Comme chaque semaine, retrouvons :
Pour une anthropologie évolutive
PrésentationPrésentation
1 - L'animal qui rêvait de passer derrière ses miroirs
2 - Armures mentales et parures cérébrales
3 - L'enfilade des cerveaux de la bête
4 - Le fardeau
5 - Les ombres et les songes
6 - Le rendez-vous avec l'Absent
7 - La couardise de l'idole
8 - Le Mont Carmel du silence
A - L'encéphale de DieuLa principale victoire intellectuelle et morale dont se réclamait le siècle des Lumières reposait sur sa conviction d'avoir montré aux civilisations de tous les temps le chemin unique et irréfutable de leur évolution cérébrale, celui qui conduirait l'humanité aux conquêtes définitives de la pensée rationnelle. La voie était définitivement tracée qui seule allait permettre à l'humanité future de courir vers les triomphes de l'intelligence scientifique sur les ténèbres de l'ignorance religieuse. Trois siècles plus tard, les civilisations chinoise et japonaise continuent de féconder l'esprit pratique et les arts, mais l'Occident a perdu ses deux moteurs oniriques, le christianisme et sa continuation logique dans l'utopie marxiste, tandis que l'islam irrigue sans relâche un milliard et demi d'encéphales des eaux du même torrent du sacré qu'il y a un millénaire et demi.Dans le même temps, l'évolutionnisme joue les trouble-fête dans les deux camps. D'un côté, il se voit contraint d'abandonner la croyance la plus contradictoire sur laquelle il se fondait, à savoir que l'homme appartiendrait à une espèce accomplie. Comment toutes les espèces auraient-elles subitement achevé leur parcours cahotant, comment seraient-elles arrivées à bon port il y a peu ou en ce moment même? Mais s'il n'en est évidemment rien, à quel endroit de sa course inachevable faut-il situer l'encéphale actuel des fuyards de la zoologie? L'angoisse des scrutateurs de l'histoire de notre pauvre tête rejoint celle des narrateurs du sacré; car si nous ne savons ni dans quelle auberge nous nous trouvons présentement arrêtés , ni à quelle étape de notre voyage nous nous trouvons bloqués, l'encéphale de Dieu lui-même se révèlera construit à l'image des succès et des pannes successives qui entravent la course de nos neurones et il nous faudra observer l'histoire des réussites et des échecs cérébraux des animaux célestes que nous hissons à grand peine dans le vide ; sinon, comment suivrions-nous nos propres boîtes osseuses à la trace et tout au long de leur parcours?B - Où la boussole de la pensée est-elle passée ?Depuis des décennies, le double séisme qui a ébranlé jusque dans leurs fondement nos sciences humaines d'un côté et nos mythes religieux de l'autre, fait couler goutte à goutte le tragique de demain dans les veines de la civilisation sans domicile fixe d'aujourd'hui. C'est désormais en questionneurs erratiques de notre habitat que nous nous tournons avec un grand retard vers les campements provisoires du XVIIIe siècle pour demander à Voltaire de nous rendre compte de l'espèce de raison dont les encyclopédistes avaient fait le moteur exclusif de l'humanité cogitante. Comment l'auteur de Candide pouvait-il connaître d'avance les rouages et les ressorts de la pensée et de l'intelligence des fuyards des forêts si ces deux instances se trouvent en construction entre deux bivouacs et si nous ne savons pas encore sous quelle tente en rassembler les pièces? On ne saurait se demander ce qu'il en est du crâne d'une espèce en route de l'une de ses cervelles à la suivante sans détecter au préalable les stations de son itinéraire hasardeux; mais alors, où se placer pour observer toute cette machinerie du dehors et comment diagnostiquer l'avance ou le retard des mécaniques mentales du passé sur celles de notre temps?Ce n'est nullement à l'examen des mêmes engrenages de Dieu et de nous-mêmes que nous observons la cervelle d'un théologien du IIIe siècle ou du XXe. Mais la pesée de l'encéphale d'Archimède ou d'Euclide nous échappe à son tour, dès lors que nous ne portons pas encore un regard de haut sur la géométrie à trois dimensions que nous avons hospitalisée en 1905 et dont la survie artificielle ne saurait s'éterniser. Certes, elle continue de nous rendre de grands services . Les ponts que nous construisons avec ces vieux outils tiennent toujours debout. Mais si la solidité de nos ponts ne prouve plus la validité de notre géométrie du cosmos, c'est que nous avons changé notre balance même de la vérité en physique.La question du "Connais-toi" socratique assaille le XXIe siècle, mais à une tout autre profondeur de notre impéritie que sous Périclès, parce que la question de notre pesage de l'univers se place au premier rang de nos soucis et devient plus existentielle que jamais dans nos ateliers. Comment ouvrir nos laboratoires sur une ignorance de plus en plus abyssale? Et pourtant, nous sommes d'ores et déjà devenus des ouvriers capables d'observer comment le chimpanzé pré-réflexif manœuvre sur son lit de mort pour projeter une image illusoire de lui-même dans ses ciels successifs.Dans les pages qui suivent, la question est posée de savoir à quelle distance de la bête d'outre tombe nous nous trouvons en cette fin de l'an 2013 et comment la caméra de notre vie posthume déroule sous nos yeux le film de l'histoire de notre cervelle. Car notre tête a rendez-vous comme jamais avec notre politique. Un animal qui feint de se faire exploser dans l'atmosphère, un animal qui fait semblant de se menacer de sa propre foudre et de commander aux éclairs de Zeus, un tel animal entretient avec les ténèbres qui l'entourent des relations énigmatiques, mais dont ses idoles détiennent quelques clés.Pour une anthropologie évolutiveAux yeux des futurs peseurs de la condition préhumaine dans laquelle nous nous trouvons englués, il paraîtra hallucinant que des primates à fourrure se fussent miraculeusement éloignés un instant et de quelques pas seulement de leurs congénères, mais que leur chute prématurée hors du règne animal les eût livrés à une démence plus massive encore sous leur duvet, celle de s'imaginer qu'une ribambelle de personnages aussi puissants que fantastiques se tiendraient aux aguets dans diverses cachettes de leur petit univers et que ces acteurs tapis dans leur trou observeraient, non seulement les gesticulations d'un animal subitement frappé de démence, mais également et la loupe à l'œil, l'inconstance de ses comportements politiques et sociaux sous le soleil. Quelle était la complexion de ces préposés du fabuleux à la surveillance de tous les gouvernements de la terre? Pourquoi dictaient-ils leurs lois à une bactérie éphémère, pourquoi punissaient-ils ou récompenseraient-ils des armées de microbes enclins à se montrer tour à tour obéissants et réticents à exécuter sur l'heure les ordres de leurs surveillants ou à traîner la patte?Et pourtant, l'animal spéculaire est né pour vivre dans des mondes titanesques. Cette espèce docile aux objurgations de ses maîtres grouille encore sur la terre entière. De plus, l'anthropologie scientifique du XXIe siècle ahane à suivre l'itinéraire de ce rêveur invétéré. Nous savons que la bête s'est hâtée de conquérir non seulement des langages articulés et rythmés, mais qu'elle s'est empressée d'armer ses spectateurs sommitaux des ressources, de sa parole bien balancées, puis de les ossifier à l' image de son squelette sonorisé, et enfin d'assigner leur chair et leurs ossatures à résidence sur divers Olympe.Le singe halluciné reconnaît plaisamment que ses dieux sont fabriqués à l' "image et ressemblance" de son propre logiciel cérébral. Mais les geôliers de l'encéphale de ce bimane ont lentement perdu bras et jambes dans les nues où ils avaient été prestement colloqués. Et pourtant, il est demeuré bien impossible à l'espèce en voie d'épilement de jamais cesser de localiser de quelque manière les sentinelles soupçonneuses qu'elle a placées en vigies dans le vide de l'éternité ; car si elle privait ces colosses de leur habitation dans l'immensité, ils confondraient leur effigie avec toute la machine de l'univers, comme un certain Spinoza, l' a définitivement rappelé à ses congénères.Et pourtant, depuis Aristote, les détoisonnés ont découvert le prodige qui les caractérise: leur encéphale, disent-ils, est le théâtre de leur étonnement progressif. Pis encore, l'ahurissement cérébral propre aux philosophes et à eux seuls ne cesse de leur réserver des surprises sur la scène du monde. Car les miraculés de leur stupéfaction n'en reviennent pas de ce que les phalanges de leurs semblables, qui se pressent pourtant à leurs côtés sur les planches dans une histoire partagée ne s'étonnent jamais de rien. Et d'abord, leur multitude ne se montre nullement abasourdie de se trouver accompagnée dans le vide par des monstres de plus en plus rares, mais dont la puissance ne cesse de croître à proportion de la réduction de leur nombre. Il en résulte que l'esbaudissement qui a servi de déclic à la pensée trans-animale nourrit la consternation des premières intelligences éveillées, tellement la raison des maigres pelotons de l'étonnement n'en revient pas de ce que la nature ne produise que quelques spécimens par siècle dont les neurones observent les prisonniers de leurs délires collectifs - ils se les transmettent sur le mode coercitif d'une génération à la suivante.Car la multitude des fuyards des forêts s'obstine à gîter bien davantage dans l'enceinte contraignante de ses représentations fantastiques du monde que dans l'arène impérieuse du réel. Bien plus, si le fabuleux, le merveilleux et le surnaturel se complaisent à torturer ces malheureux ou à les rendre jubilants, leur démence native se révèle également la source de la gloire et de la fierté dont leur crâne s'enorgueillit. Qu'en est-il d'un primate que son entendement infirme condamne à se fabriquer des armures mentales et des parures cérébrales périssables dans le silence et le vide du cosmos?Mais la stupeur de l'anthropologue et du philosophe désormais confondus ne cesse de croître au spectacle de la perpétuation du mystère que voici: dans aucune langue il n'existe des écrits où des traditions orales qui dresseraient le portrait en pied et dans la durée d'un vivant effrayé par la casemate éternelle de l'infini qui verrouille sa cage. Son expulsion soudaine de la zoologie se veut à la fois joyeuse et terrorisée. On prétend que si ce primate s'agenouille depuis la nuit des temps devant les acteurs inexistants et éphémères qu'il a expédiés en villégiature dans le néant et s'il se prosterne la face contre terre et le front dans la poussière aux pieds de géants d'une longévité variable , ce serait seulement pour le motif contraignant que ses adorations seraient le fruit d'un effroi inguérissable de se trouver là sans rime ni raison. Mais les confessions écrites qui témoignent d'un sentiment d'abandon et de solitude irrémédiable de la bête racontent seulement le regard de travers qu'un Jupiter sourcilleux ne cesse de porter de là-haut sur l'encéphale biphasé de ses scribes.Du coup, Adam serait-il seulement le "coquin" dont il faudrait "craindre les tours", dit La Fontaine, le chacal qu'il serait vain de "choyer" dans l'espoir d'une "caresse en retour"? Mais ce diagnostic implacable du fabuliste ne répond pas au chassé-croisé inquiétant que voici: ces insectes ardents à se placer sous la lentille de leurs ciels successifs ne cessent de prendre acte de l'évolution de leurs pauvres dévotions; et leurs médecins enregistrent les symptômes de la pathologie dont leurs génuflexions et leurs prières témoignent d'une génération à l'autre - au point qu'ils en exposent sans relâche les modèles les plus achevés. Comment se fait-il que l'enfilade de ses crânes que cette espèce expose sous vitrine dans ses musées raconte l'évolution qui les bouscule rudement et qui finit par détruire leurs songes, mais seulement pour les remplacer aussitôt par des modèles jugés plus parfaits? Quel est le scénario qui sous-tend les péripéties de la foi? Comment les marques de fabrique de l'encéphale de Jupiter et de ses fidèles, permet-il de tracer en retour et d'un crayon assuré les itinéraires parallèles du cerveau céleste et terrestre d'une bête dédoublée de la sorte? Comment se fait-il que l'amélioration continuelle de la qualité des prises de vue d'un défilé de boîtes osseuses dédoublées finisse par tourner à la gloire du chimpanzé ? Car ce bimane mémorieux semble progresser avec lenteur, mais sûrement sur les tréteaux de sa "purification".Certes, il paie un lourd tribut à son recul grandissant à l'égard de sa propre carcasse, mais jamais une mutation décisive de ses gènes ne le fait échapper aux criailleries de ses Olympes à la chaîne. Tel est l'embarras de l'observateur transcendantal de cet animal: comment le localiser dans le temps de son histoire si son cerveau évolutif ne tente jamais de se distancier radicalement de ses dieux? Craindrait-il de les voir grimacer, s'effaroucherait-il de prêter l'oreille à leurs ricanements? Pourquoi le chimpanzé en voyage sous les yeux de Chronos fuit-il les haut-parleurs qu'il installe pourtant dans les nues aux fins, primo, de suivre ses propres traces, secundo de capturer ses trajectoires dans le temps, tertio, pour filmer les ripailles de Jupiter d'Aristophane à nos jours?Néanmoins, il demeurerait bien impossible à ces traînards de jamais se doter d'un regard surplombant sur leurs sillages dans la durée et d'entendre leurs vagissements dans le cosmos s'ils ne tentaient de plus en plus fréquemment de passer derrière leurs miroirs. Le bimane appelé à s'observer résolument de l'extérieur cessera-t-il un jour de s'entêter dans le sens contraire, celui de s'enfuir à toutes jambes à la vue de son image horrifique? Car il s'exercer tout ensemble à se soustraire à sa rétine et à se placer sous la lentille de ses instruments d'optique les plus perfectionnés.Pour l'instant, jamais vous ne parviendrez à enregistrer la course réelle d'un animal déguisé sous le vêtement des personnages merveilleux et terribles qu'il se donne pour témoins. Pour cela, il vous faudra dérouler la pellicule à rebours. Sachez que le globe oculaire préhumain est un rétroviseur taraudant. Il lui faut sans cesse passer du plein du monde au vide qu'il habite, de son soleil à son ombre, de la capture de sa proie aux ténèbres qui l'ensevelissent. Si ce malheureux ne rame pas à contre courant, s'il ne tente pas de remonter le fleuve du temps de son embouchure à sa source, le sable efface bientôt la trace de ses pas. Mais s'il suit la piste, il ne recueille jamais que quelques touffes éparses de sa fourrure d'autrefois.C'est pourquoi il n'est jamais au bout de ses peines: tout son instinct de chasseur à l'affut de son identité ne laisse entre ses mains qu'un simulacre de lui-même, tellement il est condamné à s'enfuir, terrorisé à la seule vue de son effigie flottante entre l'ange et la bête. Comment se fait-il que ce bancal ridicule ne fixe jamais sur la toile qu'une esquisse du personnage claudicant dont il cherche pourtant l'image dédoublée dans sa tête, et que Valéry appelait un "ni ange ni bête", un "ni l'un, ni l'autre", une sorte d'émulsion de la nature?Quand les évadés des forêts observent le troisième type de vivants né du croisement entre un passé à demi effacé et un avenir virtuel, ils tournent leurs regards en direction de leurs peintres impuissants, leurs sculpteurs maladroits, de leurs poètes asséchés - ce n'est jamais que le César du ciel mal embouché de l'endroit qui frappe leur globe oculaire. Voyez la statue de l'éternité de confection qu'ils se sont façonnée, voyez le ballot dont ils ont chargé leurs épaules, voyez la caricature d'eux-mêmes qu'ils hissent vers le faux ciel qui les habite. Ils ne brodent jamais que des galons sur la casquette d'un petit capitaine du cosmos.Remarquez cependant que les avortés de leurs songes de grandeur passent par les cornues de fer et d'acier de leur politique et de leur histoire et qu'ils se trouvent pris en étau entre leurs armures et les sucreries dont ils croient nourrir leurs ossements à titre posthume. Mais si vous observez de plus près ces égarés réfléchis dans le miroir sans tain de l'éternité qui les habite, vous entendrez ronronner le moteur d'un tout autre appareil de tournage et vous filmerez une aventure toute différente de la première, car vous commencerez de vous dire qu'il est vain de tourner la manivelle de leur ciel à eux et que vous ne remettrez jamais ces animaux qu'entre les mains du Jupiter qu'ils auront forgé sur leurs vaines enclumes. Cherchez donc l'autre caméra, celle qui vous permettra de filmer leurs ombres et leurs songes en direct.Car enfin qui sont-ils? Ils vous montent sur leurs ressorts brisés le mécanicien d'un cosmos dont ils ont réfuté la machinerie depuis des siècles; ils torturent sans fin leurs squelettes pérennisés sous la terre et leur Jupiter ridicule n'est jamais que l'armure de l'immortalité dont ils ont chargé leurs épaules. Décidément, il n'y aura ni connaissance réelle des rouages psycho-biologiques de cet animal, ni chirurgiens de ses Jupiter s'ils ne récrivent leur script de la première ligne à la dernière. Mais s'ils placent la dernière scène au commencement, ils graviront le pic au sommet duquel ils ont fait trôner leur ogre du cosmos. Il faut donc qu'ils entrent en spéléologues dans l'absence de celui qu'ils cherchent tout sautillants et tremblants et qu'ils se demandent enfin: "Qui serions-nous si nous prenions le fardeau de notre ciel sur nos propres épaules, qui deviendrions-nous si nous apprenions à rire des bésicles dont nous chaussions le nez de notre dernière idole? "Il n'existe pas encore de conteurs de la chute des idoles sur l'échine de l'animal pourtant en quête d'un regard de haut sur sa propre ossature. Lorsque Jupiter mourut, disent ses biographes, ses orphelins ont donné en hâte au dieu défunt et dur d'oreilles un catafalque nouveau pour campement - la sépulture d'un espace et d'un temps moins étriqués à glisser sous sa fourrure. Alors, la casemate en longueur, largeur et profondeur du cosmos des Euclide et des Descartes s'est habillée de vêtements plus mystérieux que les précédents; et la bête qui s'était fabriqué un univers à trois dimensions seulement a tenté de s'équiper de paramètres géométriques inconnus et auxquels elle ne comprenait goutte.Il existerait, disait-elle, une quatrième, une cinquième, une sixième dimension narrative du chimpanzé! Quand ces malheureux se furent largués dans une absence, un vide, un silence qui, hier encore, se pressaient en vain à leurs portes, ils ont commencé de frapper à poings nus aux portes de leurs ténèbres - et leur caméra s'est décidée à filmer un animal à jamais privé d'interlocuteur, mais plus en quête qu'auparavant de l' effigie sans voix qu'il était devenu à lui-même.Qu'en est-il aujourd'hui de l'évolution cérébrale de l'évadé des forêts qui, depuis son expulsion ahurie de la zoologie, n'a cessé de fixer des rendez-vous manqués aux neurones de son ciel? Ne faut-il pas s'étonner qu'une bestiole censée se trouver en cours de métamorphose permanente et inachevable de ses composantes psycho-chimiques rencontre maintenant un personnage en cours d'effacement de sa propre effigie?Il est vrai que cet animal se livrera longtemps encore aux crocs de ses mangeurs sacrés, il est vrai que cet animalcule donnera longtemps encore son corps à dévorer et son sang à boire bien frais à la table de son Créateur à la poigne de fer, il est vrai que ce microbe ignorera longtemps encore les négociations serrées de ses ancêtres avec leur cannibale des nues. Mais placez le primate halluciné sous la lentille de vos microscopes, démontez un par un les rouages du touffu des forêts, découvrez les carnassiers célestes qui dévoraient sa viande et buvaient son hémoglobine et demandez-vous si le monstre du ciel des singes se mirait dans son alter ego, le minuscule tueur qu'il avait pétri à son image sur la terre. Alors, ce séraphin arrachera sa proie à la férocité de son ciel et vous entendrez sonner la cloche annonciatrice de l' intelligence et du courage à venir des rescapés de la nuit.Pas de doute, les déserteurs de la zoologie brûleront un jour leurs dévotions d'autrefois dans le feu de leur solitude, pas de doute, la bête de la mort apprendra à rejeter la nourriture de ses dieux ensauvagés, pas de doute, Jupiter tombera dans la trappe que sa créature lui aura tendue. Alors, elle autopsiera le cadavre qui se cachait derrière son miroir de là-haut et qu'elle appelait "Dieu".Lacan logeait "personne" au cœur de toute sa psychanalyse; et, dans sa Spectrographie de l'Amérique, Keyserling (1880 - 1946) observait l'humanité auto-idéalisée dans le miroir que la civilisation du sang ne tendra au monde qu'un demi-siècle plus tard. Quelles "voix du silence" Lacan, Keyserling, Malraux mettaient-ils à l'écoute de "personne"?Décidément, quelle histoire de la lumière que celle de l'animal guetté par les ténèbres; décidément, quel puissant compagnon d'armes de la bête affolée que son étonnement! Voici qu'elle s'initie à l'art de tendre l'arc de la pensée, voici qu'elle apprend à lancer dans le vide la flèche de feu de la connaissance.Le frère d'armes du savoir s'appelait le tragique; et le tragique façonnait en retour le Dieu de la bête. Et maintenant, les évadés de la zoologie filment un animal éclairé par le flambeau de son éveil. N'est-il pas étonnant que l'éternité s'allume à l'école de l'incandescence de la créature? Quel est l'avenir de la Folie qu'Erasme cachait sous un éloge moqueur de la folie ? Le silence serait-il le Mont Carmel que gravirait une espèce ascensionnelle?"le 16 novembre 2013
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