Qu'advient-il de la demi-souveraineté pathologique de pseudo démocraties
européennes, alors que ces Etats ont gravé dans leurs Constitutions
respectives le principe de l'occupation éternelle de leurs nations par les
forces armées d'une puissance étrangère?
1 - Naissance de l'Europe américaine
La vassalité sépulcrale de
l'Europe aura duré près de trois quarts de siècle - cette épreuve se sera
étendue sur le même empire du temps que celui entre la mort de Louis XVIII en
1824 et l'inauguration de la première ligne du métro de Paris en 1900.
Dès le lendemain de la Libération,
le chef du gouvernement, qu'on appelait le Président du Conseil sous la IIIe
République, se trouvait à nouveau entre les mains de Léon B lum, l'homme des
grèves de 1936, de la semaine de quarante heures et du pourfendeur du mariage.
Aux côtés du ministre américain de l'époque, M. James Byrnes, il avait tenté,
avec la signature des "Accords Blum-Byrnes" de 1946, de
placer le cinéma français sous le contrôle étroit de Hollywood - un quota
écrasant de films américains allait occuper obligatoirement les écrans
français, face à une cinématographie nationale réduite à la portion congrue.
Il faudra attendre de longues
années pour que la IVe République se décide à courir au secours du cinquième
art. Une loi subventionnera les films français par le détour de prêts sur
recettes - mais le cinéma allemand ne retrouvera sa respiration que beaucoup
plus tard dans une Allemagne condamnée à demeurer divisée jusqu'à la chute du
mur de Berlin en 1989.
Les historiens diviseront le
siècle tombal de l'Europe en trois périodes. La première s'est étendue de
1945 à 1949, à l'heure des premiers pas de la guerre froide. La seconde, de
l'expansion du marxisme d'Etat jusqu'à l'effondrement du messianisme
prolétarien, qui avait créé une nouvelle ecclésiocratie du salut et de la
rédemption, fondé sur la nouvelle bible de l'humanité, Le Capital, du
prophète Karl Marx. La troisième période a inauguré son règne depuis la
réunification de l'Allemagne, au cours de laquelle l'Amérique est parvenue à
graver dans les constitutions dites démocratiques de toute l'Europe, le
principe de l'occupation perpétuelle du continent de Copernic et de
Christophe Colomb, par cinq cents bases militaires, de Ramstein à Sigonella
et de la Belgique à la Pologne et à la Roumanie.
2 - Première
étape de la vassalisation: de 1945 à 1949
Dès 1946, Montmartre est tombé
dans l'enfer nouveau: en face du métro Abbesses, le dos de pierres nues d'un
gigantesque immeuble se trouvait recouvert du haut en bas d'une publicité
coloriée pour Coca-cola. Comment l'empire nouveau du commerce international
et des affaires aurait-il pu occuper la place si les gouvernements de
l'époque soutenus par une opinion publique égarée n'y avaient pas prêté la
main?
Une pièce d'Armand Salacrou, de
l'Académie Goncourt, intitulée "Les nuits de la colère"
permettait à la bourgeoisie parisienne de se peindre en fer pendant les cinq
années d'occupation. Elle était censée avoir combattu l'occupant unanimement
et de toutes ses forces. De plus, le parti communiste était à la manœuvre:
l'amour des Français pour Joseph Staline qu'on appelait le petit père
des peuples, battait alors son plein.
Montherlant s'était vu frappé de
l'interdiction ridicule de publier pendant un an: en secret, on lui
reprochait de n'avoir pas peint le peuple français sous les vives couleurs du
peuple espagnol face à l'occupation napoléonienne. Il avait écrit: "Le
vainqueur roucoulait sur les bancs publics avec les femelles du vaincu".
Quant à Simenon, on lui reprochait un film au titre ambigu: "La neige
était sale". L'inventeur du Commissaire Maigret n'y portait pas aux
nues, c'est le moins qu'on puisse dire, les francs-tireurs qui prétendaient
effacer leur défaite sur les champs de bataille à tirer dans le dos des
sentinelles de l'occupant.
Me Garçon, le plus célèbre avocat
de l'époque, avait tiré le grand Belge de ce mauvais pas. Mais peu à peu, le
"paradis soviétique" tombait en poussière. Un certain
Kravtchenko avait précédé Soljenitsyne de trois décennies: il avait dénoncé,
le premier, les camps de concentration soviétiques qu'on appelait les
Goulags. Le parti communiste français avait intenté un procès à ce
profanateur du "paradis soviétique", dont M. Frédéric Joliot-Curie,
le plus célèbre des savants atomistes de l'époque, était venu authentifier
les merveilles à la barre du tribunal.
Cependant, déjà dans l'ombre, une
question nouvelle se posait à tout le genre humain: ne fallait-il pas
apprendre à observer l'humanité du dehors? Mais qu'est-ce que le dehors?
Toutes les époques croient observer Adam de l'extérieur. Au Moyen-Age, c'était
le Dieu unique des chrétiens qui était censé disposer d'un regard de Sirius
sur sa créature. Et maintenant, l'humanité ne savait plus quel observatoire
il lui fallait construire pour se placer sous le microscope de la pensée.
Tous les télescopes suprêmes avaient démontré leur relativité. Il n'y avait
plus de lentille grossissante de l'animalcule ambitieux de s'évader de la
zoologie : il fallait donc tenter de préciser le type singulier d'animalité
que conquiert l'animal rationale. Puisqu'il ne s'était pas métamorphosé
en ange ou en séraphin, mais qu'il faisait déjà l'ange à l'échelle
planétaire, comme disait Pascal, quelle était l'animalité qui conduit la
créature à faire l'ange à l'échelle de la planisphère, et notamment sous le
masque nouveau et plus universel que tous les précédents, celui de la
Démocratie censée incarner le mythe de la Justice et de la Liberté?
3 - Seconde
étape de la mise en tutelle de l'Europe: 1949-1989
Mais, d'un autre côté, l'empire
américain ne savait plus très clairement si la démocratie américaine
messianisée à l'école de ses idéalités avait vocation de combattre le
communisme ou le progrès social, alors que le socialisme français obéissait à
une tradition qu'on pourrait qualifier de classique et étrangère à l'utopie
de supprimer purement et simplement l'économie de marché. Mais le capitalisme
continuait de lutter contre l'assaut du mythe prolétarien.En 1957, le communisme chinois
avait subitement rallumé la flamme du salut et de la rédemption par la
décapitation des détenteurs des moyens privés de production: la Révolution
dite des Cent Fleurs avait provoqué une nouvelle ruée de
l'intelligentsia marxisante française dans les bras de Mao Tsé Doung.
L'anthropologie pseudo scientifique de l'époque n'avait aucune connaissance
rationnelle du genre humaine qui lui aurait permis de tracer une frontière
précise entre l'utopie délirante et le progrès social sans lequel l'humanité
tombe dans un conservatisme et un ritualisme stériles.
4 - Les
archives de l'Europe américaine
Des documents déclassifiés du
gouvernement américain mis à la disposition des chercheurs par les Archives
nationales des Etats-Unis révèlent que, dès les années 1950 et 1960,
les services secrets américains ont activement travaillé à la création et au
financement du mouvement fédéraliste européen qu'ils allaient placer sous
leur contrôle.
Dès 1948 fut créée une structure
intitulée Comité américain pour une Europe unie. Sans doute
quelques esprits vaporeux se sont-ils imaginé qu'une Amérique victorieuse se
transformerait tout subitement en un Eden des démocraties et s'efforcerait de
répandre parmi ses alliés les bienfaits séraphiques de sa vocation
apostolique sur toute la terre habitée. Mais les grands Etats sont dotés
d'organes prêts à transformer leurs victoires en armes de leurs ambitions. Un
Etat victorieux n'est pas le maître des organes qui le propulsent hors de ses
frontières. L'expansion militaire et industrielle de la nation d'Abraham
Lincoln était non seulement prévisible, mais nécessairement inscrite dans ses
entrailles. Le premier, Harry Truman, vice-président des Etats-Unis sous
Franklin Roosevelt, puis devenu son successeur à partir de 1948, avait
compris et théorisé le premier la nécessité pour l'empire américain, encore
potentiel, de dominer toutes les mers du globe sur un modèle qui n'allait pas
tarder à inventer la propulsion nucléaire. Celle-ci allait donner aux
porte-avions un rayon d'action illimité.
Le premier Président du Comité
américain pour une Europe unie, le Général William Donavan - qui était
également le chef de l'ancêtre de la CIA - ainsi que que son vice Président,
Allen Dulles, avaient pour mission de promouvoir la création d'un
Parlement européen à placer sous les ordres du Pentagone.
Les documents déclassifiés
montrent que Dulles, devenu le directeur de la CIA, fut le principal et
généreux mécène du Mouvement européen, une organisation
fédéraliste, qui comptait le Comité américain pour une Europe unie des
origines, auquel est venue s'ajouter une branche d'origine belge, l'European
Youth Campaign, entièrement contrôlée et financée, elle aussi, par
Washington. Parmi les responsables du Mouvement européen, on
trouvait le Belge Henri Spaak, ancien chef du gouvernement de son pays, et
Robert Schuman, le "père de l'Europe-nation" selon
l'idéologie française d'hier et d'aujourd'hui, mais tous deux considérés par
les institutions financières américaines (CIA, Fondations Ford et Rockfeller
et par divers hommes d'affaire proches du gouvernement des Etats-Unis) comme
leurs exécutants directs.
Il s'agissait de ne jamais agir au
grand jour et surtout d'interdire tout débat sur le bien-fondé et les
objectifs ultimes de l'unification idéo-démocratique du Vieux Continent. Une
note datée du 11 juin 1965, conseille à Robert Marjolin, alors Vice-Président
de la Communauté Economique Européenne (CEE) de se montrer
non moins discret à propos du projet en cours de l'adoption d'une monnaie
unique, jusqu'à ce que cette adoption fût devenue "inéluctable". On
voit que la conception et la parturition de l'Union européenne ont été
l'aboutissement d'une stratégie cachée et minutieuse des Etats-Unis, financée
par eux et soutenue par des hommes-liges entièrement dévoués à leurs mécènes.
Ayant bu dès sa naissance le lait de
la servitude, l' Union européenne, devenue adulte, n'a pu que progresser dans
la voie tracée d'avance pour devenir un gigantesque corps flasque, une sorte
de protozoaire sans cervelle, sans colonne vertébrale , sans volonté propre,
et totalement dépendante des décisions venues d'outre-Atlantique. C'est
pourquoi Donald Trump a commencé par tweeter la vérité la plus évidente et la
plus simple: "L'Europe ne sera jamais une nation et n'aura jamais de
capitale".La dépendance officielle du Vieux Monde se concrétisera à
partir du traité de Maastricht(1992) par sa soumission
constitutionnelle à l'OTAN, c'est-à-dire au Pentagone.
En 1957 déjà, le traité de
Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE),
censée courir vers l'union politique, avait illustré comme à plaisir
l'incompétence de la classe dirigeante de l'époque, qui s'imaginait, en toute
innocence, que l'économie se révèlerait la couveuse naturelle de la
politique. Mais l'économie ne crée rien d'autre qu'une classe d'hommes
d'affaire et d'économistes. De son coté, la politique naît d'une ambition
nationale, d'une identité nationale, d'une communauté d'esprit patriotique.
Or, dès 1945, le parlementarisme
de cabotage avait commencé de se dresser sur ses ergots et de se livrer aux
clapotis de la médiocrité, au point que le Général de Gaulle avait dû jeter
le gant et se retirer à Colombey-les-deux Eglises. En effet, en quelques mois
son Rassemblement du peuple français avait quasiment
réunifié la nation française. Mais il avait suffi au parlementarisme hérité
de la IIIe République de mettre sur pied une théorie dite "des
apparentements" afin d'opposer une barrière formelle, mais
infranchissable, au nouveau gaullisme dont la vocation était désormais de
changer de république.
C'est à la faveur, si je puis
dire, de ce chaos larvé et de ce vide cérébral qu'un socialisme censé libéré
des prestiges et des fascinations du messianisme démocratique américain,
avait cru impose un nouveau réalisme dans la politique. De l'autre côté du
rideau de fer, la chute du marxisme dans la dictature idéologique, dans la
répression de l'individualisme et de l'esprit de création conduirait toute
l'Europe de l'Est en direction d'une Révolution anti-soviétique. Mais,
pendant ce temps-là, l'Amérique ne cessait de convaincre l'Europe des
bienfaits une auto-vassalisation progressive, peu spectaculaire, mais de plus
en plus omnipotente.
5 - De la
chute du mur de Berlin à nos jours
Enfin, en 1989, la chute du mur de
Berlin, à la suite de nombreuses marches silencieuses du peuple d'Allemagne
de l'Est dans les rues, illustrait subitement les retrouvailles de l'Europe
avec les idéaux de 1789. Mais que restait-il de l'Europe des hommes de génie,
que restait-il de l'Europe des audaces de la raison, qui sont solitaires par
nature, que restait-il de l'Europe de l'intrépidité intellectuelle? L'étau du
mythe américain, celui d'une démocratie pseudo évangélisée, avait rendu
exsangue l'Europe des grands philosophes du passé. La prophétie de Spengler
se réalisait pas à pas: l'esprit prométhéen du Vieux Monde se mourait.
Et pourtant, qui aurait cru que la
réunification de l'Allemagne sous l'égide d'Helmut Kohn et de Mikael
Gorbatchev, que les décombres fumantes du marxisme, que le retour de
Leningrad à son nom de baptême, ne changeraient pas d'un iota la progression
en Europe de l'occupation militaire américaine sous la bannière de l'OTAN et
que la tutelle du Pentagone ne cesserait de se renforcer comme si
l'effondrement de l'Union soviétique laissait le champ libre au premier
empire militaire mondial, celui des Etats-Unis d'Amérique. Comment se fait-il
que la disparition de la menace militaire soviétique ait renforcé à ce point
la domination militaire américaine sous le sceptre de cinq cents garnisons de
l'OTAN en Europe, comment se fait-il qu'il soit devenu soi-disant
démocratique et compatible avec le concept même de Démocratie de valider
l'occupation militaire perpétuelle de l'Europe sous la bannière d'une
puissance étrangère?
De traité en traité, de celui de
Maastricht à celui de Lisbonne l'étranglement de de l'Europe et sa soumission
au sceptre Pentagone se sont consolidés, y compris au sein même de
l'Eurocorps, qui n'est nullement un embryon d'armée proprement européenne,
mais un ramassis de supplétifs que l'OTAN utilise à son service, sans se
préoccuper du droit international.
6 - Une
science des déclins
Reste à souligner qu'après
soixante-dix ans d'américanisation de l'Europe, les journalistes sont
fatalement devenus des agents d'influence relativement conscients ou
inconscients de l'occupant. Ils sont devenus les messagers et les
transmetteurs des vues et des intentions de l'occupant. Pas un seul d'entre
eux n'osera évoquer, serait-ce d'un seul mot, le quadrillage de l'Europe par
les cinq cents bases militaires de l'OTAN, de Ramstein à Sigonella et de
Bruxelles aux frontières de la Russie, pas un seul d'entre eux n'évoquera
l'alliance renforcée de la Russie et de la Chine afin de parer à la menace du
renforcement constant du "bouclier" américain. On ne saurait
créditer les médias du recul et de la pénétration d'esprit nécessaires à une
vue panoramique du destin d'une civilisation en agonie. Si Hitler avait gagné
la guerre, le corps entier des journalistes serait aujourd'hui au service
d'un empire nazi triomphant, si Staline avait envahi l'Europe, le journalisme
actuel serait le levier de la para-théologie et de l'eschatologie marxistes.
C'est pourquoi, dans son débat
avec Alain Juppé, François Fillon n'a visé qu'une seule cible, les
journalistes. Sur ce point, il faut constater que Donald Trump n'a fait que
prendre sa succession : il a tout simplement refusé de donner la parole à un
journaliste de CNN et l'a accusé, avec le retentissement mondial que l'on
sait, de n'être qu'un diffuseur de fausses nouvelles au service du parti qui
le stipendie.
Quant à la France américanisée,
elle a battu tous les records de la servitude volontaire, puisque tout au
long de l'été 2016, France-Inter a convié le peuple français à partir en
vacances avec un livre américain sous le bras. La vassalisation de la presse
au service de l'occupant est devenue à ce point le centre stratégique de
l'Europe américaine, qu'il n'y aura de retrouvailles de la France et de
l'Europe avec leur souveraineté qu'à la suite d'une guerre ouverte des forces
vives des nations du Vieux Continent contre la propagande américaine relayée
par tous principaux organes de presse dont leurs plus célèbres éditorialistes
sont d'anciens Young leaders, à commencer par Bernard Guetta.
Pour cela, il faudra qu'internet
apprenne à analyser de l'intérieur l'art et les moyens de la subversion
américaine mise en place par les médias officiels, lesquels stigmatisent sous
le sobriquet de "complotistes" les dénonciateurs de
nouvelles falsifiées. En effet ces médias disposent de moyens aussi multiples
que divers pour tordre le cou à la vérité: tantôt ils ignorent purement et
simplement certains événements, tantôt, dans la foulée, ils donnent la parole
à un pseudo "témoin" sur place - une fillette "tweeteuse"
ou un "opposant" modérément modéré - tantôt ils interrogent le
"directeur" d'un institut au titre ronflant, tantôt ils se réfèrent
avec une unanimité touchante à un Observatoire syrien des Droits de
l'Homme, alimenté par un seul individu sis dans une banlieue anglaise, M.
Rami Abdel-Rahman, etc. etc. le tout dans un climat de feinte neutralité
peinte aux couleurs de l'objectivité et qui introduit l'art de subvertir le
réel dans le tissu même du récit.
Ecoutez Macron, ex Young
Leader, lui aussi, stigmatiser le repli de la droite sur un nationalisme
étroit et prôner le pseudo "esprit d'ouverture"
d'une gauche entreprenante et créatrice, alors que le vrai repli est
précisément de se boucher les yeux et les oreilles sur la présence militaire
impérieuse, évoquée plus haut, d'un occupant qui a conduit toute la classe
dirigeante européenne et toute l'intelligentsia du Vieux Monde, à légaliser
une occupation militaire perpétuelle.
Ici encore, la politologie et la
science historique devront s'instruire d'une connaissance nouvelle du genre
humain, celle des formes insinuantes de la soumission dont l'Europe
américaine aura enrichi la science de la mémoire qu'on appelle l'histoire. La
véritable postérité du Déclin de l'Occident d'Oswald
Spengler paru en 1918, est ouvert.
Le 20 janvier 2017
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