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11 juillet 2015

Maître Elie Hatem "Les Aspects Juridiques de l'Intervention militaire au Yémen "

Éditorial de lucienne magalie pons


Nous venons de recevoir de la part de l'un de nos correspondants éminent observateur, qui suit de près la situation au Yémen, un article de Maître Elie Hatem  je ne sais pas s'il faut dire une étude, une analyse ou un cours  de science politique, d'histoire,  ou de droit, tant le sujet à été traité et développé brillamment sous tous  ces différents aspects.


LES ASPECTS JURIDIQUES DE L'INTERVENTION MILITAIRE AU YÉMEN

A l'instar de l'Arabie saoudite, le Yémen était une monarchie riche en histoire mais compliquée aux yeux des Occidentaux, en raison des spécificités de ses institutions politico-sociales. L'abolition de cette monarchie a conduit au partage de ce pays entre le nord et le sud  au prix d'une guerre civile qui perdura pendant plus de huit ans. Il a fallu attendre 1990 afin que les deux Yémen se réunissent, sous l'impulsion du Président Ali Abdallah El Saleh, pour constituer un Etat sous la forme républicaine, dénommé « République du Yémen ».

Cependant et malgré cette forme unitaire de l'Etat, le pouvoir central n'était réellement exercé que sur la capitale, San'aa ; les traditions tribales étant ancrées dans la société yéménite. Cette situation à laquelle s'ajoute la pauvreté de la large partie de la population rendait la maîtrise du pays difficile.

En 2009, à la veille du « Printemps arabe », une rébellion vit le jour, en particulier à Sa'da, entraînant la population dans un surplus de pauvreté. Le 4 novembre 2009, l'Arabie saoudite intervint militairement sans pour autant réussir à stabiliser le pays. Deux ans plus tard, le fléau révolutionnaire provoqué par une propagande politico-médiatique, visant une large partie des pays arabes, entraîna ce pays dans une nouvelle déstabilisation. Face à cette situation4, le Président de la République, Ali Abdallah Saleh, quitta le pouvoir, le 23 novembre 2012. Son vice-Président, Abd Rabo Mansour Hadi, lui succéda. Il a été élu Président de la République, le 21 février 2012, par un processus électoral où il était le seul candidat. Mais ce nouveau Président ne réussit pas à endiguer les protestations populaires qui se sont accentuées. En janvier 2015, le Président Mansour Hadi démissionna. Il se réfugia à Aden avant d'aller en Arabie saoudite.

Le 26 mars 2015, appuyée par une coalition de pays, l'armée saoudienne a entamé une série de frappes aériennes, entraînant des dégâts matériels et humains. Cette intervention militaire est dénommée « Opération Tempête décisive ». Elle est appuyée politiquement par les Etats -Unis et soutenue par Israël.

Il convient d'examiner les aspects juridiques de cette opération eu égard aux principes et aux règles du droit international public.
Dans la mesure où cette intervention militaire a eu lieu à l'occasion d'un conflit interne au Yémen, il convient d'examiner sa légalité eu égard au principe de la non-ingérence. Mais aussi, au-delà de cette considération, au principe du non-recours à la force dans les relations internationales.

I – L'INTERVENTION AU YEMEN : UNE VIOLATION DU PRINCIPE DE NON-INGERENCE ?

L'intervention de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite au Yémen a eu pour objectif de défendre le Président démissionnaire, Mansour Hadi, et de s'opposer aux Houthis.

En effet, aussitôt l'opération « Tempête décisive » entamée, l'ambassadeur du Royaume d'Arabie saoudite à Washington a soutenu cette thèse, en affirmant officiellement que cette « opération vise à défendre le gouvernement légitime du Yémen et à empêcher le mouvement radical houthi (soutenu par l'Iran) de prendre le contrôle du pays ».

Il ne s'agit donc pas d'une guerre entre l'Arabie saoudite et le Yémen, ni de mesures coercitives urgentes prises par le Royaume saoudien et la coalition, sur lesquelles nous reviendront dans les développements suivants, mais d'une intervention visant des groupes militaires yéménites dans un objectif de rétablir le statut  quo interne et favoriser la reprise du pouvoir du Président Hadi.

Il convient donc, à cet égard, de se référer à l'article 2 paragraphe 7 de la Charte des Nations Unies qui dispose : « Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. »

Cette disposition découle d'un principe jus cogens.

Elle est aussi le corollaire du principe du respect de la souveraineté interne des Etats8. Elle a été confirmée à maintes reprises par l'Assemblée générale des Nations Unies et par la jurisprudence internationale.

Afin de mieux comprendre l'étendue de ce principe, nous reviendrons sur la définition du jus cogens avant d'examiner les dérogations au principe de la non-ingérence que le droit international public admet.

A – La portée du principe de la non-ingérence et de la non-intervention eu égard au jus cogens :

Le jus cogens est une norme impérative qui s'impose à la communauté internationale dans son ensemble. Il s'agit de principes réputés universels et supérieurs en droit international public, auxquels même les conventions internationales ne peuvent déroger.

L'article 53 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 contient la définition du jus cogens : « Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général. Aux fins de la présente Convention, une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère ».
Cette disposition, insérée dans cette convention relative au « droit des traités et leur conflit avec une norme impérative », nous conduit à évoquer un exemple pratique pour mieux comprendre l'étendue du jus cogens : il s'agit du conflit chypriote de 1974.

La République de Chypre fut proclamée en 1960, à l'issue de son indépendance de la Grande-Bretagne. Un an avant, une Constitution a été adoptée pour ce pays, en 1959. Elle a été accompagnée de deux traités qui forment, avec le texte de base, un bloc constitutionnel.

. Il s'agit du traité d'alliance et du traité de garantie. Ces deux traités furent signés respectivement par la Grèce, la Turquie, la Grande-Bretagne et la République de Chypre. Ils ont pour objectif de garantir l'indépendance et l'intégrité territoriale de la République chypriote. Le traité de garantie nous intéressera particulièrement en l'espèce.

Il s'agit d'un texte composé de cinq articles, signé par la Grèce, la Turquie, la Grande-Bretagne, d'une part, et la République de Chypre, d'autre part.

Dans son préambule, ce traité se veut garantir l'indépendance, l'intégrité territoriale et la Constitution de la République de Chypre. Il établit des obligations mises à la charge des deux parties contractantes. D'une part, il exige du nouvel Etat de veiller au maintien de son indépendance, son intégrité territoriale, sa sécurité et le respect de sa constitution... D'autre part, il oblige les trois autres "puissances garantes" à reconnaître et à garantir l'indépendance, l'intégrité et la Constitution de Chypre mais aussi à renoncer à « toute activité ou effort qui tend au démembrement de Chypre ou son union avec n'importe quel autre Etat ».

Ce traité prévoit, en cas de violation de ses dispositions, que les trois "puissances garantes" s'emploient à se concerter entre elles, par voie de consultation, pour prendre les mesures nécessaires au respect du statu quo ainsi établi

Au cas où les mesures prises ou l'action commune concertée n'est pas possible, chacune des trois puissances se réservera le droit d'agir pour rétablir le statu quo ante.


En 1965, le Premier ministre grec, George Papandreou démissionna Une junte d'officiers renversa alors le pouvoir et provoqua l'exil du roi, Constantin II. Cette situation eût une répercussion sur Chypre, composée de deux communautés grecque et turque chypriotes. 


Le 5 juillet 1974, la junte militaire grecque ordonna à ses officiers qui étaient présents à Chypre de faire marche vers le palais présidentiel, à Nicosie, afin de renverser le Président chypriote, Monseigneur Makarios. Des hostilités militaires éclatèrent. Un gouvernement dit "de salut public" fut imposé à Nicosie par la junte et la présidence de la république confiée à Nikos Sampson. 


Ecarté du pouvoir, Monseigneur Makarios s'adressa à ses compatriotes sur les ondes d'une radio clandestine et lança un appel aux instances internationales pour qu'elles ne reconnaissent pas le régime imposé par les colonels. Après sa fuite du pays, il s'est rendu à New York. Devant l'Assemblée Générale des Nations Unies, il dénonca publiquement ce coup d'Etat et demanda de l'aide pour retourner au pouvoir.


Le 16 juillet 1974, le Conseil des ministres turc convoqua les deux Chambres de son parlement pour se réunir le 19 du même mois. Par ailleurs, le Premier ministre, Bulent Ecevit, et son ministre des affaires étrangères par intérim, Hasans Esat Isik, entrèrent en contact avec le Secrétariat des affaires étrangères britannique à Londres, dirigé par Leonard James Gallaghan, pour trouver une issue à cette situation. Ces mêmes dirigeants turcs invitèrent la Grèce à se concerter avec eux. Mais cette dernière déclina cette proposition. Bulent Ecevit demanda alors à la Grande-Bretagne de procéder à des concertations entre les trois puissances garantes de Chypre pour engager la procédure d'intervention prévue par le traité de Garantie ou, si elle refusait, de laisser à la Turquie le soin de le faire unilatéralement.


Le 20 juillet 1974, les unités navales aériennes turques débarquèrent à Kyrenia, au nord de Chypre, avec un couloir reliant cette tête à la capitale, Nicosie. Un communiqué du gouvernement turc fit savoir son intention de mettre en application l'article IV du traité de Garantie.


Cette opération a eu le mérite d'avoir fait échouer le coup d'Etat perpétré contre le Président Makarios. Néanmoins, entre le 30 juillet et le 9 août 1974, les hostilités se poursuivirent alors qu'une conférence se tenait à Genève pour trouver une issue pacifique à cette situation entre la Grèce, la Turquie et la Grande Bretagne. La Turquie accusa alors les Grecs chypriotes et les forces grecques de provoquer l'exode de 33 villages turcs chypriotes et de procéder à une purification ethnique dans le sud du pays. Ce prétexte conduisit la Turquie à intervenir militairement de nouveau, dès le 14 août 1974, en élargissant son secteur de contrôle de l'île et en repoussant, de ce fait, près de la moitié de la population vers le sud de l'île. 


Ces deux interventions turques opérées en vertu des dispositions de l'article IV du traité de garantie ont été considérées comme illégales.


Le Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi que la communauté internationale ont condamné cette intervention de l'armée turque. Il a été considéré que les dispositions de ce traité prévoyant une intervention sont contraires au jus cogens. Par conséquent, le traité de garantie pourtant engageant quatre Etats signataires a été invalidé.


Compte tenu de la gravité de cette situation, il a été avancé que l'intervention de la Turquie ne pouvait avoir lieu qu'à la demande explicite du gouvernement chypriote.


Cela nous conduit à examiner la légalité des interventions militaires à la demande des autorités légales d'un pays.


B – L'intervention ou l'ingérence à la demande des autorités légales :

A la lumière des développements précédents, dans quelle mesure une ingérence, de quelque nature soit-elle, peut-elle constituer une exception au principe de non ingérence en droit international public ?


En règle générale, il est admis que l'intervention est licite lorsqu'elle est sollicitée par le gouvernement légitime d'un Etat.
En effet, chaque pays, restant maître de ses alliances et titulaire exclusif des compétences exercées sur son territoire, est naturellement libre de faire appel à un ou à plusieurs autres Etats pour intervenir sur son territoire, soit spontanément, soit en vertu d'accords préalablement conclus avec ce ou ces Etats.


Ainsi, le Yémen pouvait faire appel à l'Arabie saoudite où aux Etats avec lesquels il aurait conclu un accord à cet effet. Cette pratique est courante dans les relations internationales. Le droit international public admet la légalité (et la validité) des accords de défense internationaux. 


Néanmoins et y compris dans ce cadre bien précis, les interventions à l'appel des autorités officielles peuvent s'avérer parfois illicites. En effet, ces sollicitations adressées dans des contextes de troubles internes, militaires ou constitutionnels, posent la question de l'effectivité et de la légitimité des autorités sollicitantes.


Plusieurs cas illustrent cette situation, à l'instar des interventions soviétiques en Hongrie, en 1956, et en Tchécoslovaquie ou encore en Afghanistan, en 1968. Pourtant, ces interventions revêtaient la forme de celles faites à la demande des autorités légitimes.

En Hongrie, l'ex-Union soviétique prétendait intervenir en vertu du Pacte de Varsovie, à la demande de Janos Kadar alors que la légitimité de ce dernier faisait défaut au moment où Imre Naguy était institué Président du Conseil.

En Tchécoslovaquie, l'ex-Union soviétique ainsi que ses alliés du Pacte de Varsovie (la Pologne, la Bulgarie, l'Allemagne de l'est et la Hongrie) sont intervenus à Prague, en prétendant répondre à l'appel de responsables locaux, alors qu'un nouveau Secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque (Alexandre Dubcek) et un Président de la République (Lutvik Svoboda) venaient d'accéder au pouvoir.

Dans l'ensemble des ces cas, l'intervention soviétique a été délégitimée en raison du manque d'effectivité des autorités sollicitantes.

Il convient donc de rapprocher ces cas à la situation au Yémen.


Nonobstant le contexte dans lequel le Président Abd Rabo Mansour Hadi est arrivé au pouvoir, ce dernier a démissionné de ses fonctions, le 22 janvier 2015. Après s'être réfugié à Aden, il est parti en Arabie saoudite. 


Ayant perdu sa légitimité constitutionnelle depuis sa démission et se trouvant sur le territoire du pays qui a principalement procédé à cette intervention, le Royaume d'Arabie saoudite, il est difficile d'admettre la légalité d'un appel officiel, non équivoque et légitime, par le Président Mansour Hadi à l'Arabie saoudite.
Par ailleurs, au delà des interventions militaires, le principe de la non-ingérence qui a une portée impérative s'oppose à toute intervention de quelque nature soit- elle.


En effet, en 1987, un colloque présidé par l'ancien Président François Mitterrand, tenu à l'Université Paris XI sous le thème « Droit et morale humanitaire», cherchait à faire admettre la possibilité de procéder à des interventions à caractère humanitaire ou, selon certains participants à ce colloque, d' « humanitude ». Il s'agissait d'une réflexion sur l'« assistance aux peuples victimes de catastrophes naturelles, industrielles ou politiques ».


Bien que l'ensemble des réflexions développées lors de cette manifestation ait permis l'émergence d'une exception au principe de non-ingérence, cadré par le Conseil de sécurité des Nations Unies28, l'intervention militaire au Koweït a, de nouveau, mis en cause toute ingérence ou intervention qui ne respecte pas une procédure spécifique contrôlée strictement par le Conseil de sécurité des Nations Unies.


Le principe de la non-ingérence étant notamment le corollaire du principe du non - recours à la force dans les affaires 


internationales, il convient de rappeler l'étendue de ce principe et ses limites afin d'analyser la légalité de l'intervention de l'Arabie saoudite et de la coalition eu égard à ce principe.


II – L'INTERVENTION AU YEMEN ET LE NON-RECOURS A LA FORCE DANS LES RELATIONS INTERNATIONALES :

L'article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies rappelle et pose le principe du non-recours à la force dans les relations internationales.

Ce paragraphe dispose : « Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».

Il convient d'examiner la portée de ce principe et de voir dans quels cas précis et sous quelles conditions il pourrait y avoir des exceptions.

A – La portée du principe du non-recours à la force dans les relations internationales :

La disposition précitée de la Charte des Nations Unies pose l'impératif du non-recours à la force dans les relations internationales, en allant au delà de la simple prohibition de la guerre.

La portée impérative de ce principe a, en effet, été confirmée par la Commission du droit international qui est un organe des Nations Unies, de codification des normes du droit international public. En effet, la Charte des Nations Unies a repris l'ensemble des traités internationaux prohibant la guerre en insistant, quant à elle, sur le principe du non recours à la force, incluant la prohibition de la guerre, des représailles ou de toute forme d'utilisation des armes. Elle en a fait une règle jus cogens qui s'applique à tous les Etats qu'ils soient ou pas membres de l'Organisation des Nations Unies.

Le principe du non-recours à la force s'articule essentiellement autour de l'interdiction de l'agression qui a été définie par une résolution adoptée le 14 décembre 1974 par l'Assemblée générale des Nations Unies. L'article 2 de cette résolution souligne que : « L'emploi de la force armée en violation de la Charte par un Etat agissant le premier constitue la preuve suffisante à première vue d'un acte d'agression, bien que le Conseil de sécurité puisse conclure, conformément à la Charte, qu'établir qu'un acte d'agression a été commis ne serait pas justifié compte tenu des autres circonstances pertinentes, y compris le fait que les actes en cause ou leurs conséquences ne sont pas d'une gravité suffisante ».
Néanmoins, il convient de souligner que seule la force armée inter-étatique est visée par les dispositions précitées de la Charte, ce qui exclurait les guerres civiles.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la Charte des Nations Unies accorde au Conseil de Sécurité un rôle et des attributions relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

L'article 24 paragraphe 1er de la Charte dispose à cet égard : « Afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses Membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom ».

Il en découle une double attribution au Conseil : celle du maintien de la paix (avant tout risque de guerre) et celle de la sécurité collective (en cas d'agression).

L'article 39 de la Charte confère également au Conseil de sécurité le pouvoir de qualification de tout acte mettant en danger la paix et la sécurité internationales.

Cet article dispose : « Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».

Par conséquent, c'est le Conseil de sécurité des Nations Unies qui est habilité à qualifier tout acte illicite mettant en danger la paix et la sécurité internationales et à prendre les mesures adéquates pour le faire cesser, soit par des voies pacifiques en application des dispositions du chapitre VI de la Charte ou par des voies coercitives. Ces dernières caractérisent les exceptions que le droit international public tolère au principe du non-recours à la force.

B – Les exceptions au principe du non recours à la force et le rôle du Conseil de sécurité des Nations Unies :

Le recours à la force peut être licite lorsqu'il est autorisé par le Conseil de sécurité des Nations Unies pour maintenir ou rétablir la paix, conformément aux dispositions du chapitre VII de la Charte, ou en cas de légitime défense.

La Charte des Nations Unies, prévoyant et donnant la priorité au règlement pacifique des différends entre Etats, ce n'est qu'en cas d'échec de ces mécanismes mis en œuvre à cet effet que le recours aux modalités prévues dans le chapitre VII devient possible, en cas de « menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression ». Il s'agit donc de faire pression sur l'Etat ou l'entité qui a commis un acte internationalement illicite afin qu'elle modifie ce comportement.

Après avoir rappelé l'objectif de ces mesures et les faits générateurs susceptibles de les déclencher, le chapitre VII de la Charte accorde un rôle au Conseil de sécurité en la matière.

Ainsi, ce dernier, après avoir constaté l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression, peut inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu'il juge nécessaires ou souhaitables afin d'empêcher la situation de s'aggraver ; décider en cas de défaillance dans l'exécution de ces mesures provisoires, d'autres mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée qui doivent être prises pour donner effet à ses décisions et inviter les membres des Nations Unies à les appliquer ; entreprendre toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité, avec une intervention internationale, s'il estime que les mesures sont inadéquates.

Avant d'arriver à cette dernière ultime solution -celle de l'usage de la force qui est catégoriquement prohibé-, le Conseil de sécurité a la possibilité de prendre des mesures diplomatiques ou économiques : embargos sur les exportations d'armes, gel des avoirs financiers, interdiction de voyager, embargos sur les échanges économiques, interruption totale ou partielle des relations économiques, des communications ferroviaires, aériennes, maritimes, postales, radios, rupture des relations diplomatiques, etc...

Dans le cas du Yémen, le recours au Conseil de sécurité afin de prendre de telles mesures à l'encontre des acteurs considérés comme susceptibles de menacer la paix et la sécurité régionales aurait été souhaitable. Ce n'est qu'en deuxième temps que le recours à la force pouvait avoir lieu, en application des dispositions de la Charte. Pour cela, le Conseil de sécurité a l'obligation de qualifier la situation : s'agissant d'une menace à la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression.

A l'issue de cette qualification, le Conseil de sécurité pourra prendre les mesures nécessaires : provisoires, non-coercitives ou coercitives, mais encore des mesures dites d'habilitation.

En effet, en cas de menace à la paix, des mesures provisoires peuvent être entreprises pour empêcher une aggravation de la situation. La possibilité de la prise de ces mesures est édictée par les dispositions de l'article 40 de la Charte qui dispose : «Afin d'empêcher la situation de s'aggraver, le Conseil de sécurité, avant de faire les recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l'Article 39, peut inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu'il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures provisoires ne préjugent en rien les droits, les prétentions ou la position des parties intéressées. En cas de non-exécution de ces mesures provisoires, le Conseil de sécurité tient dûment compte de cette défaillance ».
Par conséquent, si l'Arabie saoudite ou les pays voisins du Yémen considèrent qu'ils sont menacés par la situation qui surgit dans ce pays, mettant en danger la paix et la sécurité régionale, ils doivent avoir recours au Conseil de sécurité qui a l'obligation de prendre des mesures aussi bien coercitives que non - coercitives. Ces dernières sont prises en application des dispositions de l'article 41 de la Charte qui donne un pouvoir discrétionnaire au Conseil qui est habilité à sanctionner toute violation de la légalité internationale. Mais si ces mesures ne sont pas suffisantes, le Conseil pourra envisager des mesures coercitives. Ces mesures sont énumérées dans les dispositions de l'article 42 de la Charte  qui définit le système de la sécurité collective des Nations Unies.
Enfin, il faut aussi souligner que le Conseil de sécurité a le pouvoir de la contrainte militaire, en déléguant à des Etats membres l'application de décisions d'intervention du maintien ou du rétablissement de la paix, en application des dispositions de l'article 43 de la Charte.

C'est dans ce cadre que le Conseil de sécurité pourrait autoriser une coalition militaire à intervenir sur le terrain, au Yémen.

Il en découle que toute intervention militaire ne peut avoir lieu qu'à l'issue d'un recours préalable devant le Conseil de sécurité, y compris en cas de légitime défense individuelle ou collective car, en vertu des dispositions de l'article 51 de la Charte, « les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».

En l'espèce, rien ne démontre que les pays de la coalition qui a procédé à l'opération « Tempête décisive » aient été attaqués, auquel cas leur riposte ne peut être que proportionnelle à l'attaque, encore hypothétique.

Si ces pays se sentaient menacés par la situation au Yémen, il devaient porter cette affaire devant le Conseil de sécurité des Nations Unies afin que ce dernier prenne les mesures adéquates pour faire cesser le trouble dont ils prétendent être victimes et démontrer l'atteinte à leur intégrité territoriale et la menace qui pèse sur leur sécurité.

S'il est vrai que le Conseil de sécurité est un organe soumis aux aléas politiques et que les interventions illégales se sont multipliées ces dernières décennies dans le monde, il n'en demeure pas moins que la situation actuelle au Yémen constitue une violation des principes précités du droit international public.
La prise de mesures objectives par le Conseil de sécurité des Nations Unies est certes devenue désuète. Elle est hélas soumise à l'opportunisme politique comme le souligne l'ancien Secrétaire général des Nations Unies, Monsieur Boutros Boutros-Ghali, qui s'est soucié durant son mandat de Secrétaire général des Nations Unies de donner plus d'indépendance à cette organisation mondiale et la soustraire à l'hégémonie politique, notamment celle des Etats-Unis, ce qui l'avait empêché d'être re-élu Secrétaire général.

Il n'est d'ailleurs pas inutile de rappeler à ce propos que les Etats - Unis ont toujours fait usage de leur veto au sein du Conseil de sécurité des Nations unies pour empêcher l'adoption de résolutions contre Israël, pays traditionnellement allié de Washington, malgré ses violations répétitives du droit international public et sa commission d'une série de crimes de guerre.

Ce sentiment d'injustice, ces « deux poids, deux mesures » instaurées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, l'impunité de certains pays à l'instar des Etats-Unis qui s'érigent le droit de dresser, par l'intermédiaire de leurs institutions internes (le Congrès et le Département d'Etat américain), une liste d'Etats « terroristes » alors qu'ils se permettent insidieusement d'alimenter les mouvements terroristes dans le monde, discréditent aussi bien le Conseil de sécurité que les Nations Unies.

Il ne nous échappera pas que, dans cette affaire, l'Arabie saoudite autant que le Yémen, ont été victimes d'une manipulation politique directe ou indirecte. Cette déstabilisation risque de porter atteinte non seulement à l'image de la monarchie saoudienne mais également à la sécurité de ce pays, dans la mesure où, à l'issue de ces opérations, la population yéménite plonge dans plus de misère, de régression, ce qui ouvre la porte à toute sorte de dérives.

Par ailleurs, la proximité des frontières de ces deux pays et leur perméabilité notamment dans le désert, le Quart vide, risque de plonger cette région dans une série noire d'attaques militaires interminables.

Loin des considération partisanes, il convient de relever le caractère illicite de cette opération qui prend la forme d'une agression, à l'instar d'une multitude de situations similaires qui surgissent dans le monde en toute illégalité et impunité, ce qui met en cause l'existence même du droit international public dans la mesure où, pour que la règle de droit puisse réellement exister, elle devra être obligatoire et effective.


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