Inséré dans un système bancaire devenu fou, le jeune trader dont la Société Générale à fait son bouc émissaire risque 5 ans de prison dont 4 fermes et 375.000 euros d'amendes. Il sera fixé sur son sort le 5 Octobre 2010.
Le procès Kerviel qui a déballé pendant trois semaines tout autant le scandale bancaire d’un système spéculatif corrompu que les agissements délictueux de l’ancien trader de la Société Générale Jérôme Kerviel, vient de se terminer, le 24 juin l'accusation a demandé quatre ans de prison à l'encontre de l'ancien trader de la Société Générale. Et le 25 juin la défense a plaidé la relaxe pour l’essentiel des faits reprochés à Jérôme Kerviel en estimant que la Société Générale n’a pas fixé de limites à l’extrader.
Au cours des semaines précédentes, au cours du déroulement des audiences du procès , aussi bien Jérôme Kerviel que son ex employeur la Société Générale ne sont pas apparus respectivement aussi blanc que l’innocente et pure Blanche Neige.
Les audiences du procès ont mis en évidence les fautes professionnelles du trader incontrôlé ou incontrôlable ( ?) le saura-t-on jamais, mais aussi en parallèle le laxisme des systèmes de contrôle de la Société Générale qui ont permis à Jérôme Kerviel de spéculer en dehors des limites préconisées ou suggérées par la Banque.
Mais selon la défense de Jérôme Kerviel, l a Société Générale savait, laisser faire, encourageait même.
Kerviel lui-même a soutenu au cours d’une audience qu'il n'a pas pu seul, et à l'insu de tous, engager son employeur, la Société Générale, à hauteur de 50 milliards d'euros.
La Banque a admis de son côté au cours d’une audience que « peut-être » les systèmes de contrôle ont été défaillants, mais ses avocats ont souligné que son ancien trader a usé d'opérations fictives ou de fausses déclarations pour brouiller les pistes.
Une trentaine de témoignages en faveur ou contre Kerviel laissent encore des doutes, et surtout n’ont pas permis de cerner les véritables motivations du prévenu.
« Qui êtes vous vraiment, Monsieur Kerviel ? », a souvent demandé le président du tribunal. « Un jeune homme ordinaire », a toujours répondu, l'ex-trader.
25 Juin - Le réquisitoire :
(résumé)
Le réquisitoire va à l’encontre de la ligne de défense de Jérôme Kerviel, qui assure que sa hiérarchie savait parfaitement qu’il prenait des risques importants :
En débutant son réquisitoire, le procureur Philippe Bourin a tenu à souligner l’exemplarité de ce procès. Un procès pendant lequel selon lui Jérôme Kerviel a tenté "de semer la confusion" en faisant passer "la Société générale du statut de victime à celui de coupable".
Pour le Procureur il s’agit d’une » affaire unique, voire historique », son réquisitoire est impitoyable et accablant à l’encontre de Jérôme Kerviel accusé d’avoir fait perdre près de 5 milliards d’Euros à la Société Générale : "Jérôme Kerviel a dupé sa hiérarchie, ses amis, ses collègues" a affirmé le procureur du tribunal correctionnel de Paris.
Pour lui, Jérôme Kerviel est "un professionnel de la fraude", "surentraîné", "cynique", ayant mis au point un "système organisé, méthodique, continu" destiné à "trahir la confiance" de la banque et de ses salariés.
Pour le second procureur Jean-Michel Aldebert : "Il s’agit d’arrêter le discrédit sur les banques" ……."Il en va de l’ordre public, économique et financier".
Le ministère public a requis cinq ans de prison à l’encontre de Jérôme Kerviel, dont quatre ans fermes et 375.000 euros d’amende.
26 Juin
Ambiance : C’est le dernier jour du procès Kerviel., la salle est plus que pleine, sur les bancs de la presse tous les habitués journalistes économique, judiciaires, généralistes sont là, mais encore de nouveaux journalistes qui se sont réservés ce jour final pour entendre les plaidoiries de la défense.
Les journalistes en grande majorité le savent, le Procès Kerviel ce n’est pas seulement le procès du Trader, c’est aussi implicitement le procès d’un système financier spéculatif « à découvert » rendu fou par l’appât du gain dans la perspective de réaliser des profits de plus en plus énormes, mais peu d’entre ces journalistes l’écriront franchement, allégeances consenties, autocensure, beaucoup s’en tiendront à la relation des interventions, point barre.
Les plaidoiries :
Au dernier jour du procès de l'ancien trader, la défense a plaidé vendredi 25 juin la relaxe pour l'essentiel des faits reprochés à Jérôme Kerviel.
Il revient à Nicolas Huc-Morel jeune avocat associé de Maître Olivier Metzner de prendre en premier la parole. Au cours des précédentes audiences du procès , ce jeune associé d’Olivier Metzner est apparu comme l’homme de tous les éléments techniques qu’il a fallu décrypter pour découvrir les « secrets » des listings, des disques durs, de la base Eliot, des warrants à barrière désactivante, de la trésorerie, etc… et il a ainsi réussi à faire fléchir plusieurs fois la partie civile sur ses propres contradictions techniques.
Ce sera ensuite le tour de Maître Metzner ténor du barreau et tacticien dont le talent n’est plus à démontrer, d’entrer en scène pour défendre son client en accablant la Société Générale.
La défense a plaidé vendredi 25 juin la relaxe pour l'essentiel des faits reprochés à Jérôme Kerviel, estimant que la Société Générale n'a pas fixé de limites à l'ex-trader. C'est cette conviction qu'ont martelé trois heures durant les avocats de Jérôme Kerviel, Nicolas Huc-Morel appuyant sa plaidoirie sur les « blocages » du système technique de contrôle et les absences d’intervention de la part des supérieurs du trader et Maitre Metzner ensuite en entrant dans une tactique adroite de défense en accablant la partie civile tout au long se sa plaidoirie , et en soulignant en fin de plaidoirie La Société Générale a eu "pendant trois ans" les capacités techniques de vérifier les opérations de Jérôme Kerviel … "Tacitement", la banque a autorisé les opérations frauduleuses de son trader.
1) Résumé de la plaidoirie de Nicolas Huc-Morel :
Nicolas Huc-Morel s’avance à la barre :
« Il n’existe pas de mystère Kerviel, si ce n’est l’histoire d’un jeune homme passionné de finance qui sera projeté dans une salle de Front office, d’un jeune homme qui n’a qu’un seul objectif en se levant et en se couchant, celui de faire gagner de l’argent à sa banque ».
« Y a-t-il un mystère Kerviel ? Il y a plutôt un mystère Société générale … Comment la banque a-t-elle pu ignorer de telles transactions ?
« Pour ce jeune avocat il était très simple pour la Société Générale de vérifier les limites qu’elle fixait aux transactions de ses traders.
« Nicolas Huc-Morel souligne que sur les disques durs des ordinateurs Desk Delta One, les « limites individuelles, inspectés par la défense, avaient été désactivées et que les supérieurs « de Jérôme Kerviel n’ont jamais fixé de limites individuelles au trader … ils savaient « pourtant qu’ils en avaient la possibilité technique
« Nicolas Huc-Morel revient sur les « écarts de méthode » à chaque mois plus grands de « Jérôme Kerviel que ses supérieurs auraient dû remarquer.
« Est-ce que les supérieurs de Jérôme Kerviel, Martial Rouyère et Eric Cordelle, savaient « qu'il opérait au-delà de ses fonctions? La réponse est oui, affirme l’avocat, … il y a un « nombre important d'informations qui remontaient chaque jour jusqu'à eux.
« Nicolas Huc-Morel évoque ensuite une proximité physique qui rend impossible, selon lui, « toute dissimulation. "Kerviel était assis à quelques mètres d'eux, et passait tous ses ordres au « téléphone avec son courtier …
« Pour l’avocat de la Défense, la trésorerie de Jérôme Kerviel était visible "tous les jours". Et « "quoiqu'en dise la partie civile", ses résultats étaient "en total décalage" avec son activité. « Pour Nicolas Huc-Morel, » si rien n'a été dit au prévenu, c'est "qu'on a compris », et qu'on a « laissé faire..." , Non la banque ne pouvait être trompée » … Oui, elle avait les moyens de s'en rendre compte."
« Toujours dans la ligne de défense offensive qui a été soutenue pendant le procès, Nicolas Huc-Morel termine sa plaidoirie par une analogie marquante : " …..J'imagine les « supérieurs de Jérôme Kerviel comme des patrons d'une société de transports. Ils donneraient « à leur jeune employé les clés d'une voiture qui va très vite. En lui disant qu'il faut respecter « les limitations de vitesse. Mais Kerviel va vite, toujours plus vite, et ses supérieurs sont « ravis. Jusqu'à l'accident. Je ne vois aucune infraction commise au préjudice de la société."
(Suspension d’audience de cinq minutes)
2) Résumé de la plaidoirie de Maître Metzner :
A la reprise de l’audience, succédant à son jeune confrère, Maître Metzner très attendu par l’auditoire plaide depuis son bureau, debout derrière son client Jérôme Kerviel.
Du banc des journalistes quelques voix s’inquiètent : « on n’entend pas ! on n’entend pas ! ». Maître Metzner rétablit l’ordre en rétorquant « Peu importe … je plaiderai ici ».
La salle est promptement réduite au silence par Maître Metzner qui rétorque sévère : « Peu importe … je plaiderai ici », puis il commence à plaider en haussant le ton et tout le monde finalement l’entend finalement bien … entrer d’emblée dans le vif du sujet :
"Monsieur le président, pendant ces trois semaines, n'avez vous pas vu quand votre assesseur a regardé son ordinateur ? fait-il remarquer dans une démonstration astucieuse, « Est-ce que l’un d’entre vous n’a pas vu quand l’autre prenait des notes ou regardait l’écran de son ordinateur ? », lance-t-il à l’adresse des membres du tribunal. « Eh bien à la Société Générale, sur un plateau moins grand que cette salle et qui ne compte que 17 personnes, on ne voit rien. On a des ordinateurs, mais on ne voit rien non plus. Il suffit pourtant de cliquer, mais on ne sait pas le faire, ou on ne veut pas ».
L'avocat évoque les "centaines de milliards" engagés par son client. "Le budget de la France" ……"Passé au téléphone", dans un bureau "de 17 personnes." …."Quand Jérôme Kerviel passe des ordres de 18 milliards au téléphone, comment ne pas l'entendre, comment ne pas être surpris par ce chiffre ?" Il s'agit de "bon sens". … "Je vous demanderai d'avoir du bon sens", tonne Olivier Metzner.
Maître Metzner, dépeint le portrait de Jérôme Kerviel en "jeune Breton de Bourg-l'Abbé", transporté "dans un monde virtuel" et renvoie la question posée au cours du procès: "Qui êtes-vous, Jérôme Kerviel ?" en demandant à la partie civile : "Qui êtes-vous, Société Générale ?... Comment fabriquez-vous des hommes comme cela ? Par quel moyen ? Par quel intérêt financier?"
Olivier Metzner dresse ensuite le profil de la Société Générale, qu'il dénomme la "Société Rouge et Noire": "un des fleurons de la banque mondiale", dont la "prudence" a "explosé" lors de la crise des subprimes, et qui a "caché ses actifs pourris" pour ne pas effrayer les investisseurs.
Pour Olivier Metzner, la Société Générale s'est montrée hypocrite. "On annonce que Jérôme Kerviel a fait perdre 4,9 milliards, et puis après, discrètement, on parle de la crise des subprimes: 2 milliards de perte, qui deviendront ensuite 10 milliards."
Et passant de la défense à l’offensive Maitre Metzner attaque la partie civile : «La Société Générale est à contre-vérité. Elle ne donne aucune tendance boursière à ses traders. Quand le marché va mal, elle ne dit rien. Il faut tout faire seul, et, à la fin, on paye seul. A la Société Générale, on a peur de la vérité."
Pui l’avocat lance une comparaison : … "Une école. On vient voir la maîtresse, on lui dit : mon fils des bêtises. Et elle répond: ah, je ne sais pas. Je ne l'ai pas vu. J'ai huit élèves, je ne l'ai pas vu faire des bêtises …. Invraisemblable!, s’exclame Maître Metzner.
Maître Metzner revient ensuite sur les résultats de la Société Générale en 2007 et 2008 : « Les mêmes pertes », affirme-t-il ….. "Ah oui, mais en 2008, Kerviel n'était plus là..."
"Je ne fais pas le procès de la Société Générale", affirme l'avocat, …. "Je défends un homme. Un homme face à un système." La Société Générale, pour Olivier Metzner, "c'est la négation de tous les principes de régulation dans le monde." Des hommes seuls, qui doivent se contrôler seuls. "Comme un inspecteur des impôts qui se contrôlerait lui-même."
Pour Olivier Metzner, la Société Générale a "industrialisé" la "méthode Kerviel". C'est ce qu'avait dit son supérieur hiérarchique Martial Rouyère. "On industrialise donc des méthodes interdites", insiste l'avocat.
La Société Générale a eu "pendant trois ans" les capacités techniques de vérifier les opérations de Jérôme Kerviel, estime Olivier Metzner, "Tacitement", la banque a autorisé les opérations frauduleuses de son trader.
En ces dernières minutes d’audience Maître Metzner sait ranimer l’attention de l’auditoire par ses conclusions ironiquement frappantes : «Le principe de base d'une banque ? La confiance. Si vous avez un compte à la Société Générale, allez-y cet après-midi. Et dites: sur mes yeux, donnez-moi huit millions d'euros! On se fait confiance, à la Société Générale..."
La fin de la plaidoirie approche.
Maître Metzner reprend l’interrogation du début : «Qui êtes vous, Monsieur Kerviel ?", et il continue, « réponse : « Un homme qui a été formé, formaté, déformé s'il le faut, par la Société Générale. Kerviel n'est que la créature de la Société Générale. Formé à désobéir, à ne pas respecter les limites. Peut-être s'est-il trop laissé entraîner dans les engrenages de ce monde virtuel, où l'on ne sait plus ce que les chiffres veulent dire."
Metzner conclut sa plaidoirie en reprenant une citation de l'économiste américain John Galbraith :
"Quand tout le monde gagne, personne ne le voit. Quand tout le monde perd, il faut un coupable, un seul."
La fin de l’audience
Le président appelle Jérôme Kerviel à la barre. « Avez-vous quelque chose à ajouter Monsieur Kerviel ? ». « Non, je n’ai rien à ajouter » répond Jérôme Kerviel.
Le Procès est terminé.
Rappelons que le ministère public a requis cinq ans de prison à l’encontre de Jérôme Kerviel, dont quatre ans fermes et 375.000 euros d’amende.
La décision sera rendue le 5 octobre.
Panorama complet depuis le début du procès
Revue de toile :
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