Une toute récente chronique de Maître Elie Hatem est un témoignage consacré à Boutros Boutros-Ghali , lequel reste vivant dans la pensée, le cœur et l'esprit d' Elie Hatem qui fut son élève, son disciple et ensuite son ami durant toute la vie de cet homme prestigieux.
Toujours fidèle d'esprit et de cœur à Boutros Boutros-Ghali, Elie Hatem fût d'abord son éléve, son disciple et ensuite son ami très proche et aussi son conseiller.
Nous avons découvert une photo réunissant Boutros Boutros Ghali et Maitre Elie Hatem et pour illustrer son témoignage nous la publions plus bas en tête de sa chronique.
C'est hier ( d'après mes investigations) presque dans la nuit que Elie Hatem a écrit ce texte destiné à quelques proches amis ou connaissances, après être intervenu et échangé dans l'après midi dans un Colloque avec des experts homologues, devant une assistance internationale choisie, sur des sujets d'actualités politiques qui bouleversent le Monde.
Je pense qu'à la suite de sa passionnée et brillante intervention dont nous reparlerons dans un prochain éditorial , et après avoir échangé avec des personnalités quelques impressions d'ensemble en toute sympathie, Maître Elie Hatem de retour chez lui a du avoir à cœur de se recueillir en écrivant son témoignage sur celui qui se considérait comme son père.
Je n'ai pas demandé d' autorisation à Elie Hatem mais je sais qu'il me pardonnera d'avoir pris l'initiative de publier sa chronique, parce qu'il sait que cela part du bon sentiment qui me conduit à célébrer des valeurs rares qui nous chères, celles de l'amitié, de l'affection et de la fidélité qui perdurent tout au long de notre chemin de vie et que nous entretenons ensuite dans notre mémoire avec les mêmes sentiments, quand nos amis quittent un jour leur chemin terrestre selon leur destinée céleste.
Dans le témoignage d'Elie Hatem nous voyons que Boutros Boutros Ghali est toujours vivant dans sa mémoire et nous somme touchés de lire ce qu'il dit de son mentor et ami, qui résume bien la personnalité de Boutros " ........ Son sens de l’humour, son humilité et son ouverture d’esprit traduisant sa vaste culture, à la fois intellectuelle et artistique, faisaient de lui une personnalité exceptionnelle pouvant s’adapter à toutes les situations et à tous les interlocuteurs qui appréciaient chez lui la courtoisie, le respect et le dévouement permanent. Il essaya d’inculquer ces valeurs que ses parents -en particulier sa mère dont il garda un grand souvenir- lui ont transmis, à travers sa vie et sa carrière....."
ooOoo
Chronique de Elie Hatem du 22 octobre 2016
copié/collé :
" BOUTROS BOUTROS-GHALI EST VIVANT!
“Le temps n’efface pas la trace des grands hommes”. Euripide
" ELIE HATEM·SAMEDI 22 OCTOBRE 2016
" Tel un Pharaon éternel, Boutros
Boutros-Ghali laissa derrière lui non seulement des souvenirs mais une œuvre
intellectuelle et politique en perpétuelle régénérescence. Il avait la
politique et la diplomatie dans les gênes tels ses ancêtres, autochtones de
l’Egypte ancienne.
Après de brillantes études de droit
au Caire et à Paris, il débuta sa carrière dans l’enseignement avant d’être
appelé au devoir de la Cité. Dès 1977, il occupa successivement les postes de
ministre des affaires étrangères et de vice Premier ministre de son pays.
A son insu, le Président François
Mitterrand et son ministre des Affaires Etrangères, Roland Dumas, approchèrent
le Président égyptien, Hosni Moubarak, afin qu’il présente sa candidature aux
Nations Unies. A l’issue de cette initiative, il devint, en 1992, Secrétaire
Général de l’organisation mondiale où il se consacra au service de l’humanité,
en essayant d'avoir une autonomie d’action et de transformer l’ONU en un organe
pouvant régler les déséquilibres de la scène internationale en faisant primer
le droit et l’équité sur l’opportunisme politique. Cela déplaisait à certaines
grandes puissances qui voulaient avoir une mainmise sur l'organisation
mondiale. Il a donc rencontré moult difficultés lors de l'exercice de son
mandat et s’était affronté, sans cesse, aux pouvoirs politiques et aux groupes
de pression (les « lobbies »).
Son indépendance d’esprit ainsi
que sa liberté de parole et de pensée l’ont empêché d’être re-élu.
En effet, à l’issue du massacre
de la ville de Cana dans le sud-Liban, en 1996, il s’était permis de condamner
cet acte commis par l’armée israélienne, à la fois verbalement et par écrit. Le
Secrétaire d’Etat américain, Madeleine Albright, mena alors une campagne contre
lui pour empêcher sa re-élection, parce qu’il n’avait pas obéi à sa demande de
ne condamner ce crime que verbalement. Avec son humour habituel, il répondit
aux manœuvres de cette dernière en rétorquant : « Les Américains veulent de moi
un Secrétaire et non pas un Général ! ».
L’effervescence de la violence
dans les Balkans mais surtout le génocide au Rwanda furent ses pires souvenirs
aux Nations Unies où il fut empêché et démuni de moyens pour y mettre fin. Il
garda en mémoire, jusqu’à la fin de ses jours, l’image cruelle des cadavres
décapités et en décomposition devant lesquels il s’inclina au Rwanda, dégageant
« une odeur de la mort indescriptible » me répétait-il à ce sujet. Depuis, il
se révolta contre le cynisme des politiques, ce qui lui valût paradoxalement
une popularité mondiale.
Je partageais avec lui ses
souvenirs relatifs au conflit chypriote qu’il essaya de régler par la
négociation et la médiation, durant son mandat, puisque j’ai consacré ma thèse
de doctorat à cette question. Quelques années avant son décès, nous partîmes à
Chypre et rencontrions les principaux protagonistes, notamment Raouf Denktash
et l'ancien Président George Vassiliou avec lesquels il mena les pourparlers.
Il rappela au premier la crise de nerfs qu’il a eue lors d’une rencontre en
Autriche avec le Président Vassiliou et l’astuce avec laquelle il le calma en
proposant aux deux une promenade en forêt… Aussitôt arrivé à Chypre, lors de
cette visite en 2011, les médias se ruèrent sur lui. Sa présence dans l’île,
plus d’une décennie après la fin de ses fonctions, ranima l’espoir de faire
revivre son projet de règlement de la question chypriote. Ce projet est
toujours d’actualité. L’ensemble des Chypriotes regrettèrent la cessation de
ses fonctions à la tête des Nations Unies alors qu’un règlement allait
intervenir sous ses auspices.
Par ailleurs, il prêta une
attention toute particulière au continent africain et tenta de préserver
l’identité culturelle de chacune de ses composantes qui ont été affectées par
le système occidental de l’Etat-nation qui leur a été imposé. Lors de la crise
comorienne, en 1996, il m’a été d’une aide précieuse afin de régler cette
situation dans le respect des spécificités identitaires des populations de cet
archipel.
C’est aussi par son intermédiaire
et grâce à lui que j’ai réussi à assurer à Bob Denard une meilleure défense
lors du procès qui lui a été intenté à l’issue de l’opération qu’il avait
effectuée à Moroni, en 1995. En me mettant en rapport avec Nelson Mandela et le
Président Jacques Chirac à ce sujet, j’ai pu constater la complexité des enjeux
géostratégiques de cette époque ainsi que les nouveaux rapports entre la France
et l’Afrique du sud, que j’ai rapportés au cours du procès pour expliquer les
motifs pour lesquels la France a abandonné Denard…
Son expérience politique aussi
bien en tant que ministre des Affaires Etrangères de l’Egypte qu’aux Nations
Unies mais aussi dans d’autres instances internationales, y compris l’OIF,
l’ont amené à analyser l’évolution du pouvoir à la fin du XXème et au début du
XXIème siècle, en fonction notamment du phénomène de la mondialisation («
globalisation ») dont il a été le premier à mettre en exergue, en soulignant
l’émergence des multinationales et des organisations transnationales vers
lesquelles le pouvoir est transféré. C’est donc la raison pour laquelle ce
dernier est « dilué, voire invisible et que les Etats perdent de plus en plus
de leur importance. C’est ce qui explique la crise de la notion de
souveraineté. A cela s’ajoute la révolution technologique qui a renforcé les
médias. Ces derniers disposent d'une emprise sur l'opinion publique et détiennent,
de ce fait, une marge de pouvoir considérable » m’expliquait-il.
Nous partagions la même vision de
la démocratie qui, me disait-il, « est devenue un cliché voire un slogan lancé
pour amadouer l'opinion publique, en faisant d’elle le synonyme de la « liberté
» alors qu’elle n’est qu’un mode d’exercice du pouvoir politique adapté à
certains pays. Elle ne peut donc pas être transposée aux autres. Chaque pays a
son histoire, sa culture, ses traditions, ses croyances et sa construction
sociale qui doivent l'habiliter à établir ses institutions. L'avenir des
nations devra être décidé par chaque nation. Il ne devra pas être imposé par
une volonté transnationale d'instaurer l'exemple démocratique occidental à
l'ensemble des nations ».
Après les Nations Unies où il a
exercé ses fonctions en toute liberté et indépendance, il prit la tête de
l’Organisation Internationale de la Francophonie et en fit son nouveau cheval
de bataille. Francophone et francophile, il considérait que « la France n’est
pas seulement une grande puissance mais le centre de gravité du « monde
francophone », bénéficiant d'une large sympathie auprès d'un bon nombre de pays
grâce aux valeurs millénaires qu'elle incarne ». Il voulait ainsi constituer un
véritable « monde francophone » fondé sur des valeurs communes et érigé en une
véritable puissance économique et politique pour faire face à l’hégémonie
anglo-saxonne sur le monde. Conscient du déséquilibre provoqué par cette
situation, il assista avec amertume à la dislocation des entités nationales et
à l’émergence du fondamentalisme encouragé par les intrigues de certaines
grandes puissances et des services secrets. C’est ainsi qu’il qualifia la
mascarade du « Printemps arabe » en « Hiver interminable », en regrettant
l’hypocrisie par laquelle des pyromanes sont venus mettre le feu et le
renforcer (celui du fondamentalisme qui a été encouragé par des puissances
internationales) afin de venir ensuite l’éteindre, en provoquant le chaos ainsi
qu’un phénomène de régression culturelle, économique, politique et sociale à
l’échelon planétaire.
Déçu de cette tournure des
relations internationales qui laisse émerger la violence et la haine, inquiet
pour les générations futures, victimes de cette dérive, il manifesta une
amertume profonde au crépuscule de sa vie.
Malgré cette déprime qu’il
ressentait surtout au moment du coucher du soleil, malgré les problèmes de
santé qu’il endura, il continua le combat entre hospitalisations successives,
grâce à l’encouragement de son épouse, Léa, avec laquelle il forma un couple
idéal et qui a beaucoup contribué à sa survie. A la fois joviale et
pragmatique, elle partagea avec lui les moments de joie et de tristesse, en
transformant ces derniers en expériences positives lui permettant de se
redresser d’une manière vertigineuse.
Boutros Boutros-Ghali fût pour
moi à la fois un mentor, un père (comme il aimait le dire) et un ami. En
référence à ses origines coptes, je lui disais qu’il avait réussi à me coopter
parfaitement… Il m’a appris la concision et la pertinence dans les écrits, le
syllogisme et le sens de la formule dans le discours et le véritable sens de la
diplomatie. A la fois clair et profond dans sa pensée, il s’exprimait avec
simplicité et spontanéité, en étayant sa conversation par des anecdotes
appropriées au sujet. Son sens de l’humour, son humilité et son ouverture
d’esprit traduisant sa vaste culture, à la fois intellectuelle et artistique,
faisaient de lui une personnalité exceptionnelle pouvant s’adapter à toutes les
situations et à tous les interlocuteurs qui appréciaient chez lui la
courtoisie, le respect et le dévouement permanent. Il essaya d’inculquer ces
valeurs que ses parents -en particulier sa mère dont il garda un grand
souvenir- lui ont transmis, à travers sa vie et sa carrière.
Boutros Boutros-Ghali quitta le
bas monde qui l’a déçu à la fin de sa vie pour reposer en paix.
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