’urgence et encore moins du caractère exceptionnel que doit avoir la situation. Ce qui est retenu comme référence, c'est la présence de plusieurs étrangers. L'exceptionnel devient la norme.
M. René Rouquet. Quelle honte !
M. Noël Mamère. La notion de groupe est emblématique des dérives de votre texte. Alors que la directive évoque un afflux massif, le projet de loi mentionne un groupe d'étrangers, groupe que vous ne définissez jamais, sans doute pour mieux tout englober. Alors que l’expression employée dans la directive, « nombre exceptionnellement élevé », est claire, celle de « groupe d'étrangers » permet le recours à des mesures d'exception dans des situations courantes. Les associations que vous avez reçues pour discuter du projet étaient sorties pour le moins surprises de ce rendrez-vous improbable : la notion de groupe semblait alors être définie par le nombre de personnes pouvant prendre place dans une barque ! Au cours des débats en commission, vous avez mieux défini, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement entend par groupe d'étrangers, en faisant tomber tous les garde-fous et en s'affranchissant des limites fixées par le texte communautaire.
Le débat n'est pas que lexical, car ne pas se référer à la directive dans les mêmes termes et, dans le cas d'espèce, ne pas définir clairement ce que l'on entend « par groupe », a un objectif clair et précis : permettre à l'administration d'agir de manière dérogatoire. En omettant le caractère exceptionnel et urgent des situations comme condition d’application, vous permettez à l'administration d'avoir recours à des dispositifs répressifs disproportionnés, de manière permanente et non plus exceptionnelle. Ce qui avait été envisagé comme une exception par nos partenaires européens devient la règle sur notre territoire.
La création des zones d'attente ad hoc, illustre parfaitement cette pratique.
Je rappelle que la zone d'attente est un espace physique, créé et défini par la loi du 6 juillet 1992, qui s'étend « des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes ». Elle est instituée par voie d'arrêté préfectoral.
M. Thierry Mariani, rapporteur. On la définit par amendement !
M. Noël Mamère. Cette notion souple a encore été élargie par M. Sarkozy en 2003 puisque le texte prévoyait déjà la possibilité de créer une zone d'attente à proximité du lieu de débarquement et non plus seulement dans une gare, un port ou un aéroport.
La nouvelle disposition introduite par l'article 7 permet de placer les étrangers sous le régime de la zone d'attente lorsqu'ils arrivent par groupes. En précisant que la zone d'attente s'étend du « lieu de découverte au point de passage frontalier le plus proche », vous en faites un espace illimité. Par ce montage juridique, l'administration pourra à l'avenir créer à sa convenance des espaces d'extraterritorialité sur le territoire national. Nous verrons apparaître des zones d'attente éphémères et itinérantes : celles-ci pourront émerger n'importe où et à tout moment ; elles seront, en quelque sorte, des zones d'attente « sac-à-dos ».
Le texte de 2003 avait assoupli et élargi la notion de zone d'attente en anticipant la censure annoncée par le tribunal administratif de Nice d'une décision préfectorale permettant la création d’une zone ad hoc dans un camp militaire désaffecté, destinée à maintenir en détention les réfugiés kurdes arrivés par bateau sur les côtes de Fréjus. Prenant prétexte aujourd’hui de l'annulation par les juges de toutes les décisions d'éloignement et de placement en rétention de 123 Kurdes de Syrie arrivés en barque sur les côtes corses en janvier 2010, vous voulez, par ce texte, permettre à l'administration d'expulser tout groupe d'étrangers – niant au passage leur éventuelle condition de réfugiés –, en instaurant un tour de passe-passe, une fiction juridique de zone d'attente virtuelle, qui va coller à la peau de tout groupe d'étrangers, supposé composé de primo-arrivants, découvert à l'intérieur du territoire, en dehors d'un poste frontalier.
Comme on le voit, lorsque la justice déplaît, lorsqu'elle condamne des abus de pouvoir, le Gouvernement préfère changer la loi, la modeler à sa guise, introduire des dispositifs d'exception par le biais de textes de circonstances. On se demande, dès lors, pourquoi le Gouvernement n'a pas tenté de modifier la loi de 1972 après la condamnation de Brice Hortefeux pour injure raciale ?
Tout le texte est empreint d'une hostilité et d'une méfiance à l'égard de la justice, en l'occurrence, du juge des libertés et de la détention – JLD –, considéré comme un empêcheur d'expulser efficacement. Faire passer de quarante-huit heures à cinq jours le délai de comparution de l'étranger devant ce juge – qui pourra lui rendre sa liberté ou prolonger sa détention – a un objectif précis : permettre au juge administratif de statuer sur la légalité de la mesure d'expulsion avant que le JLD ne se prononce sur le maintien en rétention. L'étranger pourra donc désormais être expulsé – immédiatement ou dans le délai de cinq jours – sans qu'aucun contrôle des conditions d'interpellation n'ait eu lieu. Pourtant, ce n’est pas l’administration mais le magistrat qui est le garant de nos droits et de nos libertés.
Cette mesure est autonome : elle n'est dictée par aucune directive européenne. Or elle organise une sorte de déni de justice, puisqu'aucun juge, ni pénal, ni civil – faute d'être saisi avant la mise à exécution de la mesure –, ni administratif – faute d'être compétent – n'aura jamais à connaître des atteintes aux droits fondamentaux des personnes concernées.
En affaiblissant le pouvoir du JLD, votre texte restreint considérablement les droits des étrangers.
Vous nous proposez, à l'article 7, d'adopter une règle dérogatoire en matière de notification des droits en zone d'attente, qui assouplit les obligations auxquelles l’administration ne pourra se soustraire si elle se trouve en présence d'un « nombre important d'étrangers ». La notification des droits des personnes privées de liberté est pourtant une garantie essentielle. Elle est au cœur du contrôle exercé par le juge, gardien de la liberté individuelle. En prévoyant que cette notification se ferait « dans les meilleurs délais » possibles, l'article 7 vise à rendre régulières des privations de liberté de plusieurs heures hors de tout cadre juridique. Je me demande, pour ma part, combien de temps il va falloir au Gouvernement pour passer de la notion de « notification dans les meilleurs délais » à celle de « notification si c’est possible » ?
Dans ce texte, qui représente un net recul pour les droits des migrants et qui est présenté par le Gouvernement comme la transposition nécessaire de trois directives dont il ne respecte ni la lettre ni l’esprit, plusieurs dispositions heurtent plus que les autres notre tradition républicaine de terre d'accueil.
Je pense en particulier à l’amendement introduit en commission par le rapporteur sur les étrangers malades, qui revient à supprimer le dispositif législatif de 1998.
M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce n’est pas vrai !
M. Noël Mamère. La régularisation pour raison médicale concerne actuellement les étrangers gravement malades qui ne peuvent bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine. Cependant s'interroger sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé est dénué d'intérêt si l'on ne prend pas la peine de vérifier si l'étranger malade peut y avoir accès.
Du fait de la globalisation, les traitements existent partout dans le monde, à de rares exceptions près, mais ils ne sont pas toujours accessibles : les obstacles financiers, l'état sanitaire des pays, le nombre réduit de médicaments disponibles, l'insuffisante formation des professionnels de santé, l'absence de prise en charge et de suivi excluent, de fait, la majorité de la population d'un traitement approprié.
Si le traitement existe mais est inaccessible, les conséquences pour le malade sont les mêmes que s'il n'existait pas. Refuser le droit au séjour à des étrangers gravement malades vivant en France au motif que le traitement requis par leur état de santé existe dans le pays de renvoi revient à jouer avec leur vie.
La décision du Conseil d’État du 7 avril 2010 n'a fait que rappeler l'objectif de la loi, qui est de prendre en compte l'accès effectif des personnes aux soins, et n'est donc pas de nature à modifier profondément le nombre de cartes de séjour délivrées ni à faire peser sur le système français de santé une obligation déraisonnable. Je rappelle, monsieur le rapporteur, que, selon les dernières données disponibles, datant de fin 2008, le nombre d’étrangers régularisés pour raisons médicales a été de 28 460 personnes, soit 0,8 % des 3,5 millions d’étrangers en France.
La migration pour raisons médicales reste donc une exception. L’immense majorité des personnes concernées découvrent leur maladie à l’occasion d’un examen médical pratiqué en France alors qu’elles y résident déjà. La disposition introduite par le rapporteur est inhumaine et le Gouvernement s’honorerait de la supprimer.
Mme Catherine Coutelle. Tout à fait !
M. Noël Mamère. Dans la liste des dispositions contraires à notre tradition, figurent, bien sûr, les nouvelles mesures de déchéance de la nationalité, qui étaient au cœur de la surenchère du discours de Grenoble.
Le Président de la République semble avoir oublié que notre République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine ». Ce principe est si fondamental qu’il figure dans le tout premier article de la Constitution française, notre loi fondamentale. En conséquence, tous les Français sont égaux devant la loi, quelles que soient leur origine, qu’ils soient français de naissance ou par acquisition.
Le raisonnement présidentiel ressemble à si méprendre, malheureusement, à la distinction opérée par l’extrême droite entre ceux qu’elle appelle les vrais Français et les Français de papier.
Malgré sa Constitution, notre pays, comme l’Europe, a connu des heures noires, marquées par des déchéances massives de nationalité dans la première moitié du XXsiècle.
M. Claude Goasguen. Il y avait longtemps !
M. Noël Mamère. Elle est tenue par des engagements internationaux, puisqu’elle a signé la convention du Conseil de l’Europe qui ne permet pas la déchéance pour des motifs de droit pénal général.
L’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires. » La déchéance de la nationalité ne saurait être considérée comme une sanction nécessaire en ce sens. Là encore, il me semble que le Gouvernement s’engage sur un chemin glissant et dangereux.
Enfin, il y a l’interdiction de retour.
Cette trouvaille juridique, inspirée par la directive « Retour », représente un véritable bannissement. Cette mesure pourra être prise en même temps qu’une obligation de quitter le territoire français. Elle pourra même concerner des personnes vivant depuis des années sur notre territoire, y ayant des attaches familiales, éventuellement mariées à des Français. Les personnes faisant l’objet de l’interdiction de retour seront fichées au système européen d’information Schengen. Cette disposition figure certes dans la directive, mais, là encore, vous avez décidé de vous dispenser de conserver plusieurs des protections prévues par le texte, telles les possibilités de recours suspensif, la protection de certaines catégories de personnes ou l’existence de règles d’abrogation ou d’annulation de la mesure.
Le durcissement extraordinaire, brutal, des politiques contre les migrants aurait, d’une certaine façon, pu s’accompagner d’une plus grande ouverture dans l’accès à la nationalité. Malheureusement, il n’en est rien. Au fil des réformes, les délais d’acquisition de la nationalité française par les conjoints ou conjointes, par exemple, ont été considérablement allongés. Quatre ans après le mariage pour déposer la demande, un an pour l’enregistrer, deux ans pour une éventuelle opposition du Gouvernement : c’était sans doute trop peu. Votre texte ajoute donc une année au délai d’enregistrement, ce qui fait huit ans d’attente en tout.
Ce texte instaure par ailleurs ce que l’on pourrait appeler une gestion industrielle des expulsions, que vient de confirmer la construction des nouveaux centres de rétention 2 et 3 du Mesnil-Amelot. Plusieurs sénateurs et députés, dont ma collègue Anny Poursinoff et moi-même, ont visité le centre de rétention administrative numéro 1 du Mesnil-Amelot : il est loin d’être plein, puisqu’il n’accueillait que soixante-huit personnes. Mais votre cabinet, monsieur le ministre, a refusé que nous visitions, à 800 mètres de là, les nouveaux bâtiments Mesnil-Amelot 2 et 3, sous prétexte qu’ils étaient encore en travaux et inoccupés, et que, en pénétrant dans ces lieux qui ressemblent de plus en plus à des prisons, les parlementaires auraient pris des risques pour leur sécurité.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Ils étaient en travaux !
M. Thierry Mariani, rapporteur. Ils étaient inoccupés !
M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, ce n’est pas très républicain de votre part d’interdire à des parlementaires de visiter des lieux de privation de liberté.
Mme Sandrine Mazetier. Absolument !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration et M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis. Des chantiers !
M. Noël Mamère. Vous savez très bien que la loi nous autorise à le faire.
Vous dites que ce sont des chantiers, mais nous nous sommes rendus devant ces bâtiments. Il nous a paru que le chantier était complètement terminé. Il nous a d’ailleurs été dit qu’il y avait un petit problème, que l’on avait posé des portes blindées devant les douches, que cela ressemblait trop à une prison et qu’il fallait les changer.
Je vois derrière vous, monsieur le ministre, un membre de votre cabinet qui rigole. Tout fonctionnaire que vous êtes au côté du ministre, monsieur, je ne vous autorise pas à hocher la tête lorsque je dis des vérités. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce n’est pas correct !
M. François de Rugy. Il y a le devoir de réserve, ici à l’Assemblée !
M. Noël Mamère. Ce monsieur est en effet soumis à l’obligation de réserve. Les seuls qui puissent réagir, ce sont M. le ministre ou M. le rapporteur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Arnaud Robinet, rapporteur pour avis. C’est lamentable !
M. Noël Mamère. J’en ai assez de voir des collaborateurs de ministres – car ce n’est pas la première fois qu’ils nous font le coup – réagir à ce que nous disons à la tribune de l’Assemblée. Il faut croire que le pouvoir a accaparé tous les rouages de nos institutions et qu’il peut tout se permettre, y compris que des fonctionnaires sortent de leur obligation de réserve. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – « Provocateur ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. François de Rugy. Ce monsieur devrait sortir de l’hémicycle !
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Mamère.
M. Noël Mamère. J’attends, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des explications plus complètes et plus véridiques sur les raisons qui vous ont conduit à nous empêcher de visiter ces centres de rétention. J’incite mes collègues de droite, qui ont également cette possibilité, à être vigilants, à aller voir ce que sont les conditions de vie dans ces centres et à rencontrer ces gens qui sont en quelques sortes des « damnés de la terre », comme les appelait Frantz Fanon.
En vous affranchissant des garde-fous et des limites fixées par des textes que vous prétendez transposer, vous fragilisez de manière extraordinaire la situation des migrants, vous les privez de leurs droits les plus élémentaires, vous trahissez la longue tradition d’accueil de notre République. Les libertés qui ont été prises avec les textes des directives, dont vous ne conservez que le caractère répressif et jamais les protections, pourraient conduire la France à se retrouver dans le collimateur de la Commission, comme c’est le cas aujourd’hui pour mauvaise transposition d’une législation de 2004 sur la libre circulation des citoyens.
Bref, vous nous proposez ce texte dans un climat délétère (Murmures sur les bancs du groupe UMP), dans une France qui pue. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis à la tribune de l’Assemblée, j’ai le droit de dire ce que je veux et d’affirmer mes convictions ! (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. Lionnel Luca. Incroyable !
M. Noël Mamère. J’espère que notre pays n’est pas mithridatisé à force de s’être fait inoculer le poison du refus de l’autre…
M. Jean-Michel Fourgous. Vous abaissez la fonction parlementaire !
M. Noël Mamère. …à force de s’inventer des boucs émissaires : hier les étrangers, les sans-papiers, avant-hier les Roms et aujourd’hui les migrants. (Bruits continus sur les bancs du groupe UMP.)
J’espère que les politiques responsables, attachés à quelques valeurs républicaines, qu’ils soient de droite ou de gauche, éveilleront l’esprit des Français, et que vous le paierez le jour où vous viendrez devant les électeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Je ne reviendrai pas sur tous les propos tenus par Noël Mamère, mais je tiens à lui répondre sur un ou deux points, dont le premier est anecdotique.
Monsieur Mamère, si vous n’avez pas pu visiter les centres du Mesnil-Amelot 2 et 3, c’est tout simplement parce que, comme vous l’avez dit, ils sont vides pour le moment et encore en travaux. Mon cabinet n’a pas jugé opportun que vous visitiez des centres de rétention en travaux.
Mon directeur de cabinet et préfet m’a demandé de vous transmettre toutes ses excuses. En effet, lorsque vous avez déclaré que les douches avaient des portes blindées, il n’a pu réprimer un sourire. Je ne l’ai pas pu non plus ; j’en avais le droit, il ne l’avait pas. Excusez-le, il ne le fera plus.
En ce qui concerne votre conclusion, je me demande si vous vous rendez compte, vous qui êtes représentant du pays, de ce que cela signifie de parler du haut de cette tribune de « la France qui pue ».
Plusieurs députés du groupe UMP. C’est scandaleux !
M. Daniel Mach. C’est minable !
M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Peut-être y a-t-il là un clivage entre nous. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pour notre part, nous voulons défendre la fierté d’être français et rétablir l’équilibre des droits et des devoirs. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Daniel Mach. M. Mamère n’aime pas la France ! Voilà la vérité !
M. François de Rugy. Ça suffit !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Thierry Mariani, rapporteur. Je regrette, que, dans son intervention, Noël Mamère ait cédé à la tentation de la caricature et des postures.
Mme Marie-Josée Roig. C’est son fonds de commerce !
M. Thierry Mariani, rapporteur. De fait, son intervention a caricaturé tout ce qu’il était humainement possible de caricaturer.
En introduction, je vais citer un paragraphe de l’entretien qu’a accordé M. Jean-Pierre Garçon, chef de la division des migrations internationales à l’OCDE, à un grand journal du soir
M. Noël Mamère. Je l’ai lu !
M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est bien !
M. Noël Mamère. Oui, parce que je sais lire en plus !
M. Thierry Mariani, rapporteur. Il dit : « La France est globalement parmi les premiers pays d’accueil pour les demandeurs d’asile. La durée de rétention y est aussi la plus courte d’Europe. Le nombre des expulsions n’est pas non plus très élevé, mais, en fait, ce n’est pas le plus important. Il y a des tas de lobbies qui défendent les droits particuliers des migrants et qui en font des combats essentiels, mais ils ont souvent des propositions peu réalistes sur la libre circulation. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
On ne saurait mieux résumer l’attitude d’une partie de la gauche française, qui constitue en effet une exception en Europe. De très nombreuses démocraties ont su parvenir à un véritable consensus sur ce dossier.
Monsieur Mamère, je veux insister sur trois points, et vous parler d’abord des centres de rétention.
J’ai conduit une mission, il y a un an et demi, dont étaient membres M. Braouezec, M. Blisko et Mme George Pau-Langevin. Franchement, nous n’avons pas à rougir de nos centres de rétention. Il fut un temps, en effet, où ils étaient une honte pour la France.
M. Daniel Mach. À leur époque !
M. Thierry Mariani, rapporteur. Je ne voudrais pas polémiquer, mais c’était peut-être dû à l’état dans lequel la gauche nous les avait laissés. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.) Aujourd’hui, les centres de rétention ont été refaits dans leur quasi-totalité.
Monsieur Mamère, citez-moi un seul État européen qui donne 4 millions d’euros d’argent public à des associations d’aide aux migrants ; je pense, bien entendu, à la CIMADE, mais aussi à d’autres associations présentes dans les centres de rétention. Je n’en connais pas d’autre que la France. Évidemment, il n’est jamais agréable, pour un étranger, de passer dans un centre de rétention et d’être reconduit dans son pays, mais ce rapport a montré que, parmi les pays européens, la France agissait de la manière la plus humaine possible.
Deuxièmement, je sais que tous les débats sur les lois d’immigration sont propices à la caricature. Je voudrais donc être très clair sur deux points que vous avez évoqués : l’aide médical d’État et la carte d’étranger malade.
En ce qui concerne l’AME, le texte ne propose aucun changement dans l’immédiat. Il faudra que nous ayons un vrai débat sur l’AME…
M. Serge Blisko. Nous l’aurons !
M. Thierry Mariani, rapporteur. …qui représente 600 millions d’euros. Pour l’heure, le rapporteur que je suis vous propose simplement de faire en sorte qu’il y ait un guichet unique pour déposer les dossiers. Vous savez aussi bien que moi que, aujourd’hui, on compte quatre guichets, qu’aucun contrôle n’est possible et que cela peut être la source de bien des fraudes.
Je ne change rien au panier de soins, je ne change rien aux conditions pour en bénéficier. Simplement, au lieu de déposer son dossier dans des associations caritatives, dans un bureau d’aide sociale départemental, dans un bureau d’aide sociale communal ou dans une caisse d’assurance maladie, l’intéressé ne pourra plus s’adresser qu’à un seul guichet. Pardonnez-moi de vous faire remarquer que c’est déjà la situation pour tous les Français ou pour tous les étrangers en règle. Il n’est tout de même pas normal qu’il y ait quatre guichets et que cela puisse favoriser toutes les fraudes.
Ensuite, je veux être très clair sur un dossier à propos duquel je sais pertinemment que nous allons être caricaturés. Remettons-nous en question la carte d’étranger malade ? Non. Je propose simplement d’en rester à l’interprétation qui a prévalu pendant treize ans. Vous l’avez dit, le 7 avril 2010, une jurisprudence du Conseil d’État a décidé de changer le périmètre de la carte d’étranger malade.
Selon la loi Chevènement – que vous avez votée et que nous avons combattue, mais que nous avons appliquée –tout étranger sur notre sol pouvait prétendre à une carte d’étranger malade s’il n’avait pas effectivement accès aux soins. Tout est dans l’adverbe « effectivement ». De 1998 au 7 avril 2010, l’interprétation qui en a été faite a été la suivante : si les médicaments n’existaient pas dans le pays, la personne n’avait effectivement pas accès à la carte. C’est ce que la gauche a appliqué quand elle était au pouvoir, et nous avons fait de même.
Le 7 avril 2010, le Conseil d’État a modifié sa jurisprudence. J’ai la faiblesse de croire que les lois sont faites ici et que ce n’est pas aux juges d’en changer radicalement l’application. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Certains, parmi vous, essaient de caricaturer ce que nous proposons aujourd’hui. Il ne s’agit pas du tout de ne plus soigner les étrangers, mais d’en revenir à la jurisprudence qui a été appliquée pendant douze ans par la gauche comme par la droite. C’est ici que se fait la loi. Je veux bien qu’on la change, mais c’est dans l’hémicycle qu’il faut le faire, et non pas au détour d’une jurisprudence du Conseil d’État. Évitons les caricatures.
Je sais – pour l’avoir vécu à propos d’un autre amendement – que rien n’est plus facile, mais vous ne m’aurez pas une deuxième fois !
La majorité entend soigner humainement tous les étrangers malades qui sont en France, mais, comme l’avait dit en son temps un Premier ministre de gauche, « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».
M. Daniel Mach. À l’époque, c’était passé sans problème !
M. Thierry Mariani, rapporteur. Je ne pense pas que la sécurité sociale française puisse soigner toute la misère du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ou alors il faudra dire aux Français, quand on déremboursera des médicaments ou qu’on réduira certaines prestations de la sécurité sociale, que cela s’impose pour préserver l’équilibre, certaines prestations ayant été ouvertes trop largement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Éric Diard, pour le groupe UMP.
M. Éric Diard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je demande que l’on entre dans le débat d’idées, que l’on discute. Nous attendons sereinement les propositions alternatives de l’opposition.
M. Daniel Mach. Il n’y en a pas !
M. Éric Diard. Nous voulons qu’on arrête les cris et les anathèmes.
M. Daniel Mach. Il faut aimer la France !
M. Éric Diard. Je n’ai rien entendu dans ce qu’a dit M. Mamère qui justifie un renvoi en commission.
M. Mamère a des problèmes d’odeur, je l’ai noté. Il a commencé son discours en disant que ce texte « pue le cynisme et la démagogie » pour finir en affirmant que nous vivons dans une « France qui pue ». (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Mamère, lorsque je suis dans un endroit malodorant, moi, je le quitte ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Noël Mamère. Et vous seriez apatride !
M. Éric Diard. Ces propos sont intolérables dans l’hémicycle. En rupture avec ceux-ci, je vous invite, pour ma part, à un vrai débat de fond sur l’intégration et la nationalité. C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de repousser la motion de renvoi en commission défendue par M. Mamère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe SRC.
M. Christophe Caresche. M. le ministre a abondamment fait référence à des personnalités de gauche : Lionel Jospin, Jean-Pierre Chevènement, Paul Quilès, Daniel Vaillant. Effectivement, ce ne sont que des gens très bien, et – je l’ai noté – aucun ministre de droite ne figure dans son panthéon. Il est vrai que c’est la gauche qui, sur ces questions, a essayé, ces dernières années, d’apporter un certain nombre de réponses à la fois réalistes et respectueuses de l’État de droit.
M. Jean-Michel Fourgous. Pour quel résultat !
M. Jean-Michel Ferrand. Cela n’a pas été probant !
M. Christophe Caresche. C’est vrai, c’est la gauche qui a créé les centres de rétention car, à l’époque, les étrangers allaient en prison.
C’est vrai, c’est la gauche qui a créé les zones d’attente car, à l’époque, il n’existait pas de statut juridique pour les étrangers retenus.
C’est vrai, c’est la gauche, monsieur Besson, qui a élaboré la loi RESEDA, et vous l’aviez votée à l’époque ; il s’agissait de mettre fin, par des solutions d’apaisement et d’équilibre, des solutions humaines, à la scandaleuse situation qui était celle des sans-papiers après l’expulsion de l’église Saint-Bernard.
Ne doutez pas, monsieur le ministre, que nous serons, dans l’avenir, fidèles à cet acquis, fidèles à cet héritage. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Il est également vrai, monsieur le ministre, que, depuis 2002, nous avons précisément assisté à un démantèlement, à une remise en cause de cet héritage et des progrès que nous avaient permis d’accomplir des gouvernements de gauche. Depuis 2002, notamment par le fait de Nicolas Sarkozy, six textes ont été examinés dans cet hémicycle, qui ont profondément remis en cause le cadre législatif du droit des étrangers et du droit de l’éloignement. Il ne reste aujourd’hui pas grand-chose des acquis de Lionel Jospin et de Jean-Pierre Chevènement.
Contrairement à ce que vous essayez de faire croire, vous n’êtes pas, monsieur le ministre, l’héritier de Lionel Jospin ou de Jean-Pierre Chevènement (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP)
M. Daniel Mach. Dieu merci !
M. Christophe Caresche. …vous êtes le dernier avatar du sarkozysme.
Depuis 2002, nous assistons à une instrumentalisation sans précédent, à une stratégie de la tension. Tout cela a mené à une politique qui a pour nom arbitraire, notamment en matière de régularisations, et inefficacité, car la politique du chiffre que vous menez en matière d’expulsions est un véritable fiasco, à la fois pour les juridictions, pour la police et pour les étrangers. Cela se traduit également par un véritable recul du droit, car vous n’avez cessé de rogner les garanties procédurales et juridiques des immigrants.
Cette politique, monsieur le ministre, est aujourd’hui contestée au-delà de nos frontières. Elle est contestée par les institutions européennes (Protestations sur les bancs du groupe UMP)
M. Jacques Myard. Et alors ?
M. Christophe Caresche. …et je vais le démontrer.
Précisons auparavant que, s’agissant de la directive « Retour », vous n’êtes pas bien informé.
M. Bernard Roman. Il est bien informé mais il ment !
Mme Pascale Crozon. C’est une habitude !
M. Christophe Caresche. Si 369 parlementaires européens ont voté pour cette directive, les 197 qui ont voté contre se recrutaient bien au-delà des rangs des parlementaires socialistes français : il y avait notamment des Italiens, des Portugais, des Allemands, des Grecs, des Suédois, des Finlandais, des Bulgares, des Roumains. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Claude Goasguen. Et les Espagnols ?
M. Daniel Mach. Et la France ? Vous en faites quoi de la France ?
M. Christophe Caresche. L’opposition à la directive excédait donc largement la délégation française du groupe socialiste.
La vérité, monsieur le ministre, c’est que ce ne sont pas les socialistes français qui sont isolés sur le plan européen : c’est le Gouvernement français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Lorsque la Commission européenne lui demande des comptes sur la manière dont il a expulsé, cet été, les Roms, c’est le Gouvernement français qui est isolé. De même est-il isolé lorsque la Commission européenne lui demande des comptes sur la manière dont il a transposé la directive « libre circulation ».
N’en doutez pas, monsieur le ministre, la Commission européenne vous demandera également des comptes sur la manière dont vous allez transposer la directive « Retour ». Nous en ferons la démonstration au cours de ce débat : vous ne respectez ni le droit européen ni les principes retenus par le Parlement européen lors de l’adoption de cette directive. En fait d’isolement, c’est bien vous et le Gouvernement français qui êtes sur la sellette.
M. Christian Jacob. On assume !
M. Christophe Caresche. Nous verrons demain si la Commission décidera finalement de traduire la France en manquement devant la Cour européenne de justice. Nous verrons alors quelle est la situation de la France.
En tout cas, lors du vote au Parlement européen, la résolution qui a condamné la France a, elle, réuni une majorité, qui allait largement au-delà des rangs des socialistes européens. Ainsi le Parti libéral et M. Verhofstadt s’y sont-ils associés, non sans employer des mots extrêmement durs pour la politique française.
C’est donc vous, monsieur le ministre, et le Gouvernement français qui êtes aujourd’hui en difficulté. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anny Poursinoff, pour le groupe GDR. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Anny Poursinoff. Je sens que ma prise de parole suscite un enthousiasme auquel je ne m’attendais pas. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, seule Mme Poursinoff a la parole.
Mme Anny Poursinoff. La fierté d’être Français, nous l’éprouvons, mes chers collègues, lorsque nous sommes exemplaires en matière de droit des personnes, et vous n’êtes pas exemplaires !
M. Thierry Mariani, rapporteur. Si, nous sommes exemplaires !
Mme Pascale Crozon. Est-ce être exemplaire que d’être condamné par tout le monde ?
Mme Anny Poursinoff. Nous éprouvons aussi cette fierté lorsque nous ne considérons pas que l’étranger pauvre – je ne parle pas de l’étranger riche, qui aura même droit à une carte spéciale – est obligatoirement un délinquant.
Le discours de Noël Mamère n’était pas du tout caricatural il était admirable, et je suis très fière d’appartenir au même groupe que lui. Je ressentais profondément les propos qu’il a tenus.
Je ne parlerai pas aussi bien que lui, je n’en suis pas capable, mais il a tenu des propos profondément humanistes, dont je le remercie énormément. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nouvelle députée, j’ai le droit de parler, tout de même !
Plusieurs députés du groupe UMP. Noël ! Noël !
Mme la présidente. Mes chers collègues, s’il vous plaît, seule Mme Poursinoff a la parole pour l’instant.
M. Lionnel Luca. C’est le fan-club de Noël Mamère !
Mme Anny Poursinoff. Noël Mamère a rappelé que nous nous nous sommes rendus hier dans un centre de rétention. C’était la première fois que j’en visitais un et j’ai été profondément choquée : il s’agissait d’une véritable prison, avec des tables et des bancs en fer, même si les portes n’étaient pas fermées à clef. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Bruits ininterrompus.)
Il était extrêmement dur pour moi de visiter un endroit où des gens sont privés de liberté pour avoir commis l’énorme faute d’être étrangers. C’est effectivement sur ce seul critère qu’ils sont là.
Certes 70 % ou, peut-être, 80 % d’entre eux ressortiront libres de cet endroit. Qu’attend-on pendant leur rétention ? On attend que leur pays d’origine dise s’il les reconnaît, oui ou non, comme ses ressortissants ; on attend de savoir s’ils auront un visa. Cela justifie-t-il la prison ? Pour cette seule raison, vous les punissez, pendant trente-deux jours, et vous voulez maintenant porter cette durée jusqu’à quarante-cinq jours : c’est indigne !
Vous nous avez assuré qu’on soignait tout le monde, mais nous avons rencontré, dans ce centre de rétention, un monsieur atteint d’un grave problème rénal, qui séjournait en France depuis vingt et un ans. Il a effectivement vu un médecin, mais celui-ci ignorait qu’on le mettait aujourd’hui dans l’avion ! Que va devenir cet homme, gravement malade ? Est-ce de l’humanitaire ? Aurait-on des raisons d’être fier d’être français dans de telles conditions ? Non ! On est fier d’être français lorsque l’on est proche des gens, lorsque l’on est ouvert, lorsque l’on ne construit pas une forteresse. La forteresse Schengen, la forteresse européenne ne vous suffisent pas, et il vous faut une forteresse en France ! Je ne suis pas fière de cela. Je suis en revanche fière de voter contre ce projet qui aurait effectivement dû retourner en commission pour que l’on puisse trouver de meilleures solutions.
Vos propositions ne sont pas bonnes, nous ne pourrons pas les soutenir, vous le savez très bien. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)
Un député UMP. À dégager ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mme la présidente. Je vous en prie.
5

Opposition à la discussion d’un texte en procédure d’examen simplifié

Mme la présidente. J’informe l’Assemblée que M. le président du groupe de la gauche démocrate et républicaine a fait opposition à la discussion selon la procédure d’examen simplifiée du projet de loi n° 2587 autorisant l’approbation de l’accord entre la France et Antigua et Barbuda relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale.
6

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
    Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
    Claude Azéma

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