source : publié par le Site "Gaulliste de Bretagne et Pays de la Loire"
Par : Philippe BILGER
En Italie, sous le soleil, lisant irrégulièrement Le Monde, j'avais fini par me persuader que le procureur Courroye ayant pris quelques jours de repos, la France était prête à s'assoupir au mois d'août et que le Pouvoir allait enfin trouver un repos qu'en général on qualifie de "bien mérité".
Pourtant, sur le site du Nouvel Observateur consulté presque par une sorte de réflexe, j'apprends que le compagnon de notre ministre Christine Lagarde serait soupçonné d'une fraude, qu'Eric Woerth aurait écrit un courrier en 2008 pour qu'Alain-Dominique Perrin, généreux donateur de l'UMP, bénéficie d'un important dégrèvement fiscal, qu'une manifestation contre les privilèges est organisée au Cap Nègre, lieu de vacances du président de la République et de son épouse, et enfin qu'un pacte secret lierait le président Sarkozy à Jacques Chirac à propos de l'indemnisation de la mairie de Paris, avant le procès de celui-ci (Le Canard enchaîné).
Pour le problème fiscal évoqué par Libération, Perrin parle de "bidouillage" mais le quotidien confirme.
On est tout de même bien obligé de se poser la question : les médias ont-ils décidé d'empêcher le Pouvoir de faire la sieste ? Cette succession de soupçons, de supputations, d'insinuations, d'accusations, d'indélicatesses, de maladresses, d'indécences et de légèretés - chaque jour en appelant d'autres - a-t-elle commencé en 2007 ou bien la période que nous vivons ne représente-t-elle que le paroxysme de ce que le Pouvoir dans son essence sécrète naturellement ? Peut-on faire un sort particulier au sarkozysme et à son influence ou la focalisation incessante d'aujourd'hui sur les turpitudes réelles ou alléguées des gouvernants, des ministres, de leur environnement provient-elle seulement de l'obsession de médias - "chiens de race et de chasse" - acharnés à débusquer tout ce que ce pouvoir cache obstinément dans ses recoins ? Ce ne serait pas ce dernier qui serait plus à blâmer que les précédents mais l'investigation médiatique qui prendrait des proportions hallucinantes, choquantes.
Je constate seulement que, de même qu'une exemplarité perdue ne se rattrape jamais, le président de la République semble "payer" depuis plusieurs mois, à cause de certains ministres, une atmosphère de facilité et de désinvolture qui s'était installée au moins durant la première année de la présidence. Le processus est d'autant plus regrettable, et ces dérives préjudiciables à l'image républicaine, que l'effort d'éthique et de tenue que le président s'est imposé et les règles qu'il a rappelées récemment semblent n'avoir eu aucun effet positif, comme si une mécanique vicieusement mise en branle ne pouvait plus jamais être rectifiée.
Depuis les écoutes clandestines révélées par Mediapart, tout est venu sur le tapis démocratique mais tout n'a pas la même portée. Même s'il n'est pas évident que dans cette trouble effervescence, certains comportements puissent être régis un jour par une qualification pénale, il n'en demeure pas moins que l'ensemble divers, contrasté, martelé quotidiennement, de la faute dérisoire à la transgression grave si elle est démontrée, du citoyen étonné au citoyen indigné, ne donne pas de notre pays et de la manière dont il traite ses principes de base une belle image. Il n'y a pas forcément des cadavres dans les placards mais une mauvaise odeur dans les couloirs.
Ce qui a commencé avec Mediapart et la mise à nu des secrets de cette étrange famille Bettencourt s'est poursuivi. C'est sans doute là, dans ce pluralisme médiatique - aussi bien de la presse écrite que d'internet - et la recherche de tout ce qui peut venir éclairer la République sur elle-même, les gouvernés sur leurs gouvernants, le peuple sur ses représentants, que réside la singularité la plus éclatante de ces dernières semaines. Auparavant, un "scoop" pouvait être repris et une enquête exploitée par d'autres mais cela ne durait que quelques jours. Cela n'ouvrait surtout pas le champ à une investigation déchaînée et curieuse de tout, comme si l'audace initiale avait donné un signal collectif d'intrépidité et le droit à une investigation illimitée. Force est de constater que les quotidiens, les hebdomadaires et les sites d'information ne ménagent pas leur peine. Comme si tant de servitude, tant de mollesse et de conformisme étaient à rattraper ! Il n'y a que Le Figaro, au reste, sous la férule complaisante d'Etienne Mougeotte, pour demeurer impavide au milieu des tempêtes et s'obstiner à colmater des brèches même légitimement ouvertes ! Je me demande si ce déferlement n'est pas la manifestation d'une volonté forcenée de voir jusqu'où les médias peuvent aller trop loin, jusqu'où un Pouvoir peut résister trop longtemps.
Mais une double conclusion s'impose. D'abord, quel triste constat : pour peu qu'on fouille, on trouve forcément, dans les charges publiques et leurs titulaires, quelque chose de douteux, de malsain et de soupçonnable... Enfin, qu'on ne dise plus que les médias, sous Nicolas Sarkozy, sont dépendants et soumis ! Il faut accepter ce paradoxe - que les esprits simples me pardonnent - qu'ils sont à la fois totalement indépendants dans leur fonctionnement mais inféodés à leur tête !
Tant pis, on ne fera pas la sieste
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