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12 juillet 2013

Assemblée Nationale : Recherche sur l'Embryon et les cellules embryonnaires : Séance du Mercredi 10 Juillet 2013 ( à suivre)

Éditorial de lucienne magalie pons



En Séance à l'Assemblée, de nombreux député se sont opposés au projet de loi autorisant la recherche embryonnaire.

Les députés  de droite et apparentés, opposés à ce projet de loi ont reproché à  à la majorité politique de gauche de forcer le barrage en avançant la discussion de ce projet de loi sans attendre l'avis du Comité Consultatif d'Ethique et sans avoir au préalable mis en place des Etats Généraux comme la Loi l'exige .
Ce projet de loi  a été dénoncé par des députés UMP et UDI  du point de vue Ethique  comme une atteinte à la vie humaine et la marchandisation du vivant,  et du point de vue scientifique comme rétrograde  notamment au vue des travaux du Professeur Yamanaka (Prix nobel de médecine 2012) et des études du Professeur Privat.

ooOoo

Nous avons  remarqué   dans  les interventions des députés de droite UMP et UDI  la valeur des  protestations qu'ils ont présentées  tant au plan de l'Ethique  en défendant  le principe absolu du respect de la vie et de la personne humaine qui commence avec l’embryon, qu'au plan  scientifique en rappelant que  la majorité des progrès thérapeutiques ont précisément été réalisés grâce aux cellules souches adultes, mais aussi grâce aux cellules souches du cordon ombilical, et la méthode alternative des cellules de l’IPS – les cellules pluripotentes induites –  actuellement est en plein développement  et qui  commence à faire ses preuves. 

Mais ils n'ont pas été entendus par  Dominique Orliac la rapporteure du Projet de Loi, par la Ministre  de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Geneviève Fioraso, de même que par la majorité des députés de gauche , PS et SRC, lesquels   soutiennent ce projet de Loi avec des arguments discutables, en se faisant l'écho de la demande de certains chercheurs qui souhaitent être autorisés dans des délais rapides,  en plaidant pour la compétitivité économique de la France,  ou encore en soutenant que l'embryon n'est qu'un amas de cellules.

Nous vous proposons de revoir ci-dessous en extrait le comptes rendu  de la  séance l'Assemblée Nationale consacrée en deuxième partie  à la Recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaire le Merdredi 10 Juillet 2013

( dans un autre éditorial nous publierons la séance du Jeudi 11 Juillet 2013)

Extrait de la Séance du Mercredi 10 Juillet 2013 :

Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires

Suite de la discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat tendant à modifier la loi n2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires (nos 473, 825).

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Hetzel. Avant d’entrer dans la discussion du texte, il me semble important de signaler que nous travaillons dans des conditions qui ne sont pas acceptables pour un parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Écoutez un peu l’opposition ! Un minimum de respect ne peut pas nuire au déroulement des débats, même si je sais que c’est difficile pour la majorité.

J’ai consulté la feuille verte : ce texte était prévu pour demain, mais la majorité, manifestement très fébrile – sans doute les députés ont-ils envie de retourner très vite dans leurs circonscriptions – nous bouscule.
M. Gérard Sebaoun. On sera là demain !
M. Patrick Hetzel. Nous avons donc appris hier qu’il viendrait en discussion dès ce soir. Cela témoigne très clairement d’une précipitation qui nous empêche de travailler dans de bonnes conditions.
M. Jérôme Guedj. N’importe quoi ! C’est l’hôpital qui se fout de la charité !
M. Patrick Hetzel. Nous protestons de manière extrêmement vive quant à la manière dont ce travail a été engagé. Sur un tel texte, nous avons besoin de sérénité. Nous en viendrons au fond tout à l’heure, mais pour ce qui est de la forme, un tel procédé est inacceptable. Nous devons perpétuellement subir des coups de force de la part du Gouvernement. Ce n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. Je prends acte de votre remarque, monsieur Hetzel. C’est effectivement à la Conférence des présidents d’hier qu’il a été demandé que le texte soit examiné dès ce soir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrick Hetzel. C’est scandaleux !
M. Philippe Gosselin. C’est de l’abattage !

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean Leonetti.
M. Jean Leonetti. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, après le ridicule de la première séance consacrée à ce texte, où nous avons entendu la présidente de la commission nous relire trois fois la lettre du président du Comité consultatif national d’éthique…
M. Philippe Gosselin. Elle n’est pas là ce soir ? Elle pourrait nous la lire une quatrième fois !
M. Jean Leonetti. …et la ministre deux fois son discours, sans en modifier la moindre virgule, nous avions espéré que vous nous proposeriez un débat citoyen, ou un avis du Comité consultatif d’éthique,…
M. Olivier Véran. Il l’a déjà rendu !
M. Jean Leonetti. …afin d’apaiser ce débat complexe.

Eh bien non. Vous revenez avec un certain mépris, une certaine arrogance.
M. Patrick Hetzel. Comme d’habitude !
M. Jean Leonetti. Vous avez décidé, la nuit, en été, de modifier la loi de bioéthique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)Posons-nous la question : qu’est-ce que l’éthique ? Si la religion révèle des vérités aux croyants et si la morale édicte des règles, l’éthique, elle, s’interroge. Peut-être serait-il bon que ce doute utile et fertile dont parle Axel Kahn imprègne un instant nos esprits, pour que nous ayons chacun la conviction de n’avoir pas forcément raison.

Si nous avons aujourd’hui une conviction, c’est que nous n’avons peut-être pas raison sur tout, mais que vous avez certainement tort de penser que vous avez raison sur tout. Vous avez tort de penser que vous avez moralement raison parce que vous êtes politiquement majoritaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)C’est une erreur politique, car cela inscrit le débat sur la bioéthique dans les fluctuations des majorités successives, chaque fois que la majorité change, ce qui n’est pas l’esprit du débat.
M. Christian Paul. Vous ne la changerez pas, cette loi, de toute façon !
M. Jean Leonetti. Par ailleurs, c’est une faute morale que de passer en force sur un sujet tel que l’éthique, tel que la recherche sur l’embryon. Cette erreur montre à quel point vous méprisez le débat, certains que vous avez raison, sur ce sujet comme sur d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)Se pose aussi la question de l’urgence ; car si ce sujet est essentiel, il n’est pas urgent.
M. Christian Paul. C’est une rhétorique usée !
M. Jean Leonetti. Il est essentiel comme tout ce qui touche à l’humain, à l’intime et à la conviction de chacun, mais il n’est pas urgent. Lorsque l’on débat avec nos concitoyens, en leur expliquant que nous discutons d’une interdiction avec dérogation ou bien d’une autorisation encadrée, ils ont l’impression que, dans un pays où le chômage explose et où la croissance est en berne, nous sommes en train de discuter du sexe des anges dans Byzance assiégée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Marie-Christine Dalloz. Ça, c’est grand !
M. Jean Leonetti. Mais puisque vous voulez débattre, débattons ! Un instant au moins, et ici au moins. Sur la forme, tout d’abord. Rappelons toutefois quelle procédure nous avions employée. Elle était simple. Il y a deux ans, nous avions créé une commission spéciale dont nous avions confié la présidence à l’opposition. Cela vous choque ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !
M. Jean Leonetti. Il y avait eu un débat sur internet ; des états généraux avec des débats en région ;…
M. Marc Le Fur. À Rennes, en particulier.
M. Jean Leonetti. … des jurés citoyens tirés au sort et constitués en panels pour rendre des avis ; dix-huit mois d’auditions et de débats – les personnes auditionnées étaient choisies par la majorité et par l’opposition.
Mme Marie-Christine Dalloz. La vraie démocratie !
M. Jean Leonetti. Nous avions alors trouvé au moins un point d’accord, un amendement présenté et voté à l’unanimité : « Toute modification des lois bioéthiques nécessitera désormais une organisation des états généraux avec un débat citoyen confié au Comité national d’éthique. » Vous l’avez voté il y a deux ans et vous le reniez aujourd’hui, en considérant que ce qui était indispensable quand vous étiez dans l’opposition est devenu parfaitement inutile, parce que vous êtes dans la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)Vous avez fait des auditions discrètes.
M. Patrick Hetzel. Très discrètes !
M. Philippe Gosselin. Même pendant les vacances parlementaires !
M. Jean Leonetti. L’opposition a été méprisée – tout au moins n’a-t-elle pas été associée à l’ensemble des auditions. Le débat public a été inexistant.
M. Julien Aubert. Un embryon de débat !
M. Jean Leonetti. Et c’est ici, par une nuit d’été, en session extraordinaire, que par le biais d’une petite proposition de loi, vous modifiez la loi de bioéthique. Je veux vous rappeler cette phrase de votre collègue Jean-Marie Le Guen, parce que je vous entends répéter qu’il s’agit d’une promesse du candidat Hollande – je n’aurai pas l’impertinence de vous rappeler le nombre de promesses déjà enterrées – : M. Le Guen disait que l’exercice d’un mandat politique ne se résume pas à la lecture religieuse et littérale d’un programme. Il est inutile, d’ailleurs, de reprendre le débat puisque, comme j’ai pu l’entendre, le CCNE s’est déjà prononcé et que le débat citoyen a déjà eu lieu.
M. Philippe Gosselin. Partez donc, si vous le voulez !
M. Jean Leonetti. Rappelons ce que disait ce débat citoyen : qu’il fallait distinguer ce qui était interdit et ce qui était autorisé. Il refusait effectivement une autorisation encadrée. C’est aux pages 16 et 36 du rapport des états généraux de Marseille que vous pouvez lire cela. Personne ne peut ignorer ce fait. Le débat public, pour vous, a eu lieu il y a deux ans, et il n’a désormais plus d’intérêt.

Le rapporteur du Comité national d’éthique était M. Ameisen – ce qui tombe bien, puisqu’il est choisi dans vos rangs et qu’il préside le Comité à la demande du Président de la République et avec l’accord de l’opposition, ce qui prouve que nous ne sommes pas sectaires. Il concluait en disant qu’il y avait déjà une transgression dans le fait de détruire les embryons surnuméraires. Cela montre que le rapport, qui avait choisi de ne pas choisir, était flou et sans orientation spéciale. Aujourd’hui, nous devrions demander au Comité de nous donner un avis éclairé sur ce sujet.

Enfin, votre texte est troublant. J’entends l’hypocrisie qui consiste à interdire puis à autoriser. L’article 16 du code civil – ce n’est pas le Pape qui l’a écrit (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) il fait partie de notre droit positif – dit que l’on respecte la personne humaine dès sa conception. Peut-être faut-il aussi changer l’article 16, puisqu’il vous gêne ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Peut-être faut-il changer le Comité d’éthique ? Mais, même en changeant le Comité, il continue à vous donner des rapports qui ne vont pas dans le même sens que vous. Aussi considérez-vous à ce moment cet avis comme nul et non advenu. Je vous rappelle également que vous n’assumez même pas la transgression, puisque votre texte dit que la recherche sur l’embryon est autorisée dans certaines conditions et non pas que la recherche est autorisée. Vous dites en réalité qu’aucune recherche ne peut être effectuée sans autorisation.
M. Gérard Sebaoun. Oui !
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Comme pour toute recherche !
M. Jean Leonetti. Cela signifie que la recherche n’est pas autorisée, sauf dans des cas particuliers. C’est du français et cela n’est pas édicté par un quelconque lobby. Vous vous trouvez dans une situation telle que vous avez refusé la diversité et la complexité et vous arrivez aujourd’hui avec une décision qui a en fait un argument fort : nous avons enfin la possibilité de sortir de l’ambiguïté. Réfléchissons donc à la façon dont nous pouvons sortir de l’ambiguïté sur le sujet. D’abord, il existe une possibilité que nous avions explorée : distinguer l’embryon dans sa totalité de la cellule-souche et dire que le tout n’est pas la partie. Mais malheureusement, au commencement, l’embryon, comme l’a dit tout à l’heure M. Touraine, s’il est un amas de cellules, il est également porteur d’avenir, comme le dit M. Ameisen, il est une personne humaine en devenir.
M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, exactement !
M. Jean Leonetti. Il en résulte une situation très particulière dans laquelle il y a des choses que l’on peut faire et d’autres non ; mais distinguer l’embryon de la cellule est très difficile, puisqu’au départ, il est une cellule. On pourrait aussi se dire qu’on aurait pu choisir de donner un statut à l’embryon : entre la chosification de l’amas de cellules et la personne humaine. Personne ne l’a fait, car c’est impossible. Le devenir d’êtres humains n’est pas définissable à la manière d’un droit positif : c’est quelque chose qui se mesure à l’aune de l’avenir. Nous sommes donc obligés de débattre sur un sujet qui n’est ni une personne humaine, ni un amas de cellules.

Si nous nous trouvons dans cette situation, il faut que nous l’acceptions, conformément à notre droit positif selon lequel la vie humaine est protégée dès sa conception et conformément à l’éthique qui rappelle que, même sans statut juridiquement défini, il s’agit d’un être en devenir qui mérite une protection juridique. De plus, ce que vous proposez n’apporte rien à la recherche scientifique française. Pour regarder et écouter ceux qui sont intervenus dans ce sujet, je citerai deux personnes favorables à l’autorisation.

Tout d’abord, demandons-nous si des recherches ont été interdites en France à cause du dispositif alors en vigueur – un processus temporaire d’autorisation avec un moratoire. Sur soixante-quatre projets de recherche, le seul projet de recherche qui a été écarté demandait que des cellules embryonnaires puissent être utilisées à des fins de tests cosmétiques. Je suppose que personne ici n’envisage que cela soit possible. Les projets n’ont donc pas été rejetés. Cette orientation antérieure – l’interdiction avec dérogation – a bien fonctionné.

À ce propos, la loi sur l’avortement est-elle compatible avec le code civil ? Vous l’avez peut-être oublié, mais la loi sur l’avortement est une dérogation à une interdiction : pourtant vous considérez que l’avortement jouit d’une autorisation, parce que vous avez décidé que cette loi ne devait pas être changée, et personne – en tout cas pas moi – ne le souhaite. En réalité, on protège l’être humain dès sa conception, même si l’on intervient pour un avortement. Vous devez vous mettre cela dans l’esprit pour comprendre que l’idée de l’interdiction avec dérogation est un principe de notre droit français qui lui permet une certaine stabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrick Hetzel. C’est magistral !
M. Jean Leonetti. Je ne rentrerai pas dans un débat pour savoir s’il faut ou non donner la priorité aux cellules-souches embryonnaires ou aux cellules-souches adultes. Toutefois, qu’un prix Nobel en 2012 ait été attribué à un Japonais, M. Yamanaka, qui a réalisé une prouesse assez géniale est révélateur : prendre une cellule adulte de peau et la faire régresser jusqu’à une cellule originelle multipotente. C’est une voie de recherche d’avenir. Je ne veux pas dire par là qu’il faut interdire toute recherche sur l’embryon ou sur les cellules souches embryonnaires, mais qu’il est très dangereux, comme je l’entends parfois, de laisser espérer à des malades, qui ont une cécité, à cause d’une DMLA, ou des problèmes médullaires et qui ne peuvent de ce fait pas marcher, que si l’on autorise la recherche sur l’embryon, ils pourront dès demain marcher et voir de nouveau.

Rappelez-vous aussi ce que disait le directeur de l’INSERM à ce sujet : « Si vous avez trouvé mes propos optimistes, c’est que je me suis mal exprimé. » Il faut arrêter de faire croire que le simple passage d’une interdiction avec dérogation à une autorisation encadrée permettrait, dans les semaines, les mois ou les années à venir, des modifications fondamentales. Cette recherche est autorisée depuis longtemps aux États-Unis et l’on a vu qu’un certain nombre de recherches engagées, en particulier sur les sections médullaires, ont été arrêtées à cause de certains inconvénients. Elles reprennent désormais, avec un autre protocole. Sur ce sujet, sur le plan purement scientifique, il n’y a pas d’inconvénient majeur à se retrouver dans une situation d’interdiction avec dérogation.

Enfin, est-ce que vous pensez que ce serait bien que je vous dise à cette tribune que, dès que nous retrouverons la majorité – et cela viendra, peut-être plus tôt que la majorité le pense, parce que la démocratie est faite d’alternance –, nous devrons balayer toutes vos lois relatives à l’éthique ?Ne pensez-vous pas que sur le plan éthique, nous devons essayer de trouver des consensus qui stabilisent la recherche ? Vous voulez une recherche stable, mais est-ce intelligent de pousser le curseur à un point tel que nous serons obligés de le faire revenir à un autre point, dans un contexte de revanche ?
M. Christian Paul. Les Français ne veulent pas de votre revanche.
M. Jean Leonetti. Pensez-vous que le débat éthique mérite que l’on s’affronte ? Ou que l’on zigzague entre une position et une autre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous pouvons donc nous interroger : quelle est votre motivation pour présenter ce texte, presque en urgence et presque de manière cachée ?
M. Christian Paul. Mais voyons !
M. Sébastien Denaja. C’est la procédure parlementaire !
M. Jean Leonetti. Probablement le fait que François Hollande a dit un jour qu’il ferait procéder à cette modification s’il était élu… Mais peut-être aurions-nous pu passer par la case simple du Comité d’éthique.
M. Philippe Gosselin. C’était trop simple !
M. Jean Leonetti. Pour nous avoir lu à trois reprises la lettre du Comité d’éthique sur un autre sujet, dans laquelle le Comité rappelle qu’il veut être saisi sur tous les sujets de bioéthique, peut-être auriez-vous pu vous en inspirer pour mener des débats citoyens et interroger le Comité consultatif d’éthique, avant de vous plier à ces décisions. Mais vous avez peur et du peuple, et du Comité d’éthique, même après avoir mis à sa présidence quelqu’un issu de vos rangs. Cela prouve que vous n’avez pas grande confiance dans la présentation que vous faites aujourd’hui de votre loi.

Une deuxième possibilité pourrait consister à balayer l’embryon, en n’y voyant qu’un amas de cellules. Malheureusement, nous avons signé la convention d’Oviedo. Pour ceux qui comme moi aiment l’Europe, et qui pensent comme moi que l’Europe est un peu plus qu’un espace économique et qu’elle doit porter un certain nombre de valeurs, il existe une convention qui s’appelle la convention d’Oviedo : elle donne la primauté à l’être humain par rapport à la science et rappelle la protection adéquate que l’on doit donner à l’embryon.

Peut-être que si nous respections aussi les actes internationaux que nous avons signés,…
M. Philippe Gosselin. Respecter sa signature, ce n’est pas plus mal !
M. Jean Leonetti. … il serait utile, dans un contexte de stabilité européenne, que nous le fassions dans la continuité.

Je sais bien sûr que certains d’entre vous pensent que tout cela n’est qu’idéologie et qu’étant monté à la tribune, je parle forcément au nom de la religion ou de la morale – ou de la morale établie. Mais vous vous trompez sur le sens d’un débat éthique : il n’oppose pas la morale à la science, même s’il y a eu beaucoup de cas où la science a montré qu’elle était immorale. Ce n’est pas non plus le combat du bien contre le mal, ni du permis contre l’interdit. Le débat éthique, c’est un combat du bien contre le bien, la conciliation de deux formes du bien susceptibles de s’affronter dans un conflit de valeurs. Nous avons deux formes du bien à défendre : celui de la recherche scientifique, qui ne doit pas être entravée, mais celui aussi du respect de la personne humaine parce que si nous ne respectons pas cet équilibre entre les deux,…
M. Jérôme Guedj. C’est ce que fait la gauche !
M. Jean Leonetti. … nous n’aboutirons pas à un texte équilibré, mais à un texte qui oscillera à mesure qu’une majorité en remplacera une autre.

J’ai une autre inquiétude au fond de moi. Bien sûr, j’ai écouté M. Philippe Menasché lors de son audition : il a dit que l’important pour lui n’était pas qu’il aurait été empêché de faire quelque chose par le dispositif actuel, mais qu’il était convaincu que l’industrie pharmaceutique était à l’affût d’opportunités d’investissements dans ce domaine : dès lors que la recherche aura prouvé que les cellules souches peuvent être multipliés à l’infini et devenir un outil pour la recherche, mais aussi pour les tests et l’exploitation des médicaments, ce sera un signal pour les investisseurs du monde entier (« Mais bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Il ajoutait que grâce à ces perspectives, Pfizer est à Cambridge, Sanofi à San Diego, Roche à Bâle, Glaxo à Shanghaï. Si vous voulez qu’on débatte du sujet sur le plan économique, c’est en effet un argument, mais c’est le seul que les chercheurs apportent. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Or nous sommes dans un débat bioéthique qui porte sur les besoins de la médecine et de la recherche scientifique pure par rapport aux besoins liés à la protection de la personne humaine.

L’objectif est donc économique et financier. Il n’en est pas moins louable, mais il n’entre pas dans le champ des débats bioéthiques. Il faudrait au moins le reconnaître clairement pour que nos compatriotes comprennent bien les enjeux. En effet, entre nous, représentants du peuple, et les experts que nous avons entendus, je pense qu’il y a un chaînon manquant : c’est justement le peuple. Vous pensez certainement comme moi, mes chers collègues, qu’en ce qui concerne l’intime, le personnel, la conviction, il a droit à un débat, et à ne pas se contenter d’apprendre qu’on a décidé une nuit de juillet, simplement parce que la majorité avait changé, de modifier des lois sur lesquelles il avait débattu.
M. Jérôme Guedj. Ça s’appelle la démocratie !
M. Jean Leonetti. La démocratie, mon cher collègue, consiste à parler au peuple et non pas à se mettre dans une situation où le dogmatisme prime sur la recherche de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. François Rochebloine. Très juste !
M. Patrick Hetzel. Comme toujours avec eux, c’est le dogmatisme !
M. Jean Leonetti. Pour tenter d’apaiser le débat si tant est qu’il puisse l’être, je voudrais évoquer deux figures de la Grèce antique, qui représentent un humanisme fort.

La première, c’est celle de Prométhée. Il va conquérir le feu des dieux, c’est-à-dire la puissance, le ramener aux hommes, et les dieux – en fait plutôt les Grecs –, qui considèrent que l’arrogance doit être punie, l’attachent à un rocher, et son foie est dévoré par un vautour, parce qu’il s’est pris pour un dieu et que la grandeur des hommes, c’est sans doute de se prendre pour des hommes.

La seconde, c’est Ulysse. Cette référence paraît encore plus intéressante parce qu’il y un épisode que chacun connaît : celui des sirènes.

À la première lecture du texte, j’avais été surpris qu’Ulysse, sachant que le chant des sirènes risquait d’entraîner son bateau à se fracasser sur les rochers, ait choisi d’ordonner à ses marins de mettre de la cire dans leurs oreilles et de l’attacher au mât par des liens, comme par des liens humains, avant d’écouter les sirènes. « Si je vous demande de me détacher, resserrez-les plus fort encore », disait-il. Cela veut dire que l’homme, qu’il s’agisse de science ou de bioéthique, doit avoir une réflexion qui ne s’empêche pas de savoir, mais qui s’empêche de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) « Un homme, ça s’empêche », disait le père de Camus, et celui-ci explique, à propos du texte d’Homère, qu’il serait intéressant « d’avoir la fierté de nos limites » et non pas de rechercher en nous la divinité. En opposant ainsi sa forme humaine, sa fragilité, sa vulnérabilité qui est son humanité, Ulysse et Camus nous rappellent qu’ «un homme, ça s’empêche », surtout quand il décide de lois bioéthiques. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
M. Patrick Hetzel. Ça va être dur !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Monsieur Leonetti, je souhaite tout d’abord vous dire que je suis ouverte à la discussion, soucieuse du respect de la démocratie. C’est pourquoi il est essentiel que nous débattions de ce texte important dans la sérénité, comme nous l’avons déjà fait lors des nombreuses auditions. J’aurais d’ailleurs beaucoup apprécié y voir certains de vos collègues qui ont déposé des dizaines et des dizaines d’amendements, alors qu’ils n’ont pas souhaité assister aux échanges fondamentaux qui y ont eu lieu. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Sébastien Denaja. Elle a raison !
M. Philippe Gosselin. Elle nous provoque !
Mme la présidente. Mes chers collègues, seule Mme la rapporteure a la parole.
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Vous nous reprochez de ne pas avoir mené de débat démocratique. Mais en 2009, date du forum organisé à Marseille sur la recherche sur l’embryon, je vous rappelle que les citoyens s’étaient clairement prononcés en faveur du régime d’autorisation de la recherche en ce domaine.
Mme Valérie Boyer. On n’a pas dû assister à la même réunion !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Les données du problème n’ont pas fondamentalement changé depuis et cette proposition de loi respecte la volonté exprimée par les Français lors des états généraux de la bioéthique.
M. Philippe Gosselin. C’était l’inverse ! Lisez ses conclusions !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. J’ajoute que le Sénat s’est prononcé dans le même sens en 2011, de même que de nombreux membres de la majorité de l’époque.

Vous affirmez ensuite que cette proposition de loi est immorale car elle ne respecte pas l’embryon en tant qu’être en devenir et qu’elle est contraire à l’article 16 du code civil. Mais la recherche n’est pas la cause de la destruction des embryons puisqu’elle ne concerne que ceux qui sont produits in vitro et qui, en l’absence de projet parental, seront de toute façon détruits.
Mme Marion Maréchal-Le Pen. Et alors ? Où est l’argument ?
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Je reprends ce que nous a dit Axel Kahn lors de son audition : en quoi est-ce reconnaître la singularité de l’embryon que de laisser des années dans l’azote liquide ou de le détruire plutôt que de l’impliquer dans un projet profondément humaniste ?
M. Philippe Gosselin. Vous instrumentalisez l’embryon !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Le législateur a toujours fait le choix, dès les premières lois de bioéthique, de ne pas poser la question du statut de l’embryon. Le Conseil constitutionnel a jugé, en 1994, que le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie n’était pas applicable aux embryons in vitro.
M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas la meilleure décision qu’il ait prise !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Le raisonnement du Conseil est cohérent avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a jugé que le point de départ du droit à la vie relève de la marge d’appréciation des Etats. Il n’est pas non plus contradictoire avec la convention d’Oviedo, contrairement à ce que vous avez dit, qui convient qu’il faut laisser au droit interne le soin d’apporter les précisions pertinentes quant à la portée de l’expression « être humain ».

Pour toutes ces raison, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas adopter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, je ne convoquerai pas, malgré tout mon respect, le pape à ce débat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)
M. François Rochebloine. C’est inacceptable d’entendre de tels propos !
Mme Geneviève Fioraso, ministre. … ni les phantasmes de réinterprétation d’Ulysse ; nous sommes dans un débat qui se tient dans une république laïque, et nous allons nous en tenir aux faits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Gosselin. Quel sectarisme !
Mme la présidente. Mes chers collègues, un peu de calme. Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Quelques mots pour rappeler pourquoi cette proposition de loi, que je remercie le parti des radicaux de gauche d’avoir suscité, est absolument souhaitable.
M. François Rochebloine. Ça ne vous grandit pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Elle est souhaitable, disais-je, pour la clarté juridique, pour l’efficacité scientifique et aussi pour les progrès thérapeutiques très attendus par de nombreux patients et leurs familles. Vous invoquiez le peuple, monsieur Leonetti : le peuple attend cette loi.

La proposition de loi est fondamentale pour cinq objectifs.

Le premier objectif, c’est d’améliorer la qualité juridique de notre législation, qui est ambiguë sur le sujet. Je reprends l’un de vos arguments : c’est justement parce que nous ne voulons pas susciter de faux espoirs chez les patients, ce qui serait criminel, que le Gouvernement a demandé, au Sénat, de remplacer la formule « progrès médicaux majeurs », par les mots : « finalité médicale », une formulation beaucoup plus honnête et beaucoup plus conforme à l’éthique qui guide la plupart des chercheurs. Personne ne peut en effet anticiper des progrès médicaux majeurs au moment où il démarre une recherche, tout chercheur honnête vous le confirmera.

M. Julien Aubert. La formulation est vachement plus large aussi !
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Deuxième objectif : que la France affiche une position claire quant à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

Le troisième objectif est de replacer la recherche française dans le réseau international des chercheurs. Les restrictions de la loi en 2004 et en 2011 ont freiné les échanges et la coopération alors qu’on sait bien que, dans tous les domaines émergents et très exploratoires, on avance grâce à des partenariats internationaux. Or nous sommes passés de la cinquième à la dix-septième place mondiale en termes de publications scientifiques. Quel chercheur pourrait s’en satisfaire ? Nous avons beaucoup perdu pied dans ce domaine de recherche. Sept années sans formation de chercheurs, sans financement de travaux, alors que le Royaume-Uni en est à son quatrième plan de développement ! Pire encore, la Commission européenne, depuis le sixième programme-cadre, c’est-à-dire depuis plus de douze ans, soutient des projets de recherche sur les cellules souches adultes, embryonnaires, fœtale ou IPS, programmes auxquels nous ne pouvons que très peu participer parce que les équipes internationales, voyant que nous affichons une défiance vis-à-vis de ces recherches, ne nous font pas confiance.

La qualité de notre recherche s’en trouve détruite, et c’est bien dommage pour la science, pour les patients mais aussi pour l’économie, et ce n’est pas un gros mot, vous l’avez dit vous-même, au moment où le chômage culmine – un chômage issu de votre gestion, je le rappelle au passage. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)Quatrième objectif : placer les chercheurs dans une position juridique moins inconfortable qui les protège d’un statut de transgresseurs de la loi. Quel chercheur se dirigerait vers une recherche stigmatisée par la loi ? Aucun chercheur de talent. C’est bien pourquoi la France connaît une fuite des cerveaux tout à fait dommageable pour notre pays, ce que tout patriote devrait déplorer.

Cinquième objectif : soutenir le développement des recherches en matière de thérapie cellulaire, ce qui permettrait notamment de comparer les mérites respectifs des cellules embryonnaires et des cellules adultes reprogrammées auxquelles vous avez fait allusion et de poursuivre toutes les voies de recherche susceptibles d’apporter des progrès dans ce domaine dans lequel la France doit rester compétitive. Le professeur Yamanaka, que j’ai eu le bonheur de rencontrer deux fois, poursuit dans son laboratoire des recherches en parallèle et comparatives sur les cellules souches embryonnaires et les embryons et sur les cellules pluripotentes.

Dernier point : nous voulons renforcer les décisions de l’Agence. Dans une période où nous nous posons des questions parfois fondées sur la qualité de l’expertise, il paraît tout à fait essentiel de préserver des alternances démocratiques les recherches qui méritent une vision à long terme et de la constance.
M. Patrick Hetzel et M. Jean-Frédéric Poisson. C’est mal parti !
Mme Geneviève Fioraso, ministre. C’est pourquoi nous avons supprimé la possibilité pour les ministères de la recherche et de la santé de suspendre ou d’interdire un protocole autorisé par l’Agence de la biomédecine, parce que nous voulons lui donner une véritable indépendance. Les ministères peuvent saisir une fois l’Agence de la biomédecine, dans un laps de temps défini par la loi, pour lui demander de réviser son évaluation d’une recherche proposée. C’est ensuite l’Agence de la biomédecine qui a le dernier mot. Elle est composée d’experts absolument irréfutables, vous l’avez dit vous-mêmes.

Deuxième point : vous nous reprochez d’avoir évité le débat. Vous le savez, pour y avoir participé, même si vous avez évité quelques auditions par manque de temps ou en raison de vacances (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ce débat a déjà eu lieu et le principe de l’autorisation encadrée avait d’ailleurs été voté en 2002 par 50% des députés de l’UMP, dont MM. Sarkozy, Fillon, Jacob, Borloo, Accoyer, Mmes Alliot-Marie, Bachelot-Narquin, pour n’en citer que quelques-uns. Vous voyez que ce sont des gens de sensibilités différentes à l’intérieur de votre mouvement, qui en est assez riche (Sourires sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En 2002, tous ont décider de voter pour ce projet de loi qui avait déjà été adopté par le Sénat.

L’alternance n’a malheureusement pas permis de confirmer ce vote, mais le débat s’est poursuivi à plusieurs reprises en 2004 puis en 2011.

Ce projet a fait l’objet de plusieurs rapports de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – qui est bipartisan, je le rappelle – des deux chambres, du Conseil d’État, de l’Académie nationale de médecine ou encore du Comité national consultatif d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
M. Jean Leonetti. Relisez-le!
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Tous étaient favorables à une recherche autorisée, encadrée sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Les états généraux avaient même été anticipés puisqu’ils ont eu lieu en 2009, avant que l’article L. 1412-11 du code de la santé publique, qui impose un débat public préalable à tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevées par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, ne soit introduit par la loi de bioéthique du 7 juillet 2011. Le débat avait été anticipé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean Leonetti. La loi, ce n’est pas rétrospectif mais prospectif!
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je rappellerai d’ailleurs que les états généraux de la bioéthique de 2009 ont conduit à adopter, en première lecture du projet de loi de bioéthique de 2011, un texte équivalent à celui de la présente proposition de loi. La conclusion des débats prônait une clarification du droit. Ce sera chose faite avec l’adoption de cette proposition.

Par souci d’honnêteté intellectuelle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) je veux rétablir, en les citant, les propos de Jean-Claude Ameisen que vous avez largement déformés : « Comment considérer que c’est une transgression de faire de la recherche sur les cellules souches embryonnaires et que ce n’est pas une transgression que de détruire les embryons, ce qui est le sort des cellules souches surnuméraires de la FIV ? »
M. Jean Leonetti. Cela mérite que l’on y réfléchisse!
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Mais j’ai compris que vous étiez également opposés à la FIV…
M. Jean Leonetti. Essayez de ne pas caricaturer mes propos!
Mme Geneviève Fioraso, ministre. … puisque toute tentative de FIV suppose des cellules souches surnuméraires, mais il faut le dire. Je rétablis aussi un autre fait : comme tous les chercheurs le savent, toute recherche obéit à des conditions expérimentales, éthiques et scientifiques. Aucune recherche n’est libre. Il s’agit de la recherche publique et de fonds publics. Toute recherche doit répondre à des objectifs. Aucune recherche n’est possible sans autorisation préalable. Nous sommes dans un État de responsabilité, messieurs les députés.
M. Jean-Frédéric Poisson. On ne le dirait pas !
Mme Geneviève Fioraso, ministre. La proposition de loi a pour objet de modifier une disposition de la loi de bioéthique de 2011 et vise à autoriser, sous certaines conditions, la recherche sur les embryons et sur les cellules souches embryonnaires, c’est-à-dire sur des cellules qui ont moins de sept jours de vie. Cette disposition concerne uniquement la recherche et ne remet pas en cause la philosophie générale de la loi de bioéthique.

Cependant, le changement proposé par ce texte est tout à fait significatif et va au-delà du symbole quant à ses implications pour la recherche et ses retombées potentielles. Il faut bien s’entendre sur le fond : cette proposition de loi ne répond pas à de nouveaux enjeux scientifiques qui conduiraient à de nouveaux questionnements éthiques.
M. Nicolas Dhuicq. Quel intérêt alors?
Mme Geneviève Fioraso, ministre. La réforme proposée consiste à clarifier les dispositions en vigueur en renversant, comme cela avait été amorcé en 2002, la logique de défiance de la loi de 2011 qui permettait par dérogation des recherches que nous voulons autoriser aujourd’hui, sous conditions bien entendu. C’est extrêmement important : cela nous évitera de régresser de la cinquième à la septième puis à la dix-septième et bientôt à la trentième place mondiale dans le domaine.
M. Arnaud Robinet. Avec vous, c’est probable!
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Vous avez parlé d’une décharge sur l’Agence de biomédecine. Il n’en est pas question puisque nous voulons au contraire donner toute son indépendance à cette agence composée d’experts irréfutables et de sensibilités diverses.

Je crois avoir répondu à l’ensemble de vos questions…
Mme Valérie Boyer. Non !
Mme Geneviève Fioraso, ministre. … du moins à l’ensemble de vos questions laïques et rationnelles. Nous proposons maintenant d’aborder les amendements. C’est un débat qui dure depuis plus de dix ans. Il n’a que trop pénalisé notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) notre renommée scientifique..
M. Patrick Hetzel. Vous ne défendez pas la recherche française!
Mme Geneviève Fioraso, ministre. … notre économie. Plus que tout, il n’a que trop pénalisé les nombreux patients et leurs familles qui attendent des thérapies prometteuses. Il est donc temps de redonner confiance à la fois aux patients et aux chercheurs, dans des conditions encadrées sur le plan scientifique, éthique et sanitaire. Nous ne voulons pas que, comme au cours de la dernière décennie, cette recherche d’avenir continue à régresser en raison de positions qui n’ont rien de rationnel ou de scientifique et qui, surtout, ne respectent pas l’intérêt général.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous invite à voter contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)
Mme la présidente. Six orateurs ont demandé la parole dans les explications de vote qui, je vous le rappelle, sont de deux minutes. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg pour le groupe RRDP.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce débat doit être placé sous le signe de la sérénité. Il touche à des convictions intimes et notre volonté n’est pas de créer des antagonismes automatiques et artificiels entre les uns et les autres. Ce n’est vraiment pas le cas. Nous essayons de rechercher ensemble la meilleure solution possible.
M. Jean Leonetti. C’est mal parti!
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Notre souci premier est de rendre possible à terme ce que l’on appelle la médecine régénérative. Beaucoup de patients souffrent d’une insuffisance ou d’une déficience de cellules et les thérapies cellulaires peuvent leur apporter un jour la guérison alors que la plupart de ces affections graves sont actuellement incurables. C’est le cas des maladies neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson, le diabète insulinodépendant, les lésions de la moelle épinière, certaines hépatites, les cardiopathies que traite le professeur Ménasché. Le sort de nombreux patients est en jeu. Je ne prendrai qu’un exemple, celui de la recherche sur la dégénérescence maculaire liée à l’âge. La DMLA, qui touche 1,3 million de personnes en France, donne lieu à un premier essai clinique aux Etats-Unis qui pourrait apporter la solution à ce problème très considérable.

Quand nous avions commencé à aborder ces sujets dans la deuxième loi de bioéthique, en janvier 2002, nous avions recherché un consensus aussi large que possible, sans distinguer entre les uns et les autres. Mme Geneviève Fioraso le rappelait tout à l’heure, le texte, que nous avions mis en avant et qui reposait sur l’autorisation de principe de ces recherches avec un dispositif d’encadrement, avait été adopté non seulement par la majorité de l’époque mais aussi par une partie de l’opposition, notamment ses dirigeants les plus éminents : MM. Sarkozy, Fillon, Jacob, Accoyer, Mme Alliot-Marie, Mme Bachelot-Narquin qui a été ministre de la santé par la suite, et beaucoup d’autres encore qui ont jugé que le texte était satisfaisant.

Je ne voudrais pas déborder trop du temps de parole qui m’est imparti mais je crois vraiment que nous devons avoir deux considérations à l’esprit. Les chercheurs français qui représentent des équipes d’excellente qualité se trouvent gênés – et nous le disent – par la législation française qui est devenue un peu obsolète. Ce régime d’interdiction-dérogation est mal compris, notamment de leurs partenaires étrangers avec lesquels ils ont du mal à coopérer. C’est une sorte de sabot de Denver qui est posé sur la recherche dans ce secteur, qui se trouve défavorisé par rapport à la recherche conduite aux Etats-Unis, au Japon et dans beaucoup d’autres pays de l’Union européenne.

Ce qui doit nous guider par dessus tout, même si la solution n’est pas facile – j’ai bien écouté M. Leonetti – c’est l’intérêt des patients en attente de thérapies nouvelles qui peuvent être dégagées à terme par ces recherches. Le législateur doit être guidé en toute matière par le souci de la vie de ceux qui sont autour de lui, de ses proches ou de son prochain, comme on voudra. Tel est le critère qui doit le guider. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse pour le groupe GDR.
Mme Jacqueline Fraysse. M. Leonetti a tenu à souligner ici que certaines promesses du Président de la République n’ont pas été tenues.
M. Philippe Gosselin. C’est vrai !
Mme Jacqueline Fraysse. C’est vrai. Mais précisément vous devriez vous réjouir, monsieur Leonetti, que ce texte vienne en débat car il prouve au moins que certaines promesses sont tenues, ou ne sont pas enterrées, comme vous dites.
M. Jean Leonetti. Moins il en tient, mieux cela vaut !
Mme Jacqueline Fraysse. En ce qui me concerne, je me réjouis que nous puissions remarquer que certaines promesses sont tenues car cela me donne l’espoir que toutes le seront. Le Président a formulé des promesses sur lesquelles il a été élu et il aura à coeur, je l’espère, de les tenir.

Vous avez également rappelé, monsieur Leonetti, tous les travaux qui ont eu lieu sur ce sujet et notamment ceux de la commission spéciale. Ce faisant, je voudrais vous faire remarquer que vous avez souligné, peut-être à l’insu de votre plein gré, à quel point il est temps de prendre enfin une décision claire et conforme aux avis qui, contrairement à ce que vous tentez de nous faire croire, ont été rendus.
M. Jean Leonetti. Elle a déjà été prise, la décision !
Mme Jacqueline Fraysse. Vous évoquez les états généraux de la bioéthique. Ils ont été réunis, vous le savez, pour conclure majoritairement que rien ne s’opposait à la recherche sur les cellules embryonnaires dans des conditions strictement encadrées. Cette position est d’ailleurs superposable à celle du Comité consultatif national d’éthique…
M. Jean Leonetti. Pas du tout! Vous tronquez le résultat!
Mme Jacqueline Fraysse. … qui dans son avis de 2011 déclarait notamment : « La question éthique première est celle de la destruction de l’embryon humain et non la décision de réaliser des recherches sur ses cellules après sa destruction. »
M. Xavier Breton. Très juste ! C’est bien le problème !
Mme Jacqueline Fraysse. Enfin, du point de vue juridique, le Conseil d’État indique : « Sous réserve que les atteintes portées à l’embryon soient justifiées par des motifs majeurs tenant à la protection de la santé, des recherches sur les cellules embryonnaires ne peuvent donner lieu à autorisation sans que le principe constitutionnel de protection de la dignité humaine puisse leur être opposé. »

Comme vous le voyez, mes chers collègues…
M. Jean Leonetti. On ne voit rien du tout !
Mme Jacqueline Fraysse. … toutes les précautions ont été prises, tous les avis convergent pour autoriser enfin cette recherche au bénéfice de la connaissance…
M. Julien Aubert. De l’homme nouveau!
Mme Jacqueline Fraysse. … au service de l’ensemble de nos concitoyens, de la société tout entière. En réalité, disons-le, votre motion de rejet préalable n’a pas d’autre objet que de poursuivre l’obstruction que vous avez d’ailleurs déjà manifestée lors du débat de mars dernier, ce qui n’est vraiment pas très glorieux, permettez-moi de vous le dire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)Pour toutes ces raisons, bien évidemment, nous voterons contre cette motion de rejet préalable.
M. Jean Leonetti. Quel dommage !
Mme Jacqueline Fraysse. Comme l’a très bien dit l’orateur précédent, il s’agit tout de même de légiférer dans l’intérêt de la santé de nos concitoyens. Vous vous grandiriez à prendre une telle position, mesdames, messieurs de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Jean-Louis Touraine. Madame la présidente, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis, cette fois pour une avancée décisive, pour discuter et analyser le projet de loi relatif à la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires.

Je rappelle qu’après plus de dix ans de débats, ce projet a été étudié lors d’états généraux et qu’il a reçu des avis favorables du Conseil d’État, de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, de l’Académie de médecine et, d’une certaine façon, du Comité national d’éthique et des états généraux eux-mêmes.
M. Philippe Gosselin. « D’une certaine façon » : tout est dit !
M. Jean-Louis Touraine. En outre, il a été adopté au Sénat avec 203 voix pour et 74 voix contre. En 2002, ce projet avait été voté en première lecture ici même par 325 députés contre 21. Nombre de députés de droite s’étaient alors prononcés favorablement. Quelques-uns ont été cités. Je ne reviendrai pas sur ce sujet.

Qu’est-ce qui a changé entre 2002 et 2013 qui puisse justifier une telle inversion de vote ?

Le sens du texte ? Aucunement.

L’intérêt de cette recherche ? Bien au contraire : nous sommes à l’aube des essais thérapeutiques et donc des applications potentielles pour les malades des années ou décennies à venir.

Le choix des autres pays ? Il est de plus en plus positif. Le président Obama, immédiatement après sa première élection, a ouvert aux chercheurs, aux médecins et potentiellement aux malades le champ de ce grand progrès.
M. Nicolas Dhuicq. Qui a financé sa campagne ?
M. Jean-Louis Touraine. En Europe, tous les pays ont également approuvé ce type de législation, à l’exception de l’Italie et l’Allemagne, qui, curieusement, interdisent la production de lignées de cellules souches mais autorisent l’importation de celles-ci.

Alors, pourquoi cette inversion de vote chez nos collègues conservateurs ? Peut-être parce que précédemment, ils étaient majoritaires et se sentaient quelque peu responsables alors que maintenant, étant dans l’opposition, ils pensent qu’il faut s’opposer au progrès, même au prix de reniements, même au prix de mensonges. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrick Hetzel. C’est scandaleux !
M. Jean-Louis Touraine. Parmi les très nombreux mensonges proférés, je n’en citerai que trois. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. Un peu de calme, chers collègues.
M. Jean-Louis Touraine. Premier mensonge : ils voudraient nier qu’une telle attitude de refus est un obstacle majeur au progrès de la recherche et au travail des chercheurs en France. Ceux-ci sont stigmatisés dans notre pays et ne peuvent plus travailler décemment. Corollaire de cette attitude : prétendre qu’il y aurait derrière ces recherches d’importants intérêts commerciaux.

Deuxième mensonge : affirmer que l’on détruit des embryons pour prélever des cellules souches, alors que c’est l’inverse. Chaque année, 30 000 à 40 000 embryons sont détruits et c’est seulement une fois qu’ils sont détruits que les cellules peuvent ou non être utilisées, comme c’est le cas dans le cadre de la fin de vie de chacun de nous. Prétendre que ce n’est pas respecter l’embryon est mensonger, puisqu’au contraire nous appliquons à l’embryon les mêmes règles qu’au nouveau-né, à l’enfant ou au fœtus humain, c’est-à-dire celles qui encadrent les prélèvements contribuant à la vie.

Troisième mensonge : affirmer que les cellules souches embryonnaires peuvent être l’objet de substitution avec des cellules reprogrammées, IPS, ou par transfert nucléaire. Les deux méthodes présentent un intérêt mais l’une ne remplace pas l’autre. Les cellules IPS posent beaucoup plus de problèmes éthiques que les cellules souches embryonnaires : elles suscitent des difficultés en matière génétique ; elles ouvrent la voie au clonage reproductif ; elles sont sur le point de permettre au Japon la fabrication d’embryons hybrides homme-animal. Je vous laisse imaginer tout ce que cela peut signifier.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Touraine, vous avez dépassé votre temps de parole.
M. Jean-Louis Touraine. Je veux exprimer mon respect à ceux qui ont été maintenus hors du progrès par leurs convictions. Quant aux autres, néo-opposants, je leur suggère humblement de retrouver le raisonnement qui était le leur et de rejoindre la logique qui sous-tend cette proposition de loi. Vous l’aurez compris, notre groupe se prononcera contre la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR.)
M. Julien Aubert. Bonjour le respect de la liberté individuelle !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe de l’de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, mes chers collègues, je reviendrai tout d’abord sur quelques arguments de nature juridique.

Rappelons d’abord que la protection de l’embryon humain est garantie par l’article 16 du code civil, par la Constitution et par le droit européen. Passer, comme le prévoit cette proposition de loi, d’un régime d’interdiction de principe à un régime d’autorisation de principe constitue, on peut le dire, un changement de paradigme totalement inédit, aux termes duquel le principe fondateur de la protection de l’être humain deviendra une exception à la règle nouvelle de sa non-protection.

Par ailleurs, avant d’envisager d’autoriser la recherche sur l’embryon, enjeu majeur qui concerne autant les citoyens que les experts, les responsables politiques doivent organiser des états généraux qui ont été rendus obligatoires depuis la révision de la loi bioéthique de 2011. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Vous ne respectez pas cette loi que l’opposition d’alors, devenue aujourd’hui majorité, avait pourtant votée. Voici un premier problème, d’ordre juridique.
M. Julien Aubert. Ils souffrent d’amnésie !
M. Patrick Hetzel. Par ailleurs, j’aimerais vous faire part de certaines positions politiques extrêmement intéressantes. Prenons le cas des écologistes, quand on sort de la sphère politique française. Je voudrais citer à la fois Daniel Cohn-Bendit et Alain Lipietz. En 2003, lors du vote du budget de la recherche au Parlement européen, ils déclaraient – vous pourrez retrouver cela dans La Croix : « Nous avons toujours choisi de remplacer les recherches sur les cellules souches embryonnaires par des recherches sur les cellules souches adultes, tant le risque de manipulation sur la reproduction humaine artificielle est grand, raison pour laquelle nous devons combattre cela ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, outre-Rhin, il existe une alliance entre la CDU et les Verts, parce que ces derniers considèrent qu’il s’agit là d’un sujet éthique.
M. Xavier Breton. C’est l’écologie humaine, la vraie !
M. Patrick Hetzel. Vous devriez réfléchir à cela encore une fois. Dans cet hémicycle, on nous dit que les ringards, ce serait nous et les modernes, ce serait vous. En ce cas, les Verts seraient aussi des ringards. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)
Mme Valérie Boyer. Mais comment est-il possible d’être ringard quand on est Vert ?
M. Patrick Hetzel. En effet, cela ne parait pas possible !
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Hetzel !
M. Patrick Hetzel. Vous aurez noté que M. Touraine a eu cinq minutes de temps de parole.
M. Sébastien Denaja. On ne remet pas en cause la présidence, monsieur Hetzel !
Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Hetzel, je n’ai pas besoin de votre aide pour les temps de parole.
M. Patrick Hetzel. Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
M. Jean-Christophe Fromantin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette qu’à la suite de la défense de la motion de M. Leonetti, certains répondent par des propos quelque peu provocateurs. Comme l’a dit notre collègue du groupe RRDP, ce débat mérite un climat plus serein. Essayons d’éviter les propos déplacés quand on évoque telle ou telle personne.

Le progrès n’est pas d’un côté ou de l’autre. Il n’y a progrès que lorsque la science rencontre une certaine exigence éthique. Détaché de tout principe de cet ordre, c’est un progrès facile, un progrès simplement technologique qui n’a pas de sens. Évoquer dans ce débat des principes éthiques ne va pas à l’encontre du progrès, bien au contraire : ceux-ci viennent donner une résonance bien particulière à la science, en l’assortissant d’exigences.

Je regrette que la sérénité qu’évoquait notre collègue tout à l’heure ne soit pas soutenue par des états généraux de la bioéthique, démarche appréciée par tous il y a quelques années. Dans les conclusions du groupe de travail du Comité d’éthique, il y a une expression qui m’interpelle : il y est question de l’« énigme de la personne humaine potentielle », qui montre combien ce débat est difficile à aborder. Au nom de quoi peut-on prétendre résoudre la question en quelques heures, en pleine nuit, au mois de juillet ? Ce débat aurait mérité d’être précédé par des états généraux, comme cela a été le cas lors de débats précédents.

Par ailleurs, ce texte appelle indéniablement des corrections, que nous évoquerons à l’occasion des amendements. On veut ouvrir davantage, mais en introduisant un flou sur la finalité. Je suis d’accord pour une ouverture mais il faut alors rester précis sur les objectifs ; ou alors restons fermes sur l’autorisation et ouvrons davantage les critères. Il y a là un paradoxe que le texte ne traite pas et qui mériterait d’être approfondi.

Pour toutes ces raisons, nous voterons pour la motion de rejet présenté par notre collègue Jean Leonetti. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Mme la présidente. Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe de  l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.
Mme Véronique Massonneau. Mes chers collègues de l’opposition, je dois au moins vous reconnaître une qualité : votre ténacité. Quand vous avez une idée, aussi infondée soit-elle, vous la suivez coûte que coûte quitte à donner de vous-mêmes une image caricaturale. Car vous brandissez des arguments tous plus fallacieux les uns que les autres.

Monsieur Leonetti, quel bel hommage vous nous faites en défendant cette motion de rejet préalable. Mais nous les connaissons tous, vos arguments : une prétendue volonté du Gouvernement de faire passer ce texte en catimini…
M. Julien Aubert. Il est minuit dix !
Mme Véronique Massonneau. Pourtant, au vu des nombreuses retombées médiatiques – auxquelles votre collègue Gosselin n’est pas étranger – et de la quantité de courriers reçus, je n’ai pas eu vraiment l’impression que le texte passait secrètement.

Autre argument : une prétendue non-application de la loi puisque, selon vous, les états généraux de la bioéthique n’ont pas été organisés. Comme cela est savoureux venant de la part d’un groupe politique ayant inscrit lors d’une précédente niche un texte visant à modifier la législation relative à la fin de vie. J’attends toujours vos fameux états généraux, monsieur Leonetti !

Vous prétendez encore que la dignité de l’embryon humain ne serait pas respectée. Je vous rappelle qu’il s’agit de cellules souches embryonnaires et d’embryons et non de fœtus, tels qu’on peut les voir représentés sur les cartes-pétitions que nous avons reçues. Et je me sens obligée d’ajouter que les cellules et embryons concernés sont surnuméraires et destinés à être détruits, puisqu’ils ne sont pas utilisés pour une PMA. Encore une fois, il y a quelque ironie à vous entendre défendre le fruit d’une pratique que vous semblez pourtant condamner particulièrement.

Evidemment, vous l’aurez compris, mes chers collègues, les écologistes voteront contre cette motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de rejet préalable
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants141
Nombre de suffrages exprimés141
Majorité absolue71
Pour l’adoption31
contre110
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.) (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le vice-président de la commission – à défaut de Mme la présidente de la commission, qui aurait sans doute su animer cette soirée avec le brio et le talent dont elle avait déjà fait preuve le 28 mars –, chers collègues, je voudrais dans cette motion vous présenter un texte qui n’a rien d’anodin, comme certains voudraient nous le faire croire à cette heure tardive de la nuit – plus de minuit !

La recherche sur l’embryon en France n’est pas un simple toilettage d’une loi qui a pourtant été promulguée il y a environ deux ans, pratiquement jour pour jour, et dont l’encre est à peine sèche.

Ce débat ne peut se faire en catimini, comme cela fut le cas au Sénat, et comme nous nous apprêtons à le faire ici, à l’issue d’une niche parlementaire qui a tourné court, dans des conditions rocambolesques, le 28 mars dernier ; j’y reviendrai dans quelques minutes.

Autoriser la recherche sur l’embryon constitue un changement de paradigme singulier, inédit, qui modifie profondément la philosophie de la loi bioéthique de 2011, et qui plus largement bouleverse notre droit français.
M. Jean-Luc Laurent. Le changement est nécessaire !
M. Philippe Gosselin. Il s’agit en outre d’un sujet qui concerne autant les citoyens que les experts. La société elle-même doit avoir un droit de regard et de participation lorsqu’il s’agit de décider du devenir ou de l’utilisation de membres de l’espèce humaine.

Cet enjeu grave de l’utilisation de membres de l’espèce humaine ne peut être réglé en quelques heures dans cet hémicycle, après seulement onze auditions de scientifiques, du reste quasiment tous promoteurs de la recherche sur l’embryon, menées par notre rapporteure Dominique Orliac. Se prononcer sur un sujet aussi sensible que complexe, cela se prépare. J’ai ici, je dois l’avouer, un sentiment non feint, ni caché, d’inachevé – c’est le moins que l’on puisse dire !
M. Jean-Luc Laurent. Cela fait des années que nous en débattons !
M. Philippe Gosselin. Pour un examen complet, j’aurais souhaité entendre des juristes, des philosophes, en plus des quelques scientifiques auditionnés.
M. François de Rugy. Cela fait dix ans que nous débattons sur ce sujet !
M. Philippe Gosselin. Or la recherche sur l’embryon ne se limite pas à une question scientifique : il s’agit d’un sujet juridique, éthique et philosophique. On ne peut considérer que la commission des affaires sociales, privée d’un tel apport, ait accompli le travail nécessaire avec tout l’éclairage requis pour valider le texte soumis à notre vote aujourd’hui, sauf à instruire à charge le procès contre la loi de bioéthique de 2011, ce qui me paraît évidemment intellectuellement malhonnête.

À la lecture du rapport de Mme Orliac, l’on s’aperçoit que la plus grande préoccupation qui justifie l’autorisation de la recherche sur l’embryon est le positionnement des chercheurs et, elle nous l’avait répété au mois de mars, leur ressenti face à l’interdit, leur insécurité juridique. Or la loi n’est pas faite pour une seule catégorie de personnes, si honorables soient-elles. La loi fixe un cadre normatif qui s’adresse à tous. L’interdiction de la recherche sur l’embryon n’est pas un principe qui s’adresse aux seuls chercheurs : c’est un principe général, qui s’inscrit dans la logique de notre ordre juridique, qui s’adresse à tous les citoyens, et qui exprime la règle de la protection de l’être humain.

La loi doit donc prendre en compte l’entièreté des enjeux : les enjeux scientifiques, certes, mais aussi juridiques, et bien sûr éthiques. La commission des affaires sociales a, peut-être par mégarde ou, pire, délibérément, oublié ces enjeux. Que dire de cette forme précipitée, qui nous amène à un débat de ce type dans la nuit du mercredi au jeudi, l’heure de minuit étant passée ?

Au-delà de la forme et du fond, je voudrais revenir quelques instants sur les épisodes précédents, pour mieux comprendre pourquoi nous dénonçons le travail qui a été mené en catimini, et surtout le manque de courage du Gouvernement qui, d’une certaine façon, avance masqué sur le sujet. Encore un texte « Canada Dry », d’abord une proposition de loi, aujourd’hui inscrite en session extraordinaire ! Le Gouvernement pourrait au moins porter totalement ce texte et l’assumer dans sa globalité ; mais il ne le fait pas.

C’est en décembre 2012, au Sénat, grâce à une niche radicale, que le texte de la proposition de loi a été voté : ce fut plié en deux heures ! Puis le texte est revenu au Sénat une deuxième fois pendant deux heures, peu avant Noël ; enfin le 28 mars, il se retrouve dans la corbeille radicale, la niche annuelle de ce groupe politique à l’Assemblée nationale. Nous voici donc contraints d’examiner cette proposition dans des conditions d’impréparation incroyables !

Une impréparation incroyable, dis-je : oui, car des auditions ont eu lieu pendant la semaine de suspension des travaux de l’Assemblée nationale – naturellement ! Le professeur Privat en a fait l’expérience, puisque personne n’a pu venir l’écouter. Je rappelle qu’il s’agissait d’une semaine de suspension des travaux de l’Assemblée, et que l’audition avait été organisée à ce moment-là : c’est malhonnête !

La commission des affaires sociales n’a convoqué ses membres que le jeudi 28 mars à 9 h 30, au moment même où se réunissait ici la séance publique afin d’examiner les nombreux amendements déposés en séance et que ladite commission des affaires sociales n’avait pas su anticiper.

Voilà où nous en sommes ! Une méconnaissance totale par les radicaux du règlement de l’Assemblée qui organise les travaux des séances d’initiative parlementaire, et le fameux gong à une heure du matin, sans oublier les relectures d’un certain nombre de lettres à cette tribune : du grotesque, du ridicule, en tout cas de l’impréparation !
M. Olivier Véran. Quelle agressivité !
M. Philippe Gosselin. Trois textes à examiner le même jour, et au final un psychodrame dans la majorité entre les radicaux et le parti socialiste. Ce psychodrame a conduit le Gouvernement au Conseil des ministres du 7 mai à prendre l’engagement de reprendre ce texte : nous y voilà ! Le Gouvernement a inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour de cette session extraordinaire, mais en s’affranchissant de porter stricto sensu le texte lui-même. C’est d’une hypocrisie sans nom, que je tiens à dénoncer.
M. Marc Le Fur. C’est un retour à la IVe République !
M. Philippe Gosselin. Hypocrisie sans nom, mais pas sans conséquence : pas d’avis du Comité consultatif national d’éthique, pas d’états généraux, pas de débat public contrairement aux dispositions de la loi de juillet 2011, pas d’étude d’impact, pas d’avis du Conseil d’État – rien !

Le Gouvernement peut avancer masqué en toute impunité : on se moque, je le dis sincèrement, on se moque du Parlement !
M. Patrick Hetzel. C’est scandaleux !
M. Philippe Gosselin. L’embryon au final sert de liant dans la majorité ; il est devenu le gage de l’intérêt que le parti socialiste porte aux radicaux. C’est une forme de câlinothérapie au sein de la majorité.

Pour achever le tout, le délai de dépôt des nouveaux amendements ne sera pas rouvert. Nous reprenons ce mercredi à 23 heures, comme si quelques heures ou quelques jours seulement nous séparaient du 28 mars. Une pure fiction, quand on voit le changement de portage gouvernemental, sans oublier non plus le fait qu’hier, la Conférence des présidents a décidé d’avancer les travaux prévus demain à cet après-midi, ce qui nous amène à nous retrouver cette nuit. Ces conditions de forme sont tout à fait inacceptables ! On balade les parlementaires et la représentation nationale comme une feuille au vent ! C’est ainsi que le Gouvernement traite la représentation nationale : par le mépris !

Au-delà de cette forme tout à fait méprisable, il existe évidemment des conditions de fond qui nous amènent à rejeter le texte et à demander son renvoi en commission, en raison de son impréparation notoire et notable. Ces conditions sont juridiques, éthiques et scientifiques, et nous les aborderons successivement.

Les enjeux juridiques ont été totalement négligés. Oui, la commission des affaires sociales n’a pas étudié les enjeux juridiques du passage à un régime d’autorisation de la recherche sur l’embryon.

Tout d’abord, on ne peut soutenir raisonnablement qu’il n’y a pas de distinction entre le régime d’interdiction avec dérogations, et le régime d’autorisation avec encadrement. C’est ce qu’affirmait hier matin le président du groupe radical, le professeur Schwartzenberg. S’il n’y a pas de différence, cher collègue, alors restons-en là ! Il n’est pas nécessaire de toucher à la loi de 2011 !

Sous un régime d’interdiction, tout protocole de recherche est présumé irrecevable, et demande une analyse sérieuse, quand le régime d’autorisation rend tout protocole de recherche présumé recevable : c’est en quelque sorte une inversion de la charge de la preuve !

Ériger l’autorisation de recherche sur l’embryon comme règle méconnaît notre principe fondateur de l’ordre public : le « respect de l’être humain dès le commencement de sa vie », tel qu’il découle de l’article 16 de notre code civil.

C’est méconnaître surtout la position du Conseil constitutionnel, qui dispose pourtant d’une jurisprudence qu’on pourrait qualifier sur ce point de prudente, et qui a jugé, dans sa décision du 27 juillet 1994, que les embryons surnuméraires devaient quand même bénéficier d’une certaine protection ; ce n’est pas un hasard !

C’est méconnaître encore le droit conventionnel, et notamment l’article premier de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine du Conseil de l’Europe de 1997, dite Convention d’Oviedo – belle ville d’Espagne – que la France a ratifiée il y a un peu plus d’un an, en décembre 2011.

Cette Convention établit une intéressante distinction entre « être humain » et « personne ». Ainsi l’être humain est protégé dans sa dignité et dans son identité, alors que la personne voit le respect de son intégrité et de ses droits et libertés fondamentaux garanti sans discrimination. Le principe de dignité protège l’être humain, et par conséquent l’embryon. En effet, si l’embryon n’est pas juridiquement appréhendé comme une personne, il n’en demeure pas moins qu’il est, au sens littéral du terme, un être humain : nul ne peut le contester.

Par ailleurs, l’article 18 de ce même texte admet que certaines législations nationales autorisent des recherches sur l’embryon in vitro à condition qu’elles assurent une protection adéquate de l’embryon. Il précise aussi que la constitution d’embryons humains à des fins de recherche est interdite. Tout est dit !

La Convention d’Oviedo va même plus loin dans son article 2, qui affirme la primauté de l’être humain sur le seul intérêt de la société ou de la science. Priorité est donnée au premier qui, en principe, doit l’emporter sur l’autre lorsqu’ils se trouvent en compétition. En libéralisant la recherche sur l’embryon, vous niez cette protection adéquate de l’embryon qui incombe au législateur.

Enfin, sur ce point juridique, comment ne pas rappeler que la recherche sur l’embryon est de fait limitée par le droit économique ? Si elle offre un jour une perspective concrète, les chercheurs ne pourront en tirer profit. En effet la Grande chambre des recours de l’Office européen des brevets a écarté, pour des raisons tenant à l’ordre public – je le souligne – la possibilité d’obtenir un brevet portant sur des cellules-souches humaines, dès lors que leur obtention entraîne la destruction d’un embryon humain, dans sa décision WARF/Thomson, du 25 novembre 2008. Cette solution a été confirmée – j’en suis désolé pour le Gouvernement et pour la majorité qui s’acharne – par la Grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne dans sa décision du 18 octobre 2011, en considération du fait que l’embryon humain est protégé au nom du principe de la dignité humaine.

Tout notre ordre juridique nous impose donc de protéger l’embryon, du fait même de son appartenance à l’espèce humaine, et les chercheurs ne peuvent que s’y soumettre.

D’ailleurs, puisque vous avancez que l’autorisation encadrée et l’interdiction avec dérogations n’offrent pas de réelles distinctions, par un souci de cohérence avec notre droit français et européen, nous ne pouvons que préserver ce principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon, et garder ainsi cette force, symbolique peut-être, mais importante, de l’interdit.

Soulignons-le encore une fois : c’est une cohérence de notre droit – ce qui nous différencie assez fondamentalement, d’ailleurs, des Anglo-Saxons. Mesdames et messieurs les membres de la majorité, vous qui pourfendez l’idéologie libérale, vous qui pourfendez l’individualisme, vous ne voudriez tout de même pas être les porteurs de valises de cette idéologie qui vous révulse par ailleurs ? À moins que vos convictions ne soient à géométrie variable – ce que je ne peux pas croire !

Puisque vous placez les besoins des chercheurs au centre de la justification du principe d’autorisation, niant notre ordre juridique, permettez-moi de vous rappeler que les chercheurs ne sont pas gênés par le principe d’interdiction.

Depuis 2004, l’Agence de la biomédecine a délivré 173 autorisations relatives à la recherche sur l’embryon sur 192 demandées : vous voyez bien ! De plus, il n’y a eu que 11 recours sur l’ensemble de ces autorisations : ils sont donc ultra-minoritaires !

Par ailleurs, interrogé le 14 janvier 2009 dans le cadre de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique, dont j’ai eu l’honneur d’être le secrétaire, le professeur Peschanski lui-même, directeur de recherches à l’INSERM, avait ainsi déclaré : « Vous m’avez demandé si les dispositions de la loi de 2004 nous avaient gênés. Peut-être vous surprendrai-je en vous disant que non ».

Lors de la table ronde sur les cellules souches organisée par la commission des affaires sociales du Sénat le mercredi 23 mars 2011, le professeur Peschanski a encore confirmé : « Il est vrai que nous avons pu travailler : l’INSERM a obtenu nombre d’autorisations. »

C’est la démonstration que les chercheurs ne sont pas gênés. Philippe Menasché, qui a été cité par Jean Leonetti tout à l’heure, professeur de médecine, lui aussi directeur de recherche à l’INSERM sur les thérapies cellulaires en pathologie cardio-vasculaire, a confirmé lors de son audition devant la commission spéciale en date du 1er décembre 2010 : « La loi de bioéthique de 2004 ne nous a pas empêchés de travailler. Elle ne nous a pas pénalisés. »

Quant à l’insécurité juridique que vous évoquez dans votre rapport, madame le rapporteur, qui guetterait les chercheurs à cause de recours contre les protocoles de recherche, elle me laisse assez dubitatif. Je l’évoquais tout à l’heure : onze recours seulement contre certains décisions d’autorisation. Ce n’est pas l’argument de l’argent que pourraient coûter ces recours qui va me convaincre. Mme Prada-Bordenave a évoqué un coût de vingt-cinq mille euros : je crois que l’embryon vaut bien vingt-cinq mille euros, en tout cas il me semble.

Au contraire, tout cela me semble inciter à respecter une loi d’équilibre qui n’entrave en rien la recherche tout en préservant la dignité de l’embryon.

La loi ne saurait être modifiée par convenance, au gré de la volonté des chercheurs. Il ne s’agit pas ici de modifier le calendrier des parlementaires au gré du vent, comme vous l’avez fait en conférence des présidents hier matin, non. La loi ne saurait varier au gré de la volonté des chercheurs ou des laboratoires pharmaceutiques, non. Ou bien pour éviter d’être attaqué en justice. Le droit doit demeurer au service de la justice, il ne peut être instrumentalisé en fonction d’intérêts particuliers ou d’une idéologie – et c’est ce dont j’ai le sentiment ce soir. Le législateur ne peut se laisser instrumentaliser pour des intérêts particuliers, d’autant plus lorsqu’il sont contraires à notre droit.

A côté de ces enjeux juridiques particulièrement forts, il y a bien sûr des enjeux éthiques qui ne vous ont pas échappé. Il me semble que la commission des affaires sociales n’a pas suffisamment étudié les enjeux éthiques du passage à un régime d’autorisation de la recherche sur l’embryon.

Autoriser la recherche sur l’embryon avec un tel encadrement libéral porte gravement atteinte à l’éthique. L’encadrement strict dont vous parlez relègue en réalité l’embryon humain au même rang, voire à un rang inférieur à celui de l’embryon animal ! Vous vous félicitez que la condition de finalité médicale permette tout type de recherche, fondamentale, diagnostique ou préventive, et préserve l’embryon humain du seul usage cosmétologique. C’est encore heureux ! Les animaux aussi, depuis le 11 mars 2013, sont préservés des expérimentations à visée cosmétologiques. C’est une dépêche de l’AFP qui nous l’avait appris quelques jours avant notre fameuse soirée du 28 mars.

Les embryons animaux et humains seront, si ce texte passe, traités de la même façon à ceci près : c’est que les embryons d’animaux coûteront toujours plus cher que les embryons humains dits « surnuméraires » qui sont donnés par les parents. Ce n’est pas de la provocation, c’est la réalité.

En fin de compte, si l’autorisation de la recherche sur l’embryon est autant souhaitée, c’est bien parce que l’embryon humain est gratuit et qu’on en trouve en nombre dans les centres médicaux d’assistance à la procréation. Est-ce une raison pour les transformer en outils de laboratoire et de les substituer à d’autres « matériaux » ?

Madame le rapporteur, vous citez dans votre rapport Jean-Claude Ameisen : nous avons eu la chance, le plaisir, l’honneur, l’avantage, dans la nuit du 28 mars, de l’entendre citer à plusieurs reprises, à travers plusieurs lectures de la même lettre. Il n’empêche que Jean-Claude Ameisen souligne « qu’on ne protège pas l’embryon humain de la destruction en interdisant la recherche ». La question éthique première est donc celle de la destruction de l’embryon humain. Mais la question éthique de la destruction de l’embryon humain est différente de celle de l’utilisation qui serait faite de l’embryon humain, si la recherche était autorisée. C’est bien de l’utilisation de l’embryon que je souhaite parler.

L’embryon humain va devenir ce réactif de laboratoire, en quelque sorte, sur lequel on va tester des centaines, pourquoi pas des milliers de molécules, modéliser des pathologies… Des tests à grande échelle, des centaines, des milliers de tests sur l’embryon humain seront pratiqués. Voilà la réalité de la recherche pharmaceutique que ce texte rend possible.

L’embryon, parce qu’il fait partie de l’espèce humaine, mérite mieux. selon la convention d’Oviedo, l’embryon mérite le respect dans sa dignité d’être humain, ce qui est ici totalement bafoué.
M. Jean Leonetti. Très bien !
M. Philippe Gosselin. Le professeur Bertrand Mathieu souligne à juste titre que « la destruction de l’embryon porte atteinte à la protection de sa vie, elle ne porte pas nécessairement et directement atteinte à sa dignité. » Aussi le problème de l’autorisation de la recherche sur l’embryon humain n’est pas tant sa destruction que l’utilisation délibérée comme outil de laboratoire d’un membre de l’espèce humaine, qui aboutira inévitablement à sa destruction. Il s’agit donc bien là de l’instrumentalisation de l’espèce humaine.

Nous ne pouvons de manière responsable libéraliser ainsi la recherche, d’autant que les travaux alternatifs du professeur Yamanaka – nous l’avons cité abondamment dans les débats de 2009 et de 2010, et, excusez du peu, il est devenu entre-temps prix Nobel de médecine en 2012 – nous montrent qu’il est possible de faire autrement, notamment avec les cellules IPS. Non, il n’y a pas nécessité de s’acharner contre l’embryon. On enregistre des progrès cliniques dus à d’autres cellules souches d’origine non embryonnaire : je pense aux cellules souches adultes, au sang de cordon et sans doute dans un avenir proche, plus largement, aux IPS.

Ensuite, pour conclure sur ce point de l’éthique, je voudrais aborder des questions qui n’ont pas été suffisamment étudiées par la commission des affaires sociales, une fois encore. Il n’est pas éthique de cacher aux parents la nature de la recherche qui sera effectuée sur l’embryon. Cela sous prétexte que ce type d’information pourrait « influencer fortement leur consentement ». C’est bien la démonstration qu’il y a un problème quelque part !

Alors que la médecine de cesse de progresser dans la qualité de l’information donnée au patient et que dans tout les domaines on s’assure que le consentement est bien libre et éclairé, afin de respecter la liberté de chacun dans ce qu’elle a de plus précieux, voilà qu’elle lui est discrètement et volontairement retirée ici.

Il s’agit d’une grave atteinte aux droits des membres du couple, seuls décisionnaires du sort de leur embryon.

Il s’agit d’une atteinte aux droits et à l’éthique, à partir du moment où on sait qu’il s’agit d’une non information volontaire, pour être sûr en quelque sorte que l’embryon sera donné à la recherche.

Connaître la nature de la recherche qui sera faite sur leur embryon est fondamental pour que les parents sachent ce qu’il adviendra de celui-ci et quelle utilité cette recherche pourrait avoir.

Donner un embryon pour une recherche qui s’inscrit dans une perspective de soins est une décision radicalement différente de donner un embryon pour la recherche pharmaceutique, par exemple.

La volonté de cacher cette information capitale est totalement contraire au principe de liberté, d’autant que nous sommes dans un domaine grave et personnel.

La décision de laisser ses embryons à la recherche, à un autre couple, ou de les détruire, est difficile à prendre pour un couple qui témoigne d’un attachement à ses embryons. Il convient donc d’accompagner les parents en toute transparence et sans manipulation. Il s’agit là du minimum d’éthique auquel les parents ont droit. De quel droit les priverait-on d’une information à laquelle ils peuvent légitimement prétendre ?

Enfin, pour terminer, à côtés de ces enjeux juridiques, éthiques, il y a des enjeux scientifiques. La commission n’a pas non plus suffisamment abordé les enjeux scientifiques de la recherche sur l’embryon comme il se devait, c’est-à-dire de manière impartiale.

Lorsqu’on regarde les auditions menées, on s’aperçoit qu’en réalité la quasi-totalité des personnes auditionnées promeuvent officiellement la recherche embryonnaire.
M. Philippe Gosselin. Le Pr Marc Peschanski, qui a été très honnête d’ailleurs en disant que la loi ne l’avait pas gêné, Pierre Jouannet, Axel Kahn… On ne peut y voir qu’un parti-pris, nous privant de toute véritable réflexion sur le sujet. Dans ces conditions, il me paraît difficile de voter pour un tel texte. Tout a été fait pour éviter le débat, ou pire, pour le discréditer ou discréditer ceux qui ont un point de vue différents. Il est si tentant de mettre d’un côté le camp du progrès et de l’autre celui des obscurantistes – cette fameuse querelle entre les anciens et les modernes !

Dois-je rappeler qu’aujourd’hui les cellules souches adultes et le sang de cordon sont les seules à être utilisées en thérapie celllulaire ? Pour certains types de pathologie, les greffes de cellules souches non embryonnaires soignent déjà des patients.

Dois-je rappeler que ce sont les cellules souches reprogrammées, les fameuses IPS du Pr Yamanaka, qui ouvrent les perspectives les plus prometteuses, plutôt que les cellules souches embryonnaires ?
M. Jean Leonetti. C’est moins rentable !
M. Philippe Gosselin. C’est vrai. La rapidité du lancement du premier essai clinique contre la DMLA – dégénérescence maculaire liée à l’âge – et les investissements massifs qui à l’étranger se portent sur les IPS montrent le potentiel de cette recherche. S’agissant de la modélisation des pathologies et du criblage de molécules, les IPS sont déjà utilisées comme alternative à l’embryon humain.

Et puis j’ai plaisir à citer ici les travaux de la société Colliectis, qui, dans un communiqué de presse de lundi dernier, nous fait part d’une nouvelle très intéressante et qui tombe à pic.

C’est une PME française de 230 salariés, un des leaders mondiaux en ingénierie des génomes, qui annonce une offre « grand public » pour le stockage des cellules souches pluripotentes induites, les fameuses IPS. C’est une société qui travaille en France, à Paris et à Evry, ainsi qu’à l’étranger. Elle a mis ses pas dans ceux du CIRA, le laboratoire du Pr Yamanaka, avec lequel elle collabore.

Si cette offre soulève des questions, qu’il s’agisse de l’accès du plus grand nombre ou de la conservation privée, alors que la position française repose sur la gratuité et l’anonymat – je vous renvoie au débat sur la conservation du sang de cordon par des banques privées –, il n’en reste pas moins que ce communiqué de presse est la plus belle démonstration que notre cadre français, si mauvais nous dit-on, n’empêche nullement nos laboratoires de travailler et même d’annoncer une première mondiale dans ce secteur si prometteur de la médecine régénératrice. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)Cessons donc de nous faire le chantage à la recherche et à la concurrence internationale. Dois-je aussi rappeler à notre collègue Jean-Louis Touraine que si, au moment de leur découverte en 2006, les cellules IPS pouvaient présenter des altérations épigénétiques, liées peut-être à une reprogrammation plus défectueuse, il est démontré que le maintien de la stabilité génomique durant la reprogrammation avait permis la production d’IPS de qualité bien supérieure.

Du fait du changement des techniques de reprogrammation, ces cellules peuvent aujourd’hui être produites sans anomalies. Elles peuvent donc être utilisées, surtout pour la modélisation et le criblage : il est donc inutile de continuer à utiliser l’embryon quand on peut faire autrement.

Enfin la commission, mais sans doute ignorait-elle que des entreprises françaises travaillaient sur le sujet avec ardeur, n’a pas réfléchi au retard que nous allons infliger à la France, paradoxalement, en ouvrant la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Elles n’ont offert aucune perspective concrète depuis plus de vingt ans. En mobilisant des équipes de chercheurs sur les cellules souches embryonnaires humaines, c’est autant de temps, autant d’énergie perdus pour la recherche sur les IPS.
M. Marc Le Fur. On se trompe !
M. Philippe Gosselin. En effet, on se trompe. Nos voisins américains et japonais, eux, ont bien compris que ces cellules reprogrammées étaient l’avenir de la recherche et ils délaissent les cellules souches embryonnaires humaines. Pourquoi donc la France mènerait-elle des combats dépassés ? Votre projet est donc, en plus, à contre-temps.

Pour conclure… (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et RRDP.) Nous sommes dans les temps, mes chers collègues. Pour conclure, je souhaiterais rappeler que le respect de tout être humain, particulièrement des plus fragiles, est constitutif du pacte républicain et du fondement de notre civilisation. L’honneur de la France est de refuser, une fois de plus, l’alignement sur le moins-disant éthique, ce dumping éthique qui est insoutenable, et d’oser réaffirmer avec force des valeurs comme la dignité de l’être humain.
M. Paul Giacobbi. Rien que ça !
M. Philippe Gosselin. C’est en effet la dignité due à tout être humain qui doit demeurer le guide des décisions normatives. Comme le rapporteur le rappelait lors des débats de 2004, « la dignité humaine ne se négocie pas, ne se fragmente pas, sous aucune pression scientifique, économique ou sociale. »

Il s’agit en effet, aujourd’hui comme hier, de légiférer sur une loi de bioéthique et non sur des principes de compétitivité internationale, étant rappelé tout de même que le chercheur le plus en pointe dans le monde dans ce secteur est un scientifique « nobélisé » qui a renoncé à l’embryon !

Comme vous le voyez, il est patent, indéniable, que la commission des affaires sociales n’a pas abordé le sujet dans son entière complexité. Les enjeux juridiques, éthiques et même scientifiques méritent d’être examinés, étudiés, à la lueur des expertises de tous bords et de toutes spécialités, mais aussi à la lueur d’un débat citoyen dont on nous prive.

Pour terminer en quelques mots,…
M. Philippe Gosselin. …– « Ouf ! », si vous voulez –, si je remets cependant en perspective ce textein fine il me paraît cohérent. Cohérent avec cette vaste offensive (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP) la plus large de ces dernières décennies,…
M. Philippe Gosselin. … qui se met en place par touches successives sous ce Gouvernement. Une offensive ultra-libérale, voire libertaire, une œuvre utilitariste de destruction des cadres actuels et des repères de la société. C’est, ce jour, la recherche sur l’embryon ; « hier », c’était le mariage pour tous ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Mais oui, mes chers collègues !
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Gosselin!
M. Philippe Gosselin. Et la révolution du droit de la filiation et de la famille !
M. Olivier Véran. Et l’avortement ?
M. Philippe Gosselin. Demain, parce que vous n’en avez pas fini,...
M. Olivier Véran. Et le préservatif ?
M. Philippe Gosselin. … demain, qui est déjà un aujourd’hui, nous aurons droit au gender puis, peut-être, à l’euthanasie, à l’assistance au suicide…
M. Jérôme Guedj. Nous allons manger les petits enfants !
M. Philippe Gosselin. Bref, tout ce qui faisait le « vivre-ensemble » autour du pacte républicain se trouve attaqué. (Exclamations continues.)En tant que législateurs, nous ne pouvons pas prendre la responsabilité de voter un texte aussi grave sans avoir pris le temps et la peine de débattre de toutes les conséquences qu’il porte. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande son renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires sociales.
Mme Dominique Orliac, rapporteure de la commission des affaires sociales. Je voudrais vous répondre avec un tout petit peu d’ironie.
M. Jean Leonetti. Vous en croyez-vous capable ?
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Le jour de la réunion de la commission, vous étiez quelques-uns et nous avions, à l’ordre du jour, deux amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. Seule la rapporteure a la parole !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Vous ne ne vous intéressiez alors pas à ce sujet. Vous étiez totalement absents comme vous l’étiez au moment des auditions.
M. Jean Leonetti. Voulez-vous que je vous rappelle combien de fois je vous ai vue au moment de la discussion du projet de loi bioéthique ?
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Ces auditions ont été menées pendant plusieurs semaines et aussi pendant la semaine de suspension des travaux de l’Assemblée. Mais, que je sache, les députés continuent à travailler, même le soir, et c’est tout à fait normal.

Vous regrettez que ce texte soit issu d’une initiative parlementaire et je trouve que c’est très dommage.
M. Philippe Gosselin. Et moi je demande au Gouvernement de ne pas avancer masqué !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Vous avez longuement expliqué que, pour vous, l’initiative parlementaire n’avait aucun intérêt.
M. Jean Leonetti. Nous n’avons pas dit cela !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Bien sûr que si, monsieur Leonetti. Pourtant la proposition de loi sur la fin de vie que vous avez présentée a été examinée dans les mêmes circonstances. Je ne vois donc vraiment pas ce que vous avez à redire à notre initiative.

Ce qui m’a choquée, c’est que vous souteniez que le Gouvernement avançait caché, en catimini.
M. Philippe Gosselin. En effet, il n’y a pas d’autre mot !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Mais rappelez-vous qu’il s’agissait d’une proposition de François Hollande à Evry, au généthon.
M. Philippe Gosselin. Pourquoi, dès lors, n’est-ce pas le Gouvernement qui a présenté un texte ?
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Tous les arguments que vous avez développés au cours de la présentation de cette motion de renvoi en commission, nous y reviendrons bien sûr à l’occasion de l’examen des amendements.
M. Jean Leonetti. Nous ne sommes pas là pour nous faire insulter !
Mme Valérie Boyer. Nous ne sommes pas à l’école !
M. Jean Leonetti. Nous avons tout de même le droit de parler !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Je dirai toutefois dès à présent que ce que nous souhaitons, c’est une autorisation de la recherche encadrée sur les cellules souches embryonnaires par l’Agence de biomédecine. C’est dans le rapport, comme vous l’avez souligné. Il s’agit de ne plus stigmatiser les chercheurs, d’arrêter de les faire travailler dans ce climat de condamnation morale permanent et de suspicion à leur égard. Cela dans l’intérêt d’une finalité médicale, parce que les patients attendent.
M. Philippe Gosselin. C’est votre chantage habituel !
M. Jean Leonetti. Tout cela n’a pas de sens !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Roger-Gérard Schwartzenberg l’a largement évoqué.

Parmi les personnalités que nous avons auditionnées, se trouvaient des professeurs opposés à ce texte, qu’il s’agisse du professeur Alain Privat, professeur en neurobiologie à l’université de Bilbao, que vous avez cité, ou du président de l’institut Curie, Claude Huriet.
M. Philippe Gosselin. Soit seulement deux sur onze !
M. Jean-Frédéric Poisson. Quel sens de l’équité !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Nous n’avons donc pas auditionné que des personnes favorables au texte.

Il est important de souligner que nous en sommes au stade de recherches pré-cliniques du professeur Menasché sur les atteintes cardiologiques, du professeur Peschanski, dont vous avez longuement parlé, sur la maladie de Huntington et sur les ulcères cutanés, recherches qui vont avoir des retombées importantes pour les diabétiques, pour les grands brûlés. Vous ne pouvez donc pas avancer que la recherche sur les cellules souches embryonnaires ne présente pas d’intérêt.
M. Patrick Hetzel. Nous soutenons qu’il existe d’autres voies pour aboutir aux mêmes résultats !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. La dégénérescence maculaire liée à l’âge touche 1,3 millions de personnes en France et les patients attendent avec impatience qu’il y ait des progrès scientifiques qui soient réalisés dans leur intérêt.

Vous avez affirmé que les cellules souches embryonnaires n’avaient plus d’intérêt par rapport aux cellules iPS découvertes par le professeur Yamanaka qui a reçu le prix Nobel ; eh bien, sachez que ce même professeur travaille en parallèle avec les cellules souches embryonnaires et les cellules iPS.
M. Philippe Gosselin. Il y a renoncé !
M. Jean Leonetti. Il a arrêté !
Mme Dominique Orliac, rapporteure. Cela se pratique dans pratiquement tous les pays européens, aux Etats-Unis et dans de nombreux autres pays. La recherche française aurait tout intérêt à bénéficier d’une reconnaissance internationale en la matière. Tout le monde l’attend.

Aussi, je demanderai que cette motion de renvoi en commission ne soit pas votée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Même avis, pour les mêmes raisons. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
M. Philippe Gosselin. Aucune réponse du Gouvernement, quel mépris !
M. Jean-Frédéric Poisson. Zéro !
Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. (Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.)Seul M. Braillard a la parole !
M. Thierry Braillard. Le président de notre groupe, Roger-Gérard Schwartzenberg, a tout à l’heure débattu du fond. Je souhaite pour ma part évoquer la forme. M. Gosselin a parlé d’éthique et j’aimerais qu’il m’écoute parce que je vais lui parler de foi – de bonne ou de mauvaise foi. (Sourires.) À l’écouter, nous aurions dû attendre une heure moins dix, une nuit d’été, pour discuter d’un texte important. Je lui rappellerai que, le 28 mars, nous étions tous prêts à examiner ce texte. M. Gosselin prétend que les radicaux ne connaissent pas le règlement de l’Assemblée mais les radicaux connaissent les règles républicaines et quand on dépose une motion, on la vote. Or vous avez déposé une motion que vous n’avez même pas votée.
M. Philippe Gosselin. Ce n’était pas sur ce texte !
M. Thierry Braillard. Votre seul objectif s’appelle l’obstruction parlementaire (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC) car vous ne vouliez pas qu’à un moment ou à un autre nous en venions au fond. Alors, monsieur Gosselin, nous allons en venir au fond et, rassurez-vous, il existe au sein de l’Assemblée une large majorité comme il en existait déjà une en 2002.
M. Bruno Le Roux. C’est le fils de Tourret, je l’ai reconnu !
M. Thierry Braillard. De nombreux responsables de votre parti, à l’époque, étaient favorables à la proposition que nous vous présentons. Mais il est vrai que les temps ont changé.

Ensuite, vous avez rappelé comment les demandes de dérogation étaient acceptées. Or la plupart sont rejetées…
M. Jean Leonetti. Ce n’est pas vrai !
M. Thierry Braillard. …et, lorsqu’elles sont acceptées, elles font l’objet de recours systématiques ; c’est pourquoi notre recherche se trouve mal en point dans le domaine qui nous occupe.
Mme Marie-Christine Dalloz. Vous vous livrez à une réinterprétation permanente !
M. Thierry Braillard. Enfin, nous avons entendu que la recherche sur les embryons, ces êtres humains qui sont jetés à la poubelles une fois qu’ils ne sont plus utilisés, ce qui ne vous dérange pas, serait ainsi menée, selon vous, à l’envi, sans que les parents potentiels soient informés.
M. Jérôme Guedj. Il faut leur consentement !
M. Thierry Braillard. Je vous rappelle que le texte prévoit très clairement que la recherche ne peut être effectuée qu’avec le consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus.
M. Jérôme Guedj. Et il est révocable jusqu’au bout !
M. Thierry Braillard. Dès lors, les choses sont claires. Sauf extraordinaire, l’UMP votera sa motion, qui sait… Pour notre part, nous voterons bien sûr contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Jacqueline Fraysse. Je vois que nos collègues de l’opposition proposent de renvoyer ce texte…
M. Bruno Le Roux. Aux calendes grecques !
Mme Jacqueline Fraysse. … en commission mais je ferai observer, et la rapporteure l’a très justement rappelé à l’instant, que vous n’y avez déposé que deux amendements. C’est dire tout l’intérêt que vous portez aux travaux de la commission ; et, curieusement, vous en déposez 280 en séance !
M. Jean-Frédéric Poisson. Et il en manque !
M. Bruno Le Roux. Ils ont été déposés à la dernière minute !
Mme la présidente. Seule madame Fraysse a la parole !
Mme Jacqueline Fraysse. C’est, me semble-t-il, la démonstration que, d’une part, vous n’avez absolument pas envie de travailler de manière constructive et sérieuse au sein d’une commission,…
M. Jérôme Guedj. Eh oui, et voilà un an que ça dure !
M. Bruno Le Roux. Ces amendements sont tombés du ciel !
Mme Jacqueline Fraysse. … et, d’autre part, que cette attitude permanente d’obstruction, c’est votre façon, finalement, de mener le débat sur un sujet pourtant d’une très grande importance.
M. Jean-Frédéric Poisson. Il est vrai que vous ne nous aviez pas habitués à l’obstruction !
Mme Jacqueline Fraysse. C’est un comportement qui ne vous grandit pas et nous voterons contre cette motion de renvoi en commission…
M. Jean Leonetti. Et voilà, les communistes se mettent au garde-à-vous !
Mme Jacqueline Fraysse. … qui est un faux-semblant. Cette motion, je le répète, dénote une attitude lamentable d’obstruction sur un texte majeur. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, RRDP, écologiste et SRC. – « Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Marie-Christine Dalloz. L’opposition vous dérange !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Véran, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Olivier Véran. Après vingt-neuf longues, très longues minutes oscillant tantôt du côté de la pseudo-science, tantôt du côté du franc obscurantisme, je note que M. Gosselin a finalement craqué à la dernière minute et fait l’amalgame qui veut tout dire puisqu’il a établi un lien entre ce texte sur la recherche sur les cellules souches et la loi instaurant le mariage pour tous.
M. Jérôme Guedj. Eh oui !
Mme Valérie Boyer. Vous voulez nous faire changer de monde !
M. Olivier Véran. Si je comprends bien, mes chers collègues, le combat, puisqu’il s’agit bien d’un combat, que vous êtes en train de livrer au nom d’une certaine morale,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. Du calme, mes chers collègues !
M. Olivier Véran. …serait plus noble que l’impératif d’apporter des solutions aux souffrances des hommes, plus important que l’enjeu de sauver des vies, guérir des maladies génétiques, régénérer des cellules du cœur après un infarctus du myocarde.

Vous avez, monsieur Gosselin, utilisé une bonne vingtaine de fois le mot « éthique ». Le fait qu’aujourd’hui ce soit vous, militant contre la recherche,…
M. Philippe Gosselin. Contre une certaine recherche !
M. Olivier Véran. …qui vous référiez à l’éthique, constitue un paradoxe. L’éthique n’est pas la morale, monsieur Gosselin, elle est un raisonnement critique, objectif, qui permet la réalisation du bien par delà les dogmes moraux. L’éthique n’est pas la pensée dogmatique,…
M. Nicolas Dhuicq. Alors le socialisme n’est pas éthique !
M. Olivier Véran. …elle n’obéit pas à des devoirs mais répond à des besoins jugés nécessaires au bonheur de tous. Cette référence que vous faites à l’éthique est aussi outrancière que paradoxale. Cessez donc de cacher vos dogmes derrière l’étendard de l’éthique, cessez d’ailleurs d’invoquer l’éthique que vous faites la gardienne par excellence de votre croisade morale.
M. Christian Paul. Excellent !
M. Olivier Véran. Quant à l’éthique, que nous dit-elle ? Vous l’avez rappelé vous-même lorsque vous avez parlé de barrière symbolique. Le Comité consultatif national d’éthique l’a indiqué en 2001 : nous pouvons aller vers un régime d’autorisation encadré de la recherche permise sur les seuls embryons surnuméraires, c’est-à-dire précisément un avis conforme au présent texte. Saisi une nouvelle fois en 2010,…
M. Jean-Frédéric Poisson. Doit-on vous rappeler que ledit Comité n’est pas le Parlement ?
M. Olivier Véran. …vous l’avez rappelé également, le conseil précise qu’on ne protège pas l’embryon de la destruction en interdisant la recherche. Assumez donc vos postulats moraux, mes chers collègues, en tant que ce qu’ils sont réellement, à savoir non des considérations éthiques mais des dogmes.
M. Philippe Gosselin. Ça vous va bien de tenir ce genre de propos !
M. Olivier Véran. Je citerai un chercheur de l’AFM-Téléthon : « Si ces enfants ont la force de combattre leur maladie, je me dois d’avoir la force de chercher un moyen de les aider. » La France, mes chers collègues, a déjà pris un retard considérable en matière de recherche cellulaire. Ne grevons pas davantage les chances de progrès médical ; revenons-en à des considérations rationnelles, laïques, scientifiques et éthiques.

Le groupe SRC appelle à rejeter la motion et à voter pour de bon cette très belle proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe de l’de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Valérie Boyer. Si l’on avait un doute sur la nécessité de renvoyer ce texte en commission, vous nous l’avez ôté.
M. Jean Leonetti. C’est vrai !
Mme Valérie Boyer. Vous considérez donc nos positions comme particulièrement outrancières, paradoxales ! C’est votre vision de l’éthique. Nous considérons pour notre part que l’embryon est porteur d’avenir, qu’il est une personne humaine en devenir, comme le dit d’ailleurs le comité national d’éthique ; ce n’est pas un amas de cellules,…
M. Gérard Sebaoun. Si, c’est un amas de cellules !
Mme Valérie Boyer. … ce n’est pas ce que vous voulez en faire.

Nous sommes ici en tant que législateurs pour respecter les plus fragiles. Il faut que nous soyons dignes, dignes de notre rôle de législateurs et nous ne devons pas céder aux sirènes de l’industrie et de la finance comme vous le faites. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Vous avancez masqués, avec un faux-nez. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. Veuillez écouter l’oratrice, je vous prie !
Mme Valérie Boyer. Ce n’est pas moi qui l’affirme et vous le savez parfaitement ! Vous voulez rendre notre pays plus attractif pour l’industrie et la recherche sur l’embryon. Vous voulez qu’on change de monde. C’est ce que vous êtes en train de faire et c’est particulièrement scandaleux. Je suis choquée.

Vous considérez que ce texte est important. Or, non seulement Mme la ministre tient des propos provocateurs mais, au moment de défendre le texte, elle se contente de dire que son avis est le même que celui du rapporteur. Je ne comprends pas.

Quant à vous, monsieur Véran, quand vous nous dites que notre vision est outrancière et paradoxale, d’abord cela ne veut rien dire…
M. Jean-Luc Laurent. Mais si ! C’est juste !
Mme Valérie Boyer. … et surtout, permettez-moi de vous renvoyer à vos classiques : vous n’avez lu ni Spinoza, ni Heidegger, ni Hannah Arendt ! (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bruno Le Roux. Vous prenez des risques, là !
Mme Valérie Boyer. Et que dire de la façon dont vous vous exprimez ! Au lieu de rassembler, au lieu d’essayer de nous convaincre, vous faites uniquement de la provocation ! Ce n’est pas ce que nous attendons sur ce genre de texte ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues ! Il faut s’écouter, c’est un minimum !
Mme Valérie Boyer. Vous légiférez, vous organisez et vous promettez aux Français le « meilleur des mondes », mais en réalité vous prévoyez le pire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Parfaitement ! Vous prévoyez le pire pour notre pays, qui était jusqu’à présent considéré comme une référence, justement parce qu’il dispose d’un Conseil national d’éthique et que nous avions prévu d’organiser des états généraux de la bioéthique. Vous passez outre tout cela ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
M. Luc Belot. Votre temps est écoulé !
Mme la présidente. Merci de bien vouloir conclure.
Mme Valérie Boyer. Vous passez outre la parole du peuple ! (Mêmes mouvements.) Cela vous fait rire, mais cela ne fait pas rire les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Mme Laurence Dumont. Cela ne nous fait pas rire, cela nous afflige.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
M. Jean-Christophe Fromantin. Notre débat n’est pas scientifique : nous ne sommes pas ici pour avoir un débat de fond sur la science…
M. Christian Paul. C’est sûr !
M. Jean-Christophe Fromantin. … mais pour avoir un débat politique. Il appartient donc à chacun d’entre nous de prendre ses responsabilités, en conscience et en accord avec ses convictions.
M. Christian Paul. D’où la présence de votre groupe au complet !
M. Bruno Le Roux. C’est un moment de solitude pour vous !
M. Jean-Christophe Fromantin. Acceptez donc, chers collègues, que chacun s’exprime en confiance, fort de ses convictions, sur un sujet comme celui-ci, et cessez de rire à chaque fois que l’un d’entre nous parle d’éthique, comme notre collègue Philippe Gosselin l’a fait à l’instant, en défendant sa motion de renvoi en commission

Pour moi, la politique, c’est la responsabilité, et ce texte nous renvoie justement à nos responsabilités. Or le Gouvernement n’assume pas les siennes, lorsqu’il nous fait certaines propositions. C’est le cas, premièrement, lorsqu’il propose de substituer à la décision et à l’autorisation des ministres celles de l’Agence de biomédecine. Sur un sujet comme celui-ci, il y a une responsabilité politique. Pourquoi la nier ? Pourquoi l’abdiquer ? Pourquoi démissionner, en enlevant aux membres du Gouvernement cette responsabilité dérogatoire, que la loi leur reconnaissait jusqu’à présent ?

Il y a, deuxièmement, une responsabilité vis-à-vis des familles. Celles-ci, on l’a dit, ne sont plus informées, non pas qu’il va être fait usage des embryons, mais de la nature des recherches qui seront faites sur eux.
M. Gérard Sebaoun. N’importe quoi !
M. Jean-Christophe Fromantin. Ce manque d’information, inscrit dans la loi, est une négation de la responsabilité de chacun.

Troisième manquement à nos responsabilités : les formes éthiques de recherche régénératrice ne seront plus privilégiées. En ce domaine aussi, cela a été dit, il est de notre responsabilité d’essayer de privilégier des formes éthiques, au détriment de la facilité, à laquelle ce texte nous encourage.

Enfin, élément essentiel de ce texte, les décisions de l’Agence de biomédecine ne seront plus motivées. Motiver le pourquoi, motiver les raisons, motiver les décisions : voilà une exigence qui devrait interpeller notre responsabilité politique.

Pour toutes ces raisons, je voterai pour cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.
M. François de Rugy. Je vous ai écouté, monsieur Gosselin, après M. Leonetti, et je dois dire que j’ai trouvé vos arguments bien faibles.
Mme Marie-Christine Dalloz. Pas nous !
Mme Valérie Boyer. Vous l’avez mal écouté !
M. François de Rugy. Vous nous avez dit que la raison pour laquelle il ne fallait pas changer la loi de bioéthique de 2011, c’est que son encre était à peine sèche – c’est l’expression que vous avez employée ! Vous étiez déjà député, comme moi, en 2011, et vous vous souvenez donc des débats qui ont eu lieu à l’époque. Vous vous rappelez que nous autres, qui étions alors députés de l’opposition, nous nous étions engagés à revenir sur les blocages que vous avez alors institués, notamment sur cette question, mais aussi sur la fin de vie, ou encore sur d’autres questions très concrètes, comme le don d’organes.
M. Jean Leonetti. Que fallait-il faire, sur le don d’organes, que nous n’avons pas fait ?
M. François de Rugy. Je me souviens d’un débat très intéressant, au cours duquel le ministre de l’époque, Xavier Bertrand, qui était d’accord avec nous, avait dû affronter le conservatisme de votre majorité d’alors.
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est terrible !
M. François de Rugy. Eh bien, nous tenons parole : nous avions dit que nous y reviendrions, et nous y revenons. Nous avons été élus pour cela.

Monsieur Gosselin, vous avez dit que nous n’avions pas suffisamment débattu et vous avez essayé de nous opposer des arguments d’une haute tenue : vous avez parlé de l’heure du débat, du délai de dépôt des amendements, de la session extraordinaire, de l’heure qui avait changé. Mais vous avez oublié de dire, pour celles et ceux qui nous suivraient de près, que c’est vous qui avez tout fait pour que l’on débatte de ce sujet à une heure du matin. Vous avez tout fait pour retarder nos débats de cet après-midi, sur un texte qui ne vous intéressait absolument pas.
Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas nous qui avons lu trois fois le texte du Comité national d’éthique et deux fois le discours de la ministre !
M. François de Rugy. Plus sérieusement, monsieur Gosselin, vous avez employé des arguments qui méritent qu’on s’y attarde et qu’on les souligne. Vous avez parlé de « personne humaine » au sujet d’un embryon de moins de huit semaines. En vérité, – tout le monde le sait très bien – vous n’avez pas voulu le dire, mais vous voulez rouvrir des vieux débats, comme celui sur l’interruption volontaire de grossesse.
M. Jérôme Guedj. Il en a parlé, d’ailleurs !
M. François de Rugy. Tout le monde le comprend bien, quand vous employez des expressions pareilles ! Et Mme Boyer vient de faire la même chose après vous, en parlant d’une « personne en devenir » au sujet d’un embryon de moins de huit semaines. Elle a même parlé d’une personne fragile qu’il faut protéger ! C’est clair, c’est net : vous voulez rouvrir le débat sur l’interruption volontaire de grossesse.
M. Philippe Gosselin. Il n’en a été question à aucun moment.
M. François de Rugy. Vous voulez rouvrir ces vieux débats et faire reculer notre législation.

Monsieur Gosselin, vous nous avez taxé d’idéologie et de dogmatisme, mais vous n’avez pas explicité vos propos. Moi, j’ai le sentiment que l’idéologie et le dogmatisme sont de votre côté. M. Leonetti a fait une allusion au pape : quel besoin avait-il de faire cela ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Que venait faire le pape dans ce débat, pouvez-vous me le dire ?

Je vais conclure ici, madame la présidente. Nous avons eu, la semaine dernière, le débat sur le cumul des mandats, et la semaine précédente celui sur la transparence, au cours desquels vous nous avez fait de longues litanies sur les députés hors-sol. Eh bien, en vous entendant, monsieur Gosselin, monsieur Leonetti, j’ai vraiment eu l’impression d’être face à des députés hors-sol. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce que Mme Orliac et nos collègues du groupe RRDP ont voulu poser, ce sont des questions concrètes : le soin des maladies neurodégénératives, la situation des Françaises et des Français qui sont atteints de la maladie d’Alzheimer et qui attendent des recherches et des résultats (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP - Exclamations sur les bancs du groupe UMP) c’est la vie des personnes qui sont atteintes à la moelle épinière, de celles qui ont des cellules atteintes et qui attendent des résultats.
M. Philippe Gosselin. C’est un odieux chantage ! C’est malhonnête !
M. François de Rugy. C’est pourquoi nous voulons continuer le débat, et nous rejetterons votre motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Leonetti, pour un rappel au règlement.
M. Jean Leonetti. Les propos qui viennent d’être tenus, le fait que la ministre n’ait pas daigné répondre à une motion présentée par l’opposition…
M. Patrick Hetzel. C’est très grave ! Mais elle n’a peut-être rien à dire !
Mme Jacqueline Fraysse. Elle a beaucoup de patience, la ministre !
M. Jean Leonetti. … le fait que le clivage et la caricature soient la règle, à l’exception de quelques orateurs – et je remercie M. Schwartzenberg de ses propos équilibrés et modérés –, tout cela montre que vous avez décidé de passer en force

Nous allons vous dire les choses très simplement : vous ne respectez pas la loi dont nous nous sommes dotés ensemble. Nous avions dit que nous demanderions son avis au Comité national d’éthique, et vous ne voulez pas le faire, pour la simple et bonne raison que vous avez peur de son avis.
M. Denys Robiliard. On l’a déjà fait !
M. Jean Leonetti. Nous avons dit que nous voulions un débat citoyen, comme la loi l’implique, et vous avez dit que vous n’en vouliez pas, parce que vous avez peur du peuple.

Madame la ministre, dans votre mutisme et dans vos arguments lus à l’ensemble de la représentation nationale, il y a un mépris profond. Vous avez choisi une optique et vous nous dite que, puisque les scientifiques la veulent, vous allez nous l’imposer.
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Vous oubliez les patients et les familles.
M. Jean Leonetti. Votre manière d’aborder ce débat éthique, sans essayer de l’approfondir, sans écouter la diversité des points de vue, sans entrer dans la complexité du sujet et sans être habitée par le moindre doute, avec l’idée que vous êtes de toute façon du côté du bien et nous du côté du mal, que vous êtes du côté de la science et nous du côté de la morale, c’est une vision caricaturale, qui me paraît inacceptable dans un débat de ce type.
M. Patrick Hetzel. Très juste !
M. Jean Leonetti. J’espère que demain, vous nous ferez l’honneur de bien vouloir répondre de manière argumentée à nos propositions, parce qu’il s’agit d’un débat éthique, et pas du passage en force d’un Gouvernement qui, n’ayant pas su présenter lui-même un projet de loi, profite de la proposition de loi d’un groupe minoritaire de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Suite de la proposition de loi tendant à modifier la loi relative à la bioéthique en autorisant, sous certaines conditions, la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 11 juillet 2013 à une heure dix minutes.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séancede l’Assemblée nationaleNicolas Véron

fin de l'extrait
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ndlr : à suivre -  dans notre prochain éditorial nous publions en extrait la séance du Jeudi 11 Juillet 2013

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