Le plus souvent dans notre époque on nous produit dans la presse et sur les écrans d'amers sophistes philosophes sourcilleux qui viennent écrire et débattre, sentencieusement, en beaux parleurs, des affaires de notre temps, certains avec des mines sombres et des gémissements de chiens battus, d'autres qui aboient avec des kalachnikovs dans la mâchoire, prêts à entrainer le monde dans leur folie meurtrière, et d'autres encore avec des mines compassionnelles et des vagues d'émotions à l'eau de roses, qui s'épandent sur les malheurs des minorités communautaires dont il est admis dans leur idéologie étroite et synthétique, qu'elles sont les victimes, selon eux, de la part des pays occidentaux, dont naturellement la France, de xénophobie, d’exploitation, de racisme, d'exclusion, de marginalisation et de mise à l'index abusives et intolérables en raison de leurs modes de vie , différents du nôtre, ..... comportement, habillement, habitudes ,alimentaires ect..., mais encore et cette fois d'une manière générale en dénonçant l'homophobie comme la plaie révélatrice d'une civilisation rétrograde et rigide , obscurantiste, extrémiste, encadrée par les religions.
Et pour corolaire nous avons aussi des politiques du même acabit qui défendent les mêmes causes avec les mêmes arguments , et qui pour y porter remède à leur façon, sous prétexte que nos valeurs traditionnelles et nos lois ne correspondent plus à la demande des minorités et à l'évolution des mœurs, se font "le devoir" d'imposer pour leurs citoyens contemporains, sans les consulter, de nouvelles lois en les présentant comme une évolution de notre civilisation vers un monde nouveau ,égalitaire, fraternel , multiculturel, libéré des entraves morales et physiques abusives, selon eux, que la société leur imposait, un monde nouveau ou chaque individu pratiquerait sa citoyenneté selon ses choix personnels, dans tous les domaines de sa vie civile et privée.
En parlant de civilisation et de langage , il faut rappeler que la France autrefois était reconnue comme la première en tête des "République des Lettres" pour la vérité et la raison que ses philosophes, savants , écrivains, artistes, et intellectuels dans leurs publications , déclarations et représentations, mettaient en évidence , et de préférence, au-dessus de toutes les arguties des sophistes beaux parleurs à la mode de
leur temps, hélas ! de nos jours la "Républiques des Lettres" en France est
à l’agonie, c'est une nouvelle "République de la parole, de l'image et de la fiction" qui est en marche, celle de la classe des écrivailleurs et parleurs patibulaires, sinistres, pleureurs, violents, que la France met en évidence, tous propageant par leurs plumes
ignorantes, leurs déclarations, leurs œuvres de représentation, une nouvelle forme de civilisation , avec pour références l 'évolution des mœurs civiles et privées, comme si leurs dégradations justifiaient une banalisation, qu'elles servent d'exemple, qu'elles soient prises en compte comme des valeurs de civilisation.
Heureusement nous avons pour nous récréer, des philosophes contemporains qui tout en situant les vrais maux dont souffre l'humanité, au lieu de gémir et de faire pleuvoir des larmes à l'eau de roses, s'adressent à notre raison, en les lisant, en les écoutant nous expliquer avec le savoir et les compétences qui leur appartiennent nous découvrons leurs analyses des véritables causes qui conduisent les cycles des civilisations soit à leur apogée, à leur déclin, à leur décadence et à leur renaissance , en un éternel recommencement au cours des siècles.
Et ce qui est appréciable c'est que ces philosophes n'ont pas besoin de se montrer avec des visages marqués par la tristesse ou la colère, bien au contraire leurs visage sont éclairés, leurs regards brillent d'intelligence et il est agréable de les voir sourire en analysant sérieusement les travers des hommes politiques et leurs langages, et les causes de la course à l'abîme de la Ve République.
C'est pourquoi nous vous proposons de lire ci-dessous une " Brève histoire des déconvenues et de la course à l'abîme de la V° République " un nouvel écrit de Manuel de Diéguez , un auteur, un philosophe, que je considère comme l'un des survivants de la République des Lettres.
Source : Site de Manuel de Diéguez:
Source : Site de Manuel de Diéguez:
Brève histoire des déconvenues et de la course à l'abîme de la Ve République
1 - Les républiques dans la tempête
2 - De Gaulle
3 - De Pompidou à Mitterrand
4 - Les premiers ravages politiques de l'inculture de l'Etat
5 - La sacerdotalisation de la magistrature
6 - M. Sarkozy
7 - François Hollande
8 - L'homme d'Etat face au réel
9 - La généalogie des civilisations
10 - La classe du savoir et de la parole
11 - Les Tziganes et la France
12 - Une vérification expérimentale
13 - Le retour de l'octroi
14 - La course à l'abîme
1 - Les républiques dans la tempête
Dans les époques livrées aux ouragans de l'histoire, les démocraties
ont besoin de vrais chefs d'Etat. Mais que faire si, de toute
nécessité, le gouvernement populaire se révèle viscéralement
rebelle à ouvrir le chemin du pouvoir à l'homme politique né
pour affronter les tempêtes, puisque le mode de sélection des
représentants du peuple souverain ne peut conduire qu'à l'élection
de petits notables locaux? Les Romains avaient résolu un instant
cette aporie constitutionnelle, donc insurmontable par nature
et par définition: ils faisaient nommer un dictateur par leur
Sénat d'oligarques éclairés, mais pour six mois seulement -
un paysan pouvait suffire à la manœuvre. On n'imagine pas une
démocratie à la fois développée et qui serait pourtant demeurée
vertueuse au point de traiter en simples hommes de main une
super élite d'agriculteurs plébéiens prêts à servir de sauveteurs
empressés à la patrie en danger et qui retourneraient modestement
à leur charrue après un semestre de pouvoir à la fois absolu
et hautement désintéressé.
La
Ve République est née de la médiocrité municipale des IIIe et
IVe Républiques. Si l'encéphale d'un chef d’État se cachait
dans le troupeau des petits parlementaires, il y détonnerait
autant que le candide Pompée, qui à son retour triomphal de
la Judée vaincue avait tenté de se fondre dans le troupeau des
sénateurs au petit pied. Si Cincinnatus avait été sénateur,
comment l'aurait-on réduit à la minusculité parmi ses confrères
ou, tout au contraire, comment lui aurait-on mis une couronne
de lauriers sur la tête - imprudence suicidaire et qui valut
à Jules César un prompt assassinat par ses pairs, les petits
aristocrates ambitieux de l'époque?
En
1946, la classe des notables de Lilliput a renvoyé le Gulliver
du 18 juin dans ses foyers, parce qu'on ne se rend pas impunément
coupable de l'exploit de sauver une nation; puis, en 1962, sitôt
la guerre d'Algérie coûteusement terminée, l'Assemblée Nationale
a tenté de licencier ce microbe à l'exemple des nombreux Présidents
du conseil, que ses confrères piétineraient tous les six mois,
parce que le tour de son successeur était venu. Comment "caser"
ou jeter aux oubliettes après usage un personnage historique
auquel l'histoire a accordé une stature incompatible avec l'allure de
croisière paisible des républiques? Le Général n'était
ni Pompée, ni Cincinnatus. En 1962, le peuple français aux abois
a élu le seul chef d'Etat qu'elle avait sous la main, mais comment
ne pas lui donner une majorité parlementaire de fidèles exécutants
de ses volontés, comment ne pas replonger dans la médiocrité
une République péniblement sauvée?
Aussi
la gangrène de la corruption de la société civile s'est-elle
aussitôt révélée non moins mortifère que sous les IIIe et IVe
Républiques; et les scandales en chaîne n'ont pas tardé à renforcer
l'autonomie, puis l'arrogance d'une phalange de caciques à mi-chemin
entre la haute noblesse de cour et une garde de sicaires. Il
est alors apparu qu'un peuple de roitelets du suffrage universel
ne saurait porter un regard de haut et de loin sur la planisphère
et sur le gouffre vers lequel elle se précipite: seule une connaissance
anthropologique de la bancalité du genre humain peut donner
à la classe dirigeante d'une démocratie le recul nécessaire
à la pesée des destinées du globe terrestre.
Une
fois de plus, la rue a tenté d'écrire l'histoire de la France,
une fois de plus, la République est tombée dans la turba
qu'évoquait Cicéron.
- Le Vatican et l'avenir de la pensée politique mondiale , 2 novembre 2013
Alors
Georges Pompidou, excellent helléniste, poète au goût sûr et
banquier émérite des Rothschild lancera la police d'un certain
Marcellin, sénateur, aux trousses d'un peuple de 1968 qu'il
fallait faire rentrer dans le rang afin de remettre la classe
dirigeante en complet veston. Puis son successeur, M. Giscard
d'Estaing prononcera les paroles les plus élégamment allogènes
à tout véritable chef d’État: les Français, disait-il, passeraient
désormais avant la France. Mais tout pouvoir est solitaire,
autoritaire et tenté par l'arbitraire. Il a fallu renvoyer un
Poniatowski devenu trop familier.
Sous
la Ve République, on joue les grands chambellans. Mais il y
faut du tact. Si M. Chirac n'avait pas été inutilement humilié
par l'incongruité de se voir invité à déjeuner au Fort de Brégançon
aux côtés d'un maître nageur tout rouge de se trouver là, l'histoire
de la France n'aurait pas été aussi bouleversée par une entorse
aux usages du monde et aux règles de l'étiquette que l'empire
romain le fut par le nez de Cléopâtre - la vengeance de l'offensé
a porté au pouvoir un ancien ministre de la IVe République,
M. François Mitterrand. Tout le petit personnel bien cravaté
des notables d'autrefois est remonté à ses côtés sur la scène.
Naturellement, la gauche, alors imbibée d'un marxisme évangélisateur,
a conduit l'économie française au naufrage annoncé; et le ras
de marée d'une nouvelle majorité parlementaire a remis le pouvoir
exécutif entre les mains de ce qu'il restait de la bourgeoisie.
Mais, en bon cacique de la IVe République, M. Mitterrand a su
prendre appui sur la lettre de la Constitution de la Ve République
pour demeurer à l’Élysée. Alors, la France a connu la plus claudicante
des démocraties bicéphales. Certes, le chef de l’État n'était
plus ni un Coty, ni un Lebrun, ni un Vincent Auriol, puisqu'il
demeurait l'élu du peuple souverain pour sept longues années; mais, dans le même temps, un Président de la République privé
de sa majorité parlementaire, se trouvait dans l'incapacité,
faute d'exécutif à ses ordres, de faire approuver par le Parlement
et de promulguer des lois, tandis que l'initiative législative
se retrouvait tout entière entre les seules mains des élus de
la nation - mais passés sous la tutelle de Matignon - de sorte
que le Premier Ministre était devenu plus puissant tant en politique
intérieure que sur la scène internationale que le Président
assis sur les coussins d'un trône tout d'apparat.
Mais M. François Mitterrand savait, en vieux routier du régime
parlementaire, que les démocraties représentatives sont ingouvernables
par nature et par définition: un exécutif et un législatif arrachés
des mains du Président rendait ce dernier tout nominal, mais
porteur, dans l'imagination populaire, de la tiare du peuple
souverain, donc appelé à bénéficier d'une mythologisation rapide,
à l'image de la monarchie inactive, mais auréolée de ses métaphores
de la vieille Angleterre. Quand M. Chirac a dû affronter dans
les urnes un Elysée en carrosse et tout rutilant, le vieux renard
trônant dans son Versailles de pacotille a aisément terrassé
son adversaire sur le champ de bataille du clinquant politique.
Mais,
du coup, on a vu un Edouard Balladur enveloppé des soies d'un
mamamouchi républicain tenter de terrasser son "ami de trente
ans" dans l'arène du "peuple souverain"; et
Jacques Chirac a pu monter sur le trône, soutenu en coulisses
par M. Mitterrand. Fragile majorité que celle-là: une brise
légère ayant paru favorable aux augures, une Assemblée nationale
plus indocile et amère que jamais fut dissoute sur les instances
de M. de Villepin - et les nouvelles élections ont porté derechef
une gauche fatiguée au pouvoir.
Le
même scénario d'une cohabitation brinqueballante allait-il se
reproduire une fois de plus? Verrait-on le candidat de la gauche
à la présidence de la République vaincre le candidat de la droite?
Nenni. Car un autre vice non moins inhérent à la Ve République,
est soudainement apparu au grand jour: l'incroyable inculture
historique et politique de la classe dirigeante post-gaullienne.
Apprenez que M. Jospin ignorait tout des origines de la cité,
qui naquit du combat contre la délinquance à Athènes au VIIIe
siècle avant notre ère. Alors fut inventée la justice d’État,
donc l'autorité coercitive dont la sévérité exemplaire a permis
de substituer de force et par la terreur de la loi un droit
pénal enfin efficace au règne désordonné et plus ou moins chanceux
des vengeances privées. Puis une magistrature fière de sa férocité
s'est peu à peu constituée en une caste privilégiée et auto-sacerdotalisée
par la dignité auguste attachée au droit de vie et de mort sur
tout le monde. Devenue à la fois arrogante et jalouse de conserver
son statut paraclérical, la justice s'est peu à peu sacralisée
et rendue intouchable pour retomber entre les mains des voleurs
dont elle s'était libérée près de trois mille ans auparavant.
Alors
des assassinats impunis et incompris de la gauche inculte des
technocrates de l'ENA ont assuré le triomphe du bon sens populaire;
et un Jean-Marie Le Pen a expulsé, le glaive des légionnaires
d'Algérie à la main et avant le second tour de l'élection présidentielle,
un Lionel Jospin égaré sur un champ de bataille étranger à l'éducation
politique de la gauche. Comment un candidat ambitieux de se
hisser au sommet de l'Etat peut-il ignorer que, depuis le Code
d'Hammourabi des Assyriens, l'ordre public s'est révélé le fondement
sine qua non de tous les États civilisés et que ledit "ordre
public" est toujours du ressort d'une police couronnée de la
tiare d'une classe de boulangers du pain bénit de l'endroit
- celui de la Genèse ou du four des hosties qu'on
appelle maintenant des idéalités?
Du
coup, M. Chirac a été porté à la Présidence de la République
par la vague de fond des citoyens affolés par le spectre de
la tyrannie militaire. Mais le mal était fait: le prestige de
la République gaullienne, selon laquelle un peuple d'experts-nés
et inspirés par le dieu Liberté ferait descendre de l'Olympe
de la démocratie un chef d'Etat dont tout le monde reconnaîtrait
le génie au premier coup d'œil, se trouvait définitivement ruiné,
du seul fait, évoqué plus haut, que les Républiques ne sont
pas nées pour affronter les tempêtes de l'histoire et que le
mythe d'une rencontre providentielle entre un homme éminentissime
et un peuple de spécialistes de la géopolitique n'avait plus
le sens commun. On n'enfante pas artificiellement et par calme
plat les circonstances dramatiques qui seules permettent aux
chefs d’État bien trempés de monter sur les planches de Clio.
De même que M. Mitterrand avait profité de la chute du vent
sur le théâtre du monde, M. Sarkozy a profité de la marée basse
pour s'emparer en sous-main et sans coup férir du parti du Président
en exercice. Il suffisait de prendre appui sur la majorité parlementaire
du moment pour se trouver hissé au sommet de l’État.
Quel paradoxe qu'un Président de la Ve République sélectionné,
en fait, par les notables grouillants dans les coulisses de l’État administratif, donc par une pléiade de fonctionnaires
myopes et incrustés à vie dans les rouages de la bureaucratie,
quel paradoxe, dis-je, que celui d'une candidature à l'usage
d'un suffrage universel rendu d'avance docile à un Parlement
truffé de ronds de cuir! Mais alors, comment une nation ne tomberait-elle
pas entre les mains d'un aventurier audacieux et entré par effraction
dans la classe des petits salariés de l'Etat? Le peuple
semble conserver le premier rang, mais seulement sur la place
publique, tandis que, derrière les décors, les organes de la
IIIe et de la IVe Républiques se sont remis en place.
Mais
à quoi bon s'exclamer: "Revoilà les machinistes de tout ce théâtre"
si seules les catastrophes font monter sur la scène les chefs
indispensables, mais dangereux, parce qu'ils ne se laisseront
pas, hélas, renvoyer au soc de leur charrue pour avoir sauvé
la République comme en passant et sans avoir reçu une récompense
proportionnée au service rendu à la patrie.
Mais la France a franchi une étape nouvelle avec l'élection
de M. François Hollande; car maintenant, ce n'est plus un conquérant
agité et lové au sein des engrenages de la classe dirigeante
et d'un corps législatif gangrené qui s'est trouvé porté à l'Elysée
par le bagout qui avait conduit M. Sarkozy à surprendre la bonne
foi de sa proie - le suffrage populaire - mais un homme d'appareil
et d'intrigues, un expert rompu à l'art d'arbitrer les petits
conflits de personnes au sein d'un parti politique où la géopolitique
n'a jamais sollicité sérieusement l'attention de personne. Ce
néophyte allait débarquer de son petit nuage sur la scène internationale
et conduire la France au Waterloo diplomatique le plus mémorable
depuis des décennies, puisque la Russie et l'Amérique lui ont
tourné le dos d'un même élan pour négocier en tête à tête un
accord mondial sur l'avenir de la Syrie et de l'Iran. Qui aurait
seulement imaginé qu'il reviendrait à la Ve République de rendre
tout nominal le titre et le rang d'une France censée demeurer
au Conseil permanent de sécurité aux côtés de la Russie, de
la Chine, de l'Angleterre et des États-Unis?
Du coup, la question de l'incapacité constitutionnelle des Républiques
de porter un homme d’État à leur tête en temps de paix rencontre
le tragique de l'histoire des démocraties depuis Périclès. Car
un Président qui ignorera l'art de la parole et qui ânonnera
le français se révèlera inapte à exercer sa fonction, même s'il
se trouve seulement hissé à la tête d'une petite démocratie
parlementaire. M. François Hollande extrait du fond de son gosier
des tronçons de phrases qu'il intercale entre de eeeeee embarrassés.
- Le retour du fléau des e e e e e e e, Un dialogue imaginaire avec M. Alain Rey, 30 octobre 2011
Le
mimétisme des courtisans d'un trébuchement contagieux du langage
a rendu foudroyante la progression de cette maladie. M. François
Hollande sait qu'il n'y a pas d'autorité politique respectée
et durable dans une démocratie si l'art de l'éloquence n'en
est pas le vrai sceptre. Aussi a-t-il fait rédiger à la hâte
et en vue de son intronisation un discours du Bourget hyper-gaullien,
qu'il a fort bien déclamé et qui l'a fait débarquer instantanément
sur la scène internationale, mais pour quelques heures seulement.
Un homme d'Etat n'est pas un acteur insurpassable : seuls les
gens de théâtre disaient du Général de Gaulle qu'ils n'étaient
que des apprentis devant ce Talma.
Puis,
à l'instar de M. Jospin, M. Hollande a pris un rendez-vous dramatique
avec l'inculture des petits notables de la IIIe et de la IVe
République.
Avec
François Hollande, une classe dirigeante qui a raté sa scolarité
est devenue un acteur dont l'ignorance de la scène s'est rendue
tellement visible aux yeux de la presse internationale qu'elle
s'est révélée le protagoniste principal des échecs du gouvernement.
Car il est apparu plus clairement encore, et aux yeux du monde
entier, que l'histoire est le séminaire de la science politique
de haut vol et qu'un dirigeant qui ne se trouvera pas informé
du passé culturel et évènementiel de sa nation ne disposera
en rien des instruments indispensables au grand jeu de l'action
publique. Par définition, un homme d’État est porté par son
inspiration naturelle à écouter les leçons de l'Histoire et
à tirer les conséquences des tragédies du passé. Si Clio n'est
pas lue et comprise comme l'institutrice de l'autorité des États,
la science historique perd son pédagogue et tombe entre les
mains des petits chroniqueurs.
Mais l'histoire enseignée aux enfants est nécessairement rédigée
par de simples mémorialistes, et seulement aux fins de catéchiser
une génération après l'autre, parce qu'on n'imagine pas l'instruction
publique initier officiellement la jeunesse à la connaissance
du timon des Etats et au pilotage des neurones du genre humain.
On évangélise désormais le corps électoral
à l'école des idéalités de 1789
comme on évangélisait hier l'écoute de
l'histoire sainte. A la croisade rédemptrice de l'Eglise
a succédé celle du mythe de la Liberté.
Mais l'histoire de la psychogénétique de la politique se lit
dans les écrits de Martial, de Pétrone, de La Fontaine, de Vauvenargues,
de La Bruyère, de La Rochefoucauld - pour ne rien dire de Shakespeare,
de Swift, de Cervantès et de Molière. C'est pourquoi la connaissance
politique de l'humanité conduit tout droit à une anthropologie
dont seuls les grands dramaturges des nations ont posé les fondements.
M. Hollande ne sait pas davantage que M. Sarkozy que les peuples
ont une identité et qu'un Etat ne saurait allait camper en Robinson
Crusoé sur une île perdue au milieu de l'Océan.
On
ne bouscule pas l'identité multimillénaire d'un peuple à demander
subitement à trente six mille maires de courir marier entre
eux des mâles et des Sapho et de donner en toute innocence des
enfants à élever à des Paul et Virginie du même sexe. Vingt
mille officiers ministériels se sont dressés contre un Etat
qui met les institutions et toute l'autorité publique au service
d'une alliance du grotesque avec le burlesque et de l'ubuesque
avec le guignolesque. Qu'adviendra-t-il d'un chef d'Etat qui
ne se demandera même pas ce qu'il arrivera demain à la nature
des choses et aux lois du monde qu'il aura violées, mais nullement
terrassées avec le seul secours d'un vote parlementaire d'occasion
et d'une loi artificiellement portée sur les fonts baptismaux
d'un semblant de démocratie. Comment ignorer que l'adversaire
est seulement rendu plus fort par des défaites tout apparentes
et seulement momentanées?
Mais la fatalité politique, qu'on appelle également le destin,
présente le triste privilège de faire choir les institutions
dans une illustration spectaculaire et caricaturale de l'abîme
qui, dans les décadences, sépare progressivement et inexorablement
une classe dirigeante inculte de la classe instruite et initiée
aux savoirs rationnels.
Car,
depuis 1945, la nouvelle ignorance de l'Etat est le fruit de
la victoire des démocraties idéalisées par leur vocabulaire.
Les abstractions montent dans les nuages et y deviennent mythologiques.
La défaite de deux tyrannies, le nazisme et le stalinisme, a
entraîné une régression mondiale et durable du réalisme politique
le plus élémentaire. Un fossé infranchissable s'est creusé entre
des sciences humaines en cours d'élaboration de leur problématique
depuis des décennies et une idéologie des droits d'une humanité
supposée universelle, donc insaisissable dans sa spécificité
séraphique, parce que fondée d'avance sur des bénédictions de
plus en plus évangélico-verbifiques. Le parfum auto-bénédictionnel
des démocraties angélisées et le déversement de l'encens d'un
humanisme hyper-conceptualisé a trouvé son expression la plus
creuse dans une législation parfumée par ses abstractions. Des
Etats censés rationnels se trouvent contraints de béatifier
sur leur sol des hordes de pillards qualifiées de pan-européennes
et connues, depuis des siècles, pour viscéralement erratiques.
C'est
ainsi qu'une "liberté" canonisée a été accordée
à des "citoyens" artificiellement réputés intégrés au Vieux
Monde. Cette grâce paroissiale a été soudainement
déclarée inaliénable, alors qu'il s'agit de tribus inaptes à
la sédentarisation depuis le paléolithique. On sait que la domiciliation
tardive des évadés partiels de la zoologie n'a été possible
qu'en raison de la découverte de deux fixatifs psychobiologiques,
l'élevage et l'agriculture. Mais, à l'époque, le déferlement
de tribus demeurées vagabondes et guerrières sur des campagnes
maintenant habitées en permanence a contraint les premiers agriculteurs
à peine enracinés sur leurs arpents à construire des cités fortifiées.
En cas de danger, les implantations de semeurs et de moissonneurs
trouvaient refuge dans ces premières casemates. Puis les défricheurs
de leurs lopins se sont assurés de la protection militaire des
petites agglomérations urbaines, qui se forgeaient déjà des
armes standardisées; et des troupes robustes ont été recrutées
dans la jeunesse campagnarde.
Quelle
aventure nouvelle ! Parallèlement à une civilisation désormais
nécessairement scindée entre ses champs et ses remparts, la
diversification des métiers n'allait pas tarder à enfanter une
classe du savoir et de la parole publique. La culture est née
de la proximité entre les us et coutumes du monde rural et les
loisirs naissants que procurait à quelques-uns une aisance financière
indispensable aux études. De Sénèque à Montesquieu, de Caton
à Montaigne, de Xénophon à Tocqueville, des propriétaires fonciers
modestes ou richissimes sont devenus des lettrés et des savants.
Mais les écoles d'éloquence des Grecs étaient déjà les foyers
d'une "culture générale", parce que l'administration des cités
exige un regard panoptique et pluridisciplinaire auquel seule
la maîtrise de l'écriture pouvait servir d'instrument. Puis,
huit cents environ avant notre ère, la cité grecque est parvenue,
comme il est dit plus haut à fonder la justice pénale sur des
écrits panoramiques et centralisés sous la poigne d'un État
en voie de bureaucratisation.
Sous
l'empire romain, ce n'étaient pas seulement Alexandrie ou Pergame,
mais les villes les plus moyennes de la Grèce qui s'étaient
dotées de bibliothèques municipales et les grands sophistes
étaient devenus des encyclopédistes itinérants
qui couraient d'une ville à l'autre faire valoir leurs
performances de chefs d'orchestre de la langue grecque. Quelques
siècles plus tard, les premières universités ont permis de fonder
des phalanges de professionnels et d'éducateurs. Au Moyen Age,
on y enseignera la théologie, mais également la médecine, le
droit et les rudiments des mathématiques. Puis, à la fin du
XVIIIe siècle seulement, les "grandes écoles" imaginées par
la Révolution française dans un esprit anticlérical ont armé
pour la première fois la civilisation de légions de savants
exclusivement consacrées à faire progresser les sciences exactes
les plus spécialisées et les plus réservées par leur nature
même à des talents rares et sévèrement triés, de sorte qu'à
la pratique assidue de l'éloquence et au culte des Lettres s'est
ajouté le moteur universel d'un monde de cerveaux séparés
de la population et inconnus de l'espace public.
Mais,
à la suite de la défaite des tyrannies rappelées plus haut,
un tabou nouveau et protégé par l'orthodoxie de type démocratique
a interdit, en fait, aux sciences humaines l'étude rationnelle,
désormais qualifiée de sacrilège, des peuplades demeurées en
retard de dix millénaires sur les fruits de la sédentarisation
de l'espèce et sur l'invention de la première des sciences,
l'agriculture. Du coup, le mode de vie des Tziganes a été baptisé
de "culture" et protégé de l'observation scientifique.
Mais il est bien évident que le niveau cérébral moyen des survivants
du paléolithique demeurés rebelles à l'apprentissage de l'agriculture
et à l'alphabétisation est nécessairement d'un étiage inférieur
à celui de l'humanité sédentarisée depuis cinq cents génération,
parce que l'initiation à une langue écrite, rythmée et ouverte
au maniement artistique et musical du discours a nécessairement
développé et diversifié le capital génétique d'une espèce encore
rudimentairement sonorisée et l'a rendue globalement plus apte
à récolter les moissons des Lettres, des arts et de la parole
publique.
Bien plus, seule une psychobiologie demeurée impropre à l'usage
de la parole stylisée et au génie des prosateurs et des poètes
a pu résister à l'individualisation de la pensée. La Ve République
tombera-t-elle dans un nouveau Moyen Age? Dans une démocratie
où le fossé culturel entre la classe des savoirs et les masses
incultes ne cesse de s'approfondir, la parole se gangrène jusqu'au
sommet de l’État; et l'on assiste au spectacle d'une haute classe
dirigeante qui ânonne le français comme les moines ânonnaient
le latin dans les monastères.
Une
famille de Tziganes se réclamait abusivement du statut des réfugiés
politiques. Reconnue inassimilable, elle a été expulsée vers
son Kosovo natal par le Ministre de l'Intérieur après quatre
ans de vains efforts d'intégration - et un coût d'un demi million
d'euros à l’État. Des lycéens sont alors descendus dans la rue
afin de protester de la présence, dans le lot, d'une certaine
Léonarda, une Tzigane qui n'acceptait de se trouver scolarisée
qu'un mois sur trois et qui, à l'âge de quinze ans, alignait
quatre ou cinq fautes d'orthographe à chaque ligne. La presse
s'était apitoyée sur son sort; et l'on avait vu le Premier Ministre
lui-même, un ancien professeur d'allemand auquel son apprentissage
de la langue de Goethe n'avait sans doute pas laissé le loisir
d'approfondir sa connaissances de l'histoire des civilisations,
avait jugé de bonne gestion de faire revenir toute la famille
afin de calmer un tollé juvénile. Puis le secrétaire général
du parti socialiste avait émis le même avis.
Enfin,
le Président Hollande en personne avait tenté de dialoguer à
la télévision avec la "victime". Naturellement, celle-ci avait
profité de l'aubaine et lui avait répondu sur le ton le plus
grossier et le plus inculte. Du coup, l'approbation populaire
de la politique du Président est tombée en quelques heures à
un quart du corps électoral, tandis que le Ministre de l'intérieur,
un homme de simple bon sens, récoltait trois cinquièmes d'opinions
favorables, tellement le peuple assistait, abasourdi, à la chute
de la République dans une débilité mentale incompréhensible
à la moyenne des Français.
Mais, dans le même temps, un autre délire administratif déclenchait
l'insurrection du peuple breton tout entier, le retour à l'octroi,
impôt qui rendait à nouveau payants les routes et chemins que
la Révolution avait ouverts à la liberté et à la gratuité de
la circulation des chars, charrettes, chariots, berlines, basternes
et diligences. Or, la révolte présentait la nouveauté de faire
basculer deux siècles du vocabulaire courant de la démocratie
et de la République dans la langue de la royauté abolie en 1789:
il s'agissait de rien moins que d'une jacquerie, comme le Ministre
de l'intérieur l'avait tout de suis compris: les citoyens arboraient
subitement le bonnet rouge des paysans qui, en 1675, s'étaient
insurgés contre les fermiers généraux de Louis XIV avides de
multiplier les taxes et les impôts sur les binards, diables
éfourceaux, fardiers, guimbardes, ribaudequins et triqueballes.
Qui
aurait seulement imaginé que la concentration du pouvoir politique
et de toute l'autorité de l'Etat démocratique entre les mains
des financiers et des caissiers de la République conduirait
tout droit la France au renversement, jusque dans les campagnes,
de références langagières assimilées et que, dans toutes les
bouches, le langage de la monarchie se trouverait en mesure
d'exprimer le rejet du despotisme moderne dans toutes les têtes?
La Ve République agonisait parmi les symboles, les images et
les signes vocaux du passé, tellement la politique fait habiter
les peuples et les nations dans l'univers mental de leur parole.
L'inculture
de Lionel Jospin l'avait fait buter sur sa méconnaissance des
fondements politiques de la civilisation des cités du droit;
l'ignorance de M. Hollande aura fait trébucher la République
sur son ignorance des relations que le langage naturel et coulant
d'un chef d'Etat cultivé entretient avec sa nation. Toute politique
prend appui sur un vocabulaire officialisé, mais celui des démocraties
n'est pas davantage celui du carcan administratif de l'Etat
que celui du monarque ne solennisait le français et ne le guindait
d'un maniérisme de cour. Si Périclès n'avait été un orateur
audible à toutes les oreilles, sur quel instrument se serait-il
appuyé? M. Hollande est le premier Président de la République
qui ne maîtrise pas la langue française dans sa coulée naturelle
et qui ne la prononce que hoquetante, hésitante et titubante,
comme il est rappelé ci-dessus.
- Le retour du fléau des e e e e e e e, Un dialogue imaginaire avec M. Alain Rey, 30 octobre 2011
Les
écrits de Salluste, de Tacite, de Cicéron, de Tite-Live commencent
par résumer les étapes de la lente évasion du genre humain du
règne semi animal des "gentes féroces" et des
peuples "religiosi et agrestes". Mais comment la lutte
parallèle contre le racisme hitlérien et l'évangélisme armé
jusqu'aux dents des marxistes a-t-elle pu faire tomber la politologie
scientifique dans une déliquescence mondiale telle que les pénalistes
eux-mêmes ignorent l'histoire des premiers siècles de l'histoire
de l'humanité et qu'aucune intelligentsia ne rappelle au peuple
français par quelles étapes les fuyards du règne animal ont
passé pour se trouver actuellement à mi-chemin de la cérébralisation
que leur évolution leur assigne?
Le 5 novembre, les bonnets rouges bretons ont adressé à l'Etat
un ultimatum qui expirait le lendemain à midi. Même une république
exsangue ne pouvait répondre que par l'affichage d'une fermeté
illusoire. Du coup, la révolte illustrait encore davantage le
gouffre qui sépare le séparatisme régionaliste du tragique de
la géopolitique contemporaine: si les bonnets rouges persévèrent
à focaliser leur combat sur leur refus de payer l'octroi, ils
conserveront leur symbolique et concentreront leurs tirs sur
un État isolé et pleinement responsable d'un rétablissement
incongru des péages d'autrefois; et s'ils étendent leurs critiques
à la plaie du chômage, ils élargissent et approfondissent leur
champ d'action, mais ils diluent les responsabilités particulière
de la Ve République dans une critique du mondialisme, alors
que l'opinion publique française et européenne demeure à des
années-lumière d'une conscience politique à l'échelle de la
planète.
Comment
initier les bonnets rouges aux arcanes d'une civilisation occupée
par cinq cents bases militaires américaines soixante-dix ans
après la fin de la dernière guerre mondiale, comment évoquer
l'incapacité du Vieux Monde d'insuffler une volonté politique
commune à un continent privé de vision et trop diversifié par
son histoire, ses langues, ses mœurs, ses disciplines budgétaires,
la dimension de ses nations, la diversité de ses lucidités,
de ses civismes régionaux et de ses mentalités pour seulement
évoquer le naufrage des décadences? Si Anne de Bretagne revenait
sur cette terre, elle ne saurait porter un regard sur l'horizon
et donner une inspiration, un avenir et un élan partagés à une
civilisation amputée de sa mémoire et qui court vers l'abîme
un bandeau sur les yeux.
Le
9 novembre 2013
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