29 août 2018

Par Manuel de Diéguez : De la grandeur d'un athéisme pensant ( source : Site de Manuel de Diéguez )

Éditorial de lucienne magalie pons


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De la grandeur d'un athéisme pensant

Le 6 décembre 2017, Donald Trump, président des Etats-Unis, a tout soudainement déclaré que Jérusalem était la capitale d'Israël dans l'éternité et qu'il convenait d'installer son ambassade dans la ville-phare de la planète de l'esprit. Cent quarante-huit Etats, dont tous les Européens - la Tchéquie exceptée - se sont aussitôt inscrits en faux contre une allégation théologique, donc mythologique par nature et par définition, qui ignorait l'existence d'un milliard et demi de musulmans sur les lieux. Mais rien n'y a fait, le Vatican a eu beau avoir aussitôt proclamé hérétique un Israël calibré de cette façon par un président américain tombé de la dernière pluie, tout se passe comme si le pilotage cérébral d'une espèce viscéralement onirique ne s'en trouvait nullement perturbé.

Il est devenu évident que l'animal d'origine forestière qu'on appelle l'homme et longtemps condamné à sauter d'une branche à l'autre, se trouve désormais soumis aux hurlements et aux tonitruements de trois divinités principales censées brandir un sceptre unique au-dessus de sa tête. Mais sitôt que l'un de nos trois démiurges mythiques empiète quelque peu sur l'empire de l'un des deux autres, nos trois Ouranos se massacrent et s'égorgent entre eux au nom de leurs rêves respectifs.

L'heure a donc sonné de saisir le taureau par les cornes. Si nous ne prenons pas vaillamment acte de ce que les trois dieux sous le sceptre imaginaire dont nous les affublons, n'existent que dans nos pauvres têtes, jamais nous ne nous trouverons avec deux pieds dans la glaise et un embryon de cervelle nichée dans notre boîte osseuse.

Devenons donc des anthropologues suffisamment éduqués pour savoir que, pour l'heure, nous n'en avons rencontré que quatre qui soient dignes d'élever cette discipline au rang d'une science réelle - Swift, Shakespeare, Cervantès et Kafka. Mais en réalité, ces quatre visionnaires du genre dont l'animalité spécifique est celle de l'espèce que nous appelons humaine, s'inscrivent dans le sillage de Shakespeare qui seul ose dire que nous écrivons une "histoire pleine de bruit et de fureur racontée par un idiot". Swift, Cervantès, Shakespeare et Kafka enseignent un regard de l'extérieur sur l'animal qui se nourrit de songes délirants, c'est-à-dire que la substance même de son délire doit être qualifiée d'onirique. Et c'est précisément parce que nous nous trouvons davantage menacés par les armes que nous avons placées dans nos seules mains que par les enfers terrifiants des premiers âges, qu'il nous faudrait doter nos trois dieux uniques d'une cervelle véritable.

La vraie guerre de la France a toujours été celle de la raison du monde. Dès le Moyen-Age, la théologie française s'est voulue la plus intelligente de l'époque, celle qui faisait "monter le pain de la foi dans le four de la pensée". Puis, c'est grâce à la France que la Renaissance eut un siècle de résurrection de l'esprit logique. Le Siècle des Molière et des La Fontaine s'est donc inscrit dans l'histoire de la pensée mondiale. Puis, avec le XVIIIe les encyclopédistes ont pris en main la première mondialisation d'une civilisation par la philosophie. Le XXIe siècle verra la France tenter de s'emparer du sceptre d'une pensée universelle face au surgissement de la nouvelle divinité - le veau d'or.

On a entendu les inspirateurs du dieu- dollar déclencher officiellement le 16 août 2018 une guerre financière totale contre la Russie: on attaquerait de front la bourse de Moscou, donc sa monnaie, le rouble. Du coup, à la surprise générale, le pape de la finance internationale, Jacob Rothschild, représentant des Rothschild de la City, décrivait, dans une lettre du 30 juin 2018 adressée à ses principaux investisseurs, les conséquences politiques de cette décision. Il écrivait que "la probabilité de guerres commerciales a augmenté" et que "les problèmes risquent de se poursuivre sur les marchés émergents" - ce qui signifiait que d'autres Etats seront également victimes de la nouvelle forme de la guerre menée par le dieu-dollar et par l'empire américain contre des Etats souverains: une guerre financière sournoise destinée à affaiblir, puis à ruiner les concurrents par l'utilisation d'un privilège financier exorbitant de la monnaie de l'empire américain. C'est ainsi que les Etats-unis gèlent les avoirs des organismes économique qui ont eu l'imprudence de commercer avec des pays placés sous embargo par le dieu-dollar. Sinon, ils soumettent les entreprises à un rackett financier monstrueux, comme les banques européennes, et notamment la BNP française, en ont fait la douloureuse expérience.

C'est donc à juste titre que Jacob Rothschild demeure "préoccupé par les problèmes géopolitiques, y compris le Brexit, la Corée du Nord et le Moyen-Orient", car près de la moitié de la planète est soumise à l'arbitraire spoliateur de l'empire. La résistance est en train de s'organiser et un retour du boomerang est prévisible.

La forme de la guerre que mène de nos jours l'empire américain sous le drapeau du dieu-dollar, viole ouvertement les trois traités de Westphalie de 1648 qui demeurent à l'origine du droit international actuel. Négociés par Mazarin, ces traités d'une grande modernité juridique établissent que tout Etat, petit ou grand jouit du même statut en droit sur la scène internationale et bénéficie d'une souveraineté inattaquable à l'intérieur de ses frontières. En conséquence, il est interdit à un Etat d'en combattre un autre à l'intérieur de ses frontières par quelque moyen que ce soit, de s'ingérer dans ses affaires et de violer sa souveraineté. A l'instar des trois dieux uniques, le dieu-dollar, prédateur et destructeur de l'équilibre mondial, cherche à conserver son pouvoir par la terreur et la guerre économique.

Autre exemple: depuis la découverte en 1543, sur le lit de mort de Copernic, du texte imprimé de son ouvrage De Revolutionibus, nous avions un peu commencé de prendre l'habitude de moins nous étonner du spectacle d'une poignée de quelques cerveaux informés face à une masse immense de centaines de millions d'ignorants. Mais nous allons bientôt retrouver le théâtre d'autrefois: au début du XVIIe siècle, la nature éprouvait encore des sentiments. Elle éprouvait notamment une "horreur du vide" qui la contraignait à remplir les creux qui lui tendaient leur béance.

C'est ainsi qu'au niveau de la mer, l'eau s'élevait à neuf mètres environ au dessus du niveau du rivage. On ne savait pas encore pourquoi cette hauteur diminuait au fur et à mesure que la pression de l'air diminuait. Seuls quelques cerveaux supérieurs, dont ceux de Torricelli et de Pascal, évoquaient une logique des forces et du poids de la masse d'air dont s'enveloppe le globe terrestre.

Trois siècles plus tard, en 2018, pas un seul ministère de la culture n'ose soulever, face aux masses soi-disant laïcisées, la question du poids moyen du cerveau de notre espèce et l'on voit des milliards de masses osseuses se donner une puissance aspirante variable au gré de l'altitude à laquelle elles se colloquent de leur propre autorité.

Et pourtant, à l'heure où l'humanité n'a des chances de devenir pensante que si elle pousse son audace jusqu'à peser sa propre matière grise, la question de la découverte des moyens d'une telle pesée se situe au cœur de l'histoire et de la politique réelle des descendants d'un certain quadrume des forêts. Mais la question socratique de se demander "qui es-tu?" s'est compliquée de la manière que l'on sait puisque nous avons été spoliés à jamais d'une connaissance rationnelle de l'espace et du temps.

Car la question politique et philosophique qui nous est désormais posée est celle de savoir quel est l'avenir de l'idée de "civilisation mondiale". Or, cette interrogation se pose dans la postérité tumultueuse, mais multiple, féconde et vivante de l'avenir de Darwin et de Freud, mais également de Nietzsche et de Schopenhauer. Or, cette recherche-là ne saurait appartenir à la classe administrative et bureaucratique, mais exclusivement aux individus isolés capables de se la poser. Ce n'est pas au pouvoir bureaucratique des Etats, comme se l'imagine Mme Nyssen, qu'il appartient de s'interroger sur l'avenir de notre boîte osseuse et de s'ériger en "ministère de la vérité" par l'établissement d'une censure étatique officielle sur internet.

Le 28 août 2018



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