Éditorial de lucienne magalie pons
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LA CLASSE DIRIGEANTE DES ETATS-VASSAUX
Quatre lettres ouvertes à M. Jacques Myard, Député de la nation, Président du Cercle Nation et République
Quatre lettres ouvertes à M. Jacques Myard, Député de la nation, Président du Cercle Nation et République
I
Qu'est-ce
qu'une nation ?
1 - Comment comprendre la France ?
2 - Quelle est l'armature cérébrale de la droite française ?
3 - Une physique de l'esprit
4 - La politique du langage et la psychophysiologie de l'histoire du monde
5 - Le roi et ses courtisans
6 - L'Europe, la France et la raison politique mondiale
7 - Une solitude entre chien et loup
2 - Quelle est l'armature cérébrale de la droite française ?
3 - Une physique de l'esprit
4 - La politique du langage et la psychophysiologie de l'histoire du monde
5 - Le roi et ses courtisans
6 - L'Europe, la France et la raison politique mondiale
7 - Une solitude entre chien et loup
M. le Député, permettez-moi de commencer la rédaction de ces lettres
ouvertes à votre adresse par un appel respectueux à votre patriotisme: la
nation de Descartes vous demande d'approfondir la portée proprement
philosophique de votre vocation politique.
Qu'est-ce qu'un député de la nation, donc d'un peuple souverain? Il y a
trois mois, votre initiative d'entraîner vaillamment jusqu'à Damas une
délégation d'une quinzaine d'élus formés à l'école de votre courage, puis, plus
récemment, votre vol intrépide jusqu'à Moscou, me semblent d'une signification
politique à approfondir et à expliciter en long et en large, tellement votre
action illustre l'embarras intellectuel compréhensible et l'ambition légitime
des représentants les plus éclairés de la République, donc des plus inquiets.
Car de nombreux députés s'interrogent, non sans désarroi, sur les
responsabilités internationales réelles ou seulement formelles qu'il incombe à
la classe dirigeante d'aujourd'hui d'exercer.
Quelle est la capacité des mandataires assermentés d'un peuple censé se
piloter lui-même, de graver l'empreinte de sa réflexion sur la planète tout
entière, et cela à l'heure tardive, où l'échiquier qu'on appelle le globe
terrestre se place au cœur des politiques nationales? Vous avez soulevé la
question de la nature et du poids des relations que les peuples proclamés les
rois de la mappemonde depuis plus de deux siècles entretiennent réellement avec
les phalanges sommitales du concept de démocratie, donc avec leurs guides,
pilotes, conseillers, meneurs ou chefs de file.
Le suffrage universel a-t-il jamais compté dans la conduite effective des
Républiques? Qu'attendre de la compétence ou de l'incompétence des corps
électoraux? Ne sont-ils pas demeurés poussifs et aveugles sur la scène de
l'histoire universelle? Les obstacles pratiques que rencontre la sagesse si
généreusement attribuée aux masses électorales depuis 1789 sont tellement
nouveaux et focaux qu'une brève rétrospective de leurs avatars sur cet
échiquier gigantesque est devenue nécessaire à une réflexion anthropologique de
fond sur une histoire des démocraties dont les yeux se seraient dessillés et
qui se fonderait sur une connaissance iconoclaste au besoin, de la
psychobiologie des peuples de l'Antiquité à nos jours.
C'est dire que si votre parti, tout récemment rebaptisé "Les
Républicains", ne se dotait pas de l'assiette d'une intelligence
prospective de l'histoire du cerveau de la France et d'une interprétation
résolument anthropologique du destin cérébral de notre nation sur la scène
internationale, vous manqueriez d'un discours philosophique réellement
heuristique et qui nous expliquerait clairement les relations ambigües, donc
faussées, que l'Europe actuelle entretient avec la Russie et avec l'Amérique.
Il nous faut donc tenter de conquérir une connaissance rationnelle des
vrais enjeux de la géopolitique de notre temps, donc nous armer d'une analyse
des fondements psychogénétiques qui sous-tendent les empires d'un XXIe siècle
redevenu parareligieux. Alors seulement, le parti des "Républicains"
deviendrait, aux yeux des historiens de la vie mythologique des peuples, le
premier parti qui aurait compris le véritable sens du mot République, c'est-à-dire de la double
nature de la cuirasse cérébrale et du rêve que ce type d'Etat voudrait
incarner.
Je m'explique: lorsque les rois de France ont tenté de faire valoir les
droits concrets attachés aux Etats immergés dans le temporel, alors que le
Vatican était tenu pour le seul garant des esprits célestifiés dès le berceau,
les monarchies ne pouvaient se permettre de contester la légitimité absolue,
donc exclusive, de l'interprétation cosmologique de l'univers que l'Eglise
présentait depuis des siècles à un genre humain demeuré dans les langes. La
conscience morale était encore viscéralement religieuse et seul le sacré
portait la tiare d'une universalité légitimée. L'humanité tout entière se
trouvait donc conduite d'une main ferme à goûter sur cette terre les prémices
des bienfaits de l'immortalité future dont elle se couronnait d'avance.
Aussi l'Eglise se définissait-elle comme le corps physique - mais dûment
substantifié à ce titre - d'un Christ dont l'incarnation présentait un sûr
avant-goût des félicités posthumes que le Créateur réservait à notre espèce. Un
homme-dieu marchait à grands pas dans l'histoire du monde, celle qui se
révélait vérifiable la plume à la main. C'est pourquoi Louis XIV et Louis XV
ont emprunté le seul chemin demeuré ouvert à une politique séculière, celle
d'un gallicanisme rattaché à la théologie physiciste des chrétiens : les rois de
France se trouveraient validés à leur tour par les enjambées du ciel de
l'endroit, donc par la volonté expresse du géniteur du cosmos de guider sa
créature parmi les récifs du temporel.
Il s'agissait donc seulement d'accorder entre elles deux sacralités concomitantes
et proclamées étroitement solidaires. Aussi Bossuet prêchait-il que, depuis
Clovis, la divinité avait prévu le règne de nos dynasties conjointes,
complémentaires et qui se succèderaient selon un plan concerté du démiurge: il
fallait veiller à la continuité effective et de génération en génération des
rois numérisés de là-haut. L'Eglise, la royauté et toute la noblesse se
partageaient le sang bleu et lisaient ensemble le livre de bord du fils de Dieu
en personne.
Au G7 d'Elmau, la Chancelière Angela Merkel, fille d'un pasteur luthérien,
avait tenté d'emprunter la voie du sacré chrétien le plus classique, celui dont
elle était censée partager la stratégie avec le nouveau maître de la conscience
universelle, le Président des Etats-Unis d'Amérique. Il était incontestable, disait-elle,
que l'empire américain exerçait désormais une hégémonie spirituelle mondiale et
que, par conséquent Washington fît légitimement régner son aristocratie
parareligieuse sur toute la terre habitée - et cela au nom du salut planétarisé
dont les grâces démocratiques allaient combler le monde moderne à perpétuité.
Seul le mythe de la Liberté
démocratique véhiculait la parole de l'éternité et le sceptre nouveau du
salut et de la délivrance d'ici bas.
A ce titre, il était immanquable que le G7 fût réservé aux sept apôtres
principaux de la démocratie mondiale
des élus. La foi se trouvait unifiée à l'école d'une orthodoxie, et le cénacle
des infaillibles vouait aux gémonies une Russie proclamée coupable d'une
hérésie pécheresse, donc frappée d'une malédiction doctrinale évidente aux yeux
du nouveau tribunal de Dieu. Moscou avait profané les saintes hosties d'une vérité évangélico-démocratique placée
sous les ordres d'un Vatican plus inspiré d'en-haut que jamais - celui d'une Liberté désormais mise en scène par le
seul mythe démocratique.
Dans ces conditions, comment défendre le gallicanisme européen, sinon par
le biais de la validation du monopole de la théologie de la damnation et du
rachat contemporains? Il fallait tenter de défendre les droits propres d'une
nouvelle Rome, celle d'un univers placé à jamais sous la férule exclusive d'une
démocratie mondialisée et s'efforcer de bâtir sur les cinq continents les
Eglises d'un régime politique idéalisé, donc censé être devenu intemporel
précisément à ce titre - donc assermenté pour la glorification de son concept.
Mais comment faire régner cette hostie vocalisée au bénéfice solitaire de
Washington? La Liberté démocratique serait déclarée commune à l'Europe et à
l'Amérique. Du coup, le Beau, le Bien et le Juste reposeraient sur les fonts
baptismaux de l'homme sacralisé à l'écoute des avocats de l'universaliuté de
l'empire américain.
Pourquoi le solipsisme démocratique était-il nécessairement voué à l'échec
politique? Parce qu'il se révèlera bien incapable de jamais théologiser, donc
de jamais cadenasser d'une orthodoxie définitive, une présence physique
passagère, c'est-à-dire vassalisatrice par nature et par définition - et cela
soixante-dix ans après 1945 - la présence, dis-je, de cinq cents bases
militaires américaines armées jusqu'à la gueule sur tout le territoire de
l'Europe. Le manichéisme d'un continent asservi à un maître étranger et réduit
à tolérer l'implantation sur son sol d'un conquérant en armes ne répond que
partiellement au modèle d'esclavage par la sanctification des esclaves dont
Rome elle-même ne pouvait se réclamer que partiellement - le modèle de
l'autorité qui permettait au Saint Siège de désigner solitairement ses serviteurs
les plus expérimentés, donc ses hommes-liges les plus dévoués et de les placer
souverainement à la tête de tous les diocèses du monde contrecarrait les rois
du temporel.
L'Eglise régnait par l'interposition de son corps sacerdotal assermenté,
qu'elle glissait ouvertement entre les souverains les plus puissants du
temporel et leurs peuples convertis à les adorer dans l'humilité. L'Amérique,
elle, n'a pas d'autre Eglise à mettre exclusivement à son service que celle de
ses "jeunes chefs",
dont elle introduit le coin en Europe; mais ce clergé demeure vacillant, parce
qu'il est jugé traître aux patries et se démasque fatalement à ce titre.
Comment se donner des allures de maître de maison quand la presse peut
écrire: "Le sommet du G7 avait à peine commencé que déjà Barack Obama
livrait les grandes lignes du communiqué final. Il nous donnait le format réel
du raout bavarois. Il passait du G7 au G1. Les six autres États ne
bénéficiaient que de strapontins à la table du patron. Les six eurent droit à
la même suffisance d'un golfeur parvenu à l'endroit de son caddy."
Comment jouer du moins les commensaux respectueux quand la presse peut
écrire: "En 1975, Giscard d'Estaing concevait le G6 comme un espace de
discussions franches, sans protocole et en toute décontraction. Avec la sortie
de la Russie du G8, seule nation à s'opposer, le format a été réduit à celui du
G1 avec six auditeurs attentifs. Nous ne sommes plus dans la discussion, mais
dans la prise de notes sous la dictée d'Obama."
Comment ne pas se révéler seulement le majordome de la cérémonie quand la
presse peut écrire: "Négligeant le tort causé par les sanctions à
l'Europe, le président des USA, moderne docteur Diafoirus, a su rester ferme.
Peu importe les conséquences des saignées ou des purges, celles-ci doivent être
faites. Si l'Europe en crève, ce ne sera pas de la faute du médecin, mais de
celle du manque de rigueur dans l'application des traitements. Les sanctions
russes, c'est dur pour vous, mais c'est pour votre bien futur, et surtout pour
le mien présent." (Ronald Zonca, La Russie et la triste farce des
sanctions )
C'est sans seulement s'en douter que Mme Merkel s'est livrée à Elmau au jeu
suicidaire de ce double attelage des esprits et des corps. Elle ne savait pas,
semble-t-il, ce que tout le monde voyait clair comme le jour, à savoir que si
elle feignait d'ignorer la présence perpétuelle de deux cents camps militaires
américains armés jusqu'aux dents sur le territoire de son pays et si elle
proclamait démocratique, donc séraphique, l'occupation militaire aussi résolue
qu'inexorable de sa patrie, c'était seulement en vertu, si je puis dire, d'une
soumission constitutionnalisée et qui ne saurait cacher éternellement son
illégitimité viscérale sous le masque de l'évangélisme pseudo démocratique des
modernes. Mettez le mythe de la Liberté entre les mains d'un maître, ce dernier
ne se donnera jamais que des serviteurs de sa propre couronne.
C'est pourquoi, M. le Député, si votre parti perdait le courage d'observer
la déchirure qui crève les yeux entre l'étoffe théologique de la sainteté
démocratique, d'un côté et l'histoire du monde réel de l'autre, votre
gallicanisme amputé de sa logique vous réduirait de force à assumer la
contradiction radicale de légitimer la présence en Europe - et à titre perpétuel
- de troupes américaines de Ramstein à Syracuse et de Naples au Kosovo. Mais
vous ne parviendriez pas à faire triompher à l'école de son propre Verbe une
stratégie de l'asservissement pseudo-démocratisé et en acier trempé - et cela,
parce qu'il s'agit du même défaussement théologique, donc du même alibi de la
piété qui permettait à Rome de valider son occupation du monde à titre
constitutionnel. Comment légitimer par ce type de défaussement sacerdotal la
présence physico-spirituelle d'une puissance étrangère dans notre jardin?
Vous savez que le traité de Lisbonne vous commandera fatalement et très
bientôt de donner vigoureusement rendez-vous à la France souveraine et de
l'apostropher en ces termes: "Qu'en est-il de la culpabilité de toute
la classe politique européenne?" M. le député de la nation, c'est la
crainte du futur verdict de la Haute Cour de Justice qui effraie d'ores et
déjà, mais encore en secret, les dirigeants des platebandes de la gauche et de
la droite françaises : la crainte, dis-je, de voir soulevée par un peuple
proclamé souverain la question qui a conduit à la vassalisation subreptice de
l'Europe et à la trahison de ses élites par le biais de ses Constitutions
elles-mêmes - car seul ce coup de force a permis de violer l'âme et l'esprit de
leur Constitution.
Mais, me direz-vous, depuis 1966, la France n'est plus occupée par les
forces armées d'un empire étranger. Certes, elle a ratifié l'asservissement
constitutionnel de toute l'Europe des nations à l'ange Gabriel de la démocratie
mondiale, mais seulement sur le papier; car elle s'est bien gardée de
s'appliquer physiquement ce garrot. La "spiritualité démocratique" de
la France ne repose que sur le Verbe séraphique de la Liberté, et demeure toute
sacramentelle. Il n'appartient qu'aux Etats immergés dans le temporel de se
partager cinq cents bases bien réelles de l'étranger sur leur territoire.
M. le Député, ruez-vous dans la brèche immense ouverte entre le réel et le
vaporeux, armez la République souveraine d'une critique du sacré de type
démocratique - sinon, vous n'aurez pas de géopolitique des vassalisations
auréolées par leur langage et vous n'accèderez pas à une connaissance pensante
du fondement psychogénétique de la souveraineté des nations vaincues. Qu'en
est-il du faux ciel des peuples terrassés par leurs idéalités?
Alors, le parti des "Républicains" et votre propre parti
passeront seulement, aux yeux des historiens du cerveau des civilisations, pour
un symbole du naufrage de la lucidité politique de toute l'Europe
d'aujourd'hui. Evitez la pusillanimité intellectuelle des décadences. Si cette
civilisation décérébrée devait son sauvetage politique au courage propre à la
philosophie et à elle seule, donc au cerveau cartésien de la France, quel gage
de notre résurrection que votre solitude de précurseur de la liberté d'un
continent!
Vous savez, M. le Député, que la parole de vérité est rarement pesée sur la
balance de la pensée, mais seulement déposée sur les plateaux de la politique.
Il est donc nécessaire que l'homme d'action ait les coudées suffisamment
franches pour se désengluer des soucis de carrière qui s'attachent à sa
vocation propre, nécessaire, dis-je, qu'il consacre le temps indispensable à
l'accomplissement de son vrai devoir, celui de peser le vrai et le faux à
l'écoute des verdicts de la raison.
Vous avez atteint à la fois l'âge de la seule liberté souveraine, celle de
la réflexion et celui de la maturité dans l'action. Celle-ci exige
l'introduction, loin des feux dévorants de l'actualité, d'une véritable
anthropologie critique - et cela aussi bien à l'usage de la science historique
d'aujourd'hui qu'à celui de la géopolitique. Ce sera l'objet de ma lettre
ouverte de la semaine prochaine.
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