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28 février 2016

Par Manuel de Diéguez : "Une France sans destin "

Éditorial de lucienne magalie pons 

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Une France sans destin 



1 - La labilité et la fixité des dieux 

Les biographes de la mort sont aux aguets: ils savent, eux, que la politique ressortit à l'art oratoire, ils savent, eux, que la vraie voix des nations est celle de leur destin et une France sans destin est une France sans voix. Pour comprendre comment les nations se donnent un élan, un souffle, un destin à l'écoute de leur voix, il faut remonter le cours du temps.

Il était une fois un paradis sur terre auquel un fleuve divin apportait chaque année la manne de son limon fertile. Il suffisait d'ensemencer régulièrement le déversement de cette corne d'abondance pour nourrir non seulement la population, mais pour transporter chaque année jusqu'aux bouches du Tibre le blé de l'annone aux citoyens romains. Les esprits tranquilles, mais aussi les plus endormis, se félicitaient de ce qu'un Dieu aussi ponctuel et tranquille transformât la nature en une boîte de Pandore des félicités.

Mais d'autres s'inquiétaient d'un Dieu aussi mécanique et qui transformait l'univers en une clepsydre sans surprises. Ils se disaient que ce Dieu trop paisible ne présentait pas une garantie de durée suffisante, tellement le destin est capricieux et tumultueux par nature. Il fallait, pensaient-ils, planter dans le désert des masses de pierres colossales dont la solidité cautionnerait la bienveillance du Nil. Et puis, comment l'ordre pacifique des saisons, comment la seule bénévolence des jours conduiraient-ils la dépouille mortelle des Pharaons vers leur éternité? De gigantesques pyramides ont accompagné la labilité de leurs cadavres parfumés vers leur immortalité. Les nations ont besoin de titanesques agrippements de leur quotidienneté à la matière inébranlable de leurs symboles.

2 - La fonction oraculaire du Capitole 

De l'autre côté de la Méditerranée, c'était le Capitole qui servait d'emblème et de forteresse à l'éternité de l'empire romain. Othon, dont les troupes venaient d'assassiner le vieux Galba et son successeur désigné, le vertueux Pison, s'était suicidé en se précipitant sur son épée au spectacle du désastre auquel il conduisait l'empire. Le goinfre Vitellius, à la tête des légions de Germanie, courait vers Rome et le feu avait été mis au Capitole. Il s'agissait d'un malheur plus irréparable qu'une bataille perdue. Vespasien arrivait du Moyen-Orient à bride abattue, où il laissait à son fils Titus l'ultime écrasement des Juifs qui refusaient de payer le tribut et de placer la statue de l'empereur dans leur temple.

Mais Vespasien eut beau reconstruire le Capitole et organiser de longues journées de purification de l'empire, jamais ce monument n'a retrouvé la plénitude de sa fonction sacrale. Puis les chrétiens commencèrent de faire entendre leurs voix: que valaient, disaient-ils, des dieux condamnés à se faire écouter dans le gosier stupide des oies du Capitole ? Saint Ambroise fera enlever la statue de la Victoire qui trônait depuis des siècles dans l'enceinte du Sénat. On sait que la réponse de Symmaque figure dans toutes les chrestomathies, tellement elle répond aujourd'hui encore à la question de savoir si les dieux ressortissent à des floraisons culturelles ou si la vérité coule de leur bouche.

3 - Une Europe de poupées de son 

Où sont, de nos jours le Sphinx, le Capitole, la muraille de Chine de l'Europe? Où sont les symboles de l'unité européenne? Qui peut se reconnaître dans la tour de Babel du Parlement de Strasbourg ou dans une Commission de Bruxelles accrochée aux basques de l'Amérique?

Pendant quarante neuf ans, l'Allemagne avait été scindée entre le régime capitaliste à l'ouest et une économie fondée sur le messianisme d'une utopie économique à l'est. En 1989, un miracle s'était produit: l'effondrement du mur de Berlin, avait réuni les deux Allemagne et redonné à la patrie ressoudée Berlin pour capitale et la porte de Brandebourg pour symbole de son unité ressuscitée. Mais, à la tête d'une Allemagne qui avait été dirigée durant un demi-siècle à partir d'une petit ville de province se trouvait désormais une ridicule petite confiturière dont la cervelle ne contenait pas un milligramme d'esprit national et de fierté patriotique.
Et quel symbole de la Germanie rassemblée, cette fille d'un prédicateur protestant avait-elle donné à l'Europe et à sa propre nation? Au nom de la religion nouvelle des droits de l'homme, il fallait recevoir à bras ouverts des centaines de milliers de jeunes et vigoureux musulmans envoyés par la Turquie dans le même esprit, osait-elle clamer que celui qui avait présidé aux embrassades entre les Allemands de l'Est et de l'Ouest, dans l'euphorie de leurs retrouvailles en 1989. Ce n'étaient plus seulement l'Allemagne et la France qui n'avaient plus de destin. Faute de signaux porteurs de leur voix, c'était l'Europe entière qui avait perdu ses lieux de mémoire. Mais ces nations n'étaient plus branchées sur la religion.

Que dire, en revanche, d'un culte idéologique des droits de l'homme plaqués sur les terres de la Pologne? Un pape polonais, Jean-Paul II, avait reconverti le christianisme à la sacralisation de la terre, un pape polonais baisait le sol des nations, un pape polonais avait réconcilié le culte extra-terrestre des chrétiens avec le génie du lieu des dieux des Romains, un pape polonais avait libéré sa patrie à christianiser le sol de toutes les patries.

Et voici que la nouvelle religion dite des droits de l'homme et orchestrée par les bureaucrates de Bruxelles téléguidés par Washington tentait d'imposer à la Pologne de recevoir des masses de musulmans, le Coran à la main, au nom d'une humanité ennemie de la singularité des peuples et des nations, puisque le mythe de l'égalité entre tous les hommes les rendait maintenant tous semblables et les privait tous de leur identité nationale.

4 - La capitulation de l'Europe 

Mais déjà l'Europe sans destin et sans voix, déjà l'Europe privée de personnage en chair et en os, déjà l'Europe réduite à une démocratie bananière au service des intérêts de Washington et à des républiques sorties des studios de Hollywood, déjà l'Europe réelle se taisait dans l'attente de ses retrouvailles avec la parole des peuples et des nations.

Et maintenant, dans un accord soi-disant "équilibré", l'Angleterre obtient de "superviser" les "institutions financières et les marchés", afin de "préserver la stabilité" des bourses européennes. Et maintenant l'alliance renforcée de Washington et de Londres interdit en fait à l'Europe de jamais se donner une armée. Et maintenant, il est précisé que si, par impossible, une Europe éparpillée tentait de se dote d'une armée de bric et de broc, jamais l'Angleterre n'en fera partie, non plus que d'une monnaie commune, ce qui donne toute sa portée à l'euthanasie de l'Europe et à l'assassinat du gaullisme que j'évoquais dans mes textes précédents.

Voir : L'assassinat du gaullism5 février 2016

L'euthanasie de la France , 
29 janvier 2016 

Après qu'il eut été démontré que l'Angleterre ressoudée à Washington a obtenu des dérogations capitales et même des privilèges financiers exorbitants, le Président Hollande osait déclarer: "Mais en même temps, ce sont les mêmes règles qui s'appliquent partout en Europe et qui continueront de s'appliquer. Il n'y a pas de dérogation, il n'y a pas de spécificité (…) ce sont les mêmes règles, c'est ce à quoi j'ai veillé particulièrement."

Et il poursuivait benoîtement, afin d'endormir d'avance les critiques: "Il ne faut pas donner le sentiment que l'Europe, c'est un 'self service'.Il peut y avoir une Europe différenciée, il ne peut pas y avoir une Europe où chaque Etat vient prendre ce qu'il veut."

Or, c'est précisément ce que l'Angleterre vient d'obtenir: un self-service qui lui permettra de "superviser", c'est-à-dire de dominer. Les Européens endormis viennent de laisser la City prendre le contrôle des institutions financières de l'Union européenne. David Cameron avait donc bien raison de claironner son succès tout en tentant de ménager les susceptibilités des vaincus: "Je suis convaincu que nous serons plus forts, plus en sécurité et en meilleure posture à l'intérieur d'une Union européenne réformée".

Or, le lendemain, la Une du Nouvel Obs sur Internet a purement et simplement ignoré cet "accord" pseudo "équilibré" et France Inter s'est contenté de se féliciter de son "existence" mais en évitant soigneusement d'en donner le contenu. Il ne reste plus aux citoyens français qu'à consulter les informations réelles données par le site Sputnik International.

L'entreprise de camouflage est en bonne voie.

 Dans le même  temps, l'Assemblée nationale et le Sénat censés exprimer la souveraineté de la nation par la voix du suffrage universel n'osent engager un débat de fond, ni sur les causes réelles et inguérissables du chômage, ni sur la souveraineté d'une nation qui se voit interdire par Washington de livrer des navires de guerre à une Russie ressentie comme une rivale de l'empire du dollar.
Et voici qu'une armée mythologique et dirigée par un général américain, commande seule une Europe à jamais privée de destin. Comment la France retrouverait-elle un avenir, comment sortirait-elle du sépulcre, comment la France prononcerait-elle du moins son oraison funèbre dans l'attente de sa résurrection? Le Tino Rossi hoquetant des roucoulades télévisuelles d'une démocratie bananière qu'on appelait la France du temps de sa souveraineté, ne se jouera pas longtemps de la fierté naturelle des Gaulois.

Le 26 février 2016


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