LA REVANCHE DU PAYS RÉEL

14.06.2016
POLITICAL PHILOSOPHY
Imposé à la plupart des sociétés contemporaines, le système démocratique occidental dominé par le jeu des partis politiques fausse la représentativité du pays réel et provoque de plus en plus des réactions contestataires qui se manifestent de plusieurs façons : absentéisme, vote négatif, manifestations populaires, etc… Le fossé entre le pays légal (le pouvoir politique accaparé par les partis politiques) et le pays réel (« le pays qui travaille et qui vit » selon la formule de Charles Maurras) a entraîné un réveil chez ce dernier avec une volonté de pallier cette absence de représentativité, en permettant à la société civile de renverser ce système.
Deux exemples d’élections locales (au Liban et en Italie) démontrent la popularité de l’équation maurassienne « autorité en haut, libertés en bas » selon laquelle les sociétés sont appelées à élire leurs représentants locaux (municipalités, localités) directement et intuitu personae, en fonction des qualités techniques et vertueuses des candidats, sans s’attacher à leur appartenance aux partis politiques, de même que les représentants des corps intermédiaires (les différents ordres professionnels) ; l’Etat central ayant une autorité fédératrice nationale.
En mai dernier, les élections municipales au pays du Cèdre, dominé par une pléthore de partis politiques imbriqués dans un système communautaire compliqué, ont créé la surprise avec le résultat des listes issues de mouvements représentants la société civile, indépendants de toute coloration politique ou appartenance communautaire.
Dans la capitale, Beyrouth, alors que la plupart des observateurs misaient sur un ravage de la liste de la coalition des Forces Libanaises (ancienne milice chrétienne érigée en parti politique, dirigé par Samir Geagea) avec le Courant Patriotique Libre (le parti politique fondé par le Général Michel Aoun, l’une des grandes figures chrétiennes), à l’issue de la récente réconciliation inattendue entre ces deux partis, la liste « citoyenne Beyrouth Madinati » (Beyrouth ma ville) composée de 24 candidats indépendants issus de la société civile a renversé les tendances. Ce séisme inattendu a bouleversé les partis ainsi que le système politique traditionnel du pays du Cèdre dépourvu d’ailleurs de Président de la République depuis deux ans mais dont les institutions fonctionnent tant bien que mal.
Par ailleurs, nous avons assisté à une situation similaire en Italie, la semaine dernière avec le score réalisé par les candidats du mouvement « Cinq Etoiles », notamment à Rome, où la candidate « icône » de ce mouvement, Valentina Raggi, a provoqué la fronde de l’ensemble des partis politiques contre elle, de gauche comme de droite.
Misant sur les réseaux sociaux et sur les initiatives personnelles des candidats, en fonction de leurs compétences et leurs qualités personnelles, Cinq Etoiles se veut un mouvement populaire et non pas un parti politique, représentant la société civile, loin des clivages droite/gauche des partis. Ne jouissant pas d’une couverture médiatique adéquate ni de carrière politique politicienne, ses candidats bénéficient néanmoins d’un soutien réel en fonction de leurs qualités personnelles et de leur proximité avec leur environnement électoral.
En mars dernier, une initiative similaire a vu le jour en France où des mouvements issus notamment de la société civile ont présenté un projet pour une primaire en vue des élections présidentielles de 2017.
Las des mensonges, des promesses et donc de la démagogie des partis politiques qui prennent en otage l’opinion publique, la masse exprime son mécontentement du système hypnotique démocratique républicain, attentatoire à la représentativité réelle du peuple qui semble-t-il commence à se réveiller pour bouleverser ce système.
Elie HATEM