Si vous parlez trigonométrie à un maçon, ce ne
sera pas son incompétence que vous découvrirez, mais le fait qu'il ne
saura de quoi vous lui parlez. Il en est ainsi de la différence entre
l'homme politique local et l'homme d'Etat. Quand un journaliste se
demande, à la suite de l'appui, dans la presse, de l'ex-chancelier
Gerhardt Schröder à M. Vladimir Poutine, si "la communauté
internationale peut encore faire confiance au chef du Kremlin",
il ignore qu'un chef d'Etat voit tout de suite le déplacement de la
cervelle du journaliste-maçon sur un territoire étranger au sujet. Car il
ne s'agit pas des relations particulières de la Russie avec l'Ukraine,
mais des armes dont use un empire mondial afin d'égarer l'attention d'un
demi-milliard de ses vassaux de la question pour lui en substituer une
autre, qui ne concerne en rien la science des vrais hommes d’État.
J'ai donc imaginé trois discours d'un Nicolas
Sarkozy qui emprunterait le langage requis des hommes d'Etat; et le
lecteur découvrira que, dans toutes les démocraties, il est tout
simplement impossible de monter les marches du pouvoir si l'on s'adresse
en homme d'Etat aux citoyens - ce serait parler trigonométrie aux maçons.
Mais il arrive que le peuple élise un maçon à la
Présidence de la République, puis qu'il découvre avec stupéfaction qu'un
vrai regard sur la planète échappe à l'horizon mental des notables
locaux. C'est ce qui se passe en France en ce moment : la gauche cherche
en vain un cerveau du calibre requis et la droite pose sur les plateaux
de la balance de l'histoire des têtes étrangères à l'enjeu réel de
l'élection de 2017.
1 - La vassalité de l'Europe
Je me
suis beaucoup instruit depuis que vous m'avez condamné à un exil utile,
et même nécessaire à l'éducation et à l'information d'un homme d’État.
Les livres d'histoire que j'ai lus m'ont appris à écarquiller les yeux
sur les lacunes de mon instruction. Je n'ai acquis qu'à l'âge mûr la
connaissance des documents politiques qui manquaient à ma formation
d'homme de terrain. Mais j'ai également découvert, à cette occasion, que
seule l'action féconde les savoirs et que, sans l'expérience du pouvoir,
les livres des greffiers et des huissiers des nations, ne vous servent à
rien, tellement on ne tient pas le gouvernail d'un État avec un mode
d'emploi imprimé à la main. La classe dirigeante des villes grecques
asservies à l'empire romain faisait campagne sur la cherté des vivres et
sur les difficultés d'approvisionnement en blé. Tout le monde l'importait d’Égypte - mais Osty était le port le mieux servi et l'on n'en expliquait
pas les causes au petit peuple.
Aujourd'hui,
quel est l'horloger du monde qui vous entretiendrait du grand silence qui
s'est abattu sur une Europe occupée par cinq cents bases militaires
américaines, quel est le spécialise de la mémoire des peuples qui vous
dirait que, de Ramstein à Naples et d'Hambourg à Syracuse, personne ne
vous ouvre les yeux sur le prix que vous payez à votre vassalité? Non
seulement vous ne trouverez aucun dirigeant qui chiffrerait le montant du
tribut que l'occupant vous réclame chaque année, mais si vous n'étendez
pas vous-mêmes le champ de votre information de citoyens, jamais vous ne
prendrez conscience de ce que vos dirigeants vous ont asservis à un
empire étranger.
Soixante
dix ans ont passé depuis la fin d'une guerre mondiale censée vous avoir
libérés; mais aucune radio, aucune antenne de télévision, aucun
quotidien, aucun hebdomadaire ne vous glisse à l'oreille un seul mot sur
l'étendue et sur la nature de votre assujettissement. Mais je n'ai pas
mission de vous admonester ou de m'irriter de votre passivité; mon devoir
est de vous informer de ce que mon expérience politique m'a appris. Je
vous le dis tout net: si le souffle de la libération de la France et de
l'Europe ne montait pas de vos poitrines, personne ne porterait remède à
la faiblesse de vos cages thoraciques. La Liberté ne naît jamais que des
poumons des peuples respirants.
J'ai
appris qu'un chef d’État est un décrypteur d'avant-garde du temps des
nations; sinon, il lui faut renoncer à la mission que son siècle attend
de lui. Le revenant qui s'adresse aujourd'hui à vous n'est pas l'homme
qui vous a quitté en mars 2012. Ma vocation est de vous parler de la
France et de vous expliquer le monde dans lequel nous vivons. Bien plus,
j'aurais honte de détourner votre attention de l'essentiel et de porter
vos regards sur des sujets secondaires, tellement il serait indigne de
notre pays et de votre rang de citoyens devenus seuls responsables de
notre avenir de vous cacher les grandes difficultés qui vous attendent -
il s'agit, tout simplement, de savoir si le fonctionnement actuel des
démocraties modernes m'autorise encore à vous entretenir sérieusement de
notre sort dans une Europe dont les classes dirigeantes se laissent
arracher des mains les restes de leur pouvoir. Français, votre
souveraineté se trouve menacée par une puissance étrangère désormais en
mesure de faire la loi dans nos murs.
La
Liberté est une voix, mais vous avez fait, de votre Liberté, un convoi
mortuaire, la Liberté est une voix, mais la vôtre orchestre les
funérailles des Etats démocratiques. J'ai à vous parler des pompes
funèbres de la République, parce que votre servitude politique repose
tout entière sur votre impuissance à frapper de l'opprobre qu'ils
méritent les hommes politiques qui vous tiennent gentiment par la main,
mais qui vous ont mis un bandeau sur les yeux et qui vous promènent dans
un jardin d'enfants.
2 - Du pacte de l'ignorance avec la sottise
Mon long
éloignement de la politique m'a fait découvrir que la pensée est la fille
de la solitude, mais également que la réflexion est un sport de combat.
Il m'a fallu connaître les souffrances de l'inaction pour apprendre
qu'une politique privée des ressources de la méditation tombe dans
l'ignorance et la sottise. Mais, au cours de mon incarcération loin de
vous, j'ai également découvert ce que signifie le mot réalité. Car
toute politique se veut et se dit réaliste - et pourtant, personne
ne vous dit ce qui rend la prison du réalisme politique digne de
la réalité que nous devons affronter. Deux ans de soif dans le désert de
l'inaction m'ont enseigné que les grands peuples répondent à la vocation
ascensionnelle qui les habite et que leur élévation intérieure les
appelle à propager le feu qui les inspire.
En 2007,
je ne savais pas encore que la guerre de l'intelligence ne s'apprend que
dans une nuit profonde, en 2017, je ne savais pas encore que l'homme
d'Etat est une plante du désert, en 2007, je ne savais pas encore que
l'apprentissage du destin de la France et de l'Europe me condamneront un
jour à m'adresser à vous en pédagogue et en apprenti de votre éternité.
C'est
d'un anachorète que j'ai appris à vous parler de plus haut et d'ailleurs.
L'ermite de Colombey vous avait avertis que si vous vous placiez sous le
sceptre, le drapeau ou la houlette d'une puissance étrangère, elle vous
appellera tôt ou tard à porter sa bannière sur le champ de bataille qu'on
appelle l'histoire, mais que ce champ de bataille ne sera jamais plus le
vôtre. Et voici que toute l'Europe s'apprête à suivre son maître dans une
campagne de Russie d'un nouveau genre.
Mon
devoir est de vous informer de la nature des empires, mon devoir est de
vous instruire des principes qui commandent l'expansion naturelle et
instinctive de leurs forces, mon devoir est de vous faire bénéficier de
mon expérience de cinq années, non point en laboratoire, mais sur le
terrain, des ressorts de monstres sacrés dont le Général de Gaulle lui-même
avoue, dans ses Mémoires, qu'il n'a appris que dans
l'épreuve à les connaître et à en décrypter les secrets.
Je
n'avais que trois ans à l'heure où l'homme du 18 juin est revenu aux
affaires. Mais je n'ai appris qu'au cœur de l'expérience du pouvoir que
l'histoire est un coffre fermé et que la clé qui l'ouvre est à la mesure
des serruriers qui l'ont fabriquée. Aujourd'hui, cette clé est devenue
aussi simple que la serrure dans laquelle il faut l'introduire. Mais
l'art de la soustraire aux regards a changé. Que dit cette clé ? Que le
départ des troupes américaines se produira fatalement, parce qu'il n'est
jamais arrivé qu'un empire perpétue l'exploit d'implanter ses armes sur
les arpents du vaincu. Mais les chefs d’État d'aujourd'hui qui, trois
quarts de siècle durant, auront gardé un silence complice sur
l'occupation militaire inutile de leur pays au profit d'une puissance
étrangère tomberont dans une éternelle infamie aux yeux de tous les
narrateurs à venir de la mémoire du monde.
Mais
observez la part d'ignorance maligne dont la sottise se nourrit, observez
la part de la cécité d'esprit qui rend apparemment innocent l'aveuglement
astucieux des Etats. Ne croyez pas qu'un empire serait une ruche
bourdonnante de Machiavel avisés, ne croyez pas que l'Europe serait la
proie d'un plan de conquête savamment concerté au profit d'une ruche
vrombissante de Florentins retors. Sachez que les empires ont le cœur sur
la main et que ces frelons ont des antennes d'évangélistes. Personne ne
donne des ordres aux apôtres des puissants. Mais voici ce qui attend
votre candeur si vous n'appreniez pas à connaître les relations secrètes
que la politique actuelle entretient avec le messianisme démocratique.
Seul le feu sous la cendre qui s'appelle la pensée vous conduira dans la
crypte du mythe de la Liberté.
Sachez que l'empire américain est un temple et
un navire de guerre, sachez que les idéalités dont il s'auréole en sont
les ailes d'ange et les soutes. Il vous faut visiter les caveaux de ce
temple avant de tenter de capturer ses séraphins et de les coller dans
vos herbiers. Puis vous monterez sur le pont de ce mastodonte de sa foi
et vous découvrirez qu'il conserve ses machines dans sa coque, mais qu'il
a perdu son pavillon. Certes, vous direz-vous, ce cuirassé n'arbore plus
les couleurs de l'emblème mondial du Beau, du Juste et du Bien. Mais
voyez avec quelle habileté il tente de perpétuer le règne et la puissance
de sa bannière. S'il négligeait de placer son oriflamme à la tête de sa
flotte, s'il ne vous montrait pas du doigt et jour après jour les ennemis
qu'il vous appartient de combattre en son nom à lui, comment
conserverait-il à la fois son sceptre et sa couronne? Mais les empires ne
désignent jamais à leurs vassaux que les adversaires qui portent ombrage
à leur propre expansion. Rome n'avertissait pas les cités grecques "délivrées"
que Rome était devenu leur véritable ennemi: ne les avait-elle pas
remplies d'allégresse de se trouver conquises pour la gloire des légions?
C'est pourquoi les cinq années que j'ai passées
à courir sur la scène internationale me conduisent-elles à vous
entretenir de l' Allemagne vassalisée, de l'Italie réduite au silence, de
l'Espagne hors jeu, de la Grèce piétinée. Et maintenant, le glaive et le
casque de l'Amérique vous ont subitement ordonné de cesser de livrer
votre production industrielle et agricole à la Russie - et vous avez
servilement obéi. En réponse, la Russie a décidé de renoncer à consommer
vos fruits et vos légumes; et vos paysans vous disent: "Pourquoi
faites-vous de nous les vassaux de votre vassalité? Qui a fait de vous
les serfs d'une puissance débarquée d'au-delà des mers, qui a changé nos
démocraties en une armée de valets de ferme? Qui vous autorise à nous
placer dans le sillage de votre propre domestication? Votre tenue de
prisonniers, gardez-la - charbonnier est maître chez soi."
4 - La
future éducation nationale
Français,
je ne vous parlais jamais de la France; désormais, je vous trahirais si
je vous entretenais exclusivement de notre pays, parce que notre histoire
est revenue partiellement se placer entre nos propres mains il y a
cinquante huit ans, en 1966. Mais les devoirs politiques que seule la
solitude enseigne aux hommes d’État m'a appris que les lentes
retrouvailles des nations de l'Europe avec leur souveraineté perdue
auront besoin de guides avertis d'une dignité difficile à retrouver. Ma
retraite m'a enseigné, de surcroît, que l'homme politique de demain devra
également se montrer le pédagogue d'une Liberté plus étendue et mieux
informée que la précédente.
Vos
éducateurs de demain devront vous dire que vous êtes devenus les enfants
de chœur de la démocratie mondiale, parce qu'on ne passe pas d'une
chaumine enfumée au palais de Versailles sans changer de dégaine. Vos
instituteurs vous diront quelle hauteur d'esprit l'histoire attend de
votre citoyenneté élargie. Les chefs d’État qui vous feront quitter la
défroque dont un empire étranger vous aura affublés depuis 1945 feront de
vous les cerveaux de leur siècle.
Mais
voyez la noblesse d'esprit de la citoyenneté nouvelle que le Général de
Gaulle a inculquée à la démocratie mondiale: cette hauteur me contraint
de m'adresser en votre nom à toutes les nations asservies de l'Europe. Le
Pygmée qui vous parle vous demande de rendre la France et l'Europe
ascensionnelles dans vos têtes et dans vos cœurs. Je vous disais plus
haut que la liberté des peuples monte des entrailles des nations. Mais si
vous n'entrez pas en politique comme on entre dans les ordres, vous ne
serez jamais qu'en balade dans les jardins d'enfants de votre histoire.
Si vous voulez en devenir les horticulteurs, apprenez à peser les
relations frelatées que les décadences tissent avec la vassalisation de
la raison elle-même, apprenez à peser les liens gangrenés que les Etats
chargés de chaînes entretiennent avec l'asservissement de leur capacité
de jugement Car leur entendement affaibli est devenu l'esclave du mythe
cadavérisé de la Liberté.
En
Allemagne un Conseil permanent des spectateurs a d'ores et déjà
pris le pouvoir au nom des vrais citoyens du pays. La télévision
nationale a diffusé une représentation théâtrale terrifiante : des
acteurs déguisés en nazis chaplinesques et caricaturés en pantins
hallucinés donnent l'ordre de falsifier les nouvelles du monde aux
rédactions des principaux journaux de la nation - le Spiegel
et Die Zeit; puis le spectateur peut constater en
surimpression sur l'écran que ces ordres déments sont censés avoir été
exécutés, alors qu'ils sont les produits effectifs de
l'auto-vassalisation d'un peuple allemand placé depuis trois quarts de
siècle sous le joug de sa classe dirigeante, qui s'est laissé vassaliser
par l'Amérique.
Exemple:
à la suite de la chute, provoquée par un missile, d'un avion malaisien
transportant près de trois cents Hollandais, dont quatre-vingts femmes et
enfants, le Spiegel titrait en couverture et en rouge:
"Jusqu'où ira Poutine?" Quant au convoi russe de
vivres et de médicaments à l'intention des villes de Lugansk et de Donetz
dans le Dombass, la presse allemande titrait: "La Russie
envahit l'Ukraine". Croyez-vous que vous vivez encore dans
une démocratie si votre classe dirigeante de fantoches et de pantins vous
traite en poupées mécaniques.
5 - La vocation intellectuelle des chefs d’État
Je
pensais venir modestement au secours de mon pays à l'heure où l'échec
inévitable d'un socialisme mythique me contraindrait à reprendre en mains
le flambeau d'un parti de la majorité de droite et du centre devenus
réalistes, parce que, depuis deux millénaires, la gauche des évangélistes
se révèle viscéralement utopique sur la scène internationale, alors
qu'une bourgeoisie héritière de la monarchie ignore encore les devoirs de
la générosité, comme le Général de Gaulle l'a souligné.
Mais
voici qu'un autre appel au combat contre l'inégalité, un autre
enseignement de l'esprit de justice, une autre vocation de la France
étouffent ma voix dans ma gorge. Qu'est-il advenu de l'homme politique
que vous avez élu en 2007 et que vous avez envoyé en apprentissage de sa
véritable mission en 2012? Je me suis mis au service d'une autre âme de
la politique et d'une autre histoire de mon pays - je combattrai pour l' alliance
que l'Europe de ce temps doit sceller avec la connaissance plus profonde
du genre humain à laquelle la pensée de demain conduira le monde.
Je vous
disais que la politique se collète avec le réel, mais que le réel doit se
trouver élevé à la hauteur du destin des nations. Le moinillon d'une
République de la pensée que je suis devenu vous parlera, la semaine
prochaine, de la vie ascensionnelle de la France de l'intelligence.
J'écrivais
le 25 juillet:
"A partir de cette date, et compte-tenu qu'on ne luttera
efficacement contre le naufrage de la langue française que si le
Président de la République et le Premier Ministre se voient nommément mis
en cause, je relèverai quelques-unes de leurs fautes."
- 1 - M.
Valls dit: nous sommes le 5 octobre. On dit: c'est aujourd'hui
le 5 octobre.
- 2 - M.
Hollande ignore qu'on renvoie au printemps, mais non à l'été ou
à l'hiver.
Le 4
octobre 2014
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