25 janvier 2014

François Hollande - Interview sur France Ô - Voeux à l'ensemble de l'Outre-Mer

Éditorial de lucienne magalie pons



 Le président de la République, François Hollande, a répondu aux questions de Laurence Théatin et William Kromwel sur france Ô, avant d'adresser ses vœux aux Outre-mer.

Interview sur France Ô et les  Outre-mer 1ère


Paris – Jeudi 23 Janvier 2014

QUESTION : Bonsoir à toutes et à tous, où que vous soyez, sur France Ô ou les Premières, sur Internet ou sur votre radio,
Bonsoir Monsieur le Président,
LE PRESIDENT : Bonsoir.
QUESTION : Nous sommes donc en compagnie de Laurence THEATIN. Merci de nous consacrer cet entretien à l’Outre-mer et aux préoccupations des compatriotes d’Outre-mer. Nous allons évoquer la lutte contre la vie chère, le vivre ensemble et quelques questions politiques et même diplomatiques.
QUESTION : Monsieur le Président, venons-en tout de suite à un sujet très sensible Outre-mer : le prix des carburants. Il est fixé par décret dans les départements d’Outre-mer, vous le savez, alors que dans l’Hexagone, ce sont les compagnies pétrolières qui le fixent. Le décret que vient de publier votre gouvernement a fait bondir les compagnies pétrolières. Le PDG de Total a même menacé d’un embargo pétrolier aux Antilles et en Guyane et de se retirer de Mayotte. Une telle menace sur les consommateurs est-elle acceptable ?
LE PRESIDENT : Ce que veulent les ultramarins, c’est payer le prix du carburant comme ailleurs, c’est-à-dire comme en Métropole. Or, il y a quand même une situation qui ne peut pas être comprise. C’est que la fiscalité est moins lourde en Outre-mer et le prix est plus cher pour les carburants. Donc, la démarche de Victorin LUREL, le ministre, cela a été – d’ailleurs en cohérence avec ce qui avait déjà été engagé par le passé – de publier un décret.
Mais c’est vrai qu’il y a une pression des pétroliers. Je fais en sorte qu’ils puissent eux-mêmes arriver à une solution de compromis qui ne soit pas au détriment des responsables des stations-services, c’est-à-dire que les marges qui seraient demandées aux pétroliers qui accepteraient donc de les baisser, ce ne serait pas les responsables des stations-services qui auraient à en consentir les conséquences. C’est donc ce que j’ai souhaité à travers une concertation pour des arrêtés de méthode qui devront aboutir à des prix des carburants.
Il faut que, au terme de ce processus, chacun mesure bien quel est l’enjeu : permettre aux Ultramarins d’accéder à des prix des carburants qui puissent être conformes aux prix du marché et avoir le souci notamment des intermédiaires que je respecte. Ce compromis, j’ai bon espoir qu’il sortira après la concertation à la fin du mois.
QUESTION : Justement, à propos du prix des carburants. Pourquoi importer du pétrole d’Europe alors qu’aux Antilles, par exemple, ils peuvent le faire venir de la Caraïbe ou même des Etats-Unis ?
LE PRESIDENT : Ce que disent les pétroliers, c’est qu’il faudrait faire des investissements très importants pour raffiner, aux normes européennes, ce pétrole. J’entends cette possibilité mais il n’y a pas de temps à perdre. Ce n’est pas parce que l’on pourrait éventuellement regarder ce que l’importation de pétrole venant de sources voisines des Antilles pourrait procurer en termes de baisse de prix des carburants, qu’il ne faut pas baisser le prix des carburants tout de suite. Donc, la discussion doit s’engager sur les bases actuelles et sur les normes actuelles.
QUESTION : Il y a un an, le Parlement adoptait la loi Lurel pour lutter contre la vie chère. Le pouvoir d’achat des ménages ne s’est que très légèrement amélioré. C’est une question de temps ou faut-il des dispositifs supplémentaires ?
LE PRESIDENT : La vie chère, cela fait partie des grandes revendications des Ultramarins depuis des années. Il y a eu des mouvements sociaux très importants dans plusieurs régions et départements sur cette question. J’ai entendues ces revendications.
La première décision qui a été prise par le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT avec Victorin LUREL, cela a été de faire voter une loi contre la vie chère pour réguler les prix. Il y a eu des effets. Bien sûr, le consommateur trouve qu’il n’y en a jamais assez.
Mais regardez, sur les télécommunications, il y a eu une baisse d’un certain nombre de prix. Sur les tarifs bancaires, il y a eu encore, on me le signalait, en Nouvelle-Calédonie un certain nombre de prix qui ont pu être baissés. Sur l’alimentation, et ce n’était pas facile, on a sélectionné un certain nombre de produits de première nécessité, « le bouclier qualité-prix », pour qu’on ait une baisse de 10 à 15% du prix de ces denrées. Même sur les transports maritimes, on a obtenu du principal transporteur qu’il baisse ses prix.
Faut-il encore que cela se répercute toujours sur le consommateur. Mais je ne lâcherai pas cette affaire parce que c’est déjà très difficile d’avoir un travail en Outre-mer – nous le savons bien, nous en reparlerons – c’est très difficile d’avoir une rémunération qui puisse être compatible avec ce qui se passe dans d’autres parties de notre territoire, notamment en Hexagone. C’est ce que l’on appelle la parité. Alors si, en plus, il y a un prix plus élevé de certains produits, ce n’est pas acceptable.
La lutte contre la vie chère, c’est donc toujours la priorité. Des résultats sont là, on en voit encore un certain nombre de traductions au niveau des carburants et nous continuerons.
QUESTION : Sur le prix des billets d’avion, Monsieur le Président, je vous avais posé la question l’année dernière. Je me permets d’y revenir car c’est une préoccupation, une mesure de justice pour des familles éloignées. A quand un véritable geste pour les ultra-marins ?
LE PRESIDENT : Vous avez raison de poser la question et j’espère que vous la poserez chaque année avec une réponse différente. Mais, autant j’ai dit qu’il y avait eu des progrès significatifs sur les télécommunications, sur les tarifs bancaires, sur l’alimentation, sur les transports, j’espère demain sur les carburants, autant cela tarde sur les billets d’avion.
Certes, il y a l’agence, LADOM, que vous connaissez, qui avec les collectivités locales, permet à un certain nombre de jeunes et de moins jeunes de pouvoir aller vers la Métropole mais c’est insuffisant. Certes, il y a eu aussi un quatrième opérateur qui est venu aux Antilles pour le transport aérien et même à La Réunion. Mais c’est encore trop long, même si cela a eu des conséquences sur les tarifs.
Je suis donc tout à fait mobilisé pour que l’on aille plus loin, pour que ce soit un principe d’égalité. Que ceux qui ont de la famille en Métropole ou inversement puissent s’y rendre en dehors des périodes où les prix sont bas. Car c’est cela le sujet : la concurrence fait que pendant une période que l’on connaît bien, une période de l’hiver, les possibilités de transport sont ouvertes mais, en revanche, l’été, quand les ultramarins veulent revenir dans leur territoire d’origine, c’est plus cher. C’est ce que nous allons essayer de corriger.
QUESTION : Pour lutter contre le chômage, le gouvernement avait prévu d’attribuer 10% du total national des « Emplois d’avenir ». Mais ces emplois sont financés en partie par les collectivités. Or, ces collectivités sont en difficulté financière, la plupart du temps, et le gouvernement a annoncé une réduction d’un milliard de leur dotation sur le prochain budget. Est-ce que cela veut dire que les emplois d’avenir en Outre-mer sont menacés ?
LE PRESIDENT : D’abord, je suis conscient de la situation du chômage en Outre-mer, notamment du chômage des jeunes : 50% des moins de 25 ans sont sans emploi. Alors, les « Emplois d’avenir », c’est une réponse. Ce n’est pas la seule, il y a aussi les emplois aidés et aussi les emplois privés.
Mais les « Emplois d’avenir », qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que 75% de la rémunération d’un jeune qui va être recruté – soit dans une collectivité locale, soit d’une association – sont pris en charge par l’Etat. Il faut donc trouver les 25%. Mais votre question est pertinente parce que les collectivités qui sont les plus pauvres disent : « nous, on voudrait bien avoir les « Emplois d’avenir » et pouvoir les offrir à ces jeunes qui ne demandent que cela ». Ce n’est pas simplement un problème de nombre parce que 10% des « Emplois d’avenir » en Outre-mer, c’est quand même bien. Mais s’ils ne sont pas tous utilisés, on aura beau dire : on a fait 10%, mais on n’a pas atteint de résultats.
Je regarde donc si on ne peut pas, dans la même enveloppe, améliorer le financement des « Emplois d’avenir » en Outre-mer.
QUESTION : Comment ?
LE PRESIDENT : C’est-à-dire avoir une participation un peu plus forte pour l’Etat mais avec peut-être moins d’emplois qui soient proposés, mieux rémunérés, et des emplois d’encadrants. Ce que m’ont dit beaucoup de maires…, je pense notamment au maire de Saint-Denis de La Réunion, M. ANNETTE, qui m’a fait cette remarque : « ce qui peut nous coûter, ce n’est pas simplement d’employer des jeunes » – cela c’est bien parce qu’ils rendent un service, puis l’Etat compense à 75%, nous verrons si c’est possible de faire davantage – « mais on a besoin de les encadrer ». Peut-être que les encadrants pourraient être aussi des « Emplois d’avenir ».
QUESTION : Toujours sur l’emploi, Monsieur le Président, vous avez annoncé l’année dernière que vous souhaitiez que la priorité soit donnée à l’emploi local. Le député Patrick LEBRETON a remis un rapport dans lequel il est beaucoup plus question d’emplois publics que d’emplois privés. Est-ce que les jeunes ultra-marins sont destinés à être des fonctionnaires ?
LE PRESIDENT : Certains le souhaitent mais cela ne doit pas être la perspective. Vous avez raison. On ne peut pas répondre à ce chômage endémique qui frappe l’Outre-mer simplement par des emplois ou aidés ou publics.
Néanmoins, ce serait quand même souhaitable et c’est le sens de la proposition de M. LEBRETON, que les recrutements puissent être davantage ouverts aux Ultramarins lorsqu’il s’agit de postes locaux. Les concours pourraient être aussi adaptés, tout en restant dans les lois de la République, bien nécessairement.
Pour les entreprises privées, j’ai proposé, vous le savez, le pacte de responsabilité à toutes les entreprises françaises. Mais je suis prêt à avoir un volet spécifique pour l’Outre-mer parce que la baisse des charges existe déjà en Outre-mer. Si je la propose pour l’ensemble des entreprises, cela ne fera pas faire un avantage significatif pour les entreprises ultramarines. Pour que les jeunes puissent avoir des possibilités d’entrer plus facilement sur le marché du travail et notamment dans des entreprises privées, je suis prêt à adapter – avec les employeurs bien sûr d’Outre-mer, cela fera partie de la discussion – le pacte de responsabilité à ces territoires.
QUESTION : Les petits patrons de PME disent avoir des soucis pour financer leur activité. L’accès aux crédits en Outre-mer serait beaucoup plus difficile qu’en Métropole, pour eux en tous cas. Est-ce que l’Etat peut agir pour que les banques soient un peu plus souples ?
LE PRESIDENT : Cette question, on pourrait la poser à la France entière parce que beaucoup d’entreprises, des petites notamment, disent : « on a déjà des problèmes de commandes mais on a aussi des problèmes de trésorerie. Ce qui compte, c’est de pouvoir nous donner immédiatement le soutien nécessaire pour que l’on puisse préserver l’activité avant même d’en créer de supplémentaires ». Mais, en Outre-mer, le système bancaire est sans doute encore plus frileux qu’il ne l’est dans la France toute entière.
Deux décisions ont été prises. L’Agence française de développement a apporté 300 millions d’euros au système bancaire pour l’Outre-mer afin que cela facilite les prêts. Deuxièmement, la Banque publique d’investissement est maintenant régionalisée et l’Outre-mer peut donc utiliser la Banque publique d’investissement : toujours des garanties, parfois des prêts directs, et même, on peut l’imaginer, des participations au capital.
Il y a donc des outils qui existent au niveau national – la Banque publique d’investissement – et un outil – l’Agence française de développement – qui a été particulièrement mobilisée pour l’Outre-mer.
QUESTION : Il y a des domaines où les Outre-mer sont avant-gardistes, en matière de transition énergétique par exemple. Je pense à la centrale de géothermie haute énergie en Guadeloupe. C’est un cas unique en France. Il y a également des potentiels extraordinaires comme les Terres Rares en Polynésie ou à Wallis et Futuna. Qu’attend-t-on pour valoriser ces potentiels ?
LE PRESIDENT : L’Outre-mer, vue de Métropole, sont parfois des territoires qui paraissent lointains, qui mobilisent l’attention quand il y a, hélas, des catastrophes – le cyclone à La Réunion encore récemment – ou qu’il y a un certain nombre de revendications qui peuvent s’émettre pour l’égalité tout simplement.
Mais, l’Outre-mer doit être regardée comme un atout considérable pour la France. Grâce à l’Outre-mer, la France est le deuxième espace maritime du monde avec la possibilité d’exploiter, en respectant l’environnement, la mer et ses ressources. Il y a une biodiversité en Outre-mer qui est exceptionnelle et une capacité pour développer les énergies nouvelles que l’on peut absolument amplifier. Vous avez cité un exemple : la géothermie en Guadeloupe. Mais on pourrait évoquer La Réunion avec le recyclage des eaux ou les Terres Rares…
Tout cela nous laisse penser que nous pouvons faire de l’Outre-mer l’avant-garde de la transition énergétique. Ce sera d’ailleurs dans la loi qui va être présentée sur la transition énergétique une de nos priorités territoriales. L’Outre-mer va inventer les sources d’énergie de demain.
QUESTION : Nous allons parler diplomatie maintenant. En Polynésie, Gaston FLOSSE est allé chercher les Chinois pour financer ses projets : la rénovation de l’aéroport, un hôtel de luxe. Les Chinois semblent incontournables en ce moment. La France est-elle en train de perdre son influence dans le Pacifique Sud ?
LE PRESIDENT : Il faut aller chercher des investissements extérieurs. Si des Chinois – vous avez évoqué la Polynésie, je vais aussi parler de l’Hexagone ! – veulent investir dans des industries nouvelles, ils le font d’ailleurs, on parle de Peugeot en ce moment, je ne vais pas leur dire : « écartez-vous, nous ne voulons pas de votre argent ». Pourquoi donc ? A condition bien sûr qu’il y ait un contrôle sur la localisation des productions et aussi que, c’est le cas pour Peugeot, l’Etat puisse être partie prenante au capital.
Mais je reviens à la Polynésie, si des investisseurs asiatiques veulent venir pour développer des investissements touristiques, ils sont les bienvenus mais toujours avec un certain nombre de règles et de conditions.
Je pense que nous avons besoin d’investissements français. C’est pourquoi je fais en sorte de la faciliter. La défiscalisation, c’est fait pour quoi ? C’est fait pour permettre que l’Outre-mer puisse être un territoire où l’investissement puisse être facilité, incité.
Si des investisseurs extérieurs, qui n’auront pas la défiscalisation, eux, veulent venir sur nos territoires en les respectant, notamment sur le plan environnemental…
QUESTION : Un des marqueurs de l’influence de la France, c’est la Francophonie. En Haïti, le plus grand pays francophone de la Caraïbe, à l’occasion de la reconstruction post-séisme de 2010, on a pu constater que les Etats-Unis construisaient de plus en plus d’écoles. Est-ce que c’est une menace pour la langue française dans ce territoire ?
LE PRESIDENT : Il ne faut jamais interdire à d’autres pays de promouvoir leur langue. Ce serait une conception presque protectionniste en disant : « nous, nous voulons que personne ne parle d’autres langues que le français ». Ce serait d’ailleurs un combat un peu difficile à gagner ! En revanche, nous devons promouvoir le français.
Vous parlez d’Haïti, c’est en ce moment-même le choix qui a été fait par l’Académie française d’accueillir Dany LAFERRIERE, qui est un grand auteur haïtien, francophone.
Je suis très attaché à la Francophonie. Je pense que ce n’est pas simplement pour des raisons de fierté nationale, pour que notre langue soit parlée. Parce que, à travers la langue, c’est la culture, ce sont les valeurs, ce sont les principes et c’est aussi l’économie et le commerce.
N’empêchons donc pas les autres de parler ou de faire parler leur langue, mais défendons la nôtre et donnons-lui le meilleur aspect, c’est-à-dire l’aspect le plus ouvert, le plus libre, le plus culturel.
QUESTION : Nous avons appris hier que la question du plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon ne pourrait pas être solutionnée avant 4 ou 5 ans. La France irait-elle devant le tribunal arbitral pour défendre les intérêts des Saint-Pierrais et des Miquelonnais ?
LE PRESIDENT : La France veut faire valoir ses droits. Saint-Pierre-et-Miquelon est un territoire français et donc a vocation à pouvoir avoir son propre plateau continental. Ce sont les règles du droit international. Nous irons donc partout où c’est nécessaire pour défendre cette position avec les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon, notamment par rapport à nos amis canadiens qui nous contestent un certain nombre de limites. Il y aura un dossier qui va être déposé, au mois d’avril, devant la Commission des limites du plateau continental.
QUESTION : Monsieur le Président, un seul déplacement en Outre-mer cette année, la Guyane, comme vous l’aviez promis. Vous avez été accueilli chaleureusement. Vous étiez accompagné de Christiane TAUBIRA, accueil très chaleureux également, d’autant que ce déplacement est intervenu quelques jours après les attaques inacceptables contre la Garde des Sceaux. Comment expliquez-vous que le gouvernement ait attendu dix jours pour réagir contre ces attaques alors que cela a été immédiat pour Dieudonné ?
LE PRESIDENT : Ce n’est pas d’ailleurs de même nature. Je ne reviens pas sur Dieudonné qui a proféré des propos antisémites et qui méritaient en tant que tel poursuivis. Je reviens sur Christiane TAUBIRA. Elle a été attaquée très violemment. D’abord dans le débat qu’elle a elle-même conduit sur le mariage pour tous. Attaquée comme femme et attaquée comme ministre. Nous l’avons défendue parce qu’elle défendait des principes de la République, d’égalité. Après, elle a été attaquée sur sa personne, sur sa couleur, sur ses origines. Dès le départ, j’ai, au Conseil des ministres, apporté mon plein soutien à Christiane TAUBIRA. Je l’ai fait au moins à deux reprises dans cette instance solennelle, qui n’est pas toujours publique puisque, par définition, la délibération y est secrète. Mais la porte-parole a rapporté mes propos.
L’Assemblée nationale a réservé à Mme TAUBIRA aussi, au-delà des sensibilités, l’accueil qu’elle méritait. D’abord, pour elle-même, mais aussi pour répondre à toutes ces attaques ignobles dont elle a été l’objet, dont elle continue parfois à faire l’objet. A travers elle, c’était aussi toutes les femmes et les hommes de couleur et les Noirs qui se sentaient aussi attaqués avec des références qui remontaient à loin et des caricatures racistes que l’on pensait oubliées, d’un autre âge, qui étaient déjà déshonorantes à l’époque et qui le sont encore davantage aujourd’hui.
Nous ne laisserons rien passer et je l’ai dit. C’est vrai que, comme elle est ministre, on se dit : « elle est plus protégée que d’autres » et on a tendance à ne pas répondre en se disant : « elle est une femme de pouvoir ». Ce serait finalement un très mauvais calcul parce que cela laisse penser que l’on peut attaquer une femme, une personne noire, parce qu’elle est ministre d’une manière impunie. Eh bien non ! Où que l’on soit, qui que l’on soit, on doit être protégé.
QUESTION : Donc pas « de deux poids, deux mesures » ?
LE PRESIDENT : La seule mesure, c’est la République et le seul poids, c’est celui de la justice qui doit intervenir.
QUESTION : Vous vous êtes rendu en Guyane dans l’Ouest, à Mana, où vous avez rencontré des Hmongs, des Bushinengés, des Créoles, des Amérindiens… Vous avez salué la mosaïque des populations vivant en harmonie. Un tel vivre ensemble est-il possible dans l’Hexagone ?
LE PRESIDENT : C’était une très belle image. Ce sera pour moi un très beau souvenir, Mana. Le maire, Georges PATIENT m’y a accueilli, population française, diverse, variée avec toutes ces origines que vous avez rappelées : Hmongs, Amérindiens, Créoles et tant d’autres qui venaient là avec leurs costumes, avec leurs couleurs, avec leurs chants. Les Bushinengés étaient aussi tout à fait présents et fiers.
C’est une belle leçon que cette ville, cette région et la Guyane ont donné au peuple français. On peut avoir des origines différentes, on peut avoir des parcours parfois exceptionnels, venir de loin et être pleinement français. On peut même avoir ses propres traditions et coutumes et les mettre dans le cadre de la République et dans les valeurs de la laïcité. L’Outre-mer aussi nous permet de nous élever tous ensemble et de montrer que dans le respect des diversités, nous devons être unis et avec des principes du vivre ensemble.
En revanche, ce qui me préoccupe, je ne sais pas si vous aborderez ce sujet, c’est la délinquance et l’insécurité sur un certain nombre de régions d’Outre-mer et notamment ces crimes qui s’accumulent aux Antilles. C’est une agression qui n’est pas simplement sur les personnes qui en sont victimes et qui doivent avoir toute notre solidarité ; c’est une agression contre la République et le vivre ensemble. C’est pour cela que j’ai demandé que l’on renforce les moyens de la gendarmerie et des zones de police.
QUESTION : Nous allons parler politique maintenant. Vous étiez à Mana, on vient de le dire. Dans quelques semaines, il y a deux grands rendez-vous électoraux. Vous avez été accueilli, à Mana, dans une ambiance de campagne électorale. Est-ce que cela vous laisse confiant pour les élections municipales ?
LE PRESIDENT : Il y avait une très belle ambiance, comme d’ailleurs quand je suis allé à Cayenne et j’ai été reçu par Marie-Laure PHINERA-ORTH, ou par d’autres élus qui m’ont fait aussi au nom des traditions républicaines la plus belle hospitalité, je veux tous les saluer.
Mais je n’étais pas en campagne électorale. Je pense que les Guyanais voulaient montrer leur attachement à la République et montrer la fierté qui était la leur de faire valoir un certain nombre de réussites et il y en a. Il y en a beaucoup même si les problèmes demeurent.
Ensuite, il y a deux élections, vous avez raison. Il y a des élections municipales, les enjeux sont locaux mais je pense qu’il y a aussi des messages. Je revendique les engagements que j’ai pris pour l’Outre-mer et que je suis en train de respecter. Notre entretien me permet d’en faire la démonstration.
Mais également, je suis attentif aux élections européennes parce que pour un Ultramarin, mais c’est aussi vrai pour un citoyen de l’Hexagone, on peut se dire : « mais à quoi servent les élections au Parlement européen, est-ce que c’est vraiment utile d’aller voter ? » C’est le Parlement européen, c’est l’Europe qui permet de dégager des fonds pour l’Outre-mer et des fonds qui sont importants. S’il n’y avait pas l’Europe, l’Europe pourrait se dire : « nous n’avons pas vocation à être dans les Outre-mer ». Si ! C’est grâce à l’Europe que l’on peut avoir des fonds pour les investissements qui nous permettent de réaliser ce que l’on ne parviendrait pas, à nous tous seuls, à engager.
Je vais prendre un seul exemple : Mayotte, qui est un département qui a aussi beaucoup de problèmes, on les connaît. Grâce à la négociation que l’on a menée pour le budget européen, près de 300 millions d’euros sur 7 ans vont pouvoir être dégagés pour Mayotte alors qu’il y avait pratiquement rien jusqu’à présent.
Ce que je demande aux Ultramarins et à ceux qui vont se présenter en leur nom, c’est de se battre parce qu’il faut se battre pour que l’Outre-mer ait sa part du budget européen. L’Outre-mer, c’est une chance pour la France, oui ; mais c’est une chance pour l’Europe. Cela nous permet d’être présents sur tous les continents.
QUESTION : Vous parliez de Mayotte. 300 millions d’euros versés par l’Union européenne… Mais ne serait-ce que pour l’assainissement, il faut 600 millions d’euros. Mayotte, comment peut-elle s’en sortir ?
LE PRESIDENT : Mayotte, nous avons accéléré le processus de départementalisation. Nous allons faire un pacte pour l’avenir de Mayotte et la stratégie pour Mayotte. Il faudra les fonds européens. Mais s’il n’y avait que les fonds européens, cela ne suffirait pas. Mais s’il n’y avait pas les fonds européens, ce serait encore plus difficile.
Nous n’avons pas que l’assainissement à traiter, hélas, il y a aussi l’école. C’est une population qui est en forte augmentation. Les routes, les écoles, les collèges et puis aussi la remise à niveau des prestations, puisque nous avons également fixé un calendrier et je veille à ce qu’il soit respecté. Avant, on nous disait que ce serait sur 25 ans. Il vaut mieux que l’on raccourcisse quand même l’échéance ! C’est ce qui se fait en ce moment à Mayotte.
Mais, on ne pourra pas tout régler et je préfère le dire franchement parce que quand il y autant de difficultés, il faut agir par étapes.
QUESTION : Vous avez annoncé une grande réforme territoriale sans supprimer les départements mais avec des régions plus fortes avec plus de pouvoir. Est-ce que ce sera sur le modèle des Antilles ou des départements d’Outre-mer où chacun peut adapter la loi ?
LE PRESIDENT : Oui. Cela a quand même été un bon principe ce qui a été fixé pour l’Outre-mer et avec un choix qui a été ouvert aux élus et même à la population puisqu’elle a été consultée. Bien sûr que l’autonomie est plus forte en Outre-mer. Chacun peut le comprendre. Mais je pense que l’idée d’avoir cette expérimentation, ce rapprochement lorsque c’est possible entre collectivités peut valoir parfaitement pour le reste du pays.
QUESTION : Au mois de mai, il y aura les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie. Si les élus vous le demandaient, est-ce que vous seriez prêt à une solution négociée plutôt qu’un référendum ?
LE PRESIDENT : Je suis engagé par ce que mes prédécesseurs, à juste raison, et le législateur ont décidé. L’accord de Nouméa, rien que l’accord de Nouméa, tout l’accord de Nouméa : cela fait partie maintenant de nos principes de droit, de nature même constitutionnelle.
Je ne suis lié que par cet accord. Après, si un consensus se dégage pour l’appliquer, je regarderai le consensus qui sera né des élections qui vont avoir lieu au mois de mai. Mais, pour le moment, je suis respectueux de la parole que les signataires de cet accord ont voulu porter.
QUESTION : Monsieur le Président, vous aviez annoncé en Guyane que vous vous rendriez dans toutes les collectivités d’Outre-mer avant la fin de votre quinquennat. Vous nous confirmez que votre prochain déplacement en Nouvelle-Calédonie ou peut-être Wallis et Futuna ?
LE PRESIDENT : De toute façon, il y a un rendez-vous qui est prévu pour le G20 en Australie. Je serai donc dans cet espace-là et la Nouvelle-Calédonie fait partie de cet environnement. C’est notre territoire. Justement, il y aura eu les élections qui auront eu lieu au mois de mai et je verrai quelle est l’attitude de l’ensemble des parties prenantes. Ce sera un très beau déplacement et je suis très attaché à ce que le dialogue avec la Nouvelle-Calédonie se poursuive.
J’ai reçu les élus de Wallis-et-Futuna et les chefs coutumiers de Wallis-et-Futuna, ici-même à l’Elysée. Ils m’ont dit que depuis Valérie GISCARD D’ESTAING, il n’y a jamais eu de Président de la République. C’est un argument que j’ai entendu. Si je peux aller ailleurs avant, en fonction des circonstances, je le ferai.
Merci beaucoup et j’adresse tous mes vœux à l’ensemble de l’Outre-mer !

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