Une actualité politique
française très chargée, des polémiques
qui s’enchaînent les unes après les
autres et n’en finissent plus, , ne nous ont pas permis de relater à temps les cérémonies du 70ème anniversaire du CRIF
qui a été célébré au Palais de l’Elysée
le lundi 16 décembre 2013, sous l’égide
du Président de la République François Hollande, qui avait organisé une grande réception pour fêter cet évènement
C’est un évènement exceptionnel de voir le Chef de l’État organiser une réception et
ouvrir les portes de l’Elysée pour célébrer
l’anniversaire d’une association privée communautariste, aussi médiatisée
politiquement qu’elle soit.
De nombreuses personnalités politiques, religieuses et
communautaires y assistaient , parmi lesquelles notamment la Garde des Sceaux Christine
Taubira, le Ministre de l’Intérieur Manuel Valls, le Président du Sénat
Jean-Pierre Bel, l’Ambassadeur d’Israël en France Yossi Gal, le Grand Rabbin de
Paris, Grand Rabbin de France par intérim, Michel Gugenheim et Joel Mergui,
Président des Consistoires.
Tout autant
exceptionnel c’est son invité le Président du Crif qui a
prononcé une allocution d’introduction avant que François Hollande prononce un
discours.
Au cours de cette allocution,
Roger Cukierman le Président du CRIF a
déclaré notamment « Tous les Juifs se sentent
honorés », et en remerciant
le Président d’avoir accepté d’organiser la célébration anniversaire du CRIF
« dans ce haut lieu de la République », le Président du CRIF a poursuivi « Nous
savons bien que la France n’est pas antisémite » ..... « Aussi, nous devons résister à la tentation du
repli sur soi. Nous voulons être ouverts sur la société française et continuer
de contribuer, comme nous le faisons depuis 2000 ans, à la grandeur de la
France".
Le discours du Président de la République a suivi et nous vous invitons à en prendre connaissance ci-dessous :
script : Intervention lors de la réception à l'occasion du 50ème anniversaire du Conseil des Institutions juives de France (Crif)
"Madame la Garde des Sceaux, qui ne m’a pas
quitté depuis au moins huit jours, et que je retrouve avec bonheur ce
soir, de retour de Guyane,
"Monsieur le Ministre de l’Intérieur, qui revient d’Algérie, Mesdames et Messieurs les parlementaires et les élus,
"Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
"Monsieur le Président, cher Roger CUKIERMAN,
"Je salue aussi le Président du Consistoire et tant d’autres personnalités ici rassemblées.
Je tenais à vous accueillir pour le 70ème anniversaire du CRIF. Le
60ème anniversaire c’était Jacques CHIRAC, nous verrons bien qui sera là
pour le 80ème anniversaire. C’est une bonne tradition que de pouvoir,
ici à l’Elysée, renouveler le pacte de confiance qui existe entre la
République et le CRIF.
Le CRIF, c’est une histoire. Une longue histoire, qui remonte à 1943,
au plus profond de la Shoah. L’un de ses fondateurs, Adam RAYSKI,
disparu il y a cinq ans, après avoir traversé près d’un siècle
d’histoire du judaïsme français, disait que le CRIF était « né des
profondeurs d’une souffrance exceptionnelle et d’une volonté farouche de
survie ». Pour espérer il fallait s’unir, il faut toujours s’unir.
C’est dans cet esprit que fut constitué, en 1943, à peu près au même
moment que le Conseil national de la Résistance, le Comité général de
défense juive. Il regroupait tous les courants de pensée de la
Résistance juive : communistes et gaullistes, sionistes et bundistes, de
toutes origines, des Français mais aussi des immigrés de fraîche date.
Un peu plus d’un an après, à la suite d’un accord avec le Consistoire
-dont le président, Jacques HELBRONNER, arrêté par la Gestapo, était
mort en déportation- le CRIF tenait sa première réunion, dans Lyon
libérée, le 5 septembre 1944.
C’était une réunion qui était encore marquée par la Shoah, par cette
épreuve, par ce drame, par cette tragédie, qui n’était d’ailleurs pas
encore achevée au moment où le CRIF se réunissait.
Une charte fut adoptée par l’ensemble des participants, qui fondait
la reconstruction du judaïsme français sur les valeurs de solidarité et
d’égalité, en fidélité avec les principes républicains et qui portait
l’inaltérable patriotisme des Juifs de France.
Je suis toujours frappé par ce parallèle entre le Conseil national de la Résistance et le CRIF.
Le CRIF est né de la Résistance mais aussi d’une espérance, celle de
pouvoir vivre en France et de participer pleinement au débat public.
C’est ce qui s’est produit. Depuis 70 ans, avec dix présidents
successifs à sa tête, le CRIF s’est imposé comme une composante de la
société française et comme une voix écoutée et respectée.
Le CRIF, c’est une institution originale. Ce n’est pas l’Etat qui a
encouragé, ni décidé la naissance du CRIF. Ce sont les Juifs qui se sont
organisés eux-mêmes, qui ont choisi leurs représentants. C’est ce qui
explique sans doute la liberté qui a toujours été la vôtre, encore
aujourd’hui Monsieur le Président, car quand vous avez des choses à
dire, vous les dites et vous les dites librement, franchement,
sincèrement, et nous vous écoutons.
Le CRIF, c’est une fédération qui regroupe des associations de sensibilités très différentes, laïques comme religieuses.
Le CRIF, ce sont des valeurs, des valeurs qui sont communes à la République, mais qui forgent votre identité.
La première, c’est la transmission. Votre mission c’est que rien ne
soit oublié, que rien ne soit occulté, pour rendre un nom aux martyrs,
mais également pour assurer le passage de témoin, la compréhension.
Cette mission est complémentaire de celle de l’Etat. Vous ne vous
substituez pas à l’Etat, vous ajoutez, encore à travers ce que vous
êtes, au travail de mémoire.
La deuxième valeur qui vous constitue et qui nous rassemble, c’est
l’universalisme qui est exprimé à la fois par le judaïsme français et
l’identité républicaine et qui a été porté par l’Alliance israélite
universelle dont l’origine remonte à 1860 et dont plus tard René CASSIN
fut président pendant 30 ans avant un autre grand nom du judaïsme
français : le professeur Ady STEG, que je salue. L’Alliance israélite
universelle, c’est un réseau d’écoles, c’est une bibliothèque qui est la
plus grande bibliothèque juive que nous puissions connaitre en Europe.
L’Alliance permet à la fois de diffuser la culture juive et de
promouvoir la francophonie.
Vous avez aussi une valeur, qui est également celle que nous portons,
la solidarité. A travers l’Œuvre de secours aux enfants qui, je le
rappelle, avait sauvé des enfants juifs pendant la seconde guerre
mondiale, recueilli des orphelins à la Libération.
Aujourd’hui, l’OSE gère 28 établissements accueillant plus de 1.000
enfants sans famille ainsi que des personnes âgées ou handicapées.
Vous avez aussi le Fonds social juif unifié qui est la principale
organisation juive dans le champ de l’éducation, mais aussi des médias
et la première source de collecte.
Enfin, vous avez confiance dans la jeunesse. Le CRIF a toujours fait
en sorte que les jeunes juifs puissent également porter les valeurs,
celles qui sont issues aussi de la Résistance, et être vigilants par
rapport à l’antisémitisme. C’est le rôle donné notamment à l’Union des
étudiants juifs de France.
Le CRIF, 65 organisations – je ne sais pas comment vous faites,
nous-mêmes à trois nous avons parfois du mal – 65 et 70 ans. En même
temps vous avez préservé le caractère laïc. Cela peut paraitre étrange,
paradoxal même, de le dire ici. Le CRIF est une institution laïque.
Les institutions religieuses ont bien sûr toute leur place pour
l’organisation du culte. J’étais, au mois de juin, au Consistoire
central et je sais le rôle qui est le sien dans notre pays depuis plus
de deux cents ans. D’autres courants du judaïsme religieux sont aussi
très présents en France, chacun selon ses conceptions et l’idée qu’il se
fait de la tradition, de la religion juive mais toujours dans la Cité
républicaine. Mais c’est bien que le CRIF puisse être l’interlocuteur
politique des pouvoirs publics. Ce qui nous vaut l’occasion, quels que
soient nos statuts, d’être au diner du CRIF. C’est toujours un grand
moment, où l’opposition rêve d’être à la table centrale, et où la
majorité sait que c’est forcément pour un temps précaire. Alors que
vous, vous êtes permanents dans l’institution.
La communauté juive de France, vous l’avez rappelé Monsieur le
Président, a connu aussi un certain nombre d’épreuves depuis 70 ans, que
d’épreuves même ! Je ne parle pas simplement de celles de la Libération
avec le constat, hélas, des disparitions.
Mais elle a su accueillir les Juifs d’Afrique du nord, dont l’apport
a profondément modifié la culture, les traditions, et qui, dans de
nombreuses villes de France, ont réussi à recréer une vie juive, là où
elle avait disparu. Je veux, ici, les en remercier. Les Juifs du Maroc,
d’Algérie, de Tunisie sont, non seulement pleinement intégrés dans la
société française mais ont enrichi notre pays de leurs talents et de
leur créativité dans tous les domaines.
Et il y l’antisémitisme, celui-là même que nous avions pensé disparu
avec la Seconde guerre mondiale, avec hélas le spectacle terrible de la
Shoah. Cet antisémitisme qui a ressurgi. D’abord au début des années 80
où il y a eu l’attentat de la synagogue de la rue Copernic, la fusillade
de la rue des Rosiers en 1982, la profanation du carré juif du
cimetière de Carpentras en 1990. Là encore, le CRIF a tenu bon, n’a pas
cédé et a rappelé – et ce n’était pas facile – la confiance que vous
portiez toujours dans la République pour qu’elle soit vigilante.
L’antisémitisme a continué, a redoublé même à partir du début des
années 2000 avec des écoles juives, des synagogues, qui ont été
attaquées, agressées, incendiées. Des enfants qui ont été molestés, qui
sont encore molestés, parce qu’ils portent la kippa. L’antisémitisme qui
a tué, oui qui a tué encore dans notre pays, en février 2006 – vous
l’avez rappelé -, Ilan HALIMI, 24 ans ; en mars 2012, à Toulouse,
Jonathan SANDLER, 30 ans ; Gabriel SANDLER, 3 ans ; Arieh SANDLER, 6 ans
; Myriam MONSONEGO, 7 ans. Je suis allé sur leurs tombes pour
m’incliner devant leur mémoire, avec la délégation qui m’accompagnait
lorsque j’étais en Israël.
Contre l’antisémitisme, la Garde des Sceaux, le ministre de
l’Intérieur, sont entièrement mobilisés. Vous savez qu’ils ne laissent
rien passer. L’antisémitisme, nous l’avons tous dit, ce n’est pas
l’affaire de la communauté juive, c’est l’affaire de tous les Français.
C’est pourquoi j’invite tous ceux qui sont victimes d’actes racistes,
d’une manière générale, mais d’actes ou de propos antisémites, à ne rien
tolérer et à s’adresser à la police, à la justice, parce que les
coupables doivent répondre de ces actes et doivent être identifiés et
sanctionnés.
De même, nous agissons, le Gouvernement de Jean-Marc AYRAULT, pour
que sur internet – on en a parlé souvent – nous puissions là-encore
éviter la tranquillité de l’anonymat qui permet de dire des choses
innommables sans être retrouvé. J’ai demandé au Gouvernement d’y veiller
tout particulièrement et de lutter contre le sarcasme ou ceux qui se
prétendent humoristes et qui ne sont que des antisémites patentés que
nous devons également combattre.
Je sais la solidarité du CRIF avec l’Etat d’Israël. Et je veux y
revenir, parce qu’elle ne pose pas problème. Parce que cette solidarité
est légitime, et vous n’avez pas à vous en justifier. Israël est le pays
refuge créé après la Shoa pour les Juifs et qui partout sur la terre
auraient à souffrir du fait qu’ils sont juifs. C’est pour cela qu’ils
savent qu’en Israël il y a un pays qui est là. L’existence d’Israël est
nécessaire aux Juifs du monde entier.
C’est aussi une victoire sur la fatalité. Alors avec Israël, je le
sais, les liens sont multiples, ils sont personnels, familiaux, ils sont
humains, politiques, culturels et ces liens, je les respecte.
J’étais donc en Israël du 17 au 19 novembre, je sais aussi que les
présidents des Assemblées s’y sont rendus et notamment le président du
sénat.
J’ai été très sensible à l’accueil qui m’a été réservé et par le
Président PERES et par le Premier ministre Benjamin NETANYAHOU. Je pense
que ces accueils, cette hospitalité, n’étaient pas simplement de
circonstance, qu’elles correspondaient à un lien qui dépassait les
personnes, qui concernaient nos deux pays.
J’ai rappelé que la France était pleinement engagée pour la garantie
de la sécurité d’Israël. Et notamment que nous ne laisserions pas
l’Iran accéder à l’arme nucléaire. Les négociations qui ont pu aboutir à
un accord intérimaire permettant de suspendre le programme iranien
n’ont pas réglé définitivement cette question. Nous ne le saurons que
dans quelques mois. Cet accord a correspondu à nos exigences, celles que
j’avais posées avec Laurent FABIUS, dans la négociation.
Ensuite, nous maintiendrons notre vigilance, parce que pour nous, il
n’est pas question que l’Iran puisse accéder, d’une manière ou d’une
autre, à l’arme nucléaire.
Je me suis aussi rendu en Palestine, j’ai rencontré le Président
Mahmoud ABBAS à Ramallah et je lui ai confirmé ce que j’avais dit
d’ailleurs aussi au premier ministre israélien, que la paix est
forcément exigeante.
S’il n’y a pas de concessions, il n’y aura pas de paix.
S’il n’y a pas de pas fait, l’un vers l’autre, il n’y aura pas de rencontre.
Il y a une chance, une circonstance pour que nous en finissions avec
ce conflit qui remonte à trop loin. Et donc, il faut la saisir cette
chance. Et c’est le devoir de la France de faciliter, parce que nous
avons cette facilité de pouvoir parler et aux Palestiniens et aux
Israéliens et de leur tenir le même langage.
A toutes étapes de mon voyage, le CRIF était là : Monsieur le
président mais aussi une délégation. Vous étiez là en Israël mais aussi
en Palestine. Je veux saluer ici l’ouverture d’esprit du CRIF. Et c’est
très important que vous puissiez vous aussi contribuer à votre place, à
la paix.
Plusieurs étaient donc à Ramallah, écoutant des jeunes Palestiniens
nous interpeller, parfois avec des mots que nous n’aurions pas
nous-mêmes endossés. Mais le fait même qu’ils puissent s’exprimer était
important– je me souviens de ces deux jeunes qui étaient à Gaza- qui à
la fois bien sûr nous exhortaient à tout faire pour lever un certain
nombre de restrictions, et s’exprimaient en français. Parce que la
France est aussi présente à Gaza. Nous avons une Alliance française qui
permet justement à des jeunes Palestiniens de Gaza de pouvoir parler en
français. Quand on parle en français, on commence déjà à parler avec les
valeurs de la France, ce qui n’est pas automatique et qui au moins
permet l’accès à la culture commune.
Voilà ce que j’étais venu vous exprimer pour ce 70ème anniversaire et
au-delà de vous, c’est à tous les Juifs de France que je tiens à
m’adresser. Parce qu’entre les Juifs de France et la République, nous
partageons une longue histoire. Mais nous avons surtout un destin commun
à travailler ensemble, à préparer ensemble. Les Juifs de France doivent
être pleinement en France et la France a besoin de tous ses citoyens et
des Juifs de France notamment. Merci.
fin du script
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De nombreuse photos de cette grande réception communautaire figurent sur le site de la Présidence, nous en reproduisons seulement 3 ci-dessous, pour ne pas charger notre éditorial :
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