Témoignage : "Je ne suis pas du tout coupable", déclare Jacqueline Sauvage
Pour notre part nous considérons que si cette affaire dramatique peut servir de références pour faire avancer
notre droit dans le sens de la protection des femmes battues , qu'il faut se
garder de faire de Jacqueline Sauvage
qui a affirmé sur France 2 dans cette émission,
: "Je ne suis pas du tout coupable " ... et qui a déclaré
" Je vais soutenir les femmes qui ont subi les violences de leurs
conjoints et je vais les aider ",
une star symbole des femmes battues et
une icône du combat des femmes contre les violences conjugales, ce serait
très dangereux, et ça
pourrait être interprété comme une
justification ou un encouragement au
passage à l’acte pour se délivrer d’un mari ou compagnon violent en espérant
des circonstances atténuantes ou encore une grâce présidentielle.
Il faut souligner que beaucoup trop de femmes subissent
pendant des années des violences sans user des droits de protection qui leur
sont ouverts dans les pouvoirs publics, et offerts par des associations de défense des
femmes maltraitées et battues, et ce
n’est pas une raison pour se faire justice soi-même.
Au moment de sa libération, et encore aujourd'hui différentes opinions médiatiques se sont manifestées, se situant dans le cadre du compassionnel, du spectaculaire et de l’émotion en étalant cette libération et rappelant
cette affaire avec peu trop peu de discrétion, et en traitant ce genre de drame comme un combat à mener pour soutenir et renforcer
le droit de légitime défense des femmes battues ou maltraitées, ce faisant les médias font une mauvaise propagande, il feraient mieux d'insister sur les droits qui existent déjà pour protéger les femmes maltraités et battues afin qu’elles soient bien informées et n’en arrivent
pas à cette extrémité de se faire justice soi-même .
Dans un précédent éditorial du 28 décembre sans entrer dans
le compassionnel spectaculaire des
médias, et me situant au-delà de l’émotion, en me plaçant sur le terrain de la
justice, je précisais que je pensais que
depuis que la peine de mort a été supprimée cette grâce présidentielle n’a plus
lieu d’être et qu’elle devrait être
supprimée.
J’écrivais qu’elle
présentait le risque d'être utilisée à des fins politiques par certains
présidents, soit sous leur propre impulsion , soit sous la pression de
mouvements associatifs, ou partis lesquels interviennent avec des
arguments idéologiques compassionnels ou émotionnels, soit encore
politiques, dans un contexte sur médiatisé, pour remettre en cause le jugement prononcé par la justice. Et j’ajoutais
« Il existe donc encore en France, en dépit du principe de la séparation
des pouvoirs, des remises de peines qui
font coexister une sorte de "justice privée" qui vient concurrencer le jugement prononcé par la justice , ce qui
ne parait pas logique puisque dans nos lois sont prévues des mesures de
réductions de peines sont applicables,
sans avoir recours à une remise de peine présidentielle, dans le cadre d'un
processus judiciaire normal..
Dans mon éditorial je reprenais aussi in extenso un excellent article publié le 28 déc. 2016 sur le site "RT en Français",
intitulé" Grâce de Jacqueline
Sauvage : «Hollande a préféré une justice privée à une justice démocratique»,
dans lequel malgré sa compassion pour Jacqueline Sauvage,
l'ancien magistrat français Philippe Bilger voyait dans la grâce accordée par François Hollande
une atteinte à l'autorité de la justice sous le poids de l'émotion et des
pressions médiatico-politiques.
Il s'agissait d'un interview accordé par Philippe Bilger, président de
l'Institut de la parole , magistrat honoraire et consultant judiciaire, ancien
juge d'instruction puis avocat général à la Cour d'assises de Paris, au cours
duquel Philippe Bilger donnait son
opinion très juste et qui procédait d'une analyse très affinée des circonstances
de cette affaire.
Une nouvelle fois nous reproduisons ci-dessous en
copié/collé cet entretien en raison de l'avis éclairé que Maître Bilger apportait sur cette affaire.
Source : site RT en
Français
Copié /collé :
………………….
" Grâce de Jacqueline Sauvage :
«Hollande a préféré une justice privée à une justice démocratique», Grâce
RT France : Jacqueline Sauvage est désormais sortie de
prison suite à la grâce présidentielle que lui a accordée François Hollande.
Etes-vous surpris par sa décision?
Philippe Bilger (P. B.) : Oui et non. Il y avait déjà une
grâce partielle et je savais le président soumis à des pressions médiatiques,
politiques et familiales. Je ne suis pas persuadé que son courage politique,
surtout à quatre ou cinq mois d'une élection présidentielle qui ne le concerne
plus, soit énorme. Néanmoins, je suis quelque part étonné car je n'osais croire
que nous pourrions être confrontés dans l'histoire judiciaire à une grâce
individuelle, déjà très rare, à double détente. C'est-à-dire une grâce
partielle suite à deux arrêts de la cour d'Assises, tout à fait légitimes,
suivie d'une grâce totale accordée après le refus par deux juridictions
d'application des peines d'appliquer la libération conditionnelle de Jacqueline
Sauvage. Je rappelle, car je pense que nous ne serons pas nombreux à défendre
mon point de vue, que j'étais moi-même favorable à la libération conditionnelle
de Jacqueline Sauvage mais dans le cadre d'un processus judiciaire normal.
Je ne suis pas sûr que le portrait sulpicien que l'on
dessine d'elle soit forcément bon
RT France : Virginie Duval, la présidente de l'Union
syndicale des magistrats s'est déclarée indignée par cette décision qui fait
passer le politique avant la justice. Vous avez vous-même émis des critiques
sur la médiatisation de cette affaire, bien qu'ayant de la compassion pour
l'histoire de Jacqueline Sauvage. En quoi cette décision peut-elle déranger
d'un point de vue juridique?
P. B. : Jacqueline Sauvage (mais c'est un point de vue
personnel) ne m'apparaît pas comme une bonne icône pour la cause des femmes.
C'est une femme qui a tué son mari de trois balles dans le dos. Elle a sans
doute vécu un enfer durant un certain nombre d'années mais ce n'était pas une
faible femme. Elle avait des armes. Elle aurait, m'a-t-on dit, poursuivi l'une
des maîtresses de son mari. Je ne suis pas sûr que le portrait sulpicien que
l'on dessine d'elle soit forcément bon. Mais ce n'est pas la raison principale
de ces critiques. Il n'y avait aucune raison qu'il y ait une grâce partielle
après les deux arrêts des Assises. On a eu deux jurys populaires qui ont tous
les deux condamné Jacqueline Sauvage à dix ans d'emprisonnement. S'il y a eu
une grâce partielle après ces arrêts, c'est simplement parce qu'il y a eu une
pression d'un clan mondain politico-médiatique qui a influencé François
Hollande. Cette grâce partielle a permis à Jacqueline Sauvage de demander plus
rapidement une remise de peine. A partir de ce moment-là, le comité qui la
soutenait s'est mis un peu en sourdine. Il avait compris que son rôle devenait
contre-productif. La procédure est donc redevenue normale. Elle a déposé deux
demandes pour une libération conditionnelle. A deux reprises, celles-ci ont été
rejetées pour des motifs que je ne trouve pour ma part pas réellement
pertinents. Dans tous les cas, on était encore dans le déroulé d'une justice
normale. Elle devait sortir de toute manière en juillet 2018 et aurait pu faire
de nouvelles demandes. Ce qui me choque c'est qu'on ait fait de cette affaire
singulière et d'une certaine manière ordinaire, une affaire nationale à cause
d'influences périphériques.
Cette décision porte atteinte, à mon sens gravement, à
l'autorité de la justice et à son caractère institutionnel
Cette décision porte atteinte, à mon sens gravement, à
l'autorité de la justice et à son caractère institutionnel. Je le comprendrais,
à la rigueur, si nous avions été confrontés à une affaire dont la gestion a été
calamiteuse par l'autorité judiciaire. Ce n'est pas le cas ici. Bien sûr,
François Hollande reçoit les suffrages médiatiques et politiques pour cette
décision. La démagogie va battre son plein et personne ne va le contredire.
Mais peu importe. Je vois avec plaisir que la présidente de l'USM a mon point
de vue. Ce n'est pas être corporatiste que de dire cela. C'est simplement de
mettre sur un plateau de la balance le sort de la justice en démocratie et, sur
l'autre plateau, le sort de Jacqueline Sauvage, pour laquelle j'ai de la
compassion mais qui a été condamnée à dix ans de prison et qui serait de toute
manière sortie dans un délai relativement bref. François Hollande a choisi une
justice privée plutôt qu'une justice totalement démocratique.
La justice criminelle et la justice tout court doivent être
l'examen et l'appréhension du singulier. On ne doit jamais être dans le cadre
d'une justice pour l'exemple
RT France : Cette grâce peut-elle, au niveau juridique,
desservir la lutte contre les violences faites aux femmes en France?
P. B. : Vous savez, il y a eu pendant ses procès un avocat
qui défendait une cliente qui avait connu des faits assez similaires à ceux de
Jacqueline Sauvage. Elle n'avait néanmoins pas tiré trois balles dans le dos de
son mari. Aujourd'hui, sa cliente est libre. La prise en compte par la justice
des violences conjugales dans les peines est déjà courante. Je suis sensible
évidemment à la cause des femmes dès lors qu'elles subissent des violences et
qu'elles ne peuvent pas échapper à celles-ci. J'ai toujours considéré qu'il
était extrêmement dangereux de plaquer sur des affaires criminelles, qui sont
du singulier, une sorte de cause générale dogmatique. La cause des femmes est
un combat qui mérite d'être mené mais ce n'est pas une sorte d'idéologie qui
doit être plaquée de manière très artificielle sur tous les procès où des
femmes ont été victimes de violences de la part de leurs maris ou leurs
compagnons. La justice criminelle et la justice tout court doivent être
l'examen et l'appréhension du singulier. On ne doit jamais être dans le cadre
d'une justice pour l'exemple.
- fin du copié collé –
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