Éditorial de lucienne magalie pons
Nous venons de recevoir de la part de l'académie de Géopolitique de Paris le compte-rendu général du Colloque international -Le Yémen en Guerre - qui s'est déroulé à la Sorbonne -le Mercredi 17 Juin 2015, sur le thème " LE YEMEN EN GUERRE "."Le Yemen en Guerre".
C'est dans cet état de sous information navrante que notre directrice de rédaction est arrivée pour assister à ce colloque et qu'elle s'est montrée particulièrement attentive aux interventions qui ont été faites, toutes riches d'enseignements, en raison de la qualité et la diversité disciplinaires des intervenants et qu'elle se félicite aujourd'hui d'avoir comblé - au moins dans son degré de compréhension -, son désir d'information sur les origines et les causes historiques et actuelles de la guerre au Yemen.
En effet c'est un travail considérable de recherche, d'étude, de réflexion et d'analyse, que les intervenants, académiciens, universitaires, militaires, journalistes , et chercheurs spécialisés , sont intervenus chacun dans sa discipline pour nous exposer chacun leur analyse approfondie sur ce sujet au cours de plus de cinq heures d'interventions et de débats.
Que savions nous sur la Guerre au Yémen en arrivant à ce colloque ? .. peut de choses à vrai dire à part quelques informations générales et banalisées, non approfondies, diffusées par nos médias occidentaux avec certaines réticences, sur la situation politique
ce pays notamment sur les circonstances assez floues de la
disparition , puis de la réapparition du
président de ce pays , dont la légitimé
est contesté par certains, et puis à partir du 26 mars nous lisions et suivions la
progression de l’intervention et de l’agression de l’Arabie Saoudite contre le Yémen en vue de rétablir le
Président et les conséquences de ces
agressions qui ont fait de nombreuses victimes et destructions, mais sans que les médias aillent au fond des choses.
Nous savions aussi, d’après les informations à « petite dose »
des médias occidentaux , que cette
intervention de l’Arabie Saoudite contre le
Yemen, en déclenchant
des frappes aériennes meurtrières sur le Yémen -, sans l’autorisation d’aucune
organisation internationale-, dans ce pays membre de
l’ONU en proie à des troubles très
graves internes, pouvait porter atteinte à deux principes de droit international public
, celui de la non-ingérence et du non recours à la force dans les relations
internationales, et qu’elle pouvait
poser des questions de légitimité
parce nous d’après le « flou » des informations,
nous n’arrivions pas à comprendre si l’Arabie Saoudite avait pris seule cette décision d’intervenir , ou
bien si c’était à la demande du
Président du Yémen, dont la légitimité des fonctions est en cause dans son pays, ou
bien encore à la demande secrète d’un État étranger, puissant sur la scène international,
qui aurait peut-être incité dans cette entreprise l’Arabie Saoudite avec laquelle il est lié
par des accords économiques.
C'est dans cet état de sous information navrante que notre directrice de rédaction est arrivée pour assister à ce colloque et qu'elle s'est montrée particulièrement attentive aux interventions qui ont été faites, toutes riches d'enseignements, en raison de la qualité et la diversité disciplinaires des intervenants et qu'elle se félicite aujourd'hui d'avoir comblé - au moins dans son degré de compréhension -, son désir d'information sur les origines et les causes historiques et actuelles de la guerre au Yemen.
En effet c'est un travail considérable de recherche, d'étude, de réflexion et d'analyse, que les intervenants, académiciens, universitaires, militaires, journalistes , et chercheurs spécialisés , sont intervenus chacun dans sa discipline pour nous exposer chacun leur analyse approfondie sur ce sujet au cours de plus de cinq heures d'interventions et de débats.
Dès à présent notre rédactrice de rédaction, remercie Monsieur Ali
RASTBEEN, président de l’Académie de Géopolitique de Paris de l'avoir comptée au nombre de ses invités, c'est un honneur qu'elle apprécie avec toute l'humilité d'une personne qui se trouve honorée d'être admise à un colloque d'une grande qualité où l'on peut non seulement s'informer mais aussi se cultiver en écoutant des intervenants qui maîtrisent à fond leur sujet, sans esprit partisan avec le seul souci et la générosité de faire connaître et partager leur savoir.
Voici ci - dessous à l'attention de lecteurs le compte rendu de ce colloque que nous avons copié/collé dès sa réception :
* copie du compte rendu de source "Académie de Géopolitique de Paris :
Académie de
Géopolitique de Paris
La Sorbonne - Mercred 17 juin 2015
Présentation :
Présentation :
Le Yémen subit une guerre effroyable qui
ne dit pas son nom. La majeure partie de l’Armée et de la population yéménites
subit actuellement les effets dévastateurs de bombardements de grande ampleur
et de toutes les retombées d’un embargo économique et stratégique. Le
rationnement en nourriture, médicaments et biens de première nécessité est une
réalité quotidienne pour les civils des grandes villes et des villages du pays.
Contre une espèce de censure autour de ces faits d’une extrême gravité ayant
provoqué de très nombreuses victimes, l'AGP reste fidèle à sa vocation d’animer
librement des débats aux thématiques actuelles inédites et originales. Les
travaux des meilleurs spécialistes sur l’opération en cours de déstabilisation
du Yémen dans le cadre d’une stratégie régionale de grande ampleur, ont été
sollicités. De même, la question du statut et de la légitimité de
l’intervention saoudienne et occidentale a pris toute sa place ainsi que les
nombreuses analyses géopolitiques sur l’implication réelle de nombreux acteurs
internationaux. Les caractéristiques particulières de cette agression, laquelle
a vu se constituer une coalition des pétromonarchies, ont été soulignées tout
comme l’aspect technique du recours manifeste à des armes de haute technologie
particulièrement destructrices. Comme à son habitude, l'AGP a fait le choix
d’une approche pluridisciplinaire et a bénéficié de l’expertise d’analystes en
pointe sur ce dossier sensible. Il a été nécessaire de se pencher sur la
déclinaison des forces en présence, Etats commanditaires, fondations de
financement et groupes terroristes, tel qu’Al Qaïda, ce qu'ont couvert
également les analyses pertinentes des nombreux spécialistes, universitaires,
personnalités, militaires, diplomates, journalistes, etc. qui ont participé à
ce colloque.
Monsieur Ali
RASTBEEN, président de l’Académie de Géopolitique de Paris (AGP), et
afin d’introduction s’est adressé à la salle.
Depuis le mois de mars de cette
année, le Yémen est transformé, en théâtre de combats sanglants qui ont déjà
causé de nombreuses victimes. Une guerre destructrice illicite est menée par
l'Arabie saoudite et ses alliés occidentaux et arabes contre son pays voisin,
certes pauvre, mais important d’un point de vue géopolitique, ce qui justifie à
leurs yeux de porter atteinte à son intégrité territoriale, d’y bafouer les
principes élémentaires des droits de l’homme et de donner une occasion en or à
la prolifération du terrorisme au sein de ce pays meurtri et même dans toute la
région.
En fait parmi les pays de la
Péninsule Arabique, le Yémen se distingue par plusieurs aspects importants.
Tout d’abord il occupe une position géographique stratégique, au carrefour de
trois continents : L’Asie, L’Afrique et L’Europe. Or les indicateurs de
développement sont préoccupants et le Yémen serait parmi les pays les plus
pauvres du monde tout en étant le deuxième pays arabe le plus peuplé de la
péninsule.
Toutefois le Yémen maintient par son
attitude politique, l’unique démocratie de la péninsule, permettant notamment
aux femmes de voter depuis 1970, droit alors inexistant dans les pays du Golfe.
Hélas plus tard dans l’année 1990,
le Yémen s’oppose à l’intervention militaire occidentale dans le Golfe, et
soutient officiellement Saddam Hussain : les conséquences socio-économiques
sont désastreuses pour ce petit pays déjà pauvre : quelques 900.000
Yéménites installés dans divers pays du Golfe sont refoulés sur leurs terres
d’origine. L’équilibre politique fragile est maintenant brisé, facilement
exploitable de l’extérieur. Il s’en suivit la guerre civile de 1994.
Avec Al-Qaïda installé fermement dès
les années 2000 au Yémen en y faisant sa base arrière centrale pour toute
la péninsule, depuis l’année 2001 ce pays fait aussi l’objet d’une attention
particulière de la part des Etats-Unis et de leurs alliés, notamment du fait
des attentats du 11 septembre 2001.
Ces éléments confondus par les
convoitises de l’Arabie Saoudite et de leurs alliés ont fourni les acteurs de
la révolution yéménite de 2011. Dont les buts étaient :
-
la chute du régime oligarchique oppressif d’une
famille unique,
-
la construction d’un état civil démocratique
-
adapter l’enseignement national aux besoins et
aspirations du peuple
-
une structure économique nationale n’écartant aucun
citoyen
-
une armée nationale moderne qui serve la nation
-
et garantir l’indépendance et l’impartialité du
pouvoir judiciaire.
L’attaque militaire récente par l’Arabie saoudite contre le Yémen suit
celles perpétrées en 2009 et 2010 et qui ont fait 1.600.000 victimes, et
abouti au retrait des troupes saoudiennes..
Cette guerre est devenue un cas de
figure à part, aucun principe ni valeur militaire international n’y trouve son
compte.
Si l'on examine la situation qui
prévalait, au Yémen, entre janvier et mars 2015, on observe que le mandat du
Président Mansour Hadi s'est achevé en février. Or, celui-ci démissionna de son
poste en janvier, avant de se réfugier à l’extérieur du pays : ce serait
alors un président contesté, démissionnaire et en exil qui aurait demandé une
intervention militaire étrangère … non pas à l’Organisation des nations unies
dont le Yémen est membre, mais à l’Arabie saoudite, pays répressif, en matière
de droits de l’homme et qui n’expose à ce jour aucun plan de paix clair
pouvant prendre le relais d’une intervention militaire.
De fait, beaucoup
d'incohérences sont relevées, dans la manière de laquelle le cas du Yémen a été
traité, singulièrement, par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui semble donner
quitus à ceux qui veulent remodeler [par la force] le Moyen-Orient.
Alors, avant d’analyser ce qui se
cache vraiment derrière cette guerre illégale au Yémen, qui ne promet que
d'autres bouleversements pour le monde arabe, il paraît clair, que le
dialogue inter-yéménite est le seul moyen de sortir de la crise et de
rétablir la paix et la stabilité: la formation d'un gouvernement d'unité
nationale est nécessaire pour représenter le Yémen par-devant les instances
internationales et sans aucune ingérence étrangère.
Alors dans tout ce chaos, il
convient de se demander où sont les instances international qui veillent à la
justice, à la liberté et à la paix, éléments indispensable à
la dignité humaine, au sein de toutes les nations ?
________________________/
Premier Panel
Modérateur : Ali Rastbeen, président de l'AGP
Monsieur le président
de l’AGP a alors modéré la Première Table Ronde, le premier intervenant étant le Général Henri PARIS, président de
Démocraties, qui a prononcé un discours sur DAESH,
Yémen et Moyen-Orient :
Au début des années 2010, le monde
arabe fut secoué par une série de troubles dont l’épicentre se situait en
Tunisie. De proche en proche, l’agitation gagna tous les pays arabes.
L’agitation a gagné, entre autres,
le Yémen où elle se doublait d’une guerre civile intertribale depuis une
trentaine d’années. Et comme il se doit, à cette guerre civile se mêlait une
intervention étrangère, tant des Américains que des Saoudiens prenant la tête
du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Cette intervention armée revêtait
l’aspect d’une première innovation car si les Saoudiens étaient déjà intervenus
militairement, c’était bien la première fois, qu’entraînant le CCG en tant que
tel, ils se lançaient dans une lutte armée massive, après leur intervention au
Bahrein qui, de fait, n’était qu’une opération minime de maintien de l’ordre,
un ordre troublé par une minorité chiite se drapant des couleurs de la
démocratie.
Le Yémen unifié offre une surface
sensiblement égale à celle de la France continentale. Il est peuplé de 26
millions d’habitants en 2012, égaux pour moitié entre sunnites chafistes et
chiites zaydites. L’immense majorité du pays est désertique. Cependant, les
ressources pétrolières sont prometteuses, découvertes datant des années 1980 et
attirant bien des convoitises. L’instabilité politique et économique chronique
du pays le conduit à être en guerre civile permanente. Aucune solution
n’apparaît. Le président Al-Saleh, pourtant zaïdiste, est détrôné à son tour,
au profit d’Al-Rabbo Mansour Hadi, zaïdiste lui aussi, au pouvoir donc en juin
2015, mais pour combien de temps ?
Les salafistes et les wahhabites
sont venus ajouter à la confusion par leurs interventions armées. APQA est venu
insérer une dose de confusion supplémentaire. Les houtis, du nom de leur
premier dirigeant, s’appuient sur les tribus chiites du sud de l’Arabie
saoudite et n’ont pas hésité à porter la guerre sur le territoire saoudien. De
fait, le pays est le théâtre d’une guerre par procuration entre Saoudiens et
Iraniens. Chacun des camps soutient matériellement les siens, notamment par des
envois d’armement. Les Américains, en soutien des Saoudiens et en opposition
aux Iraniens, ne sont pas en reste.
Cette région du globe offre
essentiellement l’intérêt, par la base et le port d’Aden, de commander le
détroit de Bab el Mandeb, avec Djibouti, c’est-à-dire les débouchés de la mer
Rouge.
Le Conseil de coopération du Golfe
(CCG) regroupe 6 pétromonarchies de la péninsule arabique : l’Arabie
saoudite, Oman, le Koweït, les Emirats arabes unis (EAU) Barheïn et le Qatar.
Cela représente 49 millions d’habitants en 2015, et beaucoup de pétrodollars.
Le Yémen, trop instable et
imprévisible, demeure écarté du CCG qui très exactement cherche à promouvoir et
contrôler la stabilité régionale. En revanche, une intervention militaire au
Yémen entrait parfaitement dans le cadre politique du CCG.
Le 2 juin 2015, la coalition des 22
Etats réunis contre Daech tient ses assises à Paris et met à nu les
contradictions qui surgissent à la suite de la défaite irakienne à Ramadi. Les
Américains sont les plus réticents, par ailleurs, en accord avec les Français
et les autres membres de la coalition, ils se refusent à envoyer des troupes au
sol. Ils se contentent de bombarder à outrance les positions de Daech.
L’imbroglio provoqué par Daech
n’est pas à la veille d’être levé, surtout au Yémen, si tout n’est pas fait
pour sauver ce petit pays d’importance géopolitique mondiale reconnue.
***
Ensuite, monsieur Alain CORVEZ, conseiller en stratégie internationale, a
présenté son étude sur Le Yémen. Erreur
stratégique de l'Arabie saoudite et faute contre le berceau de l'arabisme
Le 26 mars dernier, en déclenchant
des frappes aériennes meurtrières sur le Yémen, sans l’autorisation d’aucune
organisation internationale et même, selon toute vraisemblance, sans en référer
à son grand allié d’outre-atlantique, l’Arabie Saoudite a entamé une agression
contre un pays membre de l’ONU qui n’a déclenché aucune dénonciation du
viol du droit international dans le camp atlantique, alors que la Russie et la
Chine ont attiré l’attention du Secrétaire Général de l’ONU sur les dangers et
les drames que ces frappes aériennes décidées unilatéralement
provoquaient.
Les Etats-Unis, mis devant le fait
accompli, ont dû rapidement réagir en soutenant leur allié mais le général
Lloyd Austin, chef du commandement central à Washington, reconnaissait fin mars
qu’il ne connaissait pas les buts de guerre ni les cibles à atteindre. Depuis
le soutien américain se limite à du renseignement, faisant contre mauvaise
fortune, bon cœur, pour ne pas perdre la face. Il est clair qu’au moment où ils
sont prêts de signer un accord avec l’Iran, ils veulent, là encore, assurer
leurs alliés du Golfe, et sans doute aussi Israël, qu’ils ne les abandonnent
pas.
Mais tous les experts stratégiques
savent que ces frappes qui détruisent l’infrastructure d’un pays pauvre, tuant
des civils innocents , privant les populations des moyens élémentaires de
vivre, notamment de l’eau en détruisant des barrages, ne mèneront à rien et
qu’elles ne font que faciliter la tâche d’Al Qaïda qui avait été chassé de
nombreuses positions par les rebelles. La guerre que voudrait faire l’Arabie,
avec le soutien de ses alliés du GCC, pour remettre au pouvoir son protégé
qu’elle accueille chez elle, Abed Rabo mansour Hadi, ne peut être gagnée que
sur terre, ce qu’elle est incapable de faire. D’autant plus que des révoltes à
l’intérieur de ses frontières la menacent désormais.
Les rebelles Houthis alliés de
l’ancienne armée du Président Saleh, qui avait accepté de se retirer du
pouvoir, dans la foulée des révoltes arabes initiées en 2011, avec un
compromis politique, ont montré qu’ils savaient faire la guerre et possédaient
des chefs aux connaissances stratégiques sans commune mesure avec leurs
opposants. Les bombardements des provinces frontalières au sud de l’Arabie,
d’ailleurs historiquement contestées, qu’ils ont déclenchés en représailles aux
frappes aériennes sont efficaces et les seules frappes aériennes n’en viendront
pas à bout.
L’Arabie veut voir dans les Houthis
des chiites d’Iran, ce qui est totalement faux, mais elle reprend ainsi le
discours de Netanyahou à Washington, pour caricaturer son action comme une
défense des sunnites de la péninsule contre les ambitions iraniennes, alors que
ce conflit n’a rien à voir avec une rivalité religieuse.
Les négociations
engagées à Genève ont peu de chances d’aboutir à un accord tant que l’Arabie
restera sur sa position pourtant intenable longtemps, surtout si la situation
sur le terrain se détériore et si les Etats-Unis devaient les ramener à la
raison. Elle ne peut pas gagner cette guerre qui résulte des rivalités internes
à la famille royale et ne s’en sortira qu’humiliée mais après avoir commis des
crimes contre un pays qu’elle a agressé parce qu’elle se sent acculée du fait
de la distance prise par son grand allié depuis 1945. A partir du 30 juin, si
l’accord nucléaire avec l’Iran est signé, les forces en présence ne seront plus
les mêmes au Moyen-Orient.
***
Monsieur
Ugo FERACCI, Saint-Cyrien
et spécialiste dans la Défense Nucléaire biologique et chimique au sein de
l’Armée de Terre, a alors exposé son appréciation de La Guerre
au Yémen, quelles en sont les véritables causes ?
Un grand
nombre d’informations relayées par les médias sont depuis quelques mois
disponibles sur le Yémen. Le Yémen, qui n’avait fait parler de lui
qu’épisodiquement ces dernières années - souvent à l’évocation d’Oussama ben
Laden - est plus que jamais en 2015 au centre des attentions. En effet, une
guerre se déroule sur le sol Yéménite et ses implications sont pour le moins
complexes et inquiétantes. Quelles sont les véritables causes de cette
guerre ? C’est à cette question qu’il semble primordial de pouvoir
répondre.
S’il s’avère
possible de déterminer avec précision et subtilité les causes de ce conflit,
alors, anticiper ses conséquences sur la région et sur les relations
internationales sera peut-être un peu moins hasardeux.
L’objet de
cet exposé est donc de tenter de réduire l’incertitude et le brouillard
dérobant à nos yeux l’avenir à court et moyen terme du Yémen. Premièrement, une
analyse de l’espace, tant physique que civilisationnel, sera l’occasion de
présenter les disparités Nord/Sud du Yémen. Dans un deuxième temps, le chemin
vers l’islamisation du Yémen qui n’interviendra qu’au IXème siècle, est un pan
de l’histoire complexe et structurant qu’il s’agira d’aborder.
On
découvrira alors les relations particulières entretenues avec la Perse, ou bien
encore les turbulences économiques traversées par un pays riche. Le chiisme
fait l’objet d’un troisième développement afin de couvrir la période allant
de 897 à 1839. Durant cette partie, c’est l’évolution du Yémen chiite qui
doit retenir l’attention : ses dynamiques et les obstacles à son
expansion. Enfin, une partie dialectique opposant la théorie dichotomique –que
celle-ci soit une partition Nord/Sud ou bien une partition Sunnisme/Chiisme –
et la théorie tribale ou identitaire mettant en jeu plusieurs acteurs fait
office de conclusion et ouvre un débat.
Il
est alors bienvenu de tenter de répondre aux questions suivantes :
-
L’Iran est-il véritablement la clé du conflit ?
-
Quelle place pour l’Etat Islamique dans la guerre au
Yémen ?
-
Quelle stratégie l’Arabie Saoudite devrait-elle
adopter vis-à-vis du Yémen ?
-
Le pétrole joue-t-il un rôle important dans la crise
au Yémen ?
-
Quelle attitude pourrait adopter la communauté
internationale ?
-
Quelle attitude devrait-elle adopter ?
-
Enfin, cette guerre est-elle au cœur de la
problématique orientale du 21ème siècle ou bien n’est-elle qu’un de
ses épiphénomènes, un de ses dommages collatéraux ?
***
Le
quatrième orateur, monsieur Youssef
HINDI, écrivain politique, a alors voulu rapporter ses
connaissances sur Le Yémen, théâtre
d'opposition des puissances régionales
Comprendre la situation au Yémen et
anticiper les conséquences de son évolution nécessite de faire un zoom arrière
sur l’ensemble du Proche-Orient ; de la même façon, la confrontation des
puissances régionales au Yémen, si l’on y est attentif, offre une clé de
compréhension quant à l’avenir de cette Région.
Sous un certain angle, le conflit en
cours au Yémen nous en dit plus sur la situation géopolitique régionale que sur
celle du Yémen même. La crise actuelle au Yémen étant la miniaturisation de
l’échiquier géopolitique local impliquant d’un côté l’Arabie Saoudite – avec
Israël et les États-Unis en arrière-plan – et de l’autre, l’Iran et ses alliés,
ainsi que la Russie en arrière-plan.
La principale motivation de
l’agression de la coalition “otanesque” arabe menée par l’Arabie
Saoudite est la suivante : ramener le Yémen dans le giron atlantiste et
sioniste, de la même manière que les saoudiens l’avaient fait – avec entre
autres le Qatar – au Bahreïn, en écrasant la révolte de 2011 qui menaçait le
régime, dont le renversement était vu d’un mauvais œil par les États-Unis qui
possèdent une base militaire sur l’île.
L’action de la coalition arabe est
conforme aux intérêts géo-énergétiques américains dans la région. Par ailleurs,
du point du vu saoudien, il est vital d’empêcher que la révolution yéménite
n’aboutisse totalement. Ceci aurait un effet de contagion dans le royaume
saoudite, qui menace déjà d’imploser, non seulement en raison des luttes de
pouvoir au sein de la famille régnante, mais aussi par la nature profondément
tribale de l’Arabie qui menace de ressurgir.
La révolution yéménite représente un
danger pour la famille des Saoud, qui redeviendrait ce qu’elle fut avant
d’avoir conquis l’Arabie : une tribu parmi d’autres. Nous pouvons ainsi,
d’ores et déjà, anticiper l’éclatement en sous-régions tribales de l’Arabie.
Les deux principales puissances qui
s’affrontent au Yémen sont l’Arabie Saoudite et l’Iran qui soutiennent
activement ansarullah. Leur confrontation au Yémen entre dans le cadre
de l’échiquier moyen-oriental, en particulier en Syrie, où Assad, l’allié de
l’Iran (et de la Russie), aidé par le Hezbollah, est au prise avec Daech, que
l’Iran combat directement en Irak. Si l’Arabie Saoudite perd le contrôle de
Daech, l’on ne doit pas cependant surestimer l’autonomie de cet état dit islamique
que les États-Unis et le gouvernement de Maliki, Premier ministre irakien
jusqu’en 2014, ont laissé se constituer par le retrait volontaire de l’armée
irakienne.
Les
saoudiens ont certes avancé un pion au Yémen, mais en abaissant leur garde. Une
occasion pour l’Iran qui, par le bras d’ansarullah, pourrait leur
infliger un échec cuisant, qui redessinerait la carte de l’Arabie et par suite
redéfinirait les rapports de forces dans tout le Proche-Orient.
***
Le
dernier conférencier de cette Première Table Ronde fut Jean Michel VERNOCHET, journaliste,
écrivain et politologue de pointe, qui nous a enrichis de son appréciation
particulière sur Le silence des
occidentaux face aux hostilités de l'Arabie Saoudite et d'Al-Qaïda contre le
Yémen
Comme le dit
si bien le texte introductif de ce colloque « le Yémen subit une guerre effroyable qui ne dit pas son nom » ! Guerre d’autant plus effroyable
ces événements sont l’objet dans la presse internationale, comme de la part des
chancelleries occidentales, d’une « censure
d’une extrême gravité ». En conséquence de quoi c’est toujours avec
une sorte d’émerveillement que l’on relèvera - dans le contexte des guerres du
Proche-Orient - les différences de traitement de l’information selon les cas.
Ainsi
avons-nous été tous témoin de l’émoi qui s’est emparée des médias lorsque les
troupes de Daech se sont approchées, puis emparées, des élégantes ruines de
Palmyre. Ou lorsqu’il s’est agi d’Hatra, au sud de Mossoul, ou du monastère de
Mar Benam à proximité de Karakosh au nord de Mossoul (Mar Benam contenait l’une
des plus exceptionnelles bibliothèques syriaques), détruit à la mi-mars par
l’État islamique [The Indépendant, 21mars15] … ou encore du sanctuaire
arménien de Deir Ez-Zor dépositaire des archives de l’holocauste de 1915,
mémorial annihilé un mois plus tard, en avril, dans l’indifférence la plus
absolue.
Il faut
d’ailleurs bien chercher sur Google pour trouver trace de ces exactions
principalement révélées par le discret truchement des réseaux sociaux. Il est
assuré que ces informations n’ont évidemment fait qu’effleurer les couches les
plus superficielles et les plus averties de l’opinion.
Or il en va
de même au Yémen où les équipes occidentales de télévision ne se bousculent
pas. Nous avons donc avec le conflit yéménite une sorte d’angle mort de la
géopolitique, une zone d’ombre à peine perceptible en marge des péripéties
affectant la Fédération mondiale de football… un point aveugle dont ni
traitement, ni le volume ne peut à aucun moment se comparer à ceux consacrés
aux naissances princières.
Certes pour illustrer les énormes carences de l’information – défaillances la plupart du temps de toute évidence délibérées – nous avons commencé par prendre trois exemples dans les zones de conflit d’Irak et de Syrie, mais c’est parce que ces exemples sont a priori illustratifs d’une attitude générale qui ne peut totalement ignorer des faits criminels concernant le domaine archéologique et patrimonial mondial. De la même façon le Yémen - autrement oublié - est arrivé ces jours derniers très fugacement sur la scène médiatique en raison des bombes que l’aviation de Riyad a larguées sur un quartier de Sanaa inscrit à l’inventaire de l’Unesco parmi les trésors architecturaux de l’humanité [nytimes.com/2015/06/13]. Un fait éminemment dommageable qui a traversé espace médiatique à l’instar d’un météore. Fait qui a fortiori n’a suscité aucune indignation intempestive chez ceux qui s’effrayaient hier encore de l’avancée de l’État islamique au milieu des champs de vieilles pierres. Il est vrai qu’un voile pudique – ignorant les morts et les dévastations - entoure les événements du Yémen depuis l’ouverture de ce nouveau front de guerre.
Certes pour illustrer les énormes carences de l’information – défaillances la plupart du temps de toute évidence délibérées – nous avons commencé par prendre trois exemples dans les zones de conflit d’Irak et de Syrie, mais c’est parce que ces exemples sont a priori illustratifs d’une attitude générale qui ne peut totalement ignorer des faits criminels concernant le domaine archéologique et patrimonial mondial. De la même façon le Yémen - autrement oublié - est arrivé ces jours derniers très fugacement sur la scène médiatique en raison des bombes que l’aviation de Riyad a larguées sur un quartier de Sanaa inscrit à l’inventaire de l’Unesco parmi les trésors architecturaux de l’humanité [nytimes.com/2015/06/13]. Un fait éminemment dommageable qui a traversé espace médiatique à l’instar d’un météore. Fait qui a fortiori n’a suscité aucune indignation intempestive chez ceux qui s’effrayaient hier encore de l’avancée de l’État islamique au milieu des champs de vieilles pierres. Il est vrai qu’un voile pudique – ignorant les morts et les dévastations - entoure les événements du Yémen depuis l’ouverture de ce nouveau front de guerre.
.
***
Monsieur
le modérateur a alors annoncé un débat,
qui fut vif et animé, et fort intéressant.
___________________________________
Deuxième panel
Modérateur : Christophe Reveill
La Deuxième Table Ronde était
modérée par Christophe REVEILLARD, responsable des recherches à la Sorbonne et
au CNRS.
Il a passé la parole à M. Elie HATEM, avocat et professeur à la Faculté Libre de Droit, d'Économie et de Gestion de Paris (FALCO), qui a présenté :
Les aspects juridiques de l’intervention saoudienne au Yémen : illégalité de cette intervention.
Il a passé la parole à M. Elie HATEM, avocat et professeur à la Faculté Libre de Droit, d'Économie et de Gestion de Paris (FALCO), qui a présenté :
Les aspects juridiques de l’intervention saoudienne au Yémen : illégalité de cette intervention.
Cette intervention militaire porte
atteinte à deux principes de droit international public : celui de la
non-ingérence et le non recours à la force dans les relations internationales.
L'article 2 paragraphe 7 de la
Charte des Nations Unies dispose : « Aucune disposition de la
présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État ni n'oblige les
Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux
termes de la présente Charte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte
à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII ».
Cette disposition découle d'un
principe jus cogens : une norme impérative qui s'impose à la
communauté internationale dans son ensemble.
Toute intervention ou ingérence dans
les affaires internes d'un autre Etat transgressent le jus cogens, y
compris les interventions dites « humanitaires ». Ainsi, la théorie
de l'ingérence humanitaire (ou d'humanitude) a vite été invalidée par la
doctrine pour les raisons précitées.
La pratique internationale a
démontré que même la demande faite par des autorités internes à un autre Etat
pour intervenir militairement sur leur territoire national est illégale si la
légitimité de ces dernières est contestée (affaire de l'intervention militaire
soviétique en Hongrie en 1956). Par conséquent, il n'est pas inintéressant
d'examiner la légitimité du Président démissionnaire yéménite, Abd Rabo Mansour
Hadi. Ce dernier, dont l'élection en 2012 dans un contexte de guerre civile est
contestée, avait démissionné le 22 janvier 2015.
Par ailleurs, dans l'affaire
chypriote de 1974, il a été considéré que l'intervention militaire de la
Turquie était illégale. Pourtant, la Turquie s'était fondée sur les
dispositions de l'article 4 du Traité de Garantie signé entre Chypre, la Grèce,
la Grande Bretagne et la Turquie. Cet article permet à l'une des trois
puissances dites « garantes » de Chypre (la Grèce, la Grande Bretagne
et la Turquie) d'intervenir militairement quand le statu quo chypriote
est mis en cause. Ce Traité a été invalidé en raison de cette disposition qui
viole le jus cogens.
La Charte des Nations Unies a cadré
les interventions dans les affaires internes des Etats. Le paragraphe 7 de
l'article 2 précité renvoie à cet effet aux dispositions du Chapitre VII de la
Charte qui délimite la procédure d'intervention en cas de « menace de
la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression ». Seul le
Conseil de Sécurité des Nations Unies est habilité à autoriser la prise de
mesures coercitives pour faire cesser un acte manifestement illicite, menaçant
la paix et la sécurité internationale.
Ces dispositions découlent d'un
autre principe reconnu et édicté dans les dispositions du paragraphe 2 de
l'article 2 de la Charte, s'agissant du principe du non recours à la force dans
les relations internationales.
Ce paragraphe dispose : « Les
Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales,
de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière
incompatible avec les buts des Nations Unies ».
Par conséquent, l'intervention de
l'Arabie saoudite ainsi que la Coalition des pays participants à cette
opération est en violation de ces deux principes.
Cette intervention dans les affaires
internes du Yémen, caractérisée par l'usage de la force, excluant une
autorisation préalable du Conseil de Sécurité tel que prévu dans les
dispositions du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, en l'absence d'une
attaque du territoire saoudien excluant donc l'argument de la légitime défense
(auquel cas la riposte devant être proportionnelle à l'attaque et contrôlée par
le Conseil de Sécurité des Nations Unies) est considérée donc comme une
agression au sens que le droit international public donne à ce type d'interventions
(résolution 3314 (XXIX) de l'Assemblée générale des Nations Unies du 14
décembre 1974, article 5 du Statut de Rome de 1998 de la Cour pénale
internationale : l'agression est qualifiée de « crime » par les
dernières définitions).
***
L’intervenant suivant
fut Pierre-Emmanuel DUPONT,
directeur du département de droit international public et de règlement des
différends au London Centre of International Law Practice (LCILP)
et chargé de cours à la FALCO, qui s’est prononcé sur L'intervention saoudienne
au Yémen et le droit international
Si l’on
cherche à se prononcer sur la légalité, au regard du droit international, de
l’intervention militaire dirigée par l’Arabie Saoudite au Yémen, il importe
avant tout de qualifier les faits, en examinant la nature du conflit et les
forces en présence. Il importe également d’examiner la justification juridique
invoquée par les Etats participant à cette intervention militaire.
Pour
justifier d’un point de vue juridique l’intervention militaire au Yémen, le Conseil
de Coopération du Golfe a invoqué plusieurs arguments. Ceux-ci sont reflétés
dans une déclaration conjointe de l’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis,
de Bahrain, du Qatar et du Koweit en date du 26 mars 2015.
À la lecture de ce document, il apparaît que la
justification de l’intervention militaire repose sur deux arguments
distincts :
1) Il s’agirait pour la coalition arabe d’un cas de
légitime défense (couvert par l’article 51 de la Charte des Nations Unies),
mais plus précisément d’un cas particulier de légitime défense
« collective » (une intervention « par invitation », ou
intervention « sollicitée »), au profit du Yémen et de son
gouvernement légitime, objet d’une « agression » et dont l’intégrité
territoriale est menacée ; l’intervention serait ainsi justifiée en tant
que réponse à la demande expresse formulée par le président Hadi le 24 mars
2015.
2) Il s’agirait également, pour l’Arabie Saoudite
en particulier, d’un cas de légitime défense préventive, celle-ci étant
directement menacée par le déploiement des forces militaires des Houtis à
proximité de ses frontières.
L’orateur s’est efforcé de
déterminer la pertinence de chacune de ces deux assertions au regard des règles
issues de la Charte des Nations Unies, à la lumière de la jurisprudence de la
Cour internationale de justice et de la pratique étatique.
***
Ali AL-YAQOOBI,
avocat, chercheur associé au Centre Michel de l'Hospital auprès
l’Université d'Auvergne, qui a cru devoir poser la question : Y-a-t-il une
base constitutionnelle ou légitime à la demande, faite par Hadi, d'intervention
saoudienne au Yémen ?
Au moment où il est
devenu l’arène des luttes de concurrence pour l’influence internationale,
demeure la question la plus importante : Y-a-t-il une base
constitutionnelle ou légitime à la demande, faite par Hadi, argument sur lequel
s'appuierait l'Arabie Saoudite pour justifier son intervention au Yémen?
Le Président de
transition Hadi a été mis en place grâce à une décision prise par des pays
étrangers au Yémen, « l'Initiative de Golfe ».
Il devait rester au
pouvoir deux ans.
Sa demande
d'intervention saoudienne a été faite trois ans après son arrivée au pouvoir,
donc alors qu'il aurait dû l'avoir quitté. Est-il légal de demander à une
puissance étrangère d'intervenir sur le territoire national contre ses propres
ressortissants?
À la lumière de ces
trois données on peut répondre que la demande de Hadi pour une intervention
saoudienne est illégitime et anticonstitutionnelle que ce soit au plan
proprement yéménite, cœur de mon sujet, ou international.
***
La parole est alors passée à Mohamed AL-SHAMI, journaliste yémenite et président de l'Alliance internationale pour la défense des droits et libertés. Il a contribué son savoir concernant : Les crimes de guerre et la situation humanitaire au Yémen
Bien que ces deux axes, à savoir les
crimes de guerre et la situation humanitaire au Yémen, soient très importants,
ils ne sont toutefois pas traités de manière suffisante
D’abord il faut décrire
l'intervention militaire saoudienne au Yémen. Selon la caractérisation du droit
international et d’après ce qui est stipulé dans le chapitre VII de la Charte
des Nations Unies « toute intervention militaire doit passer par le
Conseil de sécurité de l'ONU » condition qui n’a pas été respectée
dans ce cas.
L’application des peines demeure
l’un des problèmes les plus complexes en raison de nombreux facteurs parmi
lesquels les positions politiques des grandes puissances, en particulier les
États-Unis d’Amérique et l'impact de son hégémonie sur le Conseil de sécurité,
ce qui rend le renvoi ou l’application de la peine pour crimes de guerre et
crimes contre l'humanité soumise à des considérations politiques plus que des
considérations juridiques.
Le crime de guerre se compose de
deux conditions :
1. Le fait d’être en guerre. Ce qui est le cas au
Yémen.
2. Le fait de commettre l’un des actes proscrits par
les lois et coutumes de la guerre.
Et de trois principaux éléments :
A. L’élément matériel : parmi les actes
matériels les plus importants qui constituent un crime de guerre:
- Les infractions graves aux Conventions de Genève
- L'homicide intentionnel
- Le fait de causer intentionnellement de
grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l'intégrité physique ou à
la santé;
- La
destruction et l’appropriation des biens de l'ennemi.
B - L’élément moral : L’Appréciation
du critère de l’intention générale suffit pour la commission du crime.
L'intention générale peut être révélée par la connaissance et la volonté.
C - L’élément International : Un conflit armé
entre deux ou plusieurs Etats menaçant la paix et la sécurité internationales.
Le Yémen a été bombardé à
l’horizontal et à la verticale : 15 stations de transformation et de
production d’électricité et de gaz de ville, des stations d'essence, des locomotives de transport de blé, de
farine et de nourriture, des instituts, des facultés et des établissements
d'enseignement dont certaines ont été bombardées alors que les étudiants
étaient dedans, comme ce qui est arrivé à la Faculté de médecine de
l'Université de Hodeidah. Les ports commerciaux vitaux, les aéroports civils,
10 avions civils, 32 installations et usines commerciales civiles, des
réservoirs alimentaires, 92 marchés populaires, 11 établissements médiatiques,
55 ponts, des places publiques, des fermes des élevages de volailles, des tours
et des centres de communication, des clubs sportifs et des installations de la
jeunesse, des jardins et des parcs sont autant d’exemples sur les cibles
bombardées par les saoudiens.
Selon le dernier rapport de
l'UNICEF, on fait état de 2 288 personnes tuées, dont 279 enfants et 9755
blessés dont 402 enfants.
Et de notre côté, à l'Alliance internationale pour la
défense des droits et libertés, nous avons mis en garde contre la poursuite des
bombardements des civils et avons exigé une enquête internationale urgente en
considérant que les agissements de l’Arabie Saoudite constituent des violations
graves des droits de l’Homme atteignant le stade des crimes de guerre et de
génocide.
La liste des crimes de l'agression saoudienne est
longue et multiple et nous allons publier bientôt, un rapport détaillé, car
nous travaillons au sein de l'Alliance internationale pour la défense des
droits et libertés sur la collecte et la documentation de ces crimes et la
préparation d'un fichier intégré pour le présenter devant la cour pénale
internationale pour demander d'enquêter et de poursuivre les auteurs de crimes.
Selon le rapport de l'UNICEF, plus
de 80% de la population yéménite souffre à présent d'une grave pénurie de
fournitures de médicaments, de nourriture, d'eau potable et d'énergie. Plus de
deux millions et demi de personnes dont 15 000 enfants souffrent de
malnutrition, et nous pensons que le nombre est beaucoup plus élevé que cela.
Il y a aussi un manque total
d’opération chirurgicale en raison du manque d’outils et de médicaments
qu’elles nécessitent. Aussi plus de 53 centres de dialyse fermés causant la
mort de plusieurs personnes.
Les Nations Unies décrivent la
situation au Yémen suite au blocus, de catastrophique. Diverses organisations
internationales la qualifient de dangereuse et tragique il est donc urgent de
nous mobiliser pour le retour à paix au Yémen.
***
Monsieur le modérateur a ensuite
donné la parole à Latéfa BOUTAHAR,
chercheure associée à l’AGP, qui a retenu toute l’attention sur son exposé du zaydisme :
Mouvement théologique et politique
Baptisée « tempête de
fermeté », la guerre menée par la coalition arabe pilotée par le royaume
saoudien contre le Yémen et décidée de concert avec les Etats-unis, est soumise
- comme tous les conflits de cette région du monde - à une grille de
lecture et d’analyse confessionnelles. En effet, le Yémen est divisé
entre un nord chiite d’obédience zaydite et un sud sunnite chaféite ; le
régime de l’ancien président Abdallah Saleh a mené de 2004 à 2010 six guerres
contre les Houthis accusés de vouloir rétablir l’imamat zaydite et de servir de
pion permettant aux iraniens d’agir par procuration.
La propagande médiatique
pro-guerre dénonce la montée en puissance d’un Iran safavide aux ambitions
hégémoniques et dont le commandant des gardiens de la révolution, Mohamed
Ali Jafar claironne que « Téhéran contrôlait quatre
capitales arabes (Beyrouth, Damas, Baghdâd et Sana’a) et
conclut « La question de qui doit diriger la communauté
musulmane (oumma) ne se pose plus ! ». Désormais, le zaydisme
est part d’un conflit qui aggrave le clivage voire la fracture entre sunnisme
et chiisme, et relègue au dernier rang les analyses politiques et géopolitiques
qui en découlent.
Une question : Qu’est-ce que le
Zaydisme ?
Ramification du chiisme, le Zaydisme
est un courant de pensées dont les disciples suivent et voient en Zayd ben Ali
as-Sajjad petit-fils d'al-Hussein et demi-frère de Mohamed al Bâqir, le Véritable
Cinquième Imam "celui qui a fendu le noyau de la connaissance",
empreinte son chemin et travail à asseoir les bases de ce qui deviendra
l'imamisme, le courant, orthodoxe et majoritaire du chiisme".
Vénéré par les chiites pour son
érudition et sa grande piété, les sunnites reconnaissent en lui le grand maître
d’Abou Hanifa, le fondateur du rite sunnite du même nom. Or se détournant à son
tour de toute activité politique, il aurait déconseillé à son frère Zayd
de se rendre à Kufa pour mener la révolte contre le calife omeyyade hicham ibn
AbdelMalek. Zayd est alors est confronté à un double défi :
-les pressions incessantes des partisans Alides pour la révolte contre une
dynastie usurpatrice et tyrannique ;
- un frère qui a renoncé à toute implication dans l’action politique, est
plongé dans la théorisation de l’imamisme et est déjà reconnu imam (guide
au sens spirituel), empêchant ainsi toute autre prétention.
Pendant que Mohamed Al Baqir désigné Imam abandonne toute activité
politique, se consacre totalement à la théorisation du culte du secret du
message prophétique, Zayd verse dans le Mu’utazilisme auquel il va emprunter
les méthodes d’argumentations rationnelles. Défenseurs de la transcendance
divine que rien ne peut altérer, rejetant tout panthéisme consistant à
identifier Dieu à ses émanations, les mu’utazilistes ont aussi adopté la
théorie des cinq principes : l’unicité de Dieu, la justice divine, la menace et
la promesse divine, la situation intermédiaire et le commandement du bien.
Zayd sera séduit par ces thèses et
appellera le droit à la révolte armée comme condition pour la revendication de
l’imamat. Toutefois ayant atteint une maîtrise avérée des sciences religieuses,
on peut déjà prétendre à l’imamat. Le candidat doit se déclarer auprès des
croyants en lançant un appel (da’wa) au jihad contre l’injustice.
La théologie politique du Zaydisme
se présente comme une théologie du pouvoir qui opère une incursion rationnelle
dans le chiisme. Sa conception de l’imam savant/ guerrier déconstruit l’imamisme,
s’impose comme une critique rationnelle. Il parait comme le premier schisme
dans le chiisme ouvrant la voie à une réconciliation avec le sunnisme.
Ne faut-il voir dans la révolte
houthie une tentative de réhabiliter l’esprit Zaydite ? N’est-t-il pas une
arme théologique contre le wahhabisme ? Voilà un problème de fond qui
persiste au Yémen depuis des siècles.
***
Est alors intervenu monsieur
Faiçal JALLOUL, journaliste libanais, qui a enrichi les interventions avec
son rapport détaillé sur :
Le mouvement Ansar Allah « El Houthiste » quel projet politique pour le Yémen?
Contrairement aux attentes, le programme Houthi
pour l'Etat et la société au Yémen ne comporte ni d'objectif monarchique, ni
d’hégémonie iranienne rappelant le système zaïdite. Les Houthis veulent leur
propre identité locale, nationale, régionale et internationale, et se
distinguent en ce sens sur tous les plans.
Par exemple, sur le plan social ils ont
remplacé le samedi comme jour de repos, par le jeudi, tout en conservant
vendredi un jour férié. Ils ont exigé de réduire les voix des chansons et des
mariages en public et ont exigé le respect de « la tenue légitime » dans
certains endroits surtout à Sanaa et dans les régions du nord Zaidi. Ils n'ont
pas réussi à imposer la prière, par une « police religieuse ».
Il est peu probable que ces distinctions
houthies dérangent l’Arabie saoudite ou les zones sunnites dans le sud ou même
dans les régions nordistes du pays. Mais leur projet pour l'État implique
l’adhésion massive aux différentes institutions et l'engagement directe dans
l’exercice du pouvoir régional – ça, les Saudis refusent sec.
Il est clair que les Ansarallahis aspirent à
récupérer l'influence d'al-Zaidi au Yémen après avoir été menacés et
marginalisés à leurs yeux au cours de l'ère républicaine - il en subsiste la
preuve que le wahhabisme a été planté de force dans leur fief de Saada, ce qui
a poussé de nombreuses tribus de passer de la communauté Zaidi aux wahabisme
grâce à l'aide saoudienne et le soutien de l'ancien régime yéménite.
Le plus important dans leur plan de
développement économique et leurs aspirations a des mesures de nature
revendicative et loin d’être révolutionnaires, se situe en général dans le
domaine des services et des infrastructures -là aussi ils sont loin du projet
de l'économie islamique comme le suggèrent leurs détracteurs. Tout ce qu'ils
veulent est l'intégration de l’économie du marché avec une réforme de
tendance de près du socialisme.
Les houthistes insistent sur la reconstruction
de l'infrastructure de leur bastion à Saada, après de longues années
d’isolement et de privations qui ressemblent aujourd’hui à la punition….
d’autre part ils comptent tolérer dans
leur bastion frontalière les réseaux de contrebande avec l’Arabie Saoudite.
Les Houthistes rejetent le projet des provinces
au Yémen, ils ont peur d’être isolés et la crainte dans un territoire chiite
montagnard sans accès à la mer.
Les AnsarAllahis ont choisi le système
démocratique pour remplacer le régime actuel faisant appel. On peut trouver
toutes ces revendications dans l’accord de paix et de partenariat qu’ils ont
signé avec le président Hadi et les partis du Yémen peu après leur
contrôle de Sanaa en septembre 2014.
Dans le domaine de la politique étrangère, les
Houthis sont proches de l'axe de la dissidence et de la résistance, englobant
l'Iran, la Syrie et la résistance libanaise des Hezbollahis.
En bref, on peut dire que le projet des Houthis
au Yémen implique un retour en force du zaydisme religieux yéménite pour qu’il
soit au centre du pouvoir comme il avait été au cours d’un peu plus d'un
millier d'années.
Les
AnsarAllahis voudront bien engager leur pays dans une économie de marché à
leurs propres conditions plus proches de la démocratie socialiste colorée par
certains principes Zaidi. Ils sont dans tout cela plus proche de Hezbollah
au Liban et non pas du modèle iranien.
Cela signifie que le
projet du mouvement politique de ce mouvement n’a rien à avoir avec
l'image puritaine véhiculée par leurs détracteurs dans les médias.
***
Le dernier
conférencier fut Jean-Maxime CORNEILLE, spécialiste reconnu du monde arabe et
fin connaisseur des implications géopolitiques de l'histoire pétrolière, qui
n’a pas du tout déçu par son discours éloquemment et brillamment rendu
sur :
L’Arabie saoudite, prochaine victime du renversement du monde : Vers une guerre de mille ans pour la Mecque ?
L’Arabie saoudite, prochaine victime du renversement du monde : Vers une guerre de mille ans pour la Mecque ?
I-Rivalité Saoud-Iran à travers une nouvelle guerre par procuration...
A-
La glorification des conflits
inutiles :
B-
La vision manichéenne du
monde : la guerre perpétuelle comme but ?
Au-delà de l’illisibilité des
alliances américaines, la culture « Gun & God » américaine
ne laisse place qu’à des situations chaotiques, mythifiée et qui permettent des
conflits sans fin prospérant sur la démolition d’Etat : tradition non pas
américaine mais britannique. Plus que de manichéisme il faut parler de
Balkanisation encouragée : pas de gagnants, que des perdants.
II- Le Lâchage de l’Arabie Saoudite au Yémen... et le sabotage connexe
des Etats-Unis.
A-
Le renversement des alliances en
faveur de l’Iran contre les Saouds
L’ardeur saoudienne tempérée par une
confluence d’intérêt Américano-sino-russe : retour de la Realpolitik et
indice d’un renversement du monde, en coopération avec les autres états
sunnites. Des indices notables d’un lâchage à venir de l’Arabie saoudite, qui
nécessitent de se demander d’où vient le wahhabisme : un outil historiquement
anglais pour la conquête du pétrole.
Mais on ne pèse pas encore le
mouvement de balancier en sens inverse, parallèlement au rapprochement entre
Etats-Unis et Iran : les extrémismes des deux bords vont servir de
« carburant » pour la balkanisation du MO, qui peut aller très loin.
Elément majeur en toile de
fond : la nouvelle route de la soie à travers l’Eurasie : une
promesse nouvelle ouverte à tous les pays, un renversement pacifique du monde
qui est possible en même temps qu’une revanche du modèle
« allemand ». La grande leçon ? L’hégémonie implique la
prévention des conflits, une leçon que les Etats-Unis ont perdue...
B-
Le changement de nature des
Etats-Unis et le renouveau de l’Arc de Crise.
L’Amérique détournée par ses propres
intérêts privés : la ruine de l’Etat conséquence du capitalisme moderne.
Un système qui génère l’incompétence, les crises et les guerres.
Une Lutte d’influence au plus haut
entre les patriotes et les fossoyeurs de l’Amérique : les mêmes qui balkanisent
délibérément le Moyen-Orient.
***
Monsieur le modérateur a alors
annoncé le très suivi débat général
qui a clos le colloque.
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