Présentation
de la bête évolutive
Présentation de la bête
évolutive
1 - Le philosophe et l'homme
politique
On a
prétendu que l'homme d'Etat et le philosophe se partageraient le fardeau
de porter le regard de la raison au-delà des quelques arpents auxquels
s'arrête le radar du globe oculaire du genre humain ordinaire et de traverser
ensemble le paysage en doubles connaisseurs de l'étendue du vaste monde
et de sa longue histoire. Cette allégation est aussi effrontée que
perverse; tout homme politique, quelle que soit la relative 'envergure de
sa cervelle, ne regarde jamais notre astéroïde que du point de vue qu'il
juge nécessaire et suffisant à l'heureuse conquête du pouvoir qu'il
ambitionne d'exercer, tellement son ultime soif de gloire et de puissance
se limite toujours au champ de l'action efficace, donc payante à ses yeux.
L'empire
de la pensée, en revanche, se ramène toujours, aux yeux du philosophe, au
territoire cerné par la question supérieure de la prise de possession
d'une citadelle à capturer en altitude, ce qui exige la mise en évidence
du chemin le plus sûr qui conduira les guerriers de l'intelligence à se
promener en vainqueurs sur les remparts de l'ennemi terrassé.
Du
coup, l'homme politique se trompera nécessairement sur la distance
intellectuelle à parcourir, celle qui seule lui permettrait de triompher
sur les hectares qu'il convoite. C'est ainsi que MM. Sarkozy et Juppé se
trompent tous deux au chapitre du recul de la pensée qu'exige le monde
actuel: leur erreur commune est de s'imaginer que le paysage de la
politique mondiale d'aujourd'hui ne sera pas bouleversé de fond en comble
par la victoire militaire de la Russie en Syrie.
C'est
pourquoi, en un mot comme en cent, ces hommes d'action ne savent pas que
l'histoire de la planète sera mise en marche par l'irruption soudaine
d'un glaive performant dans le train de sénateur et dans la nonchalance
démocratique; et que, par conséquent, il est encore trop tôt,
croient-ils, pour soulever la question de fond - celle de l'existence
même de l'OTAN vassalisé et de l'illégitimité de la présence à perpétuité
de cinq cents bases militaires américaines armées jusqu'aux dents et
privées d'adversaires sur un continent ligoté par la victoire réputée
évangélisatrice de 1945 sur le nazisme.
Ce
type d'homme d'Etat croit se camper à la bonne distance du champ de
bataille que lorgne son cerveau césarien - la distance qui le conduira
tout droit à l'Elysée, se dit-il. La myopie partagée des candidats de la
gauche et de la droite leur interdit de réfléchir en anthropologues
originels sur les leçons multi millénaires que l'histoire et la politique
dispensent aux Etats: car le sabre ne laisse jamais intacts les
nonchalants et les léthargiques. Les démocraties sont des embarcations
tellement construites pour naviguer seulement par temps calme que le vent
de l'histoire réelle les démâte sans tarder.
Et
pourtant, le regard éclairé que la science historique universitaire
devrait porter sur le destin du monde suffirait à lui fait voir
clairement que la reconquête de la Crimée, puis la guerre en cours en
Syrie reconduiront le monde à la résurrection de nations et aux
retrouvailles de la mappemonde avec le ciment de l'histoire qu'on appelle
le patriotisme - il n'y
manque qu'un regard d'anthropologue sur l'animalité spécifique du genre
humain - car le Moyen-Age actuel nous rappelle que Lucifer est un monstre
en chair et en os, et pourtant invisible et qu'on le lapide à l'aide des
pierres lancées contre une stèle. L'animalité cérébralisée de notre temps
ne distingue pas le monstre, d'un côté, du symbole, de l'autre. Les
catholiques mangent réellement la chair et boivent effectivement le sang
de leur victime immolée sur l'autel de l'Histoire; les protestants n'ont
plus de "vrai et réel" sacrifice à se mettre sous la
dent - ils peinent à ne croquer que des symboles.
La
guerre de Syrie sera l'enjeu philosophique inconscient des démocraties:
il s'agira d'arracher à l'islam son Lucifer de chair et de sang à
lapider. Car si Lucifer existait hors de la conque osseuse de ses
lapideurs, il rirait bien du tour qu'il vient de leur jouer: ils n'ont
pas seulement échoué à tuer Satan, ils se sont entêtés à manquer leur
cible.
2 - Un monde à la croisée des
chemins
Le
gouffre ouvert entre le philosophe et le conquérant - on l'appelle
maintenant l'homme d'Etat - est donc abyssal: Socrate ne se trouve pas
dans l'arène des candidats à la puissance politique. Car, non seulement
son regard voudrait porter sur toute l'étendue du paysage à traverser,
mais son premier souci est celui d'un logicien qui songe à conquérir
l'observatoire de la politique et de l'histoire de la bête évolutive - le
seul télescope qui lui permettra de savoir d'avance si le paysage se rend
visible de l'extérieur et de quelle nature sera ce dehors.
C'est
pourquoi, de Platon à Kant, de Descartes à Hume et à Nietzsche, tous les
philosophes sérieux ont tenté d'observer de haut et de loin la boîte
osseuse du plus étrange des animaux, afin d'examiner de Sirius les
ressorts et les rouages de cette singulière machinerie - et également
afin de remédier, si possible, aux vices de fonctionnement et de
fabrication des pièces de cet outillage non seulement perfectible depuis
deux millions d'années, mais en évolution sporadique et aléatoire depuis
vingt mille siècles seulement. Il est grotesque de tenter de survoler un
paysage si l'on ignore à l'aide de quelle caméra de la pensée la bête
tentera de comprendre ce qui lui arrive.
Dans
cet esprit, je m'abstiendrai, quatre semaines durant, de poursuivre mes
analyses anthropologiques sur le seul terrain des événements, et je
tenterai de quitter davantage l'univers des arpenteurs et des géomètres,
afin de tenter de savoir s'il est possible de porter sur l'histoire et la
politique du simianthrope un regard trans territorial, pourtant de nature
à nous informer du sens du tournant que la Russie vient de prendre dans
l'univers de la spectrographie anthropologique de la bête schizoïde. Car
nous venons de découvrir le chaînon qui nous manquait entre
l'Australopithèque et le premier animal censé armé du télescope de la
pensée transzoologique. Il s'agit d'ouvrir une brèche plus impossible à
combler que jamais entre la philosophie et la politique. L'heure des
logiciens de la nuit a sonné. (Voir le texte qui paraîtra le 30 octobre)
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1 - Le naufrage en eau tiède
Le naufrage en eau tiède des civilisations
déclinantes fuit le spectacle de leur agonie, alors même qu'elles en sont
devenues la proie depuis longtemps aux yeux de tout le monde; mais elles
finissent toujours par étaler à leurs propres yeux le camouflage inutile de
leur trépas prolongé. De plus, la vérité montre ses crocs aigus et ses
mâchoires massives. Sa denture carnassière dévore les fondements
psychophysiologiques des Etats. C'est ainsi que la superficialité d'esprit
dont témoignent les sciences humaines acéphales d'aujourd'hui réduit leur
savoir scolarisé à une pellicule de graphiques et de statistiques.
Le naufrage dans leur minceur de ce genre
d'exercices est devenu tellement spectaculaire que le haut enseignement
français, qui se trouve en eau tiède et privé de réflexion philosophique
depuis plus d'un siècle, semble tout soudainement se réveiller quelque peu:
ne vient-il pas de découvrir qu'une science privée du tuteur de la pensée
critique n'est qu'une outre vide? L'Université Marie et Pierre Curie va
faire alliance avec la Sorbonne millénaire pour tenter de greffer in
extremis l'amusement scolastique qu'on appelle la sociologie sur l'une
de ses "contre faces", comme on dit, à savoir la vieille "psychologie
des facultés" que nous avons héritée du Moyen-Age. Quelle porte
enfin grande ouverte sur le sanglant que la connaissance d'eux-mêmes
soudainement promise aux docteurs du genre humain!
La question à laquelle la Sorbonne moderne ouvrira
sa porte à deux battants n'est autre que celle qui se posait aux sophistes
et aux théologiens du Moyen-Age: à quelle profondeur du cerveau d'une bête
réputée évolutive une vraie sociologie est-elle appelée à plonger ses
racines? La béance de cette brèche fécondera-t-elle la poussière amassée
par la sociologie de Durkheim, fondée, au milieu du XIXe siècle? Les
craintifs et les tremblants vont-ils battre massivement en retraite. Car il
faut une révolution épistémologique titanesque pour seulement prendre acte
de ce que, depuis sa sortie partielle et précautionneuse du règne animal,
notre espèce se trouve dichotomisée entre les neurones du réel et ceux du
fantastique religieux. Mais pour séparer la théologie de la zoologie
cérébrale, et la zoologie mentale de la théologie, il faut apprendre à
décrire l'animalité spécifique d'une bête scindée de naissance entre le
visible et l'invisible. Si les sciences humaines actuelles commençaient par
l'audace de tenter de cerner leur objet, puis de peser leurs méthodes
d'encerclement de cet objet sur les plateaux d'une balance
d'anthropologues, ces malheureux se débanderaient dans une déroute
d'éberlués.
2 - Les dieux d'une bête en évolution
Il en est ainsi d'une consœur que la sociologie
d'école a récemment rencontrée dans l'arène de la lâcheté intellectuelle
des sciences humaines actuelles: à savoir une anthropologie dite politique,
puis attifée en discipline scientifique et enfin chapeautée le plus
sérieusement du monde de la toque des docteurs du Moyen-Age. Cette séminariste
se veut si peu anthropologique qu'elle volète dans les zéphyrs de ses
méthodes. Les vêtements de cette pauvresse se veulent aussi folâtres
qu'enrubannés. Aussi a-t-elle échoué à emprunter les dehors d'une véritable
connaissance du simianthrope. Mais son "champ du savoir",
comme elle aime à dire, ne s'étend nullement jusqu'au politique devenu
porteur de ses masques sacrés. Hélas, jamais aucun pseudo anthropologue des
temps modernes n'a eu le courage de réfléchir à la nature viscéralement
historico-religieuse, donc fatalement historico-onirique, de la cervelle
des évadés d'hier, d'aujourd'hui et de demain de la zoologie.
Et pourquoi cela? Parce que ni la sociologie
laïcisée, ni l'anthropologie officialisée dans l'enceinte sans recul de la
raison universitaire, ni une science historique mal rationalisée dans la
postérité étriquée du XVIIIe siècle ne sont constructibles sans que nos
méthodologues ne commencent par tracer une frontière nouvelle et
relativement sûre entre l'homme et l'animal. C'est cela, le rendez-vous
tragique du IIIe millénaire avec la postérité véritable de trois peintres
animaliers originels, Cervantès, Swift et Nietzsche. Car ces premiers
penseurs et peseurs se sont penchés sur l'animalité propre aux estropiés
divins qui se promènent sous notre os frontal; et ils ont observé une bête
en cours de cérébralisation, de vassalisation et d'encerclement dans
l'enceinte de son propre concept, et ils se sont défaussés sur leur propre
génie: le roman ou le récit symbolique ont tendu leur miroir à la bête
auto-mythifiée.
3 - La découverte du " chaînon manquant "
Il y a une quinzaine de jours seulement, le monde
de la presse s'est trouvé informé inopinément, donc par surprise, de ce
que, depuis plus de deux ans, des paléontologues cachottiers ont découvert
en Afrique du Sud de nombreux squelettes miraculeusement conservés, du
fameux "chaînon manquant" entre l'australopithèque et l'homo
censé dûment achevé ou du moins en voie d'un parachèvement définitif de sa
cervelle - car nos apprentis-anthropologues sont formés depuis trois
siècles dans la postérité manquée de Candide ou l'optimisme de Voltaire; et ils placent de
préférence leurs spécimens sous la lentille de leur raison d'enfants. Mais
à partir de quel animal observent-ils l'auberge de leur propre
transanimalité, celle qui va de soi à leurs yeux et dont le caractère
embryonnaire échappe à leur regard?
Car l'animal encore entièrement toisonné d'il y a
vingt mille siècles avait déjà de longues jambes et des pieds articulés; et
sa cervelle, alors de la grosseur d'une orange, s'imaginait déjà, le
malheureux, que sitôt après le trépas de la carcasse qui lui servait de
support, il se rendait quelque part à l'aide de divers moyens de transport.
Deux millions d'années seulement plus tard, un nautonier renommé, du nom de
Charon, s'entretenait secrètement avec le dieu Hermès. Leur conversation
portait sur l'état de la barque du passeur. On sait que cette conversation
a été entendue par un ironiste du deuxième siècle de notre ère, Lucien de
Samosate (129-180), qui l'a fidèlement transcrite sur des parchemins qui
nous ont été conservés et traduits dans toutes les langues de la terre.
Or, les voilures de la chaloupe de Charon étaient
en lambeaux. Comment le navigateur sus-nommé faisait-il néanmoins franchir
le Léthé aux morts de son époque? De plus, se plaignait notre Charon
originel, ses voiles étaient tellement rafistolées qu'il était grand temps
de cesser de les recoudre. Mais comment convaincre Hermès d'en acheter des
neuves? Quant à la sécurité des migrants de ce temps-là, les derniers
passagers n'étaient parvenus sur l'autre rive qu'à grand peine, et cela
seulement en raison du courage avec lequel ils avaient écopé sans relâche
et tout au long de la traversée l'eau de l'Oubli qui s'introduisait dans la
cale par une brèche impossible à colmater. Puis Charon se faisait
théologien, nous raconte son biographe: les dieux n'avaient pas intérêt,
disait-il, à se montrer avares de leur voilure aux yeux des mémorialistes à
venir et de noyer les humains, ce qui rendait catastrophique leur arrivée
au royaume des morts.
On a appelé Lucien de Samosate le Voltaire de son
temps. Son ouvrage de philosophe rieur et d'historiographie autorisé de
notre évolution cérébrale s'intitule Les Histoires vraies. Ce titre a été faussement traduit,
et de siècle en siècle par L'Histoire
véritable. Qu'est-ce que la vérité religieuse aux yeux des
hellénistes ignorants, dès lors que nous n'avons pas trouvé la balance
universelle qui nous permettra de peser le symbolique? Les "religions
véritables" meurent quand leurs "vérités"
fondatrices chicanent le "sens commun" du bimane évolutif
- car le "sens commun" de la bête imageante change les
pôles et les paramètres de l'imaginaire qui la promène selon le degré de
dégrossissement du fantastique et du sacré dont le sens commun se trouve
possédé.
Cinq siècles seulement après Copernic, un siècle
et demi seulement après Darwin, un siècle seulement après le mariage de
l'espace avec le temps que les anthropoïdes et les hommes se partagent
depuis les origines - nous en devons la découverte à notre physique de la
flottaison générale de l'univers - notre apparence d'anthropologie
politique et d' anthropologie religieuse ne savent encore ni pourquoi la
bête au cerveau schizoïde a expédié trois colosses au cerveau réputé
unifiable dans le silence et le vide du Léthé qu'on appelle maintenant
l'immensité ou l'éternité. Pourquoi ce colosse a-t-il remplacé
précipitamment les carcasses musculaires et osseuses des dieux du
polythéisme par des longitudes et des latitudes insaisissables? J'ai déjà
dit que le cerveau du "chaînon manquant" avait la grosseur
d'une orange: nous cherchons désespérément la balance à peser notre orange.
4 - La bête évolutive en quête de l'observatoire de son
évolution
L'anthropologie scientifique, donc critique de
demain observera la psychophysiologie cérébrale et racontera l'histoire
vraie de l'animal dichotomisé de naissance entre la physique du cosmos et
le fantastique religieux qui se balade sous son os frontal. La discipline
du fabuleux commencera par constater que, dans l'ordre politique, le
simianthrope est une bête aporétique, par nature et par définition, et cela
en raison de la schizoïdie native dont le langage a frappé son encéphale en
cours de route. Par conséquent, toute anthropologie qui se voudra
scientifique commencera par tenter de connaître, puis d'interpréter, donc
de donner un sens à la psychophysiologie cérébrale qui paralyse un bimane
cruellement inachevé et à la recherche de son gîte - car on ne saurait
enregistrer de siècle en siècle la progression désespérément superficielle
de ses neurones si l'évolution de sa cervelle se trouvait d'ores et déjà
terminée.
Mais en quel endroit de la route l'observateur
d'un cheminement proprement mental se trouve-t-il posté? Comment en
jugerait-il motu proprio s'il ne sait à partir de quelle
distance il regarde, droit devant lui, un paysage dans lequel il entre à
reculons - car à chaque étape de son trottinement, cet animal se croit
arrivé à bon port et s'imagine respirer enfin librement? De plus, ce
prétentieux juge de haut et de loin le chemin qu'il a parcouru tout clopinant
et toujours sans connaître vraiment l'endroit où il se trouve arrêté. Tout
au long de ses sautillements d'une écurie à la suivante ou d'une étable à
l'autre, il ne plante jamais que des reflets illusoires de l'homme qu'il
croit être devenu entre temps. Lucien de Samosate ne regardait pas encore
la bête onirique en anthropologue averti. Nous rions de l'aveuglement de
Mercure et de Charon, mais nous sommes les continuateurs de leur cécité. Et
si nous n'apprenons pas à fixer nos regards plus loin qu'au bout de nos
pattes, je ne donne pas cher de l'avenir de nos mandibules.
5 - Cicéron anthropologue
Dans cet esprit, il est établi, comme je l'ai
signalé plusieurs fois sur ce site, que Cicéron fut l' anthropologue du
blocage originel de la cervelle politique et religieuse de la bête que nous
sommes demeurés; car le grand orateur a souligné le premier que le pouvoir
d'un seul (princeps) conduit nécessairement à la tyrannie, le
pouvoir des meilleurs (optimates) non moins nécessairement au règne
des factions et le pouvoir populaire plus nécessairement encore au chaos (turba
et confusio). Ce diagnostic bouchait d'avance toutes les issues, mais
il s'est révélé tellement irréfutable qu'il se trouve confirmé dans le
monde entier depuis deux millénaires, et cela du seul fait que l'art de
piloter les Républiques et les diverses formes qu'emprunte la démocratie,
tente vainement de construire des mélanges mirifiques du pouvoir d'un chef
incontesté avec celui des multiples factions que sécrète un suffrage
populaire désordonné et privé non seulement de télescope, mais de tête.
Depuis 1958, la République française présente un
spectacle particulièrement instructif du chaos qui s'est emparé des
neurones de la bête en évolution: on y voit un chef d'Etat dont les
pouvoirs permettent de faire régner une gabegie assurée, mais limitée à
deux quinquennats. L'Amérique s'était fâchée de ce que Franklin Delano
Roosevelt avait régné plus de seize ans sur le parti démocrate pour ne
céder son siège qu'au dieu Thanatos. Mais partout, lors de leur
pré-sélection, les candidats à l'exercice d'une magistrature à la fois
sommitale et passagère, sont choisis sous la poigne de fer et les ruses des
factions, lesquelles se chargent ensuite de présenter des apprentis de la
politique mondiale aux suffrages d'une population inexpérimenté et
soigneusement maintenue dans l'ignorance des qualités requises des vrais
chefs d'Etat sur la scène internationale.
6 - Les souverains du vide
Mais dans combien de générations les qualités
demandées aux vrais chefs d'Etat seront-elles communicables aux boîtes
osseuses des masses si, de leur côté, les classes dirigeantes ne se
demandent jamais si une proposition est vraie ou fausse, mais seulement
s'il est politiquement opportun de l'exprimer ou de la taire? Un Président
semi princier et élu, même pour peu de temps, au cours d'une procédure
inappropriée à son objet se rendra aussitôt, et le plus naïvement du monde,
le vassal d'un empire étranger, et cela dans un aveuglement d'enfant. Puis,
sa candeur puérile se trouvera si bien partagée par la cécité générale du
pays, qu'elle ne déclenchera quelques marmonnements et ronchonnements ni
dans le sérail des oligarques grands nageurs en eau tiède, ni dans la
jungle de l'ignorance d'un peuple qualifié de souverain, mais dans le vide.
Je rappelle seulement, en passant et pour mémoire,
que c'est par la volonté d'un rassemblement de tout le monde en un vaste
troupeau qu'un empire étranger tient les armées nationales de toute
l'Europe sous le sceptre et l'étendard d'un général américain - quel
pâturage que celui d'une "Liberté universelle" - je rappelle
seulement et en passant que c'est par la volonté des démocraties et des
Républiques elles-mêmes qu'un empire étranger place, depuis soixante quinze
ans, les herbages de l'Europe de Ramstein à Syracuse sous le drapeau de
cinq cents bases militaires trans-océaniques, je rappelle seulement, et en
passant, que c'est par la volonté dûment partagée avec ses vassaux qu'un
empire insidieux nous a imposé un traité de Lisbonne chargé de nous
garantir le plus officiellement du monde la protection
"perpétuelle" - et à titre constitutionnel - des forces
militaires américaines campées sur nos terres, je rappelle seulement, et en
passant, que, parmi les clauses innocemment semées dans le traité léonin de
Lisbonne, c'est par la volonté tenace, mais toujours en raison à la
mollesse de notre complicité aux yeux crevés, qu'un empire de la
"morale" a domestiqué toute la classe politique du Vieux Monde,
je rappelle seulement et en passant que la lecture des clauses du prochain
traité baptisé de "libre échange" entre le tigre et le mouton se
trouve interdite aux assemblées nationales des peuples censés souverains de
toute l'Europe asservie, je rappelle seulement, et en passant, que nous
expions par de lourdes contre-sanctions de la Russie le boycottage qui nous
a été impérialement imposé par un fauve de la démocratie mondiale, je
rappelle seulement, et en passant, qu'une Commission parlementaire devait
enquêter sur le naufrage le plus récent de notre souveraineté: l'Amérique a
interdit au paltoquet de l'Elysée de vendre les Mistral au Kremlin. Mais
seulement treize députés socialistes et huit de la droite ont enterré en
catimini cette constatation publique de la vassalisation du peuple français
- il ne s'agissait que de vendre à un bon prix les témoins nautiques de
notre servitude.
Décidément, l'eau de l'oubli a fait chavirer la
barque de Charon.
La semaine prochaine, je poursuivrai l'analyse
anthropologique de la bête aporétique. .
Le 9 octobre 2015
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