Éditorial de lucienne magalie pons
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L'Europe allemande🔼
L'Occident qualifié de rationnel n'a aucune connaissance rationnelle de la nature et du poids des langues et des religions sur la mentalité des peuples et des nations.
Tout laisse présager que l'Allemagne de demain voudra se présenter en moteur politique de l'Europe au détriment des intérêts à long terme de la France. Cependant, l'emprise, un demi-siècle durant, de Bonn la catholique sur l'histoire des Germains a occulté l'évidence que l'Europe en marche sera protestante. L'exemple le plus frappant est celui des conséquences en France et en Europe de la séparation entre l'Eglise et l'Etat en 1905. Un siècle plus tard, les deux tiers des Français ont cessé de croire en l'existence de l'un ou de l'autre des trois dieux uniques et réputé exercer un droit de vie et de mort sur leurs fidèles - Jahvé, Allah et le dieu des chrétiens censé se composer de trois "personnes".
Mais rien de tel ne s'est produit dans le reste du continent: tout au contraire, l'Europe du Nord a basculé dans la forme spécifique du christianisme propre au protestantisme, qui scelle un pacte national et inébranlable entre l'Etat et le mythe chrétien d'un salut universel. C'est que les religions se définissent à l'école de leurs doctrines, mais se manifestent à l'écoute des tempéraments des peuples, donc au gré de l'étendue territoriale des nations, de la masse de leur population, de leur situation géographique, de leurs mœurs et de leur climat. Le protestantisme est la seule forme du christianisme censée progresser parallèlement aux victoires de la raison scientifique et philosophique de l'humanité.
En vérité, la psychologie protestante de l'Allemagne est partagée par ses satellites mentaux. Cette mentalité nous rappelle que la Hollande, la Norvège, la Suède, le Danemark, la Finlande, participent de l'esprit germanique et renforcent la puissance politique de l'Allemagne. C'est tout ce groupe d'Etats qui donne sa puissance économique à l'Europe allemande d'aujourd'hui. Leur esprit se révèle également le fondement de l'alliance du politique avec les technologies d'avant-garde. Il ne s'appuie plus sur l'affichage dune empreinte doctrinale et catéchétique mais sur un esprit public compénétré d'une foi adossée au culte des identités nationales.
Aussi la première démarche exigée du comte de Montpezat à la suite de son mariage avec la reine du Danemark, fut-elle de se convertir au luthéranisme. Cette forme de christianisme est entière ment étrangère au centralisme sacerdotal de l'Eglise catholique romaine. Plus la catéchèse proprement dite devient floue et informulée, plus le sceau du nationalisme scelle le pacte entre l'identité nationale et le rite cultuel encore dominant.
Il est donc essentiel de tenter de comprendre la nature profonde de l'enracinement allemand et protestant que le luthéranisme imposera à l'Europe de demain.
En premier lieu, une vision stratégique plus étendue des vrais enjeux d'une politique européenne
Prenons l'exemple de la construction de deux grands travaux entrepris afin de relier la Suisse à l'Italie: le creusement du tunnel du Simplon dans le Valais et celui du Saint-Gothard à partir de Zurich. On y voit clairement la différence entre l'esprit catholique et l'esprit protestant: le canton catholique du Valais avait choisi un microscopique village, celui de Brigue, pour percer un modeste tunnel de dix-neuf kilomètres, qui aboutirait dans la petite ville italienne de Domodosola. Les travaux commencés en 1898 avec dix-huit ans de retard, ne s'étaient achevés qu'en 1921 avec la fin du percement du deuxième tube. Les quatre mille ouvriers du côté suisse et les dix mille du côté italien, avaient travaillé dans des conditions très dures, avec des piques et des pioches.
Un demi-siècle plus tard l'Allemagne protestante a étroitement piloté le creusement, à partir de Zurich, la capitale industrielle, commerciale et bancaire de l'Helvétie, du plus long tunnel du monde - certes dix-sept ans de travaux, mais cinquante sept kilomètres de long - afin de relier toute l'Europe du Nord, de l'Est et de l'Ouest avec le bassin méditerranéen à la vitesse des TGV actuels, qui franchissent cent kilomètres tous les quarts d'heure, c'est-à-dire cent soixante kilomètres de plus que les derniers avions à hélice de 1950.
La vision mondiale de l'avenir politique et économique du Vieux Monde témoigne d'un recul intellectuel et d'une distanciation anthropologique typiquement germaniques et protestantes. De plus, cette vision contraste avec le provincialisme de l'esprit romain dont l'universalisme se veut essentiellement doctrinal et sacerdotal. En revanche l'universalisme issu de la Réforme est branché sur des idéalités tantôt apaisantes, tantôt féroces et voraces: la Liberté, la Justice, le suffrage universel, le mythe démocratique dans son ensemble. Ces entités vocalisées sont destinées à devenir le moteur des nations et celui du combat contre les prêtrises à la fois locales et hyper divinisées.
On l'a compris encore tout récemment quand l'esprit protestant de l'Europe allemande a proclamé que le Président Trump avait "perdu la raison" à brandir bêtement l'apocalypse atomique face à une Corée du Nord qui avait suffisamment la tête sur les épaules pour simplement rappeler que Saddam Hussein et le colonel Khadafi seraient encore en vie s'ils s'étaient souvenu que la bombe atomique est fondée sur la dissuasion du faible au fort. Cette logique est plus rationnelle que celle de "l'équilibre de la terreur" entre les grandes puissances.
De toute façon, l'esprit de la Prusse d'aujourd'hui voit déjà clair comme le jour que l'Europe protestante est en marche depuis longtemps et que l'universalité politique de demain, qu'on le veuille ou non, se trouve entre les mains des Germains. L'adage "Lève-toi et marche " a changé de camp.
Puisse le recul anthropologique dont dispose le protestantisme allemand face à la politique et à l'histoire ne pas coûter trop cher aux Lettres et aux arts avec lesquels la religion catholique avait fini par faire alliance: Michel-Ange disputait la préséance au pape Jules II.
Le 15 septembre 2017
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