Nous invitons nos lecteurs à lire deux excellentes tribunes de Monsieur Paul Quilès qui dans l’actualité que nous traversons sont pleines d’enseignements et nous inciterons, s’il en était besoin, à voter le 6 mai 2012, pour François Hollande.
Source :
Le blog de Paul Quilès
paul.quiles.over-blog.com/
Vendredi 4 mai 2012
Hier et peut-être demain!
En rentrant hier soir du beau meeting de Toulouse sur la place du Capitole, j'avais en mémoire les images de ferveur de cette foule joyeuse qui espère fêter dimanche la victoire de François Hollande, annonciatrice du changement tant attendu.
Les plus jeunes, qui ont entendu les anciens raconter "leur" 10 mai, voudraient à leur tour pouvoir vivre "leur" 6 mai. C'est ce que je leur souhaite....et que je nous souhaite à tous.
En "avant goût" de ce moment que nous attendons tant, voici quelques réflexions sur le sens de la victoire du 10 mai 1981, qui formaient la conclusion du livre que j'ai écrit l'an dernier avec Béatrice Marre ("On a repris la Bastille").
"Dans l’esprit de plusieurs générations, le 10 mai 1981 demeurera sans conteste une référence historique et la date d’une journée mémorable. Tous ceux qui ont participé à la liesse populaire de la « soirée de la Bastille » qui l’a conclue en garderont un souvenir ému.
Les jeunes qui venaient d’accéder à l’âge de voter se souviendront du formidable enthousiasme de la fête et de leur espérance que cette victoire permette, comme le disait le slogan des socialistes, de « changer la vie ».
La joie des militants de gauche, qui s’étaient battus pendant tant d’années, faisait plaisir à voir. Ils avaient presque fini par douter que la droite puisse être battue, en intériorisant la formule de Jacques Chirac, qui ironisait sur la gauche « excellent critique musical….mais demande-t-on à un critique musical de diriger un orchestre ? »
Les plus anciens se souviendront de leur émotion en réalisant que la dernière grande victoire de la gauche remontait à 1936, 45 ans en arrière ! Je revois encore ce vieil homme, quelques jours plus tard, qui faisait ses courses sur le marché Maison Blanche, dans mon 13ème arrondissement. Il me reconnaît, s’arrête et se met à me raconter sa soirée du 10 mai : « Vous savez, je suis veuf, je vis seul dans mon HLM. Dimanche soir, je préparais mon dîner dans la cuisine, quand j’ai entendu à la radio, à 20h, que Mitterrand avait gagné. Alors, je me suis assis et j’ai pleuré. J’ai pleuré de bonheur, parce que, rendez vous compte, j’attendais ça depuis 36 ! Alors je me suis dit : ’’maintenant, tu peux mourir’’ »
Bien sûr, certains ne manquent pas de mettre en parallèle les espérances soulevées par cette victoire et les désillusions de certaines périodes de la gauche au pouvoir. Il n’est pas de mon intention de réaliser ici l’inventaire des erreurs ou des insuffisances qui ont marqué les deux septennats de François Mitterrand.
Beaucoup a été dit à ce sujet et, si certaines critiques me paraissent fondées, d’autres ne sont pas empreintes de la nécessaire honnêteté qui consiste à replacer les évènements et les actes dans le contexte de l’époque. Force est de constater en effet que certains oublis, voire quelques réécritures de l’Histoire, empêchent parfois de comprendre pourquoi et comment, le 10 mai 1981, François Mitterrand est devenu Président de la République, alors que tant de forces s’opposaient à lui et que sa stratégie était contestée, y compris dans le camp de la gauche*
Quel que soit le jugement que l’on porte sur le bilan de l’action de François Mitterrand, personne ne peut nier que la victoire du seul président de gauche élu jusqu’ici par les Français et l’action de ses gouvernements ont marqué la France de la fin du XXème siècle.
On entend dire qu'il s'agissait alors d'une "autre époque". Il est vrai que le monde a considérablement bougé depuis ce qu'on a appelé "les années Mitterrand". La scène internationale, toujours dominée par l'hyper puissance américaine, a vu se renforcer l’influence de nouveaux acteurs. Le mur de Berlin est tombé depuis plus de 20 ans. Récemment, d’autres craquements se sont fait entendre, avec les révolutions qui ont embrasé le monde arabe. La mondialisation des échanges est devenue un enjeu majeur des relations entre Etats. Des lignes nouvelles de fracture sont apparues, sous les coups de boutoir des extrémismes, qui se manifestent avec plus de vigueur, notamment à travers les dérives religieuses et le terrorisme mondialisé. En France aussi, la vie politique, les rapports de force, les débats ont évolué.
En dépit de ces changements, il est des enseignements de la vie publique de François Mitterrand qui perdurent. Je pense notamment au rôle qu’il attribuait dans la conduite de son action à la volonté et à la méthode.
Volonté par exemple d'approfondir la construction européenne sans détruire la France, en liaison avec notre partenaire allemand. Volonté de moderniser l'économie de notre pays en l'appuyant sur des secteurs publics forts. Volonté de rechercher la justice sociale, même si les difficultés économiques et certains manques d'audace n'ont pas permis d'aller assez loin.
Quant à la méthode qui fut celle de François Mitterrand et qui a toujours guidé sa démarche, elle me semble totalement d'actualité: des objectifs politiques clairement définis, une stratégie bien affichée, le souci permanent de rassembler (les socialistes, la gauche, les Français). Son dernier message aux socialistes ** résonne encore à mes oreilles : « Je crois pour demain comme hier à la victoire de la gauche, à condition qu’elle reste elle-même. Qu’elle n’oublie pas que sa famille, c’est toute la gauche. Hors du rassemblement des forces populaires, il n’y a pas de salut ».
Aujourd’hui, je suis étonné et souvent attristé de voir à quel point la gauche semble avoir du mal à s’inspirer de cette stratégie, qui n’a pourtant pas perdu de sa pertinence. En 2011, comme il y a 30 ans, la France a besoin d’espoir et nos concitoyens sont en attente de véritables changements.
Ils supportent en effet de moins en moins les injustices criantes de cette société et ils voient bien que la jeunesse est en panne d’avenir, que les classes moyennes sont désemparées, que la précarité s’accroît, que la laïcité est contestée, que la voix de la France est affaiblie et parfois inaudible.
Pour autant, leur volonté de sanctionner la droite et le pouvoir en place risque de ne pas suffire à la gauche pour l’emporter. Ses divisions entretiennent la confusion, la focalisation sur les combats de personnes accroit la défiance et l’absence de plateforme commune portant une alternative décourage les couches populaires, laissant le champ libre à des idéologies inquiétantes.
Avec nos alliés écologistes et toutes les forces vives de la gauche, nous devons convaincre de notre capacité à transformer en profondeur la société, les conditions de vie et notre mode de développement. D’où la nécessité du rassemblement, sans lequel aucune victoire électorale n’est possible. D’où l’urgence aussi de la formulation d’une véritable alternative de pensée et de gouvernement.
Même si le contexte politique a évolué, les « fondamentaux » de la stratégie de François Mitterrand me semblent être encore aujourd’hui les conditions de la réussite pour la gauche : le choix des personnes ne doit pas précéder l’élaboration du projet ; les sondages ne doivent pas être la boussole des décisions ; le rassemblement de la gauche doit être recherché en permanence. L’élection de François Mitterrand a également fait la preuve éclatante que ce n’est pas la popularité qui fait l’élection….mais la victoire qui rend populaire !
Celles et ceux qui, comme moi, ont eu la chance de connaître cet homme de près retiendront également un autre trait de sa personnalité, auquel il dut faire appel à de multiples occasions au cours de sa vie: une exceptionnelle capacité de résistance à l'adversité. C'est sa ténacité et la volonté qu'il manifestait dans l'action, jointes à la clarté de ses objectifs, qui expliquent sans doute pourquoi ce personnage au caractère trempé, semblant parfois froid et distant, avait la capacité rare de mobiliser et d’entraîner les hommes.
Je souhaite que les responsables politiques de la gauche sachent s'inspirer de la leçon du 10 mai 1981, pour redonner l'espoir qui manque tant aujourd'hui à notre pays. Alors, peut-être, une grande fête populaire sera donnée le 6 mai 2012, mais cette fois…..place de la République ! "
* Le 8 mai 1981, dans l’avion qui nous ramenait du dernier meeting de campagne à Nantes, alors que je lui disais : « Je suis convaincu que vous allez gagner dimanche », François Mitterrand, sans contester ma prévision, me répondit, très ému: « Vous rendez-vous compte de ce que cela signifiera, cette victoire, avec toutes les forces qui étaient coalisées contre nous ? C’est incroyable. »
** Ce message de François Mitterrand aux socialistes a été délivré au cours du congrès du PS de Liévin des 18, 19 et 20 novembre 1994.
Jeudi 3 mai 2012
La fin du sarkozysme
Par bien des aspects, la campagne pour l’élection présidentielle à laquelle nous assistons présente des similitudes avec celle de 1981, qui vit l’affrontement entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand.
Pour ne prendre que l’exemple du climat de l’entre 2 tours, je retrouve la même tactique de la droite, qui consiste à agiter les peurs, à lancer des rumeurs, à multiplier les attaques personnelles. En 1981, il s’agissait surtout de faire croire que François Mitterrand était « prisonnier des communistes ». C’était depuis des années la rengaine de la droite, qui allait jusqu’à affirmer que les chars russes étaient braqués sur Paris. Michel Poniatowski, ministre de l’intérieur, n’avait pas hésité à dire : « Ce qui nous sépare du régime de protectorat militaire, c'est une élection et 300 kilomètres ».
Le ridicule de tels excès, dont le principe est que « plus c'est gros, plus ça frappe », peut faire sourire, sauf que nous assistons aujourd’hui à la mise en œuvre par Nicolas Sarkozy et ses amis de l’UMP des mêmes recettes, faisant toujours appel au triptyque « peurs, rumeurs, attaques personnelles ».
Prenons par exemple le thème mis soudainement en avant par le président sortant pour draguer les électeurs du FN : le vote des immigrés.
Que disait Nicolas Sarkozy en 2001, dans son livre (« Libre ») ? «A partir du moment où les étrangers non communautaires paient des impôts, où ils respectent nos lois, où ils vivent sous notre territoire depuis un temps minimum, par exemple de cinq années, je ne vois pas au nom de quelle logique nous pourrions les empêcher de donner une appréciation sur la façon dont est organisé leur cadre de vie quotidien.» Il se souvenait probablement que, depuis le traité de Maastricht (septembre 1992), les ressortissants de l’Union européenne avaient le droit de vote aux élections européennes et municipales.
Et en 2005, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, que disait-il ? « J'ai considéré que le droit de vote aux seules municipales, pour des étrangers présents depuis dix ans sur le territoire national, respectant nos lois, payant leurs impôts et ayant des papiers était une question qui devait être ouverte. En ce qui me concerne, j'y suis favorable».
En 2008, le voilà qui récidive et se déclare « intellectuellement favorable à ce droit », en regrettant qu’il n’y ait « pas de majorité pour le faire passer ». Il avait alors certainement noté que, dans 12 pays européens, les étrangers non membres de l’Union européenne pouvaient voter [1],
Comment ose-t-il alors, avec un culot sans pareil, affirmer aujourd’hui : « Je crois depuis longtemps que le droit de voter et le droit d’être élu (…) demeure un droit attaché à la nationalité française » ? Ah bon, « depuis longtemps » ! Plutôt depuis le soir du 1er tour…..
A l’évidence, ses contradictions, voire ses mensonges ne le gênent pas et, tel un boxeur acculé dans les cordes, il se démène et va continuer à le faire, en n’hésitant pas à porter des coups en dessous de la ceinture, comme on l’a vu depuis quelques jours. Il faut souhaiter que l’arbitre, en l’occurrence le peuple français, saura sanctionner son attitude.
Cet exemple -parmi beaucoup d’autres- des dérapages de Nicolas Sarkozy confirme la véritable nature de ce qu’il faut bien appeler le sarkozysme. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas d’un système de pensée ou d’une idéologie, même s’il emprunte pas mal de ses idées au libéralisme. Le sarkozysme est avant tout un comportement, dont les caractéristiques sont : l’opportunisme permanent, le mouvement, incessant et désordonné (une annonce chasse l’autre, au gré des situations), la contradiction assumée (il prétend être « hors système » et parler au nom du peuple….alors qu’il baigne dans le monde de l’argent), l’utilisation d’une technique qui consiste à opposer les Français entre eux.
Quoi d’étonnant dans ces conditions de constater le désamour des Français à l’égard de ce président, qui a manqué de respect à leur égard comme à l’égard de l’Etat, de la fonction présidentielle, de la laïcité, de la démocratie et de l’image même de la France ? Il est difficile d’aimer quelqu’un qui ne vous respecte pas.
Le 6 mai sera l’occasion pour les Français de permettre la mise en œuvre d’une nouvelle politique avec François Hollande, mais aussi de faire payer à Nicolas Sarkozy le prix de son irrespect, en fermant ce qui restera la parenthèse du sarkozysme.
[1] avec les mêmes dispositions que celles proposées par François Hollande.
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