1 -
Talleyrand dans la tourmente
Le 30
janvier 1649, le grand peuple anglais exécutait son roi, Charles 1er
pourtant censé avoir été choisi par le ciel. Le 21 janvier 1793, la France
décapitait à son tour un roi réputé avoir été désigné par la volonté
expresse du créateur de l'univers.
Pour
comprendre une révolution psychobiologique de ce calibre, il suffit de se
représenter le traumatisme cérébral que serait de nos jours l'exécution,
par la volonté du peuple souverain, du roi du Maroc, tenu pour le
continuateur du prophète Muhammad. Aussi, en 1814, la victoire sur la
France des dynasties sacrées de toute l'Europe avait-elle servi d'assise
anthropologique à la guerre contre la Révolution française.
Il était
donc décisif de savoir si, à la suite de la défaite de Napoléon à Waterloo,
les vainqueurs de 1814 valideraient derechef le principe de la légitimation
divine des monarchies de l'époque. Prendraient-elles la suite d'Attila, des
Huns, des Mongols, des Wisigoths, pour se repaître de la victoire de leurs
armes sur une France vaincue? Se montreraient-elles fidèles au combat dont
ces monarchies avaient affiché ostensiblement l'emblème depuis un quart de
siècle? Piétineraient-elles leurs propres principes de légitimation divine
du pouvoir politique, et cela au seul nom de la victoire de leurs armes sur
le champ de bataille?
L'actualité
mondiale de Talleyrand au XXIe siècle tiendra au fait qu'il a aussitôt pris
appui sur un principe, celui, à l'époque de la légitimité dite céleste de
la dynastie des Capétiens. Il a fermement opposé cette mythologie aux
alliés victorieux. Allaient-ils porter le harnais de la trahison de leur
propre principe et le fardeau de la peur d'un éventuel retour des idées
républicaines? Plieraient-ils l'échine face à la loi de fer des barbares
triomphants?
2 -Un collaborationnisme messianisé
Oui ou non
la victoire américaine de 1945 légitime-t-elle l'occupation éternelle de
l'Europe par cinq cents bases militaires? L'Europe écoutera-t-elle la voix
d'un Talleyrand d'aujourd'hui? Rappellera-t-il à l'Europe asservie que
"tout ce qui est excessif est insignifiant" et que le joug
du Pentagone sur l'Occident européen depuis soixante-dix ans sera condamné
à l'insignifiance?
Insignifiance
de la décision de réunion des quatre nations les plus peuplées d'Europe:
l'Allemagne, la France, l'Espagne, l'Italie et demain, du Portugal à son
tour, d'aller de l'avant, puisqu'aussi longtemps que le principe de la
présence militaire éternelle des armées d'occupation du Nouveau Monde sur
le continent européen exclut toute possibilité sérieuse de conduire un jour
la civilisation de Copernic et de Darwin aux retrouvailles avec sa
souveraineté.
L'Europe
d'aujourd'hui, dirait Talleyrand, ne sera jamais que l'otage du premier
empire militaire mondial, puisque le principal ressort de la capitulation
de la civilisation de la pensée logique n'est autre que sa volonté
ostensiblement affichée ou feutrée de brandir son propre assujettissement
sous le masque d'une Liberté trompeusement universalisée. "Le
débarquement du 6 juin 1944, ç'a été l'affaire des Anglo-Saxons, d'où la
France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s'installer en France comme
en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie et comme
ils s'apprêtaient à le faire en Allemagne", confiait le Général de
Gaulle à Alain Peyrefitte, alors ministre de l'information.
C'est
pourquoi le Général refusa toujours de commémorer le débarquement
"américain" du 6 juin 1944, en dépit de la pression du Premier
Ministre, Georges Pompidou: "La France a été traitée comme un
paillasson! Churchill m'a convoqué comme un châtelain sonne son maître
d'hôtel", ajoutait le Général de Gaulle. (Cité par Alain
Peyrefitte, C'était de Gaulle, tome 2, Édition de
Fallois, Fayard 1997 - pages 84 à 87
Lorsque l'actuel
Président de la République française, M. François Hollande, en visite
d'Etat aux USA le 11 février 2014, a été menacé publiquement, lors d'une
conférence de presse "commune", qu'une "tonne de
briques" se déverserait sur sa tête s'il n'obéissait pas aux
ordres de l'administration américaine qui interdisait à la France tout
commerce avec l'Iran, il n'a pas bronché et l'Airbus présidentiel est
sagement demeuré sur le tarmac dans les heures suivantes.
Le génie de
l'empire militaire américain aura été de proclamer démocratique un
collaborationnisme européen ennemi du patriotisme et de la dignité des
nations du Vieux Monde. En patriote lucide, le Général de Gaulle, dénonçait
l'humiliation de la France en ces termes: "Ils avaient préparé
leur AMGOT qui devait gouverner souverainement la France à mesure de
l'avance de leurs armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui
aurait eu cours forcé. Ils se seraient conduits en pays conquis "
(Général de Gaulle, Ibid)
3 - Sorciers et magiciens
Prenons
l'exemple de l'omniprésence et de l'omnipotence du cinéma américain en
Europe: deux films, Le Voleur de bicyclette de
Vittorio de Sica et Affreux, sales et méchants d'
Ettore Scola ne doivent pas faire illusion sur le fond. C'est de sa propre
volonté de s'asservir que l'Italie a produit des "westerns
spaghetti" depuis quatre générations, c'est de sa propre volonté de
s'asservir que le festival annuel du film américain de Deauville est
souverainement dirigé sur le territoire français par un Américain, au reste
porteur de nos jours de la casquette d'agent électoral d'Hillary Clinton.
Quel serait
l'apport décisif d'un Talleyrand du XXIe siècle à une anthropologie
critique digne d'une politologie enfin scientifique, donc dotée de la
distanciation philosophique d'une science des relations entre des Etats
souverains?
Cet apport
commencerait par renouveler le gaullisme lui-même qui souffre d'une
insuffisance de la réflexion anthropologique sur la guerre et la paix de
l'homme du 18 juin; car le Général de Gaulle ne cesse de décrire sur le ton
de l'étonnement ou de l'indignation qu' "un chat est un chat et
Rollet un fripon", comme l'écrivait Boileau, précisément en tant
qu'historiographe officiel de Louis XIV
Voltaire
disait que la religion est née de la rencontre d'un fripon avec un
imbécile. Mais il ignorait encore que le fripon évoqué est, au premier
chef, un sorcier et que la première sorcellerie est celle des fripons dont
la forte personnalité leur fait proclamer qu'ils sont informés des ultimes
secrets du cosmos. A ce titre, le fripon de Voltaire se révèle un magicien
de première force et qui exécuterait fidèlement les volontés d'une
divinité. L'empire américain repose sur la friponnerie d'un magicien
proclamé au service de l'absolu. C'est pourquoi Voltaire croyait encore en
l'existence d'un " horloger " minutieux du cosmos.
4 - Le gaullisme et le mythe démocratique
Depuis des
siècles, aucun Etat ne conteste l'existence de Jahvé, revendiquée par le
peuple hébreu, l'existence d'Allah postulée par les peuples du Coran,
l'existence réclamée par les chrétiens d'un Dieu composé de trois "personnes":
ils "font avec", comme on dit aujourd'hui.
Bien plus, les
théologiens respectifs sur lesquels ces trois divinités prennent appui se
contentent de rogner subrepticement les prérogatives et les apanages de
leurs divinités respectives, afin d'augmenter les pouvoirs de leurs fidèles
et d'aboutir à un modus vivendi de nature à satisfaire les intérêts des
deux parties.
Rien de tel
avec les négociations que l'Angleterre ouvre en ce moment avec l'Europe :
la question des relations de tout ce beau monde avec l'OTAN sera purement
et simplement effacée des tablettes de Clio. La vassalisation du Vieux
Continent se trouve tellement avancée que personne ne soulèvera la question
de nos attaches avec le sceptre et le joug du Pentagone.
Telle est
la question que Talleyrand pose fermement et même rudement aux successeurs
aveugles du Général de Gaulle, telle est la question qui se posera
inévitablement, à l'Europe parce qu'il n'a jamais existé de politique
réelle qui ne se trouve contrainte de préciser la nature et le statut des
nations.
Aujourd'hui,
Talleyrand nous rappellerait qu'aux yeux du pseudo apostolat démocratique
américain, l'empire du dollar et du Pentagone sont les nouveaux horlogers
de l'univers. Si le "Diable boiteux" avait guidé les pas
du Général, il aurait expliqué aux Français combien il est naturel et
inévitable, hélas, qu'un vainqueur exploite au mieux sa victoire et que la
vraie victoire de l'empire américain n' est autre que le consentement de
tout le monde au débarquement dans les consciences d'un messianisme
faussement protecteur et d'une démocratie prétendument salvifique.
Non, aurait
dit un de Gaulle à l'écoute de Talleyrand, l'histoire n'est pas un théâtre
du salut universel, l'histoire réelle du monde n'est pas celle d'un
apostolat mondial du concept de démocratie. L'histoire réelle
est celle qu'écrivent les grands visionnaires et les grands réalistes du
destin des nations. Mais si vous ne connaissez pas les ressorts
psychobiologiques de l'adversaire, comment vous défendriez-vous? Le Général
chinois Sun-Tsu faisait de la connaissance de l'adversaire la clé de la
victoire
Au lieu de
cela, les pseudo gaullistes d'aujourd'hui ne cessent de démontrer que de
Gaulle était gaulliste au sens qu'ils donnent à ce mot aujourd'hui,
c'est-à-dire au sens limité d'un gaullisme soumis au seul concept
de démocratie auquel le pseudo "libérateur américain"
serait le modèle. A leurs yeux, l'Amérique serait devenue impériale et
impérieuse par on ne sait quelle dérive inexplicable de ses idéaux
originels.
En vérité,
le premier exemple du baptême de la démocratie dans une théologie se trouve
dans Tite-Live: après avoir assassiné leur roi Numa Pompilius, le Sénat
romain l'avait fait descendre des nues sous les traits d'une divinité
chargée de prophétiser l'avenir planétaire de l'empire romain et, depuis
lors, on a vu les empereurs se légitimer à seulement proroger d'année en
année leur titre officiel de premier Consul.
La
réflexion sur le génie politique de Talleyrand nous conduira bien au-delà
du gaullisme falsifié d'aujourd'hui: à un regard transfreudien sur la
condition humaine en tant que telle et à une psychanalyse anthropologique
des mythes religieux que j'ai explicitée le 12 avril 2005 à propos de la
mort du pape Jean-Paul II.
Il n'est
plus possible de retarder l'aiguille du temps sur l'horloge du monde qu'on
appelle l'histoire: dans quinze jours j'évoquerai les ressorts financiers
et bancaires d'un Occident divisé entre l'empire des Rothschild et celui
d'une banque américaine, dirigée par Mario Dragui, ancien cadre de Goldman
Sachs, et baptisée banque centrale européenne.
Le 17 mars 2017
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