Un ami a attiré mon attention sur un article que vous retrouverez ci-dessous reproduit, dans lequel Erwan Le Morhedec fait part de son analyse et de ses réactions , sur les déclarations de Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, qui a dans un premier temps annoncé le 17 septembre sur franceinfo son intention de faire "reculer des "sites manipulateurs" qui à ses yeux en informant sur l'IVG , relèvent d'un "délit d'entrave numérique" , puis dans un deuxième temps, le mardi 27 septembre (la veille de la "journée mondiale pour le droit à l'avortement), a donné des précisions selon lesquelles le gouvernement veut élargir le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) aux sites internet qui véhiculent des informations sur l'avortement.
Pour résumer, selon ce que rapportent les médias, le plus souvent dans des informations aussi alambiquées et confuses que celles de la ministre , le gouvernement ( à l'initiative de Laurence Rossignol ) entend créer un "délit d’entrave numérique" à l’interruption volontaire de grossesse. Un amendement sera déposé lors de l’examen du projet de loi égalité et citoyenneté, qui doit avoir lieu au Sénat à partir du 4 octobre
Autant les informations des médias sont incompréhensibles et confuses et trop souvent partisanes de l'IVG, autant l'article de Erwan Le Morhedec est neutre et précis dans son analyse, et fait bien ressortir que sous couvert de la création d'un "délit d'entrave numérique" c’est bien la liberté d’expression qui se retrouvera sous le coup d’une entrave étatique et l'auteur dans sa conclusion souligne : ... "le gouvernement veut faire taire tout site d’information alternatif sur l’avortement. Cette fébrilité est révélatrice de l’inconfort du gouvernement sur le sujet, son autoritarisme est inquiétant et cette entrave à la liberté d’informer sur le web doit alarmer."
C'est ce genre d'article de grande qualité que nous prenons la liberté de reproduire sur notre page parce qu'il reflète exactement l'esprit d'autoritarisme et de censure dont le gouvernement fait preuve contre la liberté d'expression quand celle-ci l'indispose .
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IVG : l’entrave à la liberté d’expression
publié
lé 27 SEPTEMBRE 2016 par KOZ in SOCIÉTÉ dans 7 COMMENTAIRES sur ivg : l’entrave à la liberté d’expression
Instauré par l’article
10 de la loi, l’article L.647 du Code de la Santé Publique prévoit que :
Sans préjudice des
dispositions de l’article 60 du code pénal, seront punis d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une
amende de 2.000 à 20.000 F ou de l’une de
ces deux peines seulement, ceux qui par un moyen quelconque, auront provoqué à
l’interruption de grossesse, même
licite, alors
même que cette provocation n’aura pas été suivie d’effet. Seront punis des mêmes peines ceux qui, par un moyen
quelconque, sauf dans les publications réservées aux médecins et aux
pharmaciens, auront fait de la propagande ou de la
publicité directe ou indirecte concernant
soit les établissements dans lesquels sont pratiquées les interruptions de
grosses, soit les médicaments, produits et objets ou méthodes destinées à
procurer ou présentées comme de nature à procurer une interruption de
grossesse.
La loi du n°75-17 du 17 janvier 1975 relative à
l’interruption volontaire de grossesse, dite Loi Veil, prévoyait déjà un délit
relatif à la propagande (c’est le terme juridique). Il punissait le fait
d’inciter à l’avortement ou d’en faire la publicité, y compris quand
l’incitation n’avait pas été suivie d’effet. Aujourd’hui, la propagande est
réalisée sur fonds publics, soit directement par l’Etat soit par le biais du
Planning Familial, association militante pro-IVG subventionnée. Les panneaux
s’affichent sur les quais du RER : « mon corps, mon choix, ma
liberté ». Il ne s’agit pas seulement d’une information neutre sur la
possibilité d’y recourir, mais d’une information orientée, destinée à
vanter l’avortement comme un acte positif. Une manifestation de liberté
individuelle, même.
Ceux
qui se réfèrent à la loi Veil et à son intangibilité devront le reconnaître :
c’est une chimère. La loi Veil a été radicalement bouleversée par celles et
ceux qui s’en sont proclamés les légataires,
y compris contre les propres opinions de Simone Veil.
Et
ce gouvernement n’a pas chômé. Si les Français n’ont pas bien saisi les
priorités du quinquennat, il faut les rassurer : développer le recours à
l’avortement en a été une. Tout a été fait pour cela1. Sans même dresser
une liste exhaustive, ce gouvernement a supprimé la notion de détresse de la
loi, il a supprimé le délai de réflexion2, il a intégré
l’avortement aux contrats d’objectifs des établissements sanitaires. Il a
même résolu d’intervenir dans le référencement des sites Internet pour assurer
au site officiel la première place sur Google. Et pendant ce temps, la majorité
parlementaire proposait et faisait voter une résolution reconnaissant
l’avortement comme « un droit fondamental », à l’égal de la liberté
de conscience, d’aller et venir, de manifester etc.
Plutôt
que de vouloir faire taire les sites associatifs, Laurence Rossignol devrait
s’interroger sur leur seule raison d’être : l’information univoque et tronquée
des sites et organismes officiels.
Si,
aujourd’hui, Laurence Rossignol veut lutter contre les sites opposés à
l’avortement, plutôt que de les sanctionner pénalement, elle devrait
s’interroger sur la raison de leur existence, et elle est simple : la seule
information officielle est univoque, unilatérale. Elle n’est pas neutre non
plus, elle vante l’avortement. Elle supprime même toute information sur les
alternatives à l’avortement. Ce n’est certes pas cette fois la responsabilité
de Laurence Rossignol mais alors que la loi Veil prévoyait (c’était l’article
L. 162-3 du Code de la Santé Publique) que le médecin remette à la femme qui
vient le voir un dossier-guide qui mentionnait aussi une
information, sur les possibilités d’accueil de l’enfant, d’aides à la mère, et
sur les associations susceptibles de l’héberger, cette information a été supprimée, subrepticement, par
ordonnance, en 2000. Les femmes ne sont donc plus informées sur les
alternatives possibles à l’avortement. On vante leur choix, on vante leur liberté, mais c’est
un choix contraint, dont on a supprimé un terme.
Laurence
Rossignol, furieuse de constater qu’Internet puisse proposer des sites allant
contre le discours officiel sur le sujet, entend sanctionner pénalement ces sites. Dominique Reynié, « favorable au droit à l’IVG« , les a consultés, et constate : « il suffit de se rendre sur les sites pointés par le
journaliste et la ministre pour voir qu’ils ne constituent pas un «leurre» ni
ne cherchent à prendre les apparences d’un site officiel. »3 De fait, il ne
s’y trouve guère de remise en cause du droit à l’avortement, mais plutôt des
services d’écoute, des informations sur les alternatives et, certes, sur des
conséquences jugées négatives – ce qui relève encore de la liberté de
conscience. Je suis allé consulter pour ma part le site Afterbaiz, explicitement
visé par la ministre. J’avoue ne pas l’avoir décortiqué, et avoir même eu du
mal à y trouver des articles relatifs à l’avortement. Mais quand bien même, le
seul fait qu’il soit opposé à l’avortement n’est pas une raison pour
l’interdire. Pas plus que le fait que son design soit jeune, puisque conçu par
des jeunes, alors que l’opposition à l’IVG devrait être réservée à des sites
ringards. Notez que, quand ils sont neutres, on leur reproche de se faire
passer pour officiel, et quand ils sont pop, de jouer sur la carte jeune. On
attend que le gouvernement fournisse aux associations un design type et
homologué. Il ne sera ni officiel ni plaisant, mais plus volontiers rébarbatif
et donc politiquement convenable.
Laurence
Rossignol veut donc introduire un
amendement pour élargir le délit d’entrave à l’IVG à
l’expression numérique. Il prévoirait d’introduire un délit contre les sites
qui véhiculent « des allégations ou une
présentation faussées, pour induire en erreur dans un but dissuasif sur la
nature et les conséquences d’une IVG« .
Il
faudrait déjà s’arrêter un instant sur l’idée même que l’on puisse « entraver » un avortement par
l’information. Il faudrait aussi s’interroger sur la nécessité de créer
une infraction pénale. Si ces informations sont faussées, de mauvaise foi,
destinées à induire en erreur, rien n’impose d’emprunter la voie répressive,
pénale. Cela peut être constaté par une simple procédure civile, devant un
Tribunal de Grande Instance, qui pourra enjoindre aux sites de cesser de le
faire, voire attribuer des dommages-intérêts à celui qui le saisirait. Choisir la voie pénale est un message, il est destiné
à faire peur.
En
choisissant la voie pénale, Laurence Rossignol entend faire taire tout site non
officiel, en le plaçant sous la menace permanente d’une action par une
association subventionnée, ou même par le parquet
Car
relevons aussi ceci : le gouvernement n’a pas omis de prévoir que le délit ne
visera que les allégations ou présentations faussées pour induire en erreur dans un but dissuasif. Les présentations faussées pour induire en erreur
les femmes dans un but incitatif ne seront en revanche pas concernées. Ce n’est
pas une boutade de ma part : si le gouvernement le prévoit, c’est afin d’éviter
que les sites officiels, ceux du Planning Familial, se retrouvent poursuivis
par telle ou telle association. Car à l’inverse, le gouvernement sait
parfaitement que son amendement a un objectif liberticide. Au-delà même de
sites qui relaieraient des informations faussées, ce sont tous les sites qui
fournissent une information sur les alternatives à l’IVG qui se trouveront sous
la menace d’une guérilla judiciaire, d’autant plus efficace qu’elle pourra être
menée par des associations subventionnées ou même directement par le parquet,
dûment aiguillonné par la Chancellerie. Affronter
le risque d’un procès en correctionnel, assumer les frais d’une procédure
judiciaire, l’énergie consacrée, tout ceci aura aussi pour but de dissuader
tout site opposé à l’IVG – que sa présentation soit faussée ou non. Par
épuisement, psychologique ou financier, le gouvernement obtiendra la fermeture
des sites qui lui déplaisent.
La
ministre s’en cache à peine d’ailleurs. Dans son annonce à l’AFP, elle déclare
: « le délit d’entrave version 1993-2014 a bien fonctionné, non pas
parce qu’il y a eu beaucoup de condamnations mais parce que ces agissements ont
disparu, sans doute en raison de la peur du gendarme« . Et
c’est bien le sujet : ce ne sont pas les condamnations qui feront taire les
opinions divergentes, c’est la menace d’une action pénale. Contrairement à ce que prétend la ministre,
c’est bel et bien la liberté d’expression qui se retrouvera sous le coup d’une
entrave. Une entrave publique, étatique.
Il
faut le dire, sans emphase, parce que ce n’est qu’un constat objectif, appuyé
sur l’enseignement des années passées : le
gouvernement veut faire taire tout site d’information alternatif sur
l’avortement. Cette fébrilité est révélatrice de
l’inconfort du gouvernement sur le sujet, son autoritarisme est inquiétant et
cette entrave à la liberté d’informer sur le web doit alarmer.
1. je
vous renvoie au chapitre de mon livre Koztoujours, ça ira mieux demain, intitulé
« Du droit des femmes à magnifier leur corps » []
2. ce
délai est jugé infantilisant pour l’avortement, les femmes étant présumées
avoir suffisamment réfléchi, mais il reste la norme pour une opération de
chirurgie esthétique []
3. Dominique
Reynié mentionne également le journaliste car l’interview de Laurence Rossignol
était exemplaire de l’absence totale de neutralité sur le sujet. Voici le
lancement du journaliste : «La loi Veil qui a dépénalisé l’avortement en
France, une loi qui continue d’être combattue, de manière détournée. Sur
Internet, il y a des sites, ivg.net, sosgrossesse.net, sosbebe.org, qui en fait
sont des leurres et emmènent sur de la propagande anti-IVG. Ce n’est plus
devant les cliniques qu’on s’enchaîne aujourd’hui, c’est sur Internet que la
lutte se poursuit.». Le journaliste a pris fait et cause pour le gouvernement.
[]
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