Éditorial de lucienne magalie pons
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LE PRESIDENT: Mesdames, Messieurs,
Je souhaitais, le jour même de mon investiture comme président de la République française, venir à Berlin rencontrer la Chancelière. Je le souhaitais pour deux raisons : d'abord parce que je ne la connaissais pas -- même si sa réputation avait franchi la frontière depuis longtemps -- et ensuite parce que je voulais démontrer que la relation franco-allemande est une constante de l'engagement du Président de la République. Je voulais venir ici à Berlin pour également signifier le sens que je donne au mot amitié entre nos deux pays. Nous avons, par notre histoire, par nos engagements, par notre contribution à la construction de l'Europe, des liens forts et une responsabilité éminente. Je conçois la relation entre la France et l'Allemagne comme une relation équilibrée et respectueuse : équilibrée entre nos deux pays, respectueuse de nos sensibilités politiques, et également respectueuse des partenaires de l'Europe et des institutions communautaires. Nous voulons travailler ensemble pour le bien de l'Europe, mais en mobilisant tous les autres pays de l'Union.
Je voulais aussi venir pour définir avec la Chancelière notre travail pour les prochaines semaines, voire même les prochains mois. Il y a d'abord le 50e anniversaire du Traité de l'Elysée. La Chancelière a bien voulu rappeler le symbole qu'il constitue par lui-même, ce traité qui avait été signé par Konrad Adenauer et par Charles de Gaulle. Je souhaiterais que nous puissions, à l'occasion de ce 50e anniversaire, après une préparation que nous engagerons prochainement, ajouter d'autres dispositions pour que la jeunesse, la culture, bref, tout ce qui peut mobiliser les générations nouvelles pour la relation franco-allemande, puisse être intégré dans ce nouveau traité.
Ensuite il y a les sujets qui relèvent de l'actualité : la Grèce. Nous en avons parlé et nous devions en parler. Je souhaite, comme Mme Merkel, que la Grèce reste dans la zone euro. Il y a eu des efforts qui ont été engagés de part et d'autre, du côté de l'Union européenne comme du côté des Grecs. Et donc, nous devons permettre aux Grecs de trouver des solutions. Ils vont être consultés par un nouveau scrutin qui va être organisé le 17 juin : je souhaite que les Grecs puissent affirmer dans ces élections leur attachement à la zone euro, et je suis favorable à ce que nous puissions dire aux Grecs que l'Europe est prête à ajouter des mesures de croissance, de soutien de l'activité pour qu'il puisse y avoir le retour de la croissance en Grèce, alors qu'elle vit une récession, mais qu'en même temps, les engagements qui ont été pris doivent être tenus.
S'agissant du traité budgétaire et du pacte de croissance, j'ai dit que je voulais que la croissance puisse être non seulement un mot prononcé, mais aussi des actes tangibles et traduits dans la réalité. La méthode qui nous paraît la meilleure c'est celle de mettre tout sur la table, à l'occasion du sommet informel du 23 mai -- je remercie d'ailleurs Mme Merkel d'avoir accepté son report pour me permettre de le préparer dans les meilleures conditions -- et surtout le Conseil européen de la fin du mois de juin. Tout doit être mis sur la table, par les uns comme par les autres, tout ce qui peut contribuer à la croissance : aussi bien l'amélioration de la compétitivité que les investissements d'avenir, que la mobilisation de fonds, que les eurobonds -- bref : tout doit être mis sur la table. Et ensuite, nous en tirerons les conclusions en terme d'instruments juridiques nécessaires.
Voilà ce que je voulais dire en me félicitant de l'accueil qui m'a été réservé, parce que c'est une image que je voulais donner, au-delà de nos différences, une image de confiance dans le travail que nous pouvons engager, une image de cohérence dans la relation franco-allemande, de continuité aussi pour l'histoire même de nos deux pays dans l'Union européenne. Et ce rendez-vous -- qui était très attendu, j'ai l'impression que vous êtes venus nombreux à ce rendez-vous -- me permet, sans rien dissimuler de ce qui peut nous séparer parfois, de convaincre les Européens que la France et l'Allemagne ont la volonté, à travers la Chancelière et le nouveau Président de la République française, de travailler en commun, pour nos deux pays, pour la relation franco-allemande, et pour l'Europe tout entière.
QUESTION : une question pour le président français. Je voudrais savoir, car il y a eu à ce sujet différentes déclarations pendant la campagne électorale, si vous voulez ratifier le pacte budgétaire en l'état ou si au contraire vous tenez à ce qu'il soit modifié dans son contenu.
LE PRESIDENT - J'ai dit dans la campagne, et je le répète encore aujourd'hui comme Président de la République, que je voulais renégocier ce qui, à un moment, a été établi, pour y intégrer une dimension de croissance. Et donc, la méthode dont nous avons convenu consiste à mettre toutes les idées, toutes les propositions sur la table, et voir ensuite quelles sont les traductions juridiques pour les mettre en œuvre. Et c'est au terme de ce travail que je pourrais répondre à votre question.
QUESTION - Mme Merkel, vous aviez dit en novembre 2011, à Leipzig : « nous sommes tous, maintenant, une partie de la politique intérieure européenne ». Faut-il en conclure que M. Hollande et vous êtes des adversaires politiques ? M. Hollande, le chiffre de la croissance au premier trimestre en France a été mauvais, les prévisions de la Commission européenne pour 2012 et 2013 sont pires que celles que vous avez prévues, la France va-t-elle devoir adopter rapidement un plan de rigueur ?
LE PRESIDENT - Ce n'est pas la première fois que, entre la France et l'Allemagne, il y a des relations qui sont conduites par des chefs d'Etat et de gouvernement qui ne sont pas de la même sensibilité politique. C'est arrivé avec Helmut Schmidt et Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand et Helmut Kohl, et ensuite Jacques Chirac et Gerhard Schröder. Bref, c'est même l'exception quand il y a des chefs d'Etat et de gouvernement de même sensibilité politique ! Mais je ne vais pas rentrer dans ce débat. Ce que je sais, c'est que nous avons un devoir commun. Les pays se dotent des responsables de leur choix, et nous, nous avons à travailler ensemble pour mener à bien les missions qui nous sont données, et surtout le devoir de faire avancer l'Europe et de répondre aux grands défis du monde, aussi. Et nous nous retrouvons d'ailleurs bientôt à des sommets du G8, de l'OTAN, et nous aurons à travailler ensemble.
Sur le sujet de la croissance, c'est vrai que le mot était inscrit dans le traité budgétaire, mais il n'était pas vraiment décliné. Je me félicite que la campagne présidentielle en France ait permis -- la situation en Europe y a aussi aidé -- de remettre le sujet de la croissance au cœur de nos débats. Je sais qu'il y a, derrière le mot croissance, des approches qui peuvent être différentes, mais moi je suis à la fois pour une économie de l'offre qui soit plus productive, et pour des soutiens de la demande, qui ne peuvent plus être exercés par les Etats nationaux compte tenu des situations budgétaires, compte tenu des endettements. Donc l'Europe aura à prendre sa responsabilité, et c'est ce dont nous allons discuter ensemble pendant les semaines qui viennent.
Sur la situation économique de la France, M. Lemaître a bien voulu rappeler l'héritage qui est le mien aujourd'hui, enfin, qui m'a été transmis aujourd'hui, c'est-à-dire une croissance quasi-nulle pour le premier trimestre, et une perspective, celle qu'a évoquée la Commission qui laisserait penser que nous n'atteindrions pas les 1,7% en 2013, même si l'INSEE aujourd'hui confirme plutôt cet objectif. Pour en savoir davantage -- non pas sur les prévisions économiques, parce que la croissance, nous devons la créer, et à l'échelle nationale, et à l'échelle européenne, et même à l'échelle mondiale, et nous en parlerons sans doute au G8 comme au G20 -- mais pour tenir compte des effets d'un ralentissement de la croissance, peut-être aussi de dépenses qui ont pu être engagées, le gouvernement que je vais constituer demain va demander à la Cour des comptes, très rapidement, de faire un rapport pour évaluer l'état de l'exécution du budget 2012. Car je suis pour le sérieux budgétaire. Je suis pour qu'on atteigne nos objectifs. Mais, parce que je suis pour le sérieux budgétaire, je suis pour la croissance : s'il n'y a pas la croissance, alors, quels que soient nos efforts, nous n'atteindrons pas les objectifs que nous nous sommes fixés de réduction de la dette et de diminution de nos déficits.
QUESTION : Vous avez dit que vous souhaitiez que la Grèce demeure dans la zone euro. Estimez-vous que la tenue prochaine de nouvelles élections peut aider à atteindre cet objectif ou non ? Et une seconde petite question : en quelle langue vous êtes-vous parlé ?
LE PRESIDENT - Je n'aurai pas de réponse différente de celle de la Chancelière. Les Grecs sont appelés à se prononcer sur des formations politiques qui, pour certaines, sont pour le maintien de la Grèce dans la zone euro, pour d'autres non, et donc je respecterai, quoi qu'il arrive, le vote des Grecs. En revanche, ma responsabilité, c'est d'adresser un signe, aussi, aux Grecs. Je mesure les épreuves, les souffrances qu'une partie du peuple grec subit aujourd'hui, et ses doutes, ses interrogations par rapport à l'avenir. Les Grecs doivent savoir que nous viendrons, par des mesures de croissance, par des soutiens de l'activité, vers eux pour leur permettre d'assurer leur présence dans la zone euro. Voilà pourquoi, dans cette élection, les Grecs seuls ont la parole, et il faut toujours avoir pour le suffrage universel, dans quelque pays que ce soit, le plus grand respect. Mais je dois envoyer un certain nombre de signes, et ces signes sont ceux de la croissance, de l'activité, du soutien.
Sur la manière avec laquelle nous avons conversé Mme Merkel et moi, c'est la langue universelle, c'est celle de la communauté d'intérêts, de l'intelligence respective, de la volonté de trouver des solutions, et vous assure que, même en parlant français, on peut se faire comprendre par une Chancelière allemande, et réciproquement, une Chancelière allemande, en parlant allemand, peut se faire comprendre par un président français. Tout ça pour vous dire que cette réunion n'avait pas vocation à régler toutes les questions qui sont posées, mais avait d'abord comme premier objet de mieux nous connaître, d'établir une relation, de fixer une démarche, d'engager une méthode de travail pour trouver ensemble des solutions. C'est cela le sens de notre rencontre de ce soir, et j'en suis très heureux.
Merci.
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