Les deux événements dominants de la semaine sont
l'accomplissement en Espagne de la prophétie de Cervantès, qui avait prédit
qu'au nord, Sancho serait nommé Gouverneur et que son âne aurait les dents
longues, tandis qu'au sud, les conquistadors fatigués mettraient
définitivement leur Rossinante à l'écurie.
Le second événement qui a débarqué sur l'astéroïde
des bons sentiments fut le roman rose qui reconduit l'Europe au jardin
d'enfants: des réfugiés de Syrie se sont révélés les déserteurs d'une armée
d'Allah en déroute.
Aux apprentis qui voudraient s'initier davantage à
l'anthropologie radicale et qui connecteraient ces circonstances avec les
épisodes précédents, je conseille d'emprunter le sentier des écoliers que
voici : les religions qui rassemblent leurs fidèles à l'aide de rituels
alimentaires et vestimentaires spectaculairement affichés ont plus de
chances de rendre leur identité transnationale que les identités lexicales
mâchonnées au quotidien.
Il en résulte que l'effondrement des langues
nationales se différencie de l'effondrement politique des civilisations.
Les langues finissent toujours par se donner l'assiette d'un peuple, d'une
nation, d'un Etat. D'où il découle en toute logique que le naufrage
politique de l'Europe conduit sa classe dirigeante à la chute de la
grammaire et du vocabulaire des Germains dans un sabir franco-allemand et
le français dans un hoquettement de la classe d'Etat et de la classe
politique des Gaulois.
Il est frappant, en outre, que l'effondrement de
l'identité linguistique des peuples accompagne le naufrage de leur morale
sur la scène internationale, tellement la droiture de la pensée va de pair
avec la droiture de la syntaxe.
Depuis
quand la force se laisse-t-elle valider par le spectacle de ses rages? A
quoi bon brandir sans relâche une apocalypse de confection? Quels sont les
appâts que tu nous présentes à l'étalage? N'as-tu pas honte de nous mettre
un tel argument sous le nez? Je vois des friandises dans ta main gauche et
des châtiments épouvantables dans ta main droite Mais n'est-ce pas de la
cruauté de ton ciel de fer que tu nous présentes les plus terrifiants
apanages?
Nos dieux
sont malins. Ces diablotins avaient commencé par s'entendre entre eux pour
nous démontrer qu'ils sont plus grands, plus beaux et plus forts que nous.
Aussi notre petitesse et nos infirmités face à la rudesse de leur charpente
nous a-t-elle longtemps interdit d'observer le gigantisme de leurs travers.
Notre Zeus terminal fonde, lui aussi, le monopole politico-cérébral de son
omnipotence sur des démonstrations apprêtées de sa moralité tout apparente
et renforcée de froncements de sourcils irrités. Ne prétend-il pas qu' il
aurait créé le monde dare dare, ne craint-il pas de soutenir que notre
crainte des effets sanctifiés de sa colère obtiendrait de notre semblant de
libre arbitre que nous rendions un culte effréné à sa gloire et à son
omnipotence?
Jamais nous
ne rendrons à ce prix les armes à ton ciel. Depuis que nos sondes spatiales
nous ont appris que l'errance d'autres planètes, nous fait la nique dans le
vide et le silence de l'immensité, nous sommes devenus méfiants à l'égard
des artificiers de leur propre éternité. Nous demandons maintenant à un
Zeus accablé par son grand âge qu'il nous présente des preuves un peu plus
pensantes de l'atrocité de ses exploits que celles, seulement musculaires
qu'il présentait à Job sur son fumier.
2 - L'Allemagne en fauteuil roulant
Nous
demandons qu'une crédibilité morale habille désormais les prouesses
d'adolescient de notre Jupiter. Car nous nourrissons les plus graves
soupçons au spectacle du timonier rudimentaire et aux promesses en l'air
que nos ancêtres nous avaient mis sur les bras. Cet apprenti est devenu un
ignorant en astronomie. La goutte de boue la plus proche de la nôtre gire à
quatorze siècles de la durée de la course de notre messager le plus rapide,
la lumière: notre sonde des ténèbres, que nous avons baptisée Rosetta,
arriverait à bon port écrasée par le poids des ans; car ce cancre mettrait
vingt millions et sept cent cinquante huit mille ans pour y affaler ses
rouages fatigués et ses ressorts brisés. Mais le voyage de plus de treize
milliards de milliards de kilomètres de ce canasson ne couvrirait jamais
que la dix millionième partie du microscopique cosmos de la matière inanimée
au-delà duquel la béance de l'infini et du vide terrifie maintenant nos
explorateurs de l'immensité. Aussi ne tournent-ils jamais leurs regards
effarés du côté du néant. Il nous faudra inviter Jupiter à partager notre
connaissance nouvelle de notre petitesse et de la sienne.
Quand nous
voyons nos Etats glisser des mains de notre infirme de là-haut et tomber
dans la nasse de notre langage de parqués dans le vide, nous constatons que
ce changement du bâton de notre politique de fouettés à vif nous rend fort
dociles et fort pieux tout ensemble. C'est à peine si, dans le coin de cent
cinquante millions de siècles de la lumière où nous nous trouvons
relégués, nous émettons quelques grognements et grommellements dépités. Du
reste, notre appétence naturelle pour nos allégeances empêtrées entre le
ciel et la terre s'exprime avant même que s'engagent nos batailles
partagées entre nos sceptres terrestres et ceux du sacré à nouveau en
expansion dans nos cervelles ballottées.
Avant même
d'engager un combat de ce calibre entre ces deux managers de notre tête,
nous proclamons haut et fort qu'il n'est plus temps de tergiverser, et
qu'il nous faut choisir sans tarder entre le levain du vainqueur et le
venin du vaincu. Ces deux autorités sont aussi sanglantes l'une que l'autre
et en rivalité à mort entre elles - leurs doctrines ne se font pas de
quartier. Mais si vous refusez de parier pour le ciel du gagnant, votre
imprudence vous fera tomber de Charybde en Scylla, et le poison de la
défaite servira le nectar de la vengeance au vainqueur.
3 - L'immoralité des démocraties idéalisées
Mais voici
l'autre Allemagne des vaincus vertueux et repentants sur le dos d'autrui,
l'Allemagne de l'immoralité et de la candeur de la démocratie vassalisée de
l'Europe: au cours de sa rencontre du 10 mai 2015 avec Vladimir Poutine,
Mme Angela Merkel s'est étonnée, avec la bonne foi la plus sincère et la
plus enfantine, du "forfait" d'une Russie qui, à
l'entendre, aurait profané les règles de la "communauté
internationale", celles qu'attendent les démocraties pseudo
idéales et scolarisées au profit de leur maître d'outre-Atlantique, celles
dont l'autorité administrative est tombée dans la raideur et la platitude
d'esprit des bureaux, celles des guerriers d'une fausse "Liberté"
et d'une fausse "Justice".
Où est-elle
passée, la vraie grandeur des Etats souverains, au nom de laquelle la
Russie devrait se trouver châtiée? Quel droit international invoquer dans
ce gâchis et ce tohu-bohu? Une Allemagne asservie dans l'arène de sa
défaite depuis trois quarts de siècle ne saurait donner des leçons de vertu
démocratique à un monde qui a perdu sa noblesse? La Chancelière allemande a
eu l'audace de définir la morale et l'honneur du monde sur le modèle de la
domestication des Germains contrefaits de son temps. Une fierté en haillons
n'est pas un drapeau.
Si les
défaites militaires elles-mêmes n'ont jamais légitimé en rien l'amputation
perpétuelle du territoire d'une nation par le glaive d'un voisin
victorieux, si l'Allemagne de l'Ouest a retrouvé sans coup férir
l'Allemagne de l'Est et la France l'Alsace et la Lorraine au prix de
plusieurs millions de morts de part et d'autre, à plus forte raison, un
messianisme économique comme celui des apôtres du marxisme ne saurait
priver à jamais la Russie d'une Crimée qui lui appartient depuis trois
siècles.
Le vrai
peuple allemand n'est pas à l'école des cavernicoles de l'abstrait, le vrai
peuple allemand salue, en l'infirme paradigmatique et l'estropié symbolique
évoqué la semaine dernière l'héroïsme d'une victime résurrectionnelle; le
vrai peuple des Germains s'incline devant sa propre image de paralytique en
fauteuil roulant.
4 - Les malheurs de Guillaume Tell en bas allemand
Cette
histoire d'éclopé propitiatoire est également un contre-feu: elle raconte
aux Athéniens qu'ils se trouvent, eux aussi, dans un fauteuil roulant, et
toute l'Europe à leurs côtés: "Qu'avez-vous fait des prouesses de vos
ancêtres, où sont passés Salamine, Platée, les Thermopyles? Qu'avez-vous
fait du levain qui faisait de vous une nation de vaincus glorieux? Une
Germanie inexorablement vouée à l'évanouissement de sa langue se donne une
identité pleine de reproches; et c'est dans le no man's land d'un
lexique enseveli que resurgit le pain bénit de l'honneur militaire des
ancêtres, celui en lequel la sainteté de la foi protestante et celle de la
sainteté de l'héroïsme militaire des Germains associent derechef leur
grandeur légendaire.
Mais, dans
le même temps, on voit se dessiner - et en traits appuyés - l'ultime
soubassement anthropologique, du soldat bureaucratisé et démocratisé à
l'américaine: ce manchot de l'honneur militaire d'autrefois est condamné à
survivre sur l'île déserte d'un héroïsme devenu fantomal, parce que
l'Allemagne officielle s'est convertie aux travaux et aux jours d'un Ivan
Denissovich, cet ouvrier concentrationnaire de Soljenitsyne. On sait que le
malheureux Schaüble croit possible d'accomplir sa tâche quotidienne de
héros du Goulag à la fois dans l'honneur allemand retrouvé et au service de
son maître en idéalités vaporeuses, ce qui change l'Europe pseudo
démocratique en un pont de la rivière Kwaï du monde moderne - et au seul
profit d'un empire étranger aux dents longues.
Certes, on
verra encore paraître quelques ouvrages tardifs et rédigés en salmigondis
franco-allemand mais comment un chef-d'œuvre vivant et respirant
véhiculerait-il un charabia court sur pattes? Un discours condamné à se
fracasser à chaque pas sur un mot qui refusera tout net d'exercer la
fonction originelle qu'on voudrait lui assigner demeurera à jamais un corps
étranger à la nation et à la langue allemandes. Comment un Schiller
d'aujourd'hui ferait-il parler un Guillaume Tell de la fin du XIIIe siècle
dans un dialecte de passage? Impossible de mettre Komplot, investieren,
kalculieren, engagieren, kombatieren, transparent, inacceptabel dans la
bouche d'un arbaletrier de la fin du Moyen-âge. Il y a cinq siècles que
nous avons remis la langue française sur le droit chemin: souvenez-vous des
écoliers latinisés qui déambulaient par les "compites -
quartiers - et les quadrivies - carrefours - de l'urbe - la
ville".
5 - La vassalité idéalisée au quotidien 
Vladimir
Poutine avait le devoir de se placer dans la postérité politique de Pierre
le Grand et de Catherine II (La classe dirigeante des Etats vassaux, IV - Pour un droit
international rationnel , 10 juillet
2015) et dans la postérité du Tsar Nicolas II,
assassiné en 1917, parce que l'histoire est l'horloge d'une logique dont
les heures sont celles de l'honneur des nations; et il se trouve que la
logique interne qui pilote l'histoire des grands peuples contraint leur
raison de se frayer un passage vers la mer. Mais une évidence inscrite
depuis des siècles dans la marche rationnelle des nations dépasse la
science ménagère et les recettes cuisinées de la politique et de l'histoire
que la fille d'un prédicateur protestant a apprises à réciter sur des bancs
de l'école des travaux et des jours de notre temps - l'éducation publique
des Germains d'aujourd'hui se trouve, pour l'instant, falsifiée, catéchisée
et banalisée à l'américaine.
Une grille
de lecture évangélisée heure par heure par l'universalisme de pacotille du
vainqueur mythologise une contrefaçon féroce de la Liberté politique de
tous les vrais Etats. L'Allemagne se trouve réduite en sous-main à se
couvrir d'un sac de cendres. Je rappelle seulement que, depuis trois
générations, deux cents places fortes censées brandir le glaive de la
Liberté aux yeux du monde entier se sont rendues constitutionnelles sous la
cuirasse du traité éternel d'auto-vassalisation de Lisbonne. Un "ordre
international" contrefait et réputé sanglé de vertus libératrices
a condamné la Germanie contemporaine à s'agenouiller à perpétuité devant
leur vertueux triomphateur de 1945. Tout maître du monde tient le sceptre
du Bien et du Mal dans ses mains ; tout propriétaire de la vérité règne sur
les imaginations.
Mais que
signifie, sur le long terme, un messianisme dont les platebandes du salut
et de la délivrance politiques se ramifient désormais sur toute l'étendue
du globe terrestre? Comment un peuple allemand qu'une mixture ridicule du
français et de l'allemand prive du dictionnaire de ses ancêtres
s'étonnerait-il de ce qu'un empire lointain espionne ses dirigeants un par
un et surveille jour après jour les entreprises industrielles du pays? Le
26 mai 2015, un Allemand sorti tout droit de l'Essai sur les mœurs
des Germains de Tacite ayant dressé sa haute charpente dans
l'enceinte du Bundestag pour sommer la chancelière de publier, dans une
presse ridiculement qualifiée de libre, la liste complète des entreprises
allemandes et des citoyens surveillés de près par le gigantesque service
d'espionnage du monde entier dont disposent les Etats-Unis d'Amérique, M.
Barack Obama s'est contenté de répondre que si une telle insolence du mythe
de la rédemption démocratique devait retentir sur le sol allemand, la
cruauté de son absence au sommet du G8 - réduit à 7 - en Bavière le 5 juin
2015, vengerait éloquemment ce camouflet sacrilège.
Le danger
d'un silence aussi horrifique de l'oracle de la Liberté du monde a fait
frémir l'ossature errante qu'on appelle encore la nation allemande. La
terrible menace du néant que l'ange de la Liberté mondiale a fait planer un
instant sur l'astéroïde du vide a sonné aux oreilles d'une Germanie amputée
pour longtemps de sa foi en ses retrouvailles avec son histoire réelle.
Mais puisqu'une Allemagne spectrale sous le harnais de l'OTAN et du traité
de Lisbonne tente de soumettre l'Europe tout entière à son propre
évanouissement politique et linguistique, comment combattre la mort des
gosiers sur un continent devenu aphasique? D'un côté, les hoquètements du
français dans la bouche des représentants officiels de la République et, de
l'autre, la dissolution de la langue des Germains sur leur propre sol
introduisent la psychanalyse de la décadence des langues écrites et parlées
dans l'anthropologie critique et dans la géopolitique.
6 - Les avatars du verbe exister
Pour
l'instant, des régiments d'éducateurs armés jusqu'aux dents des missels
d'une démocratie idéalisée prétendent unifier et affermir l'identité d'un
Continent des cierges et des bréviaires que brandit le mythe de la Liberté.
Ces vassalisateurs déguisés en catéchistes chevronnés cachent mal le képi
qui les commande de loin. Ils tentent donc de vous faire croire que le
drapeau étoilé d'un empire étranger serait le messie attendu de toutes les
nations de la planète. Jamais encore une civilisation conduite au bord du
gouffre n'aura eu à ce point et aussi clairement le choix entre les périls
d'une liberté politique réelle et ceux d'une servitude auréolée des
vocables du salut et de la délivrance. Raison de plus d'apprendre la
politique et l'histoire à l'école des anthropologues des nations. Car seuls
ces analystes des démocraties contrefaites savent dans quels songes
l'humanité s'enveloppe et seuls ils s'informeront des catastrophes
cérébrales dans lesquelles les décadences drapent leurs oripeaux.
Longtemps
l'humanité aura cru qu'il lui fallait choisir entre, d'une part, les
défroques des religions pleines d'une assurance illusoire - alors que les
dieux censés uniques se révèlent en lutte à mort entre eux au chapitre de
leurs prérogatives et de leurs apanages respectifs - et d'autre part, les
haillons des politiques qualifiées d'humaines, mais soigneusement calquées,
en sous-main, sur des copies agrandies et modernisées de notre vieux
Jupiter. Et voici que le IIIe millénaire nous convie à retourner sur nos
pas et de nous arrêter à l'heure où le plus grand homme de tous les temps,
selon Montaigne, faisait, de notre ignorance assortie d'un haussement
d'épaules de nos faux savoirs, la source de tous les maux dont souffre
notre espèce.
En ces
temps reculés, Boileau pouvait se permettre d'écrire:
Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Seul un
maître de l'écriture peut savoir que "les mots arrivent" à
l'établi; que l'espace et le temps ont subitement changé de nature et de
dégaine, que les mots les plus courants se sont soudainement obscurcis,
qu'il nous faut demander à un humanisme nouveau ce que parler veut dire.
Car, depuis lors, les mots de Justice, de Liberté, de Droit
international, de Souveraineté, signifient Servitude,
Vassalité, Assujettissement, Démission. A peine notre Jupiter
a-t-il passé de Ptolémée à Copernic qu'il nous faut lui enseigner les
nouveaux paramètres de l'infini et de la durée.
Les peuples
primitifs conjuguaient le verbe exister sur un modèle fort
rudimentaire. Pour eux, une montagne ou les prodiges de leurs sorciers existaient
de toute évidence et à parité de droit à l'existence sur la scène du monde
. Nous usons d'une finesse d'esprit un peu augmentée: nous essayons de
comprendre les diverses acceptions qu'affichent nos mots troués et
passe-partout. Nous avons même commencé de distinguer clairement
l'existence propre à un arbre de celle qui s'attache aux basques des
personnages fantastiques qui se promènent dans nos têtes; mais nous peinons
encore à scruter leur origine, leur nature et leur destination. Elle est
rude, la pente sur laquelle nous apprenons à conjuguer un peu plus finement
le verbe exister au sein de l'Europe du mythe vaporeux de la
Liberté. Comme il est difficile à tailler, le joyau du langage articulé que
nos ancêtres des forêts nous ont donné à dégrossir!
Maintenant,
nous nous demandons quelles relations la raison simiohumaine actuelle
entretient avec la politique dans la langue des Germains. Comment la
loyauté et l'honneur gravaient-ils leurs armoiries sur l'écusson de la
vérité allemande? Car voici que la gauche d'outre-Rhin et la droite française
se font la même idée de la loyauté, de la noblesse et de l'honneur des
Etats, alors que la gauche française persévère à vassaliser la France.
Qu'est-ce donc qu'exister au sein de l'Europe d'une Babel des
langues? Que signifient les mots Liberté et Souveraineté, et
comment se fait-il que les Germains d'autrefois associaient le mot loyauté
au mot honneur. Car Ehre signifie l'honneur et ehrlich loyal.
8 - Le césarisme evangelico-démocratique
Il faut
s'attacher à approfondir la science historique à la lumière d'un type de
vassalisation nouvelle et ignorée dans le passé. Dans cet esprit, on
remarquera qu'à la suite de la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et
de l'Etat, l'anthropologie scientifique, qui avait pris un essor prometteur
au XVIIIe siècle, s'est soudainement arrêtée en chemin, alors que la
logique mise en route par Voltaire exigeait, tout au contraire, qu'un
empire immense s'ouvrît à la science psychologique à la suite de la mort du
vocabulaire des théologies.
Si les
sciences humaines du XIXe siècle s'étaient aussitôt engouffrées dans une
brèche aussi large, la science historique aurait remarqué que le mythe de
la Liberté trouve son origine dans les trois monothéismes armés d'une
rédemption et d'un salut et que les empires vocaux dont la vocation est de
s'étendre sous le sceptre d'une délivrance politique du genre simiohumain
obéissent au même modèle que l'expansion des trois divinités qui ont toutes
inauguré leurs conquêtes par d'éclatantes victoires militaires. Mais elles
se sont ensuite répandues sur le modèle rampant et insinuant d'une
infiltration continue de leurs théologies dans les esprits et dans les
cœurs. Toute leur histoire dans le temporel obéit donc à leur vocation
originelle de convertisseuses et de rédemptrices de l'évadé onirique des
forêts.
C'est ainsi
que l'empire américain obéit, depuis 1945, au même modèle d'expansion que
celui de la religion chrétienne des premiers siècles: ce César progresse à
la force du glaive après une préparation patiente des esprits calquée sur
la lenteur du modèle apostolique originel. Or, au début du XXIe siècle, une
anthropologie politique radicale faisait rapidement ses premiers pas. Mais
les Merkel, les Sarkozy, les Hollande n'avaient aucune connaissance
rationnelle et argumentée des modes de propagation du césarisme
evangélico-démocratique américain, faute d'une anthropologie de
spéléologues de la bête onirique.
C'est
pourquoi on a vu l'Europe entière prendre des sanctions économiques aussi
précipitées que parareligieuses, donc aussi irréfléchies que suicidaires
contre la Russie; et la France, pourtant héritière de la raison cartésienne
a renoncé en toute hâte à livrer des navires de guerre à une Russie censée
tout soudainement pestiférée, et cela pour des motifs revêtus à toute
allure du baudrier d'une démocratie évangélisante - de sorte que la
comparution immédiate en haute cour de Mme Merkel et de M. Hollande pour
haute trahison aurait seulement occulté l'essentiel de la tâche nouvelle
qui s'impose aux sciences humaines et à la politologie des modernes, celle
d'armer la science historique de ce siècle d'un regard d'anthropologue sur
la bête trop subitement évadée du sylvestre en vingt mille siècles
seulement de son évolution cérébrale. Or, par une extrême coïncidence, nous
venons de découvrir en Afrique du Sud le "chaînon manquant"
entre l'australopithèque et "l'homme".
Que nous
apprend-il? Je l'interrogerai le 9 octobre. Mais pour l'instant, on ne
saurait accuser de trahison des coupables encore dans l'enfance et inaptes
à découvrir la source animale des premiers mythes sacrés. Pour
l'anthropologie pseudo scientifique actuelle, le spectacle de la
déambulation de personnages imaginaires et fantastiques sous la voûte
étoilée demeure à décrypter et encore davantage la projection dans l'infini
d'un créateur nécessairement conçu comme séparé de l'étendue, donc
dimensionné. Il aura fallu la plongée d'une grande civilisation dans l'abîme
de l'ignorance et de la sottise pour que la science historique découvrît
les armes d'une science des soubresauts cérébraux dont l'histoire du monde
illustre le théâtre.
Le 2 octobre 2015
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