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L'intervention en texte :
Source : Site officiel Présidence
de la République
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Discours du Président de la République à l'occasion
de la 67ème Assemblée générale des Nations unies
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les
Représentants de vos Etats,
C'est la première fois que je
m'adresse à cette tribune aux Nations unies. Je le fais avec émotion parce que
je mesure ce que l'ONU fait pour notre monde, ce qu'elle a été pour notre
histoire. Je le fais aussi avec responsabilité car la France est membre permanent
du Conseil de sécurité et a donc des devoirs. Je viens rappeler aussi à cette
tribune des valeurs qui n'appartiennent à aucun peuple, qui ne sont la
propriété d'aucun continent, qui ne sont le privilège d'aucune fraction de la
population. Je viens parler au nom de valeurs universelles que la France a toujours
proclamées, des droits qui sont ceux de tout être humain où qu'il vive : la
liberté, la sûreté, la résistance à l'oppression.
Ces valeurs et ces droits sont
encore trop souvent bafoués dans notre monde sur lequel pèsent trois grandes
menaces que nous devons regarder en face.
La première, c'est la menace du
fanatisme qui nourrit les violences. Nous les avons encore vues ces derniers
jours.
La seconde, c'est l'économie
mondiale affectée par une crise qui entretient des inégalités insupportables.
La troisième menace c'est le
dérèglement du climat qui met en péril la survie de notre planète.
C'est la mission des Nations
unies que de relever ces défis et de trouver, ensemble, des réponses justes et
fortes. Justes parce que sans la justice, la force est aveugle. Fortes parce
que sans la force, la justice est impuissante.
Je viens aussi dire la confiance
que la France
porte dans les Nations unies.
Ces dernières années nous avons
été capables, ensemble, de mettre fin à des conflits meurtriers, prévenir des
affrontements.
Mais en même temps que nous
envoyons 100 000 casques bleus qui agissent au nom des Nations unies, et je
veux leur rendre hommage, en même temps par division, par blocage de nos
propres institutions, par inertie, l'ONU est incapable d'empêcher la guerre,
les exactions, ou les atteintes aux droits des peuples. Alors, j'en tire au nom
de la France
une conclusion : si nous voulons rendre le monde plus sûr, il nous appartient
de prendre nos responsabilités.
Comment ?
D'abord, en réformant notre
organisation, l'ONU.
Le Conseil de sécurité doit mieux
refléter la réalité du monde d'aujourd'hui. C'est pourquoi je rappelle une fois
encore que la France
soutient la demande d'élargissement formulée par l'Allemagne, le Japon, l'Inde
et le Brésil. Elle est également favorable à une présence accrue de l'Afrique,
y compris parmi les membres permanents. Siéger au Conseil de sécurité, ce n'est
pas jouir d'un privilège au nom de l'histoire. Pas davantage satisfaire une
ambition liée à la puissance économique. Siéger au Conseil de sécurité, c'est
prendre l'engagement d'agir pour la paix dans le monde.
Car nous devons agir. Agir
ensemble et agir vite, car il y a urgence.
La première des urgences
s'appelle la Syrie.
L'Assemblée des Nations unies a
plusieurs fois dénoncé les massacres perpétrés par le régime syrien, demandé
que les responsables des crimes commis soient jugés et souhaité une transition
démocratique. Mais encore aujourd'hui le calvaire de la population se poursuit.
30 000 morts depuis 18 mois. Combien de morts encore devons-nous attendre avant
d'agir ? Comment admettre cette paralysie de l'ONU ?
J'ai une certitude : le régime
syrien ne retrouvera jamais sa place dans le concert des nations. Il n'a pas
d'avenir parmi nous. C'est pourquoi, j'ai pris la décision au nom de la France de reconnaitre le
gouvernement provisoire, représentatif de la nouvelle Syrie, dès lors qu'il
sera formé. Ce gouvernement devra lui-même donner des garanties pour que chaque
communauté en Syrie soit respectée et puisse vivre en sécurité dans leur pays.
Sans attendre, je demande que les
Nations unies accordent dès maintenant au peuple syrien toute l'aide, tout le
soutien qu'il demande, notamment que soient protégées les zones libérées, et
que soit assurée une aide humanitaire aux réfugiés. Quant aux dirigeants de
Damas, ils doivent savoir que la communauté internationale ne restera pas
inerte si, par malheur, ces dirigeants venaient à utiliser des armes chimiques.
L'autre urgence est de lutter
contre la plus grave des menaces qui pèse sur la stabilité du monde : je veux
parler de la prolifération des armes nucléaires.
Depuis des années, l'Iran ignore
les exigences de la communauté internationale, s'affranchit des contrôles de
l'AIEA, ne respecte pas sa propre parole, et pas davantage les résolutions du
Conseil de sécurité. J'ai moi-même souhaité qu'une négociation puisse
sincèrement avoir lieu et qu'il y ait des étapes qui soient fixées. Là encore
cette négociation n'a pas abouti. La
France n'accepte pas cette dérive qui menace la sécurité de
la région mais, nous le savons, aussi la paix dans le monde. Je veux donc dire
ici de nouveau que nous sommes prêts à prendre de nouvelles sanctions, non pas
pour punir le grand peuple iranien, mais pour dire à ses dirigeants qu'il
convient de reprendre la négociation avant qu'il ne soit trop tard.
La troisième urgence est de
trouver enfin une issue au conflit israélo-palestinien.
Le statu quo que nous connaissons
n'est pas une réponse. C'est une impasse. La France là encore, j'en prends l'engagement,
contribuera de toutes ses forces à restaurer les bases d'une négociation devant
déboucher sur la coexistence de deux Etats dont chacun sait bien qu'elle est la
seule solution pour qu'il puisse y avoir une paix juste et durable dans cette
région.
La dernière urgence, et c'est
peut-être la première qui doit nous mobiliser cette semaine, est le Sahel. La
situation créée par l'occupation d'un territoire au Nord Mali par des groupes
terroristes est insupportable, inadmissible, inacceptable, pas seulement pour
le Mali qui est affecté par ce mal terroriste mais pour tous les pays de la
région et au-delà de la région, par tous ceux qui peuvent être frappés un jour
par le terrorisme. L'Union Africaine, que je salue, la CEDEAO ont déclaré être
disposées à prendre des décisions courageuses. Les autorités du Mali viennent
de nous saisir. Alors il n'y a pas de temps à perdre. La France, je l'annonce ici,
soutiendra toutes les initiatives permettant que les Africains eux-mêmes
règlent cette question dans le cadre de la légalité internationale avec un
mandat clair du Conseil de sécurité. Oui, il faut que le Mali retrouve
l'intégrité de son territoire et que le terrorisme soit écarté de cette zone du
Sahel.
Mesdames, Messieurs, le rôle de
l'ONU est de répondre à l'urgence. Mais il n'y a pas que l'urgence, il y a
aussi une ambition qui doit nous mobiliser tous ensemble : celle du
développement.
La Conférence de Rio, j'y
ai participé, a été une étape : décevante pour les uns, encourageante pour les
autres. Je considère que nous avons aujourd'hui un agenda qui doit permettre de
concilier, de conjuguer la croissance économique, la réduction de la pauvreté,
le progrès social, la protection de l'environnement... Voilà ce que nous avons
à faire dans la durée.
Nous avons devant nous le
rendez-vous de l'accord sur le climat en 2015. J'annonce ici que la France est disponible pour
accueillir, à cette date, la conférence des Nations unies pour les changements
climatiques. Parce que je veux que nous réussissions ensemble à relever ce
défi.
Parallèlement, je rappelle qu'une
des déceptions de Rio a été le fait que nous ne puissions pas nous mettre
d'accord pour la création d'une Organisation des Nations unies pour
l'environnement. Cela reste l'objectif de la France, créer cette agence de l'environnement qui
serait située en Afrique parce que c'est un continent qui a été trop longtemps
délaissé et qui affronte des périls climatiques, et c'est aussi un beau symbole
que de confier à l'Afrique cette future agence mondiale pour l'environnement.
Puisque je parle de
développement, je veux aussi que nous regardions franchement la réalité : nous
n'atteindrons pas les objectifs du millénaire sans ressources nouvelles. Chacun
connait les contraintes budgétaires de nos Etats respectifs. C'est pourquoi à
cette tribune des Nations unies je lance un appel en faveur des financements
innovants. Avec eux, nous donnons tous les moyens à nos organisations pour
lutter efficacement contre les maladies, le SIDA, le paludisme... Et je veux
saluer le succès d'UNITAID qui a été financé par la taxe sur les billets
d'avion. Voilà la voie qui a été ouverte. Aujourd'hui nous devons franchir une
seconde étape, je la propose, à travers l'instauration d'une taxe sur les
transactions financières, à laquelle d'ailleurs plusieurs pays européens ont
donné leur accord de façon à ce que les mouvements de capitaux puissent être
freinés ou, s'ils ne le sont pas, que par cette taxe, ils puissent financer le
développement et la lutte contre les fléaux sanitaires. La France s'est dotée de cette
taxe. La France
a même pris un autre engagement : de reverser une partie des produits de cette
taxe, au moins dix pour cent, pour le développement et pour la lutte contre les
fléaux sanitaires et les pandémies.
Tel est le message que je voulais
vous adresser : faisons en sorte qu'une taxe à l'échelle du monde puisse être
mise en place sur ces transactions financières et que son produit puisse être
affecté à son développement et à la lutte contre les pandémies. Ce serait un
bel exemple de ce que j'appelle la mondialisation de la solidarité. Voilà ce
qui est aujourd'hui une des plus belles idées que le monde soit capable de
porter.
Mais la Mission des Nations unies
n'est pas simplement de lutter contre l'instabilité financière ou de faire en
sorte que le développement soit une grande cause. C'est aussi de lutter contre
toutes les formes d'instabilité.
Je pense au trafic de drogue,
fléau touchant les pays de production, de transit et de commercialisation. Face
aux narcotrafiquants, à leurs alliances avec les réseaux terroristes, là encore
les Nations unies doivent bâtir une stratégie mondiale de lutte contre la
drogue et la mettre en œuvre.
De la même manière, les trafics
d'armes représentent aussi un très grave danger. La France est résolument
engagée dans la conclusion d'un traité universel sur le commerce des armes.
Ce que l'ONU doit aussi défendre,
doit aussi promouvoir, c'est une conception du monde fondée sur les droits et
libertés fondamentales.
Les « printemps arabes » ont
montré que ces valeurs étaient universelles, valaient pour tous les continents,
pour tous les pays. Je veux saluer ce qui s'est produit en Tunisie, en Libye,
en Egypte.
C'est vrai que les transitions ne
sont pas faciles, qu'il y a des risques, qu'il peut y avoir des allers-retours,
que les violences peuvent tenter de faire disparaitre les acquis et les
progrès. La France
appuiera les nouvelles autorités politiques issues d'élections démocratiques
dans ces pays pour combattre sans aucune complaisance, l'extrémisme, le
fanatisme, la haine, l'intolérance et les violences, quelles que soient les
provocations qu'elles peuvent rencontrer, parce qu'il n'y a pas de
justification à la violence, jamais.
La France veut être
exemplaire, non pas pour faire la leçon mais parce que c'est son histoire,
c'est son message. Exemplaire pour porter les libertés fondamentales, c'est son
combat, c'est aussi son honneur.
C'est la raison pour laquelle la France continuera de mener
tous ces combats : pour l'abolition de la peine de mort, pour les droits des
femmes à l'égalité et à la dignité, pour la dépénalisation universelle de
l'homosexualité, qui ne peut pas être reconnue comme un crime mais au contraire
comme la reconnaissance d'une orientation, et nous continuerons à nous battre
pour la protection des civils. Je rappelle que cette Assemblée a été capable
d'affirmer un principe : les Etats ont tous la responsabilité d'assurer la
sécurité de leurs civils. Et si un Etat vient à manquer à cette obligation,
c'est à nous, à l'ONU, d'engager les moyens de l'assumer à sa place.
N'enterrons pas cette promesse parce qu'elle peut être utile. Je pense
notamment à ce qui se produit dans la République démocratique du Congo, où les civils
sont les principales victimes des affrontements et où les ingérences doivent
cesser le plus rapidement possible.
Voilà les principes et les
orientations que la France
portera, défendra aux Nations unies. La France a confiance dans les Nations unies. Elle
sait qu'aucun Etat aussi puissant soit-il ne peut régler les urgences, mener le
combat pour le développement, venir à bout de toutes les crises. Aucun Etat ne
le peut mais en revanche si nous sommes ensemble alors nous serons à la hauteur
de nos responsabilités. La
France veut que l'ONU soit le centre de la gouvernance
mondiale. Mais est-ce que les Etats qui forment notre Organisation veulent que
ce soit là le principe et l'objectif ?
Je le dis avec gravité quand il y
a de la paralysie, quand il y a de l'inertie, quand il y a l'inaction, alors
l'injustice, l'intolérance peuvent trouver leur place.
Ce que je veux vous faire
comprendre à cette tribune c'est que nous devons agir, agir pour prendre nos
responsabilités, agir pour régler les urgences, la Syrie, la prolifération
nucléaire, le Sahel, agir aussi pour un autre monde, pour qu'il soit celui du
développement, agir pour les financements innovants, agir pour qu'il y ait une
lutte contre les fléaux sanitaires, agir, agir toujours, agir ensemble, soyons
à la hauteur de la mission qui nous a été confiée et de l'attente des peuples,
voilà le message de la France.
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