Nouveau sur le site de Manuel de Diéguez
Qui sommes-nous ?
1
- Adam a perdu ses repères cosmologiques
2 - Psychophysiologie du technosophe de la philosophie 3 - La nouvelle déréliction
4 - En attendant le réveil des peuples, des nations et des patries
2 - Psychophysiologie du technosophe de la philosophie 3 - La nouvelle déréliction
4 - En attendant le réveil des peuples, des nations et des patries
En
1904 et 1905, le monde de la pensée a assisté, abasourdi, au
naufrage des deux fondements universels de la perception et de la
connaissance, l'espace et le temps. On avait subitement découvert
que l'espace sert de véhicule au temps et vice et versa; on avait
subitement appris que le temps est une matière dont le rythme de sa
coulée change avec la rapidité ou la lenteur de son débit; on
avait subitement appris que la durée est une substance localisée,
on avait subitement appris que l'espace et le temps des ancêtres
s'épaulaient réciproquement et se comportaient en compagnons de
route.
Mais
toutes ces informations stupéfiantes, ahurissantes et saugrenues
étaient une manière de placer l'univers sur les pistes
traditionnelles que l'humanité tridimensionnelle avait empruntées.
Pour la première fois le genre humain découvrait qu'il ne
connaissait pas son identité véritable, qu'il transportait l'espace
et le temps dans des caissons artificiels et qu'il se trouvait
incarcéré dans un univers dont la singularité se révélait
observable, mais non décryptable.
Or,
l'humanité fait usage d'une "raison naturelle" dont
les règles s'éclairent de ce qu'il est convenu d'appeler le
"sentiment d'évidence". Si une pierre s'envolait
sous nos yeux, si un animal se mettait à parler, nous serions
terrifiés par des évènements spectaculairement incompréhensibles.
Or, des évènements indéchiffrables envahissaient soudainement le
cosmos.
Dans
le même temps, on a vu paraître une espèce nouvelle de pseudo
philosophes, les technosophes ou technocrates
de la philosophie: ces sophistes du cosmos ignoraient que toute
théorie de la connaissance n'est jamais que le reflet des
présupposés inconscients qui conduisent ses pas et toute sa
démarche. Du reste, la confusion entre savoir et comprendre est
innée et l'étymologie elle-même le
démontre: comprehendere signifie s'emparer et
capturer un ensemble et intelligere renvoie à
ligaturer. La proie du chasseur se change en oracle. Mais comprendre
et remplir sa gibecière font deux.
Depuis
des millénaires un épistémologue sommital qu'on appelait
le Créateur du monde distribuait les rôles
respectifs de la matière, des végétaux et des animaux. De grands
chambellans du cosmos assuraient la gestion d'un univers tripartite.
Euclide, Archimède, Newton figuraient les dignitaires d'un monde
bien orchestré. Puis la divinité avait cessé d'occuper la fonction
suprême d'assigner sa place à chacun. Alors la raison s'était
construite sur le même modèle que la divinité. A son tour, elle
divisait le monde en quatre sections, le minéral, le végétal,
l'animal et l'humain.
Les
technosophes de la philosophie ne se promènent que sur le devant de
la scène. Jamais leur regard ne porte sur les coulisses, jamais leur
curiosité ne les conduit à passer derrière le rideau.
Leur Discours de la méthode est celui d'un aveugle
qui, à la manière des animaux, se construit sa tanière et se
convainc que la solidité de son gîte lui fournit la clé de
l'intelligible.
Mais
rien n'est pire qu'une science historique aveugle, rien n'est pire
qu'une civilisation qui ignore les présupposés qui la pilotent,
rien n'est pire qu'une cité illustrée par ses erreurs de jugement.
La relativité restreinte, puis la relativité générale d'Einstein
ont conduit le genre humain à observer sa propre dégaine comme
celle d'un animal microscopique et qui s'agite en vain dans l'infini
carcéral qui lui sert d'habitat.
Dans
ce décor, la technosophie n'est autre que la nouvelle carapace de
l'aveuglement, la nouvelle surdité, le nouvel escamotage d'une
espèce qui se découvre dérélictionnelle et qui se cache à
elle-même son abandon dans l'infini. La technosophie est l'ultime
faux-semblant d'une philosophie qui a renoncé à s'observer dans le
miroir de ses rêveries. Aussi persévère-t-elle à se calfeutrer
dans un savoir inconsciemment spéculaire. Ce genre de science privée
de regard sur le miroir dans lequel elle se trouve enfermée suffit à
rendre les ponts solides et les édifices inébranlables. Mais
qu'adviendra-t-il de cette béance?
En
vérité, Einstein nous livre à un monde plus mystérieux que celui
dans lequel l'homme de Cro-Magnon ou de Néanderthal avaient cru
trouver leurs repères. Car si le carbone 14 et les détecteurs plus
récents de la durée que nous avons découverts, nous apprennent que
la terre a débarqué il y a cinq milliards d'années environ dans un
espace et une durée qui se trouvaient déjà là et si, par
conséquent, l'univers des atomes a eu un commencement, alors la
question des relations que la matière et le temps entretiennent avec
l'espace et la durée se place au cœur de la science moderne.
Car
l'homme primitif avait balisé l'espace et placé une chronologie
sûre de sa dégaine dans un univers bien quadrillé, alors que le
temps est devenu élastique et spongieux à l'école de la montre
molle de Salvador Dali, que l'univers est devenu à lui-même. En
effet, le temps et l'espace sont des matières mystérieuses et
indéchiffrables, mais dont l'action physique se révèle vérifiable
et calculable. Si nous plaçons une horloge dans un missile, nous
constaterons qu'au cours de ce voyage les aiguilles du cadran auront
subi l'action physique du temps et qu'elles auront pris un retard,
certes minime. Mais si la vitesse du missile s'élevait à celle de
la lumière, le cadran de la montre témoignerait d'un ralentissement
de la coulée du temps sur la terre et les éventuels passagers de
ces missiles découvriraient, lors de leur retour sur notre
astéroïde, que la durée s'est vertigineusement accélérée à
l'échelle locale.
Or,
la plupart des savants d'aujourd'hui n'ont pas encore appris à
distinguer clairement le verbe savoir du
verbe comprendre. Sitôt qu'ils ont enregistré un fait
nouveau, ils se croient en possession de la clé de l'intelligibilité
de l'univers. Et il n'est pas un humain sur cent mille qui sache nous
nous trouvons ballottés dans un univers plus indéchiffrable de se
trouver mieux connu qu'à l'âge de la pierre taillée : car l'espace
et le temps se sont dérobés sous nos pas. Nos deux domiciles,
l'étendue et la durée apostrophent désormais la matière et lui
disent: "Tu n'existerais plus si nous n'étions pas là. Sans
notre double protectorat, tu t'évanouirais dans le néant. Mais
jamais tu n'apprendras qui nous sommes, car ton entendement est
rebelle à toute compréhension des connaissances que tu as acquises
à ton propre détriment et à l'école de ta déréliction."
Mais
dans le même temps, quelle réouverture de l'interrogation sur
soi-même! La finitude de notre espèce se révèle la source d'un
éveil nouveau. Le monde moderne se découvre plongé dans une sorte
de "théologie négative". Mais cette fois-ci,
l'anthropologie critique observe, la loupe à l'œil, les régisseurs
de son destin. Nous déversons des cadavres par millions dans un
cosmos désert.
Les
technosophes de la philosophie ignorent le tragique, mais derrière
leurs phalanges bornées une bête nouvelle se réveille, une bête
nouvelle lutte contre son endormissement, une bête nouvelle allume
le flambeau d'une autre conscience de sa lente évasion de la
zoologie. Qu'est-ce à dire? Comme toujours, la langue française
copie le latin. Nous disons "la condition humaine",
ce qui décalque mot à mot la conditio humana des
Romains. Il se trouve seulement qu'en latin le
vocableconditio renvoie au verbe condere qui
signifie construire. Les Romains comptaient les années ab
urbe condita, c'est-à-dire à partir de la cérémonie
religieuse qui circonscrivait et sanctifiait (sancire, qui
fait sanctus au passé), tout ensemble
la future construction de ville.
Au
plus secret de son esprit, le latin n'entend pas le terme de "nature
humaine" au sens biologique du terme, mais, à l'instar de
l'empire romain lui-même, comme une construction, comme un
gigantesque édifice à bâtir de main d'homme. Nous avons donc à
bâtir la condition humaine dans un univers où le
verbe comprendren'a plus de sens, tandis que le
verbe savoir nous renvoie à une énigme à jamais
indéchiffrable.
Le
23 juin, les peuples ont rappelé à leurs classes dirigeantes et à
leurs Etats qu'ils sont les défenseurs des vrais intérêts des
patries. En automne, ce seront les peuples qui demanderont à
l'empire américain: "Comment se fait-il que, vingt-sept ans
après la chute du mur de Berlin, vos bases militaires soient encore
là, comment se fait-il que vous prétendiez occuper nos territoires
du nord au sud et de l'est à l'ouest de l'Europe, comment se fait-il
que nos classes dirigeantes aient trahi nos patries jusqu'à
légitimer la présence militaire perpétuelle de vos armes sur nos
territoires respectifs?"
Alors
la question que je pose sur ce site depuis tant d'années, ce seront
les peuples qui la prendront à leur compte et qui demanderont à
leurs dirigeants vendus à une puissance étrangère: "Oui ou
non des sénateurs, des députés, des chefs d'Etat qui auront
accepté de rendre éternelle l'occupation militaire de nos nations
par un empire étranger, seront-ils traînés ignominieusement devant
une cour de justice qui les condamnera pour trahison de leurs peuples
pendant soixante-dix ans?"
Voilà
la vraie question que la voix retrouvée des patries soulèvera en
automne, voilà la vraie question que le peuple anglais a rappelée à
la conscience démocratique et à l'éthique mondiales le 23 juin
2016.
Le
1er juillet 2016
*
Les mises en ligne sur ce site reprendront au terme de la pause
estivale.
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