1 - La dictature angélique
En 2014, on
avait oublié le programme monétaire de l'"Allied military
government for occupied territories" de 1944, (Gouvernement
militaire allié pour les territoires occupés) qui devait diriger la France
au fur et à mesure que les armées de la Liberté progresseraient sur son
sol.
Le
vainqueur avait massivement imprimé la fausse monnaie qui aurait cours sur
le territoire de la Gaule asservie. Les billets, habilement libellés en
francs, avaient été fabriqués par tonnes aux États-Unis dès le mois de
février 1944. On mesure la titanesque méconnaissance des lois de l'histoire
et de la psychologie des peuples à laquelle les Etats-Unis ont été conduits
par leur obsession de couper le cordon ombilical qui s'entête à les
raccorder à la civilisation du péché dans laquelle le reste de l'humanité
demeure plongée: il aura suffi de deux siècles pour que la classe
dirigeante de l'Eden du Beau, du Juste et du Bien aille se lover sur une
autre planète. Pas un cerveau issu des universités pré-adamiques de la
nouvelle innocence n'a su expliquer à Franklin Roosevelt l'évidence
qu'aucun gouvernement français ne serait en mesure de placer la population
sous le joug d'une vassalisation par le Bureau of Engraving and Printing
américain. Jamais les envahisseurs d'autrefois, les Huns, les Burgondes
et les Wisigoths n'auraient songé à imposer un joug aussi puissant à un
empire romain pourtant mourant.
Mais ce fut
avec la candeur d'Abel le Juste que, deux jours seulement avant le 6 juin
2014, le Président des Etats-Unis avait tenté, au sommet du G8-1 de
Bruxelles, d'évangéliser l'une après l'autre la France, l'Allemagne,
l'Italie et la Grande Bretagne et de les convaincre de mettre le pécheur
Vladimir Poutine en pénitence au cours des cérémonies commémoratives du
soixante dixième anniversaire du débarquement. Naturellement, sitôt sur
place, ce fut autour du Président russe que les Etats d'une repentance
avortée, au nombre de dix-neuf, se sont empressés. Ils s'étaient donné le
mot pour voler ses ailes de séraphin au souverain du Nouveau Monde, qui
s'est trouvé empêché de mettre en scène la prééminence apostolique qu'il
avait solennellement étalée à Johannesburg quelques mois auparavant à
l'occasion des funérailles messianisées de M. Nelson Mandela.
2 - La légitimation du prédateur et l'effondrement du droit
international
Huit jours
seulement après le raté confessionnel du 6 juin 2014, Le Monde
révélait que l'Elysée avait capitulé en catimini et sans l'avouer à
personne. L'Etat légitimait secrètement l'hérésie diplomatique - elle sera
confirmée le 1er juillet - selon laquelle tous les peuples de la terre se
soumettraient docilement à la juridiction doctrinale qu'exercerait
dorénavant le droit national américain. La BNP ayant entretenu des
relations d'affaires libellées en dollars avec trois Etats censés
souverains, le Soudain, Cuba et l'Iran, la "Justice"
américaine entend infliger à la banque française une amende de neuf
milliards de dollars. Le 1er juillet, la presse et la radio transmettaient
de larges extraits du réquisitoire du Procureur général américain. Le 1er
juillet, Mireille Delmas-Marty, professeur honoraire au Collège de France,
ironisait dans Le Monde: "Le droit américain n'a
pas vocation à régner sur le monde …sauf quand la vision américaine du
monde est concernée."
Et
maintenant, c'était au nom de l'universalité d'un mythe de la Liberté
motorisé au profit d'un empire que la France de Montesquieu valide
subrepticement le principe de la damnation de la planète des pécheurs;
c'est le peuple souverain de 1789 qui plaide auprès de son maître pour un
geste de bienveillance de la part du propriétaire de l'escarcelle des
idéalités. Les héritiers de Valmy se trouvent réduits au rang de pieux
majordomes du vassalisateur de la Démocratie mondiale. L'heure de pardonner
aux sans-culotte n'avait-elle pas sonné? Pourquoi ce retard? Quatre
décennies de dévotions des maîtres d'hôtel de la France n'avaient-elles pas
suffi pour rentrer en grâce auprès du dompteur angélique? N'y comptez pas,
séraphins ! Maintenant le procureur de tel ou tel des " Etats "
microscopiques - et privés de la souveraineté - qui composent la puissante
fédération des Etats-Unis d'Amérique se voit autorisé à fouler aux pieds le
droit local des derniers survivants de la parenthèse gaullienne.
Lorsque M.
Barack Obama avait publiquement menacé M. Hollande de lui verser une "tonne
de briques" sur la tête s'il s'avisait de signer des contrats
avec l'Iran - ce grand Etat se trouvait sur la liste des excommuniés de
l'empire, aux côtés de Cuba et du Soudan - le Président de la République
française, alors en visite officielle aux Etats-Unis, n'avait pas fait
entendre le moindre grommellement sous une telle insulte à son pays.
3 - La France aux yeux crevés
Mais voyez
combien, sous des dehors apparemment humiliants pour les dernières raideurs
de nos échines, le 6 juin 2014 a changé en douce les cartes de la dignité
et du rang de la France; jusqu'alors, on observait les initiatives
diplomatiques avortées de l'Elysée sur la scène internationale avec des
maugréements à peine irrités ou des haussements d'épaules impatients, et
maintenant on regarde sans colère et en connaisseurs désillusionnés comment
l'histoire s'y prend pour façonner la taille de ses vrais et de ses faux
serviteurs. Le Général de Gaulle avait illustré en pleine lumière la
dignité et le rang qu'un vrai chef d'Etat confère à sa nation, même
vaincue. Ses successeurs se voient dessinés en garçons coiffeurs
calamistrés sur la scène internationale.
Désormais,
une foule de citoyens ont rangé leurs ailes d'angelots au placard et sont
devenus des spectateurs tranquilles d'une France aux yeux crevés. Une élite
nouvelle juge froidement et sans fureur affichée dans la rue un chef de
l'Etat indigne de leurs espérances. S'ils avaient gardé l'espoir de
redresser l'épine dorsale de l'Etat post-gaullien, ils se tiendraient
désormais pour des naïfs inguérissables : ils ont compris qu'un homme
politique né inapte à exercer la plus haute fonction qu'un Etat puisse
confier à un citoyen ne changera jamais de calibre sur les planches où
l'histoire l'aura placé par inadvertance.
Dorénavant
des Français mûris par l'expérience de l'adversité qui frappe leur nation
se contenteront de nourrir le dossier de l'invalidation d'un chef d'Etat
élu à la suite d'un fâcheux concours de circonstances. Puisque, de son
côté, la France a obtenu de Washington une légère réduction de peine en
échange de la légitimation de l'exercice arbitraire d'une juridiction
étrangère sur son sol, la France citoyenne, de son côté, ne s'en fâche plus
sur les places publiques - elle aura mieux à faire qu'à vociférer vainement
- parce qu'elle saura combien la balance à peser la souveraineté des
peuples juge au-dessous de la suprématie des grands Etats de se venger de
la petitesse d'esprit d'un valet - elle exercera seulement ses prérogatives
naturelles sur les laquais au service de l'étranger sur son territoire.
4 - La France sous le fouet
Comment,
dit la France "des armes et des lois", un Etat de droit se
remettrait-il du désastre d'avoir sacrifié la lettre et l'esprit du jus
gentium à une diminution condescendante du montant d'une "amende"
illégale par nature? Quel est le prix d'achat de l'anéantissement du droit
public dans l'esprit des nations civilisées? Si un vassal supplie son
maître d'alléger des coups de bâton dont il confesse le bien-fondé et s'il
invoque "l'équité" d'un tyran armé de son gourdin, il
donne force de loi à la "peine" corporelle qui lui est
infligée, puisqu'il n'en conteste plus l'arbitraire, mais seulement le
montant. Voici la France des héritiers du Général de Gaulle convertie à
l'enseignement des juristes d'un Coran musclé, qui ne condamnent pas la
peine du fouet, mais seulement le nombre de coups que subira une carcasse
et qui triomphent à la barre d'afficher leur vassalité judiciaire, celle
d'avoir obtenu un dosage réduit de la mise à la torture bien méritée de
leur charpente. Mais un Etat souverain n'achète pas sa philosophie de la
Justice sous le fouet du bourreau.
Le peuple
français commence d'enfanter des citoyens informés des lacis de la jungle.
Ceux-là savent que les lois de la brousse ont seulement changé de
vêtements. Ils ont découvert qu'une nation ne règne plus sur une autre avec
des piques, de hallebardes et des grenadiers, mais avec des signes et des
emblèmes de sa grandeur ou de sa honte. L'OTAN règne seulement d'aligner
des baudriers aux frontières de la Russie - c'est l'habillage de quelques
gardes en uniformes qui insulte une grande nation, c'est l'effigie de la
pleutrerie internationale qui illustre la vassalité d'une Europe
tremblante.
5 - L'expérience chrétienne et le marxisme
Et pourtant,
le coup de semonce du 6 juin 2014 portera ses fruits. La preuve en est que,
dès le 11 juin 2014, Mme Susan Rice, Conseillère militaire du Président des
Etats-Unis cédait à l'urgence diplomatique de rappeler à la face du monde
que les Etats-Unis avaient "mérité leur position sans égale dans le
monde pour l'avoir, durant plusieurs décennies, dirigé avec sagesse".
Car, ajoutait-elle "aucune autre nation ne rivalise avec les
fondements inébranlables de notre puissance. Notre force militaire n'a pas
d'équivalent sur la terre, notre réseau d'alliances fait de nous une nation
vers laquelle le monde se tourne quand nous sommes défiés par des
provocateurs. Le rôle dirigeant des Etats-Unis demeurera central et sans
concurrence." Mais, dans le même temps, les peuples doivent "prendre
leur part à la sécurité" du monde, parce que "l'Amérique
ne parvient plus à assurer seule la police de l'univers". Quand un
empire se résigne à afficher sur le mode oratoire son invincibilité tant
physique que doctrinale et appelle ses vassaux à secourir sa voix
affaiblie, c'est qu'il court à la ruine en vêtements d'apparat.
Les
funérailles du sauveur sont désormais programmées: en 1949, il était
relativement rationnel d'inonder l'Europe de bases militaires et d'ogives
nucléaires réputées salvatrices, puisqu'il n'était nullement absurde de
prévoir qu'une mythologie politique crépusculaire s'emparerait de
l'encéphale délirant de l'humanité - une ultime utopie évangélique
déclencherait la même prosternation universelle que le mythe de la Croix
vingt siècles auparavant. Mais comment élever les retrouvailles légitimes
de la Russie capitaliste avec le port de Sébastopol au rang d'une menace
sotériologique, eschatologique et parareligieuse? L'Amérique est passée du
rang d'un messie rédempteur à celui d'un empire en expansion militaire
banalisée - mais c'est retourner à l'âge de la massue et du gourdin que de
rebrousser chemin d'un siècle et demi et de revenir à l'expédition de
Crimée de Napoléon III en 1856.
Déjà, tous
les lundis et dans plus de cent villes allemandes, des manifestations
populaires proclament: "Soixante-dix ans d'occupation, ça suffit.
US go home." Une première marche sur Berlin aura lieu le 27
juillet. Même les Bâlois s'y mettent. Seule la presse française laisse la
nation dans l'ignorance des signes avant-coureurs de la chute inéluctable
de l'empire américain.
6 - Trois métazoologues en vadrouille
En vérité,
je crois connaître un secret d'Etat: trois métazoologues avertis se
promènent dans les couloirs du Quai d'Orsay. Ce sont eux qui ont convaincu
- mais pour quelques heures seulement - un Président de la République qui
ne comprend goutte aux lois qui pilotent le destin des empires de rappeler
les bombardements aveugles de la population normande par l'aviation
américaine en 1944. Le bilan de ces massacres s'était élevé à quelque vingt
mille morts, et, depuis soixante-dix ans, tout le monde faisait silence sur
des à-côtés aussi subalternes.
Mais, le 5
juin 2014, la reine d'Angleterre débarquait en France pour une visite
d'Etat de trois jours - la date en avait été choisie avec le plus grand
soin. Après s'être acquittée, à l'arc de triomphe, du devoir traditionnel
des souverains étrangers de rendre hommage au soldat inconnu, Elisabeth II
descendait les champs Elysées aux côtés du chef de l'Etat. Elle seule
bénéficiait, dans l'ordre des solennités du protocole de cour que les
démocraties elles-mêmes ont officiellement adoptées, d'un rang supérieur
dis-je, à celui du cinquième successeur de Jimmy Carter.
C'était à
l'armure mentale et parareligieuse de la sotériologie démocratique que la
pompe royale faisait prendre une direction nouvelle, ce qui démontrait à
nouveau, s'il en était encore besoin, que le véritable enjeu de la guerre
des images, celui des dentelles et des rubans dont se pare le salut
démocratique, n'est autre que le maniement des hochets et des symboles que
le mythe de la Liberté met en scène et dont les républiques enferment le
trésor conceptuel dans le temple de la sotériologie verbale des modernes.
Du coup, le
champ de bataille de la catéchisation lexicale sur laquelle se joue la
parure confessionnelle du monde n'est plus, comme il est dit plus haut,
celui des affrontements armés entre des mécaniques militaires devenues
obsolètes sous le ciel sanglant de trois monothéismes, mais entre les
paradis mentaux d'un livre d'images colorié à l'usage des enfants. Le mythe
du salut que prêche une Liberté de type eschatologique ne cesse de se
diviser entre des trônes doctrinaux en rivalité entre eux, des capitales
verbifiques confuses, des royaumes du langage agrémentés de figures d'une
rhétorique de la délivrance du monde.
7 - Madame Mireille Delmas-Marty
Depuis
1944, la Liberté incantatoire - donc de type sotériologique, tant par
nature que par définition - avait valorisé les invocations messianiques de
la démocratie auréolée de ses idéalités, mais au seul profit d'une Maison
Blanche élevée au rang de rédemptrice surnaturelle du monde. Ce royaume des
nourrissons d'une Démocratie miraculée par son auto-sanctification se
retrouvait entre les mains d'une Europe encore démantelée dans l'ordre
politique, mais déjà forte de l'appui juridique de la Chine, de la Russie,
du Japon, de la Corée du Sud, qui ont pris la décision de renoncer au règne
unilatéral du dollar dans leurs échanges commerciaux entre eux. Entre une
Europe encore asservie à Washington et une Russie à nouveau en ascension,
le "pacte d'acier" du XXIe siècle est désormais signé dans
les têtes.
Dans ce
contexte, la contre-offensive proposée par Mme Mireille Delmas-Marty, citée
plus haut, est sans doute la plus pragmatique et d'une belle cohérence
juridique- mais le droit n'est jamais que l'expression d'un rapport des
forces politiques - et ce rapport renvoie à une philosophie de la condition
humaine.
Qu'est-ce à
dire? Qu'en est-il de l'universalité nouvelle de la pensée rationnelle dont
l'Europe devra accoucher ? Il faudra bien que le christianisme se confère
une autre ubiquité que celle de sa théologie. Du reste, le pape François
lui-même a dû renoncer à l'entreprise de faire réciter à l'intention d'une
divinité censée solitaire la prière commune que MM. Peres, Abbas, le
patriarche orthodoxe et lui-même auraient saintement prononcée en commun dans
les jardins du Vatican le 8 juin 2014, parce qu'une oraison adressée à un
ciel unifié dans l'ordre spirituel aurait posé des problèmes théologiques
insolubles aux quatre Dieux farouchement individualisés et tout
artificiellement proclamés se fondre en un seul; il a fallu se résigner à
recourir à une simple "invocation collective", mais
seule jugée audible à un Zeus morcelé et dur d'oreilles. Comment articuler
entre eux des monothéismes aux théologies incompatibles entre elles, alors
que la mondialisation d'une Démocratie faussement séraphique et auréolée
d'abstractions résolument ennemies du surnaturel n'est pas près de conduire
à la mondialisation d'un chœur de dogmes que tiendrait d'une main ferme une
doctrine ecclésiale logicisée.
Mais si ni
la théologie, ni la science juridique actuelle ne sont de taille à lutter
contre la vassalisation de l'Europe, quel est le défi cérébral à relever?
8 - Une religion carnassière
Naturellement,
la résistance féroce des Etats-Unis à l'abaissement de leur sainteté
politique et à la dépossession de leur sotériologie impériale se prolongera
longtemps encore; mais le XXIe siècle fait courir le mythe du salut
politique dans une direction nouvelle et irréversible. Plus question
d'évangéliser des abstractions verbifiques. Le déclencheur de l'inversion
cérébrale de la course des armes et des songes va se révéler le détonateur
d'une révolution plus secrète de l'intelligence politique mondiale, celle
d'une anthropologie ennemie des politologies fétichisées par le droit. En
vérité, cette mutation méthodologique de la raison politique progressait
depuis un demi-siècle au sein des phalanges d'avant-garde de la
métazoologie.
D'un côté,
une scolastique greffée sur le concept universel de Liberté demeurera, pour
longtemps encore, hélas, l'axe central et l'emblème d'une démocratie
théologisée en sous-main et à l'échelle planétaire par son lexique
messianisé. Mais, de l'autre, l'analyse du contenu psycho-politique de
cette mythologie mettra en lumière l'inconscient religieux qui pilote le
mythe d'une Liberté abstraite et conduira à une connaissance concrète de la
planète du sacré. La métazoologie spectrographie l'animalité spécifique de
la bête cérébralisée par les divinités semi-animales que sécrètent ses
neurones. Mais, alors que l'expansion territoriale du rêve du salut avait
recouru au tranchant des glaives et au fil de l'épée des chrétiens, les
armes hyper mécanisées du monde moderne sont devenues inutilisables depuis
Hiroshima. Le champ de bataille des armes traditionnelles de la sanctification
de la mort demeurera-t-il désert? Nenni: le nouveau théâtre de la
glorification du trépas guerrier sera celui des batailles
économico-juridiques. La guerre d'Irak de 2003 a fait cinq cent mille
cadavres d'enfants et de nourrissons.
Interrogée
sur l'adéquation du montant de cette pieuse facture aux résultats positifs
obtenus sur le terrain de l'histoire et de la mort, Mme Albright, ancienne
Secrétaire d'Etat, a estimé que ce sacrifice dévot en valait la peine - la
pendaison légale d'un tyran est toujours civilisatrice. La famine moderne
engrangera demain les carnages sacrés d'une nouvelle politique universelle,
celle de la morale démocratique messianisée par un Département d'Etat
meurtrier.
On voit que
l'approfondissement de la simianthropologie conduit à la connaissance des
relations que l'impérialisme juridico-américain entretient avec la barbarie
et qu'il s'agit de l'avenir cérébral de la civilisation mondiale. Mais,
alors seulement, la vie ascensionnelle de la conscience universelle
connaîtra un nouvel élan trans-sépulcral. Car, chez les Grecs déjà, les
dieux stomacaux du polythéisme avaient été dénoncés comme des animaux
gigantifiés par leur ventre. Il n'y avait pas de raison que la mystique
chrétienne ne poursuivît pas l'analyse anthropologique de l'animalité
carnassière et de la cruauté infernale des trois dieux proclamés uniques,
puisqu'ils se civilisent lentement et seulement peu à peu depuis le Déluge
et que les progrès moraux de ces monarques universels de leur propre
férocité demeurent entrecoupés de terribles rechutes. Mais quel territoire
intellectuel ouvert à l'humanisme fondateur d'un "connais-toi" en
mesure de radiographier l'animalité spécifique du Dieu des tortures et de
mettre sa bestialité en parallèle avec celle de l'histoire universelle!
9 - Les cambrioleurs de Dieu
Dans un
premier temps, la bombe atomique avait paru délivrer les Etats des
bandelettes qui paralysaient leurs fulminations ridiculement mécaniques et
construites sur le modèle de la dissuasion apocalyptique des religions.
Depuis les Grecs, l'Olympe proclamait que la "sagesse commence avec
la peur des dieux". Ce serait donc, pensait-on, à l'instar des
trois terroristes d'un ciel sous-tendu par une chambre des tortures qu'un
seul Etat devenu meurtrier à l'échelle biblique, donc privé de tout rival
de ses crocs, allait régner à la faveur d'une épouvante plus universelle et
plus salutaire que jamais - celle d'un souverain dont l'éthique serait
calquée sur un renouvellement de la sainteté multiséculaire des empires
infernaux.
Mais le
contraire s'est trouvé démontré: qu'est-ce qu'une dissuasion désormais
servie par une explosion proclamée terminale, et conçue sur le même modèle
de l'auto-propulsion vertueuse que celui des religions vengeresses, sinon
la preuve indirecte, mais irréfutable, de ce que Dieu, s'il existait - au
sens animal que les théologiens donnent encore à ce vocable - ne
disposerait de l'arme de la mort universalisée qu'à une seule condition,
mais irréalisable: qu'ils en mettraient farouchement le monopole à l'abri
des malandrins spécialisés dans le cambriolage des arsenaux du ciel.
Si par
malheur, huit co-propriétaires, tous meurtriers de naissance, arrachaient à
Zeus la sainte prérogative d'un assassin absolu, il aurait bonne mine, le
pauvre, de se trouver à la merci d'une effraction profanatrice de sept
rivaux de sa foudre! C'est ce qui est arrivé aux vantards qui se partagent
le secret de leur piteuse auto-pulvérisation réciproque. Mais voyez comme
ils sont de mèche pour cacher au monde entier le ridicule de la foudre et
des châtiments du ciel collectif qu'ils sont devenus à eux-mêmes, voyez
comme ils dissimulent que chacun d'eux a perdu en route l'exclusivité des
apanages et de la pavane du massacreur glorifié des origines. Que faire
d'un Dieu dévalisé et métamorphosé en détonateur du suicide de tous les
dieux uniques?
10 - Le Dieu de la terreur du monde
Mais
pourquoi juger blasphématoire de démontrer l'absurdité de la dernière
massue du ciel des magiciens, sinon parce que le capital psychogénétique de
la bête ensorcelée par ses propres sortilèges demeure branché sur vingt
siècles des gourdins de l'absolu - ceux de la fournaise verbale qui
sanctifie encore dans les têtes les souterrains enflammés d'un
exterminateur adoré. On ne saurait à la fois nier l'existence du Dieu des tueurs
qu'une espèce meurtrière s'est nécessairement donné à son "image et
ressemblance" et ne pas conduire par la main un Prométhée plus décidé
que le précédent à radiographier les ardeurs crématoires d'un personnage
céleste calqué sur l'histoire du cerveau de la bête pseudo cogitante.
Mais si
vous ne visitez pas les souterrains simio-anthropologiques du droit
international actuel, si votre science juridique et votre radiographie de
la bête théologisée demeurent en panne d'une vision entière de la condition
simiohumaine, comment l'Europe de la pensée aurait-elle encore quelque
chance face à son vassalisateur "démocratique" et à sa mythologie
de la vocation planétaire et apostolique du droit américain?
Par
bonheur, le seul animal épouvanté d'habiter l'infini se voit désormais
contraint de regarder en face la machine de la mort montée sur les ressorts
du fabuleux et du fantastique que le mythe mondial de la Liberté met en
scène. L'évolution malencontreuse de la bête a rendu la cervelle des
détoisonnés prisonnière de la simiohumanité de leur idole des bûchers.
Impossible à l'humanité de fuir plus longtemps le spectacle de son
écartèlement infernal dans le miroir des tortures où son saint
exterminateur lui renvoie sa propre image, celle du Dieu de l'effroi des vivants
et des morts.
Puisse le
réquisitoire d'un petit procureur américain qui a cité la France et
l'Europe à la barre du Dieu sans tête de l'Amérique ouvrir les yeux d'une
civilisation sur la superficialité de son "connais-toi" et sur la
nécessité de boire la ciguë ressuscitative de la pensée rationnelle.
Le 4 juillet 2014
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